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»> nié des Anglais était sur ce point unanime, » que jamais la nation ne consentirait à laisser Naples et la Sicile à un prince français, pas » même un seul de ces royaumes; qu'aucun mi>> nistre d'Angleterre n'oserait en écouter la pro» position, encore moins l'appuyer. Il avouait cependant que sa nation avait besoin de repos; » mais il gardait le silence sur les mouvemens » intérieurs dont elle était agitée, etc.»

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La conversation donna lieu de parler de choses étrangères à la négociation. Marlborough dit à l'occasion de la campagne précédente, qu'il n'avait jamais compris comment il était entré dans l'esprit des généraux français de garder, pendant l'espace de trente lieues, les bords de l'Escaut, et de se flatter qu'ils empêcheraient quatre-vingt mille hommes, de le passer en quelqu'endroit de son cours.

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Pendant les intervalles des conférences, lord Marlborough et le prince Eugène s'entretenaient avec M. de Torci, et l'instruisaient des différentes circonstances de leurs campagnes, aussi bien que des fautes des généraux français, le tout sans aucun air de fanfaronnade..

On a dit en plusieurs ouvrages, que Marlborough était fort avide d'argent. Il ne paraît pourtant pas que ce penchant fût chez lui dominant, puisqu'il se refusa à trahir la cause des alliés, malgré les offres immenses que lui fit faire

Louis XIV pour le gagner; ce qui résulte de la dépêche du roi aur marquis de Torci, en date du 14 de mai 1709.

« Je ne doute pas, dit ce monarque, que vous » ne profitiez des occasions que vous aurez de »voir le duc de Marlborough, pour lui faire » connaître que j'ai été informé des démarches qu'il a faites pour empêcher les progrès des con» férences pour la paix, et même pour les faire » rompre; que j'en ai été d'autant plus surpris, » que j'avais lieu de croire, après les assurances

qu'il en avait données, qu'il voulait y contri»buer, et que je serais bien aise qu'ils s'attirát » par sa conduite la récompense que je lui ai fait » promettre ; et pour vous mettre en état de vous » en expliquer encore plus clairement avec lui, je » veux bien que vous lui donniez une parole pré»cise que je lui ferai remettre deux millions de » livres, s'il peut contribuer par ses offices à me » faire obtenir l'une des conditions suivantes : » La réserve de Naples et de Sicile pour le roi » mon petit-fils, ou enfin la réservé de Naples » seule à toute extrémité. Je lui ferais la même gratification pour Dunkerque conservé sous mon » obéissance, avec son port et ses fortifications, » sans la réserve de Naples et de la Sicile. Même gratification pour la simple conservation de » Strasbourg, le fort de Kehl excepté, que je » rendrai à l'Empire dans l'état où il était lors

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» que j'en ai fait la conquête, ou enfin dans ce» lui où il s'est trouvé lorsqu'il a été remis sous » mon obéissance, et aussi sans réserver ni Na

ples, ni la Sicile. Mais de tous ces différens » partis, la réserve de Naples est celle que je » préférerais.

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» Je consentirais à porter cette gratification » A TROIS MILLIONS, s'il contribuait à la réserve » de Naples, et à me faire conserver Dunkerque » aussi fortifié et avec son port. Si j'étais obligé » de céder sur l'article de Dunkerque, je lui >> donnerais LA MÊME SOMME, en procurant la » réserve de Naples et la conservation de Strasbourg, de la manière que je viens de l'expli» quer, et Landau fortifié en remettant Brisach, » ou bien encore, s'il me procurait la conservation » de Strasbourg et de Dunkerque, l'un et l'autre » dans l'état où ils se trouvent. En dernier lieu » je veux bien que vous offriez au duc de Marlborough jusqu'à QUATRE MILLIONS, s'il facilitait » les moyens d'obtenir Naples et la Sicile pour » le roi, mon petits-fils, et de conserver Dunkerque

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fortifié, et son port, et Strasbourg, et Landau, » de la manière qu'il est expliqué, ou encore LA >> MÊME CHOSE, quand la Sicile serait exceptée de » cet article, etc. »

Cette dépêche, qui n'est pas louche dans l'expression, et où la corruption est si singulièrement graduée, l'on pourrait dire même, énoncée

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avec si peu de délicatesse, indique par combien de séductions, Louis xiv tentait le duc de Marlborough; séductions qui furent vaines, puisque celui-ci, de l'aveu de Torci, ne se montra point favorable à la paix.

Le prince Eugène demandait, au nom de l'empereur et de l'Empire, la cession de Strasbourg, de Landau, de Brisach, du Fort-Louis et même de toute l'Alsace. Torci lui observait que les frontières de la France ne pouvaient pas être découvertes, pendant qu'on laisserait aux autres princes les moyens d'y pénétrer; que les alliés, se montrant aussi jaloux d'avoir des barrières, il était juste de laisser au moins à la France celles qu'elle avait présentement. A ces réflexions, la réponse constante des ministres ennemis était que la France, puissante comme elle l'était, n'avait rien à craindre de ses voisins; que d'ailleurs l'Alsace n'était pas une province française, mais un pays de conquête qu'elle devait abandonner sans peine, ou tout au moins la tenir sur le pied du traité de Munster rectifié ; terme inventé par le député Buys.

Des difficultés très épineuses se rencontraient encore dans la discussion des intérêts du duc de Savoie.

offerts a la

Enfin, le pensionnaire Heinsius présenta, le Préliminaires 28 de mai 1709, des articles préliminaires, si- France. gnés par lui, le lord Marlborough et le prince

Eugène. D'après ces préliminaires, renfermés en quarante articles, la France devait, dans l'espace de deux mois, reconnaître publiquement le roi Charles III (l'archiduc) en qualité de roi d'Espagne, des Indes, de Naples et de Sicile, et généralement de tous les états compris sous le nom de monarchie espagnole ; et le duc d'Anjou devait sortir de l'Espagne avec son épouse.

La France devait remettre à l'empereur Strasbourg, le fort de Kehl, Brisach, Landau, et posséder désormais l'Alsace dans le sens littéral du traité de Westphalie, en sorte qu'elle se contenterait du droit de préfecture sur les dix villes impériales.

La France devait céder aux Provinces-Unies Cassel, Lille, Maubeuge, Tournai, Condé et autres places, etc., et par suite de ces concessions, il devait y avoir cessation d'armes jusqu'à la conclusion de la paix générale.

M. de Torci refusa de signer ces préliminaires la cour de Versailles les rejeta, et publia une circulaire contenant les motifs du rejet.

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L'espérance d'une paix prochaine (1), disait le >> roi, était si généralement répandue dans mon » royaume, que je crois devoir à la fidélité, que » mes peuples m'ont témoignée pendant le cours » de mon règne, la consolation de les informer

(1) Hist. d'Angleterre, par Rapin Thoyras, t. XII.

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