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esprits qu'on eût dû songer à réconcilier. Nous »> ne nous plaignons pas de même de ce que, >> contre la foi publique, et au mépris des plain» tes si souvent réitérées, on a ouvert toutes » les lettres que nous avons reçues ou écrites : l'avantage qui nous en revient, c'est que le prétexte qui couvrait toutes ces indignités, » s'est trouvé mal fondé ; et on ne peut pas nous reprocher d'avoir tenté la moindre pratique » contre le droit des gens qu'on violait à notre égard. Il est sensible qu'en empêchant qu'on »> ne nous rendît visite dans notre prison, ce qu'on craignait le plus, c'était que nous ne dé>> couvrissions des vérités cachées, etc. >>

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Telle fut la lettre écrite par MM. d'Huxelles et de Polignac. Les humiliations injustes qu'ils avaient reçues, en excusaient l'acerbité.

Ces deux ministres partirent aussitôt pour Paris. Le roi leur fit un accueil gracieux, et les remercia vivement de leur zèle, quelqu'infructueux qu'il eût été; et il nomma l'abbé de Polignac à l'ambassade d'Espagne; toutefois il ne se rendit pas à ce poste.

Parmi les instrumens dont se sert la politique,

1711. Préliminaires

la France et

il en est quelquefois d'obscurs, mais dont l'ob- de paix entre scurité même fait le mérite, parce que l'éclat rangleterre. trahirait les desseins qui leur sont confiés. Parmi les hommes de ce genre (1), un des plus dignes

(1) Mém. de Torci, t. III.

d'estime est l'abbé Gautier, fils d'un marchand de Saint-Germain-en-Laye, et aumônier du comte de Tallard pendant son ambassade en Angleterre. S'étant introduit chez le comte de Jersey, qui avait été ambassadeur en France après la paix de Ryswick, et dont la femme était catholique, cet ecclésiastique, malgré la rupture, était resté à Londres.

Après la révolution qui eut lieu dans le ministère par la disgrace du duc de Marlborough et de son parti, le cabinet britannique songea à ouvrir des négociations indirectes avec la France.

Le comte de Jersey, lié avec le nouveau ministère, dont Robert Harley, depuis comte d'Oxford était le chef (1), lui proposa l'abbé Gautier, comme propre à remplir les vues du ministère. Cet ecclésiastique fut agréé, et le comte de Jersey lui donna pouvoir verbal de faire savoir au roi, « que les nouveaux ministres » d'Angleterre souhaitaient la paix, mais qu'il » ne dépendait pas d'eux d'ouvrir immédiate

(1) Robert Harley, né à Londres en 1661, avait été nommé par la reine Anne, secrétaire d'état, et devint comte d'Oxford. Il opéra en 1706 l'union célèbre de l'Angleterre et de l'Ecosse, fit disgracier le due de Marlborough, et conclure la paix d'Utrecht. Cette paix, désapprouvée par un parti puissant, fit mettre, sous le règne de Georges ier, le comte d'Oxford en état d'accusation. Il sortit glorieux de la tour de Londres, le 1er de juillet 1717, après deux ans de détention, et mourut en 1727, âgé de cinquante-six ans.

»ment une négociation particulière avec la » France; qu'il était nécessaire que le roi fit » encore proposer aux états- généraux de re» nouer les conférences pour la paix générale; » que lorsqu'elles seraient ouvertes, les ambas» sadeurs que l'Angleterre nommerait pour y as» sister, auraient des ordres si précis, qu'il ne » serait plus permis aux Provinces-Unies d'en » traverser la conclusion. »

L'abbé Gautier arriva à Paris dans le courant de janvier 1711, et se présenta au ministre des affaires étrangères, M. de Torci, à qui il dit : « Voulez-vous la paix, je viens vous apporter » les moyens de la traiter, et de conclure indé» pendamment des Hollandais? (1)

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Interroger alors un ministre de sa majesté s'il souhaitait la paix, « c'était, dit M. de Torci, » demander à un malade attaqué d'une longue >> et dangereuse maladie maladie, s'il veut guérir. » M. de Torci après s'être assuré de la réalité de la mission de l'abbé Gautier, communiqua au conseil du roi ce qui se passait. Le conseil fut d'avis de ne point traiter de la paix par la voie des Hollandais, mais par celle de l'Angleterre ellemême. L'abbé Gautier repartit donc pour Londres, et, peu de jours après, en revint, demandant de la part des ministres anglais, un mémoire

(1) Mém, de Torci, t. III.

circonstancié des conditions auxquelles la France désirait la paix. L'abbé Gautier porta ce mémoire à Londres, le 18 d'avril.

Les ministres anglais contens des propositions de la France, qui étaient favorables au commerce de la Grande-Bretagne, firent consentir la reine Anne à renvoyer l'abbé Gautier, en le faisant suivre par Mathieu Prior, qui vint pour vérifier ses rapports. Le ministre des affaires étrangères, Torci, négocia avec ce dernier. Mais comme Prior était sans pouvoir, sa négociation était secrète. La nouvelle de son passage en France fut divulguée par un douanier anglais, de qui elle parvint à Marlborough, et celui-ci en donna avis à l'ambassadeur de l'empereur.

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Prior qui s'était déjà fait connaître par des poésies pleines de verve avait été employé comme secrétaire d'ambassade au congrès de Ryswick; et était passé en France en 1698, avec la même qualité auprès du comte de Portland envoyé à Louis XIV, pour arrêter le premier traité de partage. Guillaume III, qui s'était rendu à la Haye, y fit venir Prior, le consulta sur ses projets, et le fit peu après sous-secrétaire au département du Nord.

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Après la disgrace de Marlborough et le triomphe des Torys sur les Whigs, Prior s'attacha à ceux-ci et à leurs chefs, Harley comte d'Oxford, et le comte de Saint-Jean, depuis lord Boling

brocke, qui s'occupèrent aussitôt de la paix. Ce furent eux qui nommèrent Prior pour aller à Versailles, ouvrir des négociations moins rigoureuses que celles entamées à Gertruydemberg. Le choix ne pouvait être meilleur, Prior étant déjà connu avantageusement en France par ses anciennes fonctions et par ses talens littéraires. Ses pouvoirs étaient très limités : il devait simplement communiquer les conditions préliminaires de la paix énoncées dans un mémoire divisé en deux parties.

La première regardait les intérêts des alliés de l'Angleterre.

La seconde, les avantages que cette couronne désirait pour elle-même; avantages qui, quoique très élevés, étaient en quelque sorte balancés par le consentement que l'Angleterre donnait à ce que le duc d'Anjou gardât la couronne d'Espagne.

La cour de Londres demandait la cession de Gibraltar, de Port-Mahon, et de quatre places dans les Indes occidentales, sous prétexte d'assurer le commerce que l'Angleterre y faisait et se proposait d'y faire: deux de ces places devaient être au Nord, et deux au Midi.

Pour obtenir ce dernier point, qui était le plus délicat, Prior observait qu'il en coûterait peu au roi d'Espagne de les accorder dans la grande étendue des terres soumises à la domi

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