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cipaux articles du traité dont nous venons de parler, et les Français représentèrent en vain, que ces plaintes étaient suggérées aux Arméniens par les négocians anglais et hollandais.

Les choses étaient dans cet état, lorsque le marquis des Alleurs, ambassadeur de France à la Porte (1), envoya à M. Richard, supérieur des missionnaires français à Ispahan, le détail imprimé de la défaite des alliés à Denain. Richard le fit traduire à l'instant en persan, et présenter au ministre. Celui-ci en fit lecture au sophi, qui, en témoignage de la satisfaction qu'il éprouvait de ces nouvelles, donna un présent à M. Richard. Dès ce moment, il devint favórable aux Français, et résolut d'envoyer une ambassade en France, sans cependant donner de l'ombrage à la Porte. Son premier ministre confia à M. Richard, les lettres et les présens de l'ambassade, pour les remettre au biblier-bey, ou kan d'Erivan, qui, ayant reçu ordre en même temps, de faire choix d'un sujet propre pour une ambassade en France, jeta les yeux sur Mehe

(1) Pierre Puchot, marquis des Alleurs, maréchal de camp, successivement envoyé extraordinaire de France auprès d'Auguste, roi de Pologne, et près des électeurs de Cologne et de Brandebourg, et ambassadeur à la Porte en 1709, revint de Constantinople en 1717, mourut à Paris

en 1725, âgé de quatre-vingt-deux ans,

met Rizabeg, intendant de la province d'Erivan, et persan de nation.

Rizabeg partit, le 15 de mars 1714, pour se rendre à Smyrne, où il arriva, le 28 d'avril suivant, avec toute sa suite. Il fit aussitôt avertir secrètement de sa mission, M. de Fontenu, consul de France à Smyrne, et lui confia ses lettres de créance, ainsi que les présens du roi son maître, qui furent embarqués sur un navire français, partant pour Marseille. Le grand douanier de Smyrne soupçonnant que Rizabeg était un personnage important déguisé, mit obstacle à son embarquement. Alors celui-ci partit pour Constantinople, afin de se mettre sous la protection de l'ambassadeur des Alleurs, lequel pourrait par son crédit, assurer son embarquement. Mais à peine arrivé en cette ville, il fut interrogé en présence du kiaïa du grandvisir, comme soupçonné d'être ambassadeur du roi de Perse, en France. Rizabeg se donná pour un musulman zélé qui allait à la Mecque, et fut relâché, après avoir couru risque de la vie, soit comme espion, soit comme ambassadeur déguisé. Il partit donc de Constantinople avec une caravane, et comme pèlerin. M. des Alleurs ne le perdit pas de vue, et le fit suivre par Paderi, son interprète, afin qu'il facilitât son embarquement pour la France. Ce Persan arriva enfin à Marseille, au mois d'octobre 1714, et il y

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retrouva les présens destinés pour Louis xv. Saint-Olon fut le recevoir de la part du roi, et l'accompagna jusqu'à Paris., où il fut accueilli par le baron de Breteuil, introducteur des ambassadeurs (1), et le maréchal de Matignon. Cet ambassadeur qui était à la fois bizarre, emporté et superstitieux, ayant parcouru son livre des lunes, fit des instances, pour que le roi voulut remettre l'audience jusqu'au 13 de la lune, assurant qu'il lui était impossible de faire une action de cette importance, pendant des jours funestes. Ce Persan, en entrant dans la grande galerie où le roi le reçut, environné des princes du sang et de toute sa cour, parut frappé d'étonnement. Il remit ses lettres de créance, prononça un discours emphatique quoique respectueux, et remit ses présens qui consistaient en six perles, en cent quatre-vingts turquoises et en deux pots de gomme: ces présens ne parurent pas répondre à la solennité de l'ambassade et au fracas de l'ambassadeur. En partant, le roi

(1) Au mois de janvier 1585, le roi Henri 111, par un réglement spécial, érigea la présentation des ambassadeurs en charge fixe. Avant ce temps là, le roi nommait une personne de la cour qui faisait par commission extraordinaire les fonctions d'introducteur, et ce n'était pas toujours la même personne ; en sorte que c'est Henri 111, qui, à proprement parler, créa la charge de grand-maître des cérémonies, et celle d'introducteur des ambassadeurs et ministres étrangers.

1715. Renouvelle

liance avec

les Cantons suisses catholiques.

ordonna qu'on lui payât ses dettes, et sa dépense. Celle-ci s'élevait à plus de 1500 francs par jour. Il s'embarqua au Havre, et s'en retourna en Perse par la Russie.

Il est incertain, si on fit un traité de commerce avec la Perse, par l'entremise de cet ambassadeur. Cette ambassade est, du reste, la première du souverain de la Perse au roi de France.

Louis XIV, se voyant sur le déclin de l'âge, ment de l'al- désirá attacher les Cantons à son successeur par le renouvellement de l'alliance de 1663, quoiqu'elle n'eût dû expirer que huit ans après sa mort, et il ordonna à son ambassadeur en Suisse, le comte du Luc, de s'en occuper. Mais les Cantons réformés, aigris contre la France par les réfugiés calvinistes, et satisfaits de leur alliance avec les Provinces-Unies, refusèrent de prendre part à celle proposée par la France. Alors, le comte du Luc, à l'exemple de ce qui s'était passé sous les rois Henri II et Charles IX, songea uniquement à assurer au roi les Cantons catholiques et la république du Valais.

L'alliance fut donc renouvelée avec ceux-ci seulement, et jurée à Soleure, le 9 de mai 1715. La durée du traité fut fixée à la vie du roi et à celle du dauphin.

La paix perpétuelle et l'alliance de 1663, avec

(1) Hist. milit. des Suisses, par Zurlauben.

les lettres annexes, y sont confirinées, à la réserve de quelques articles.

pos

L'article X, qui rendait le roi garant du re

de la Suisse contre les attaques du dedans et du dehors, paraissant dirigé contre les Cantons réformés qui vivaient en mauvaise intelligence avec les Cantons catholiques, il en résulta beaucoup de mécontentement de la part des premiers. Le comte du Luc resta en Suisse, jusqu'au 19 de juin 1715; et il passa de là à Vienne, comme ambassadeur extraordinaire du roi (1).

Il eut pour successeur, près des Cantons, le marquis d'Avarey, considéré pour avoir contribué au gain de la bataille d'Almanza. Il s'attacha à rappeler la bonne intelligence entre les Cantons catholiques et réformés; ce que le comte du Luc avait trop négligé.

Mort de Louis

XIV;

sa politique.

Louis XIV mourut le 1er de septembre 1715, âgé de soixante-dix-sept ans. Ce prince parlait son caractère, avec sens, souvent avec justesse et dignité, rarement avec profondeur. Il fut plus ami de la guerre que guerrier, et glorieux plutôt qu'appréciateur de la vraie gloire. Ses passions, qui étaient très vives, se dirigèrent vers les femmes, le luxe des fêtes et de la représentation, la somptuosité des bâtimens, et surtout

(1) Le comte du Luc mourut le 19 de juillet 1740, âgé de quatre-vingt-sept ans, à Savigny-sur-Orge, près Paris.

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