Page images
PDF
EPUB

pliquées, pesé, comparé et analysé tout ce qui peut être digne d'estime ou de reproche, on arrivera encore à une idée dernière, qui piacera ce prince au rang des grands rois, quoique, parmi ses prédécesseurs, on en puisse compter de plus sages que lui (1).

(r) Il convient d'observer ici, qu'on ne doit pas juger Louis XIV d'après les prétendus Mémoires écrits par lui- mémé et composés pour le grand dauphin son fils, lesquels ont été publiés, il y a deux ans, d'abord en deux, et puis en six volumes; car la majeure partie du contenu de cet ouvrage n'est pas de ce prince ; ce que j'ai vérifié sur les manuscrits originaux qui se trouvent à la bibliothéque impériale, et discuté dans des entretiens critiques avec MM. les conservateurs Dacier, Dutheil et Langlès, et avec feu M. Mouchet. L'écriture, et encore moins le style, ne sont point de Louis XIV, qui n'écrivait point avec enflure, recherche et affectation, surtout depuis 1662 jusqu'en 1667; époque où il était dans les écarts, et l'oisiveté des passions.

Le je, ou la narration à la première personne, ne doit point en imposer: on avait permis cette forme à l'auteur de l'ouvrage, afin que le fils de Louis XIV, auquel il pouvait être destiné, eût plus de respect pour les leçons qu'il contenait. Il est d'autant plus important de ne pas attribuer sans motif ces mémoires à Louis xiv, que par les développémens d'idées et la manière qui y règnent, ils pourraient servir à arrêter un jugement sur lui, comme penseur, comme politique et même comme écrivain. Or, si l'opinion est fixée sur son siècle, elle ne l'est pas également sur sa personne ; et il n'est pas encore décidé si c'est lui qui a créé son siècle, ou si c'est son siècle qui a réfléchi sur lui sa grandeur.

sur la cin

riode,

Coup-d'œil La cinquième période est toute fournie par quième pé. Louis xiv, dont le règne est plein de faits très sérieux. Le goût de ce monarque pour la guerre, communiqué à l'Europe, fit fermenter dans tous les cabinets, la soif des accroissements, et l'intention réciproque de se dépouiller, de s'humilier. De là, tant de combinaisons défensives et de ligues sans cesse renaissantes. Il est toutefois à remarquer qu'au milieu des chocs redoublés qui semblaient devoir amener la chute de plusieurs états, aucun du premier ni du second rang ne disparut; et les mutations qui eurent lieu dans ces temps, considérées d'une certaine hauteur, furent presque insensibles, par suite du système d'équilibre admis alors contre la France, à laquelle on supposait une tendance à la domination universelle, quoiqu'il ne pa raisse par aucune dépêche ni instruction que Louis XIV ait eu cette prétention. Il voulait seulement se prévaloir de sa supériorité sur chacun de ses voisins; supériorité qu'il avait par le fait,

On n'a vraiment de Louis xiv, que les deux volumes manuscrits donnés, vers 1740, par le maréchal Adrien de Noailles, à la Bibliothèque du roi, lesquels renferment quelques ordres du jour de la campagne de Flandre, et des détails d'opérations militaires; plus, les causes du renvoi de M. de Pomponne, et les conseils à Philippe v partant pour l'Espagne. Or, tout cela, quoique mesuré, n'a rien de bien saillant, et chacun peut s'en assurer.

et dont il eut tort de faire parade habituelle. Quoi qu'il en soit des vues exagérées qu'on attribua à ce monarque, et qu'il put faire soupçonner par des actes de prépotence; ce fut pour établir un équilibre à l'abri duquel, les peuples pussent trouver sûreté et protection, que le stathouder et roi d'Angleterre Guillaume III, mit en crédit le système des barrières politiques, consistant, soit dans plusieurs rangs de places fortes, soit dans l'interposition d'états capables de servir de rempart contre la puissance dominante, ou arrêter du moins le premier effet de son irruption. Mais tandis que les ennemis de Louis XIV s'occupaient à créer une balance continentale, lui, de son côté, formait une balance maritime; et les flottes françaises qui, depuis François 1er, avaient disparu des mers, s'y représentèrent pour rivaliser en nombre et en succès avec celles d'Angleterre et de Hollande; en sorte que la France eut supériorité sur terre, et égalité sur mer, jusqu'au combat de Malaga en 1704, où quarante-neuf vaisseaux de ligne français soutinrent sans perte le choc de cinquante-un vaisseaux anglais et hollandais.

On trouve dans la période qu'on vient de parcourir, un grand nombre de traités de commerce bien calculés, et auxquels sont joints des tarifs complets sur tous les genres de marchandises, dès-lors très variées. On y trouve encore plu

sieurs traités de marine et de navigation relatifs à la conduite de navires, soit marchands, soit armés, à la forme des visites, à la nature de la contrebande de guerre, au cérémonial maritime, aux priviléges du pavillon, etc.

La garantie des traités de paix par le concours d'autres puissances, ou par l'appel de toutes celles qui y avaient pris part, en cas de lésion d'une seule d'entre elles, se retrouve insérée dans beaucoup de traités, comme pour remplacer les anciennes précautions, devenues insuffisantes. Mais il eût fallu s'attacher à trouver la garantie de la garantie, c'est-à-dire, le moyen de forcer le garant à remplir ses obligations; problème politique bien difficile à résoudre.

Les traités et articles secrets n'étaient pas connus dans le moyen âge. Les traités étaient regardés comme des actes essentiellement publics, et des lois de l'état, qu'on ne croyait pas suscep tibles d'être modifiées par des clauses cachées. Les articles séparés, à la suite desquels sont venus les articles secrets, étaient même fort rares; or, toutes ces choses se reproduisent assez fréquemment parmi les actes politiques du cabinet de Louis XIV.

Les traités simulés, introduits sous le ministère de Richelieu, sont encore moins susceptibles d'être approuvés, parce qu'ils tendent à détruire la foi qu'on doit aux actes les plus sacrés, et qui,

pour mériter le respect des peuples, ne doivent jamais être soupçonnés dans leur sincérité. Comment distinguer le traité véritable du traité simulé, si tous deux ont le même caractère ?

Malgré l'âpreté et l'irritation qui se manifestèrent entre les cours d'Europe, on y trouve quelques médiations, et même des arbitrages; mode de conciliation plus solennel et plus décisif, parce qu'il a force de jugement. Il est néanmoins à remarquer que si l'arbitrage fut admis, ce ne fut guère que pour des intérêts secondaires, et jamais pour des intérêts majeurs. Dans ceux-ci, l'amour-propre royal ne veut reconnaître pour juge, que lui-même et les armes.

La cinquième période diplomatique contient plusieurs beaux génies, tels que Bassompierre, les deux d'Avaux, Servien, Mazarin, Lyonne, d'Estrades, Courtin, Pomponne, Croissi, Torci son fils, les cardinaux de Janson et de Polignac, etc. Elle offre des plans hardis, des intentions élevées, et beaucoup de ces choses qui semblent agrandir la nature de l'homme, et compenser ses foiblesses. Il est vrai que le philantrope et l'administrateur ne sont pas toujours satisfaits à la vue de tant de sang et de trésors prodigués c'est une belle saison, souvent rembrunie par des jours orageux.

[ocr errors]
« PreviousContinue »