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» assurer hardiment que votre conduite à cet » égard, sera la règle de la nôtre.

» En mon particulier, je souhaiterais par» dessus toutes choses, de contribuer à une telle » correspondance.

» Vous savez ce qui nous blesse, et vous êtes >> les maîtres de faire cesser tout fondement de » jalousie. Quand monseigneur le régent y aura >> bien fait attention, je suis persuadé qu'éclairé » comme il est, il trouvera que c'est une très >> mauvaise politique, et très contraire à ses in>> térêts personnels, que de nous obliger d'être » toujours dans un état plus violent que n'est » celui d'une guerre ouverte. Vous voyez que je >> vous tiens parole, et vous parle franchement. >> Je crois que c'est toujours le meilleur que de >> savoir à quoi s'en tenir. Au reste, Monsieur, >> quelque parti que prennent nos maîtres, je » vous prie de croire que je suis avec une passion >> très sincère, etc.

L'insinuation contenue dans le dernier article de cette lettre de lord Stanhope, regardait le chevalier de Saint-Georges. Le roi de la Grande-Bretagne voyait, avec peine, que ce prince continuât son séjour dans un pays enclavé dans les provinces de France ; d'où il d'où il pouvait entretenir des correspondances avec l'Angleterre, aussi facilement que lorsqu'il demeurait à Saint-Germain ; et lord Stanhope fai

Lettre de l'ab.

bé Dubois à

sait entendre assez clairement, que le roi de la Grande-Bretagne ne pourrait prendre confiance en son altesse royale, tant que son compétiteur à la couronne d'Angleterre, serait à portée de lui causer des alarmes, et de troubler son gou

vernement.

Ce ministre parla dans le même sens, au sieur d'Iberville, lorsque cet envoyé voulut lui renouveler la proposition faite au mois de novembre précédent, d'une alliance défensive entre la France, l'Angleterre et les Provinces-Unies, sur le fondement de la garantie des derniers traités de paix.

Cependant l'abbé Dubois autorisé par le rélord Stanho. gent, crut devoir faire auprès de lord Stanhope, une nouvelle tentative secrète, en écrivant à ce ministre, une lettre en date du 10 d'avril (1716).

pe.

<< Milord, votre lettre du >> voir clair au travers des

19 de mars, mars, me fait nuages, que mille >> bruits confus produits par divers intérêts, et » peut-être par le zèle de quelques acteurs, » avaient répandus; et je suis ravi de savoir par >> un canal aussi sûr que le vôtre, les véritables » intentions de votre gouvernement.

>> Je crois pouvoir vous répondre que celles » du nôtre, sont bonnes et droites. Le carac>> tère de notre régent ne laisse pas lieu de craindre qu'il se pique de perpétuer les préjugés et le » train de notre ancienne cour; et comme vous le

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» remarquez vous-même, il a trop d'esprit pour >> ne pas voir son vértabile intérêt. Je n'ai pas » oublié que, dans nos anciennes conversations, >> vous m'avez souvent dit qu'il ne peut y avoir de » solide liaison entre les 'souverains, qu'autant » que chacun d'eux y trouve également son in>> térêt; et vous avez sagement observé dans >> votre lettre, que ce principe conduit nos deux » maîtres, non-seulement à une honnête correspondance entre eux, mais même à une >> étroite amitié.

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» Je vous suis trop redevable de vous être » souvenu de la parole que vous m'aviez donnée >> autrefois, de me parler franchement dans les >> occasions qui se présenteraient, pour ne pas » vous avouer avec la même franchise, que je >> pense tout comme vous; et que cet intérêt réci» proque doit leur assurer la solidité et la durée » des liaisons qu'ils prendraient ensemble. Je » suis tellement convaincu de cette vérité, que » je suis déterminé à contribuer de tous mes '» soins à cette union; et je vous assure que, si » dans les mesures qui se peuvent prendre de

part et d'autre, vous avez lieu de craindre que » des intérêts détournés n'apportent quelque » obstacle au bien commun des deux maîtres, >> au premier avis que vous me donnerez, je fe» rai tout ce qui dépendra de moi, pour vous >> aider à démêler la vérité, à rendre simple

>> ce qui prendrait quelque détour, et à par» venir à une liaison qui ne soit plus sujette à >> aucun soupçon; et vous pouvez éprouver, » quand il vous plaira, la vérité de ce que j'ai >> l'honneur de vous promettre. Nous ne nous » sommes jamais cherchés l'un l'autre, pour » nous tromper, et je connais trop votre sin» cérité, pour n'avoir pas avec vous le cœur » sur les lèvres. Vous devinez assez que je serais >> charmé que votre maître prît les mesures les plus convenables à son intérêt; que nous nous >> entendions avec une nation pour laquelle j'ai toujours conservé de la partialité, et durant » le ministère d'un ami aussi estimable et aussi » solide que vous.

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>>

» Au surplus, Milord, outre l'intérêt de nos » deux maîtres, je déclare que je serais ravi que >> vous ne buviez que du meilleur vin de France » au lieu du vin de Portugal, et moi, du cidre de Goldpepin, au lieu de notre gros cidre de

>>

>>

» Normandie. J'y ajouterai un intérêt encore plus solennel pour moi, qui est celui de pou>> voir, sans interruption, cultiver l'honneur de » votre amitié, et vous renouveler librement » et avec assiduité les assurances de l'estime et » de l'attachement avec lesquels je suis, etc: »

Cette lettre, dont le style, la finesse, et l'extrême habileté, seront senties par tous ceux qui sont versés dans la tactique politique, fit une

vive impression sur l'esprit de lord Stanhope, qui, cédant à la noble ambition d'unir deux grands royaumes par une étroite alliance, y disposa les autres ministres, ses collègues, en sorte qu'ils dressèrent un projet d'alliance entre la France, l'Angleterre et les Provinces-Unies; prenant soin de n'y faire aucune mention des traités d'Utrecht, quoique le régent les eût toujours regardés comme devant servir de base et de fondement à l'alliance proposée.

Le projet de traité portait, en substance, 1°. qu'il y aurait alliance entre la France, l'Angleterre et les Provinces-Unies ; 2°. que le Comtat d'Avignon, la Lorraine, et tout pays enclavé dans la France, ou qui en dépendrait, fût interdit au prince de Galles, fils de Jacques II, et usurpant depuis sa mort, la qualité de roi de la Grande Bretagne ; et que la France s'engageait à ne lui accorder aucune espèce de secours; 3°. que les deux rois et les états-généraux se promettaient réciproquement de ne point donner asile et retraite aux sujets de l'un d'entre eux qui auraient été déclarés rebelles, et même de les exclure des terres de léur obéissance, huit jours après que la demande en aurait été faite par l'un des trois alliés; 4°. que le roi de France assurerait celui de la Grande-Bretagne et les états-généraux, qu'il était dans la résolution de raser entièrement l'ancien port de Dunkerque, comme aussi de

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