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brodé de la même manière, et un tour de plumes blanches ornait son chapeau.

L'ambassadeur monta sur les marches du trône, pour donner au roi la lettre du czar, et il supplia ce prince de lui faire l'honneur de lui donner sa main à baiser; ce qu'il accorda avec beaucoup de grace. L'ambassadeur prit ensuite les présens, et les mit aux pieds de S. M. Ils consistaient en une grande quantité de martes zibelines, et une robe-de-chambre de peau semblable. Le fils du premier ambassadeur fit présent au roi, d'une pièce d'étoffe d'or à la persienne.

L'ambassadeur eut ensuite une conférence de deux heures, avec le ministre des affaires étrangères, Croissi. A cette époque, les pouvoirs donnés pas les czars à leurs ambassadeurs, étaient si limités, qu'il y allait de leur vie, s'ils s'en écartaient dans la moindre chose. Tout l'objet de la négociation se bornait à faire accorder ce qui avait été résolu dans le conseil de leur monarque, et quelque avantage qu'on leur eût proposé, ils n'eussent osé l'accepter, s'il n'était conforme aux ordres dont ils étaient chargés. Il y a apparence que les pouvoirs de cet ambassadeur étaient très limités; ils ne donnèrent pas lieu du moins à une longue négociation; et il n'eût qu'une seule conférence avec le ministre.

L'ambassadeur prit congé du roi, qui lui remit la lettre qu'il écrivait au czar. Cet envoyé,

«

en voyant jouer les eaux de Versailles, dit qu'il n'y avait jamais eu sur la terre que Salomon » et le roi de France, qui eussent paru avec tant » de grandeur, et que David n'en avait jamais >> approché. » En voyant l'immense quantité des il demanda si toutes les eaux de la mer étaient à Versailles.

eaux,

L'ambassadeur, à la vue d'un tableau de Lebrun, représentant Louis XIV, la foudre en main, dit «< qu'on ne pouvait mieux représen» ter le roi que sous la figure de Jupiter, puis» qu'il en avait toute la majesté et la puis

»sance. >>>

Tout ce que dit l'ambassadeur annonçait du sens et de l'éducation, et il fit connaître avantageusement sa nation, qu'on regardait comme barbare, par le motif déplacé qu'elle ne liait pas encore ses intérêts politiques à ceux de l'Europe policée.

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Le roi envoya en présent à l'ambassadeur, une boîte enrichie de diamans avec son portrait, une riche tenture. de tapisseries des Gobelins, un meuble complet, ouvrage de la savonnerie, une pendule, six montres, et huit vestes de brocard, or et argent. Le chancelier de l'ambassadeur et le fils de l'ambassadeur eurent des présens du même genre, quoique moins riches. (1)

(1) Manuscr. de la bibliothèque de l'Arsenal.

1682,

Satisfaction

bassadeur de Venise.

Dix à douze créanciers de Venier, ambassadonnée à l'am deur de Venise auprès du roi, et dont la mission, finissait, ne pouvant en être payés, s'adressèrent au lieutenant civil, Le Camus, pour avoir la permission de saisir les effets de l'ambassadeur. Ce magistrat envoya à Croissi, ministre des affaires étrangères, la requête de ces créanciers. Celui-ci fit inviter l'ambassadeur à les satisfaire; ce qu'il promit,

Depuis cette époque, un tapissier présenta une nouvelle requête au lieutenant civil, pour une somme de quatre cents livres, que l'ambas sadeur lui devait.

Le lieutenant civil mit au bas de la requête : << Soit donnée assignation au sieur Venier, ci>> devant ambassadeur à Venise; et cependant » attendu qu'il y a ún autre ambassadeur, nous » avons permis de faire saisir et arrêter ès-mains » des débiteurs du sieur Venier, ci-devant am »bassadeur, les ballots et effets étant hors de » sa maison, etc. »>

Au bas de la même requête, un sergent donna assignation à Venier, pour comparaître sous trois jours, par-devant le lieutenant civil.

Le tapissier, muni de cette pièce, fit saisir trois chevaux conduits par des gens à la livrée de l'ambassadeur. L'affaire fut portée au ministre des affaires étrangères, qui jugea que, sans attendre aucun ordre, il fallait rendre les che

vaux à l'ambassadeur. Le lieutenant civil, pour justifier sa conduite, dit que lorsque les ambassadeurs avaient eu l'audience de congé, l'on avait coutume de saisir pour dettes hors de leur

maison.

L'ambassadeur Venier, et son successeur Erizzo, demandèrent au roi par la voie du nonce: 1°. Que le lieutenant civil fût suspendu de ses fonctions;

2°. Que l'assignation fût révoquée ; et que le procureur, l'huissier et le sergent qui y avaient coopéré, fussent mis en prison;

3°. Que les ainbassadeurs de Venise iraient trouver le ministre des affaires étrangères, et lui demander que l'on conservât au lieutenant civil ŝa charge, et que le procureur, l'huissier et le sergent seraient mis en liberté;

4°. Que le lieutenant civil irait en robe, remercier les ambassadeurs.

Le roi, voulant donner pleine satisfaction aux ambassadeurs de Venise, décida : «Que l'huis» sier et le sergent seraient emprisonnés pour » s'être comportés insolemment; que le lieute»nant civil serait tenu de faire biffer de dessus >> ses registres, l'ordonnance qu'il avait rendue, >>portant assignation à l'ambassadeur, à com» paraître, et qu'il irait en personne lui faire » des excuses. »

De plus, le roi ajouta au ministre des affaires

1682.

étrangères, qu'il ferait une forte réprimande au lieutenant civil, sur ce qu'il n'avait pas fait prévenir l'ambassadeur de Venise, avant de l'assigner à comparaître.

Le lieutenant civil se rendit chez le nouvel ambassadeur de Venise, Erizzo, chez qui se trouvait Venier, à qui il fit des excuses. Celui-ci les reçut en présence de tous les membres des légations étrangères qu'il avait convoqués chez lui, et répéta tout haut chaque parole des excuses du lieutenant civil, quoique cette répétition affectée, ni l'invitation faite aux ministres étrangers, ne fissent point partie essentielle de la satisfaction.

Le roi décida touchant le fond de la contestation, et afin d'en prévenir de pareilles, que le lieutenant civil ferait savoir aux huissiers la défense qu'il leur faisait à l'avenir (1), d'assigner les ambassadeurs pour dettes; sa majesté entendant que les ministres étrangers fussent invités poliment à payer leurs dettes, afin de concilier le respect dû au corps diplomatique avec l'intérêt de ses sujets.

Le roi avait nommé Bazin maître de requêtes, pour le céré à l'ambassade de Suède, en place du marquis

Contestation

monial avec

l'ambassadeur

de France en

Suède.

(1) Lettre de Croissi au lieutenant civil, du 2 de juillet

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