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gageaient d'admettre la médiation de sa majesté très chrétienne pour la paix entre eux et le roi de Suède, bien entendu que la cour de Versailles se bornerait à des offices et à des insinuations, sans jamais employer des voies de fait directement ou indirectement, contre aucune des parties qui sont présentement en guerre. Le roi de France s'engageait enfin, à ne pas prendre après l'expiration du traité qui subsistait entre lui et le roi de Suède, et qui devait finir au mois d'avril prochain, aucun engagement avec celui-ci, sous quelque prétexte que ce fût, directement ou indirectement contraire aux intérêts du czar et du roi de Prusse, etc.

Ce traité, signé pour la France, par le marquis de Châteauneuf, ambassadeur du roi en Hollande, pour le czar par le comte de Golofkin, le baron de Schaffirow, et le prince Boris-Kurakin, et pour le roi de Prusse par le baron de Kniphausen, est digne d'être remarqué, comme ayant introduit la Russie dans le système général de l'Europe, tandis qu'avant, elle avait été concentrée dans le système du Nord.

En conséquence de ce traité, M. de Campredon fut envoyé en Russie, en qualité de ministre plénipotentiaire, et M. Villardeau, s'y rendit comme consul. Ce furent les premiers agens publics fixes que la France entretint dans cet Empire. Cette union nouvelle fut plutôt due à la saga

cité et à l'activité de Pierre-le-Grand, qu'aux démarches du gouvernement français, qui, au contraire, paraissait vouloir rester en arrière, soit qu'il craignît de sacrifier la Suède à la Russie, soit qu'il crût devoir agir avec réserve, à l'égard d'une puissance qui semblait vouloir prendre un vol si élevé.

1718. Alliance en

tre la France,

l'empereur et

La cour d'Espagne, que dirigeait le cardinal Alberoni, ministre plus hardi que réfléchi, désirant rentrer dans la possession de la Sicile, de l'Angleterre. la Sardaigne et des autres pays que lui avait enlevés la paix d'Utrecht, pour en investir l'empereur et le duc de Savoie, profita de la circonstance de la guerre entre l'Autriche, les Vénitiens et la Porte, pour feindre de préparer des armemens en faveur des puissances chrétiennes; mais tout à coup, la cour de Madrid dirigea ces armemens contre la Sardaigne, dont elle s'empara le 22 d'août 1717.

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Cette invasion inattendue devait blesser les états d'Europe, intéressés à la paix. Le ministère espagnol, pour les calmer, avait adressé à plusieurs cours, dès le q du même mois d'août, une circulaire, en forme de manifeste, contre l'empereur, qu'elle accusait d'avoir enfreint les traités. La France et la Grande-Bretagne, comme garantes de la neutralité de l'Italie, et des divers traités d'Utrecht et de Bade, ne tardèrent pas à intervenir auprès de la cour de Madrid,

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Mais tandis qu'on entrait en négociation, le cardinal Alberoni, enflé de l'invasion facile de la Sardaigne, faisait des dispositions pour enlever encore la Sicile. Ces intentions belliqueuses de la part de l'Espagne, firent sentir aux cours de Versailles et de Londres, la nécessité d'en imposer à la cour de Madrid, par une forte alliance, mais dont le premier but serait de forcer Philippe v à se réconcilier avec l'empereur.

Le duc d'Orléans chargea l'abbé Dubois, sur la fin de 1717, d'aller à Londres pour conduire à leur terme, les négociations entamées dans

cette vue.

er

Ce ministre qui était fort goûté de Georges 1o, qu'il amusait par ses propos joyeux, réglait ainsi sa correspondance politique (1). Il faisait ordinairement deux dépêches, dont l'une adressée au conseil des affaires étrangères, contenait une ample relation des nouvelles de la cour et de la ville, avec quelques détails généraux sur la négociation. L'autre dépêche, qui était chiffrée, et adressée au régent, contenait la véritable situation des affaires, et cette seconde dépêche n'était mise en clair, c'est-à-dire déchiffrée, que par le frère de l'abbé Dubois.

Cependant la conclusion de l'alliance combattue par le maréchal d'Huxelles, et par l'ancienne

(1) Vie du cardinal Dubois, et Mém. de la régence.

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cour toute dévouée à l'Espagne, éprouvait des oppositions, et le régent lui-même était dans l'indécision. L'abbé Dubois, pour hâter la signature du traité, engagea Georges fer à envoyer à Paris, le secrétaire d'état Stanhope, lequel y vint en effet, au commencement de juillet 1718, et l'abbé Dubois s'y était rendu lui-même pour décider le régent, qui, à la fin, se laissa entraîner.

Il fut signé à Paris, le 18 du même mois, une convention préliminaire entre la France et l'Angleterre, qui levait tous les obstacles.

Ces deux négociateurs retournèrent incontinent à Londres, et y signèrent, le 2 d'août suivant, avec le baron de Penterieder, ministre de l'empereur, le traité de la quadruple alliance. -. Quoique ce traité ne fût qu'entre la France, l'Angleterre et l'Autriche, comme les états-généraux avaient pris part à sa négociation, et que leur accession n'eut lieu que l'année suivante, il est connu dans les corps diplomatiques sous le nom de la quadruple alliance.

Il porte dans le préambule, « qu'il a pour but » de rétablir la paix entre l'empereur et les rois » d'Espagne et de Sicile. »

L'empereur devait consentir (art. III.) à renoncer tant pour lui que pour ses successeurs, à tous titres et droits sur l'Espagne, dont Philippe v et ses successeurs étaient reconnus rois ; et Philippe v, de son côté, devait renoncer à tous droits

et prétentions sur les Pays-Bas et les états d'Italie qui avaient fait autrefois partie de la monarchie espagnole, ainsi qu'au marquisat de Final, et aux droits de réversion sur le royaume de Sicile; máis on lui accordait (art. V) tout ce qu'il pouvait prétendre sur les successions éventuelles de Parme et de Toscane; et l'empereur s'obligeait, lorsque ces successions seraient ouvertes, d'en donner l'investiture aux enfans de la reine d'Espagne à qui elles devaient échoir.

L'article VI dérogeait à celui du traité d'Utrecht, qui avait assigné la Sicile au duc de Savoie. Il portait que ce prince la rendrait à l'empereur, et qu'en échange, on lui ferait céder par l'Espagne, les royaume et île de Sardaigne dont elle s'était emparée par la voie des armes, etc.

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La cour de Madrid furieuse d'un traité qui lui dictait des lois, quand elle se proposait elle-même d'en donner, s'attacha à empêcher la ratification des états-généraux, et elle y parvint. L'ambassadeur d'Espagne à la Haye, le marquis de Beretti-Landi, fier de cette réussite, fit même frapper à ce sujet une médaille ironique (1).

(1) Cette médaille présentait un char portant les génies de l'Autriche, de la France et de l'Angleterre, tendant toutes trois, la main à la Hollande assise sur un lion, tenant d'une main le bonnet de la liberté, et de l'autre la quatrième qu'elle refusait de joindre aux trois autres roues du char. Au bas, on lisait : Sistit adhuc quartá deficiente rotá.

roue,

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