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Mais ce léger succès de l'Espagne ne fut que de courte durée, puisque les Provinces-Unies accédèrent à la quadruple alliance, le 16 de février de l'année 1719.

1718. Traité de la

liance.

Le traité de la quadruple alliance arrêta l'humeur effervescente d'Albéroni qui, par goût quadruple alpour la célébrité, voulait incendier l'Europe. Ce fut l'abbé Dubois qui eut le principal honneur de ce traité, qui n'était au fond qu'une confirmation, ou une suite de celui de la triple alliance de l'année précédente.

Ce négociateur, en quittant Londres, y laissa en qualité de chargé d'affaires, le secrétaire d'ambassade, Néricault Destouches, homme d'un esprit agréable, qui avait quitté le service où il était d'abord entré pour suivre le marquis de Puysieux en Suisse. Le régent charmé de son talent pour le théâtre, l'avait donné à l'abbé Dubois, qui le présenta au roi Georges, et s'en servit utilement pour ses propres intérêts, en chargeant Destouches de faire recommander par le roi d'Angleterre, plusieurs de ses demandes au duc d'Orléans (1).

Le duc de Savoie, Victor-Amédée 11, adhéra au traité de la quadruple alliance, par un acte

(1) Destouches se retira dans la suite à la campagne près de Melun, avec une pension de 6000 livres, et mourut en 1754, non moins estimé par ses talens que par la modération de son caractère.

1718.

Suppression

signé à Londres, le 8 de novembre 1718; mais Philippe v le rejeta; ce qui joint à d'autres circonstances que nous rapporterons bientôt, alluma la guerre entre la France et l'Espagne.

Le régent supprima à la fin de septembre 1718 du conseil des les conseils qui tenaient lieu des secrétaireries d'état, et rétablit celles-ci, dans la forme qu'elles avaient sous le règne précédent.

affaires étran

gères; sa politique.

Le maréchal d'Huxelles, président du conseil des affaires étrangères, fut nommé ministre d'état, et entra, en cette qualité, au conseil.

Le conseil des affaires étrangères eut peu de consistance et d'aplomb. S'il en faut croire Bolingbrocke, qui traita souvent avec lui pour les intérêts du prétendant, ses membres promettaient et niaient ce qu'ils avaient promis, et n'avaient ni plan, ni système arrêté. Il est vrai que le régent contribuait à cette incertitude de vues, en ne donnant connaissance au conseil que d'une partie de ses desseins, et en ne lui communiquant souvent les traités, qu'après leur conclusión.

L'institution des conseils pour chaque ministère peut être bonne en plusieurs circonstances; néanmoins, indépendamment des vices propres à tous les conseils, la lenteur et le défaut d'ensemble; il s'y rencontre un inconvénient plus dangereux pour l'état, qui est la divulgation du secret, laquelle est bien plus dan

gereuse dans les affaires du dehors que dans. celles du dedans. Un ministre sera à peu près sûr de son secret; un conseil ne l'est jamais, parce que l'auteur de l'infidélité ou de l'indiscrétion est difficilement découvert; et que le soupçon de la divulgation s'étendant sur tous, ne frappe personne. De plus, dans la rédaction des principales dépêches, il faut une unité de conception et de vues d'exécution, qui se trouvent rarement dans plusieurs têtes.

D'un autre côté, ce secret, ame des affaires, est-il l'ame de la sagesse et de la prudence? Loin de servir de frein aux passions, il les fortifie souvent, parce qu'elles ne sont ni arrêtées, ni combattues par les avis des autres; et si le ministre est incapable, qui corrigera son incapacité? la préférence à accorder au conseil sur le ministre, ou à celui-ci sur un conseil, dépend donc beaucoup des circonstances.

1718.

Nomination

bois an mi

Le régent nomma, le 24 de septembre, l'abbé Dubois pour remplir les fonctions de secrétaire de l'abbé Dud'état pour les affaires étrangères. Il avait la nistère. confiance de ce prince, et une connaissance personnelle de tout ce qui s'était passé dans son cabinet, dont il était le principal agent.

Le régent persuadé, d'après le rapport du marquis de Louville, qu'il avait envoyé en Espagne, qu'on y tramait quelque dessein contre son autorité, avait cru devoir opposer l'in

Intrigues du

régent en Es

pagne.

trigue à l'intrigue, en fomentant parmi les Espagnols un parti ennemi de la cour, et en brouillant Alberoni avec le jésuite d'Aubenton, confesseur de Philippe v (1).

L'ambassadeur de France en Espagne, était Beauvilliers, duc de Saint-Aignan, frère du sage duc de Beauvilliers, gouverneur du duc de Bourgogne.

Le régent entama avec cet ambassadeur une négociation directe. Pour s'assurer du secret, le duc de Saint-Aignan avait ordre de chiffrer et de déchiffrer lui-même les dépêches ; et il devait envoyer ses lettres sous trois enveloppes : la première à l'adresse d'un banquier de Bayonne ; la seconde à celle du marquis de Louville; la troisième à celle du régent.

Il était sur toutes choses, recommandé au duc de Saint-Aignan, de tâcher de pénétrer les vues du père Daubenton. Pour y parvenir, il devait conserver avec lui l'intimité la plus étroite, et paraître même sa dupe aux yeux de tout le monde, et surtout du cardinal Alberoni, que du moins on soupçonnât entre eux des communications mystérieuses. Si le confesseur, craignant que les assiduités de l'ambassadeur ne lui fissent tort, le priait de les réduire; il fallait lui en rendre moins, mais à des heures

(1) Mém. polit. et milit., t. V.

ou

et d'une façon qui augmentassent les ombrages d'Alberoni; il fallait chercher par toutes sortes de voies, à les brouiller ensemble.

« Souvenez-vous, écrivait le régent à l'am»bassadeur, le 2 de septembre 1716, au sujet de » Daubenton, que c'est un homme très rusé et >> très artificieux, dont il faut vous défier autant » que personne, et qui, quelque mine qu'il vous >> fasse au-dehors, est très étroitement uni avec » Alberoni; et n'oubliez pas que vous ne sau» riez rien faire de plus important pour le bien » de l'état et pour mon service, que de travailler » à les mettre aussi mal ensemble, qu'ils y sont » bien à présent, afin de tácher de les perdre » l'un par l'autre. »

L'ambassadeur devait essayer de plus, de corrompre, à quelque prix que ce fût, le secrétaire d'Alberoni, et les autres personnes instruites des secrets du cabinet espagnol.

Cette politique ne sortait pas toute entière sans doute de la tête du régent, qui, malgré ses vices, avait quelque élévation dans l'ame.

L'instruction envoyée au duc de Saint-Aignan, devait avoir été rédigée par le marquis de Louville, à qui un long séjour en Espagne, au sein de toutes les intrigues de la cour de Philippe v, avait appris l'art de perdre les hommes en place les uns par les autres. Ce qui peut ici excuser le régent, c'est que le cardinal Alberoni lui ren

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