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espagnole, et d'y faire subsister son armée aux dépens du pays, sans pourtant en venir à des hostilités ouvertes.

Le maréchal d'Humières ayant signifié au marquis de Grana, gouverneur des Pays-Bas, qu'il s'abstiendrait de toute autre hostilité, pourvu que les Espagnols ne l'obligeassent pas d'aller plus loin, et qu'il ferait rentrer ses troupes en France, aussitôt que la cour d'Espagne aurait donné satisfaction au roi sur ses prétentions; le marquis de Grana répondit qu'il avait lieu d'être surpris qu'au sein de la paix, et au moment où les ambassadeurs respectifs étaient encore à leur poste, on se permît de couvrir de troupes ennemies le territoire de son souverain ; que quant à lui, sa charge l'obligeait de défendre les PaysBas, et qu'il n'était pas en son pouvoir d'en céder la moindre partie.

Sur cette réponse, le maréchal d'Humières attaqua Courtrai qu'il prit le 5 de novembre 683, et le roi ordonna en même temps le bombardement de Luxembourg.

Le roi d'Espagne, à cette nouvelle, publia le II de décembre suivant, un manifeste dans lequel, après avoir déclamé vivement contre les prétentions de la France, il lui déclarait la guerre. Louis XIV. qui voulait satisfaire ses vues, sans pourtant en venir à une guerre ouverte, fit demander à l'Espagne des équivalens pour les pla

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ces qu'il exigeait. La cour de Madrid fut inflexible. Néanmoins, quand elle vit Luxembourg pris, et qu'elle ne pouvait compter sur les secours de l'empereur et de l'Empire, ni sur celui de l'Angleterre, elle se décida à la paix, d'autant plus que les états-généraux, ses alliés, avaient conclu, avec la cour de France, le 29 de juin dernier, un traité dont l'objet était de procurer une trève entre la France et l'Espagne, s'engageant à ne donner aucun secours à cette dernière, si elle s'y refusait. Ce traité, qui fut négocié par le comte d'Avaux, ambassadeur du roi à la Haye, avait déconcerté la cour de Madrid. Dans cette situation, elle chargea l'empereur, dont les ministres négociaient à Ratisbonne avec la France, de se charger de ses intérêts, et de conclure avec la France, une trève semblable à celle qui venait d'être arrêtée entre lui et Louis XIV. Elle fut signée le même jour 15 d'août 1684, au nom du roi par Créci, et au nom de l'empereur par le comte de Windisgratz.

Le traité portait « qu'il y aurait (art. Ier) une » trève de vingt années entre les rois de France >> et d'Espagne ;

» Que le roi de France (art. II) retiendrait >> pendant toute la durée de la trève, Luxem» bourg et sa prevôté;

Qu'il rendrait (art. III) les villes de Dix>> mude et de Courtrai, etc. »>

1684. Ambassade

Siam,

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Les deux trèves dont nous venons de parler terminèrent momentanément les contestations avec l'empereur, l'Empire et l'Espagne. Ces puissances n'y avaient consenti que par nécessité, et la paix fondée sur la nécessité est rarement durable. Celle-ci, à laquelle on n'avait donné que le nom de trève, tant on la jugeait insuffisante, ne pouvait être présumée une reconnaissance sincère des usurpations et des violences de Louis xiv. La guerre universelle qui ne tarda pas d'éclater, lui démontra que ce qu'il obtenait par les trèves de Ratisbonne n'était accordé qu'aux circonstances. (1)

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Le roi de Siam instruit par la renommée (2) du roi de des victoires de Louis XIV, lui avait envoyé en 1681 trois ambassadeurs qui s'étaient embarqués sur un vaisseau de la compagnie française des Indes. Ces ambassadeurs n'ayant point donné de leurs nouvelles, on eut lieu de présumer qu'ils avaient fait naufrage.

Le roi de Siam dépêcha de nouveau, en France

(1) A l'occasion de la trève, on frappa une médaille dans laquelle Pallas assise sur un monceau d'armes, à l'ombre d'un laurier, tient sa lance d'une main, et s'appuie de l'autre sur son égide, qu'elle cache. La légende est : Virtus et prudentia principis, (la valeur et la sagesse du roi); l'exergue: Induciæ ad viginti annos datæ, 1684, (trève accordée pour vingt ans, 1684.)

(2) Mém. manuscr. de Saintot, t. II, et Mercure de 1686.

deux mandarins du premier rang, lesquels étaient accompagnés d'un missionnaire français. Ces deux mandarins n'étant pas toutefois envoyés directement au roi, mais à ses ministres, eurent, le 27 d'octobre 1684, audience seulement du marquis de Seignelai, ministre de la marine, et de Croissi, ministre des affaires étrangères, auxquels ils manifestèrent le désir de leur souverain de s'unir au roi par une alliance, et d'en recevoir une ambassade. Louis xiv fit d'abord quelques difficultés d'accorder ces deux points; mais il s'y détermina, lorsqu'il eut appris du missionnaire, que l'intention du roi de Siam était d'embrasser le christianisme.

Le roi envoya donc à Siam, en qualité d'ambas sadeur, le chevalier de Chaumont accompagné de l'abbé de Choisi, qui devait le remplacer en cas de mort, et rester auprès du roi de Siam comme ambassadeur ordinaire. Le chevalier de Chaumont partit de Brest le 1er de mars 1685, et arriva le 24 de septembre, dans la rivière de Siam.

Le 1er d'octobre, Constance Phalkon, grec d'origine, et premier ministre ou barcalon du roi de Siam, lui envoya son secrétaire avec des rafraîchissemens pour tout l'équipage. Le 18 d'octobre, le chevalier eut son audience publiLe roi avait une couronne toute brillante de gros diamans, surmontée d'une espèce de

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bonnet de dragon; au col, il avait un collier d'or enrichi de diamans, et aux poignets, des bracelets ornés de pierreries. Deux escaliers conduisaient à une tribune où était ce monarque, et devant laquelle étaient trois grands parasols de drap d'or. Chaumont lui présenta sa lettre de créance, et lui fit une harangue, dans laquelle il disait a que le roi son souverain, fameux par >> tant de victoires et par la paix qu'il avait ac» cordée tant de fois à ses ennemis, lui avait >> commandé de venir trouver sa majesté, pour » lui présenter des marques de son estime et lui >> offrir son amitié; mais que rien n'était plus >> capable d'unir deux si grands princes, que de >> vivre dans les sentimens d'une même croyan» ce; et qu'ainsi le roi son maître lui avait re>> commandé de représenter particulièrement à » sa majesté, que la nouvelle la plus agréable » qu'il pourrait porter au roi, serait que sa majesté, persuadée de la vérité se faisait ins» truire dans la religion chrétienne; que cela » cimenterait à jamais l'estime et l'amitié entre >> ces deux rois, etc.»

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Le roi de Siam évitant de répondre à une insinuation aussi extraordinaire, dit à l'ambassadeur qu'il recevait avec grande joie, les marques de l'estime et de l'amitié du roi de France.

La lettre de Louis XIV au roi de Siam contenait des remercîmens sur la protection qu'il ac

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