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et banales qu'on appelle transitions. Enfin, il s'en trouve qui ont eu recours au système des périodes historiques, sans s'être inquiétés de la justesse de ces périodes, et sans s'être demandé si elles existent pour toutes les seigneuries à la fois. Aucune de ces méthodes n'a réussi à exposer l'histoire des Pays-Bas dans un ensemble clair et intelligible.

La forme que nous avons adoptée dans cette histoire est celle de l'ouvrage du professeur Leo; Zwoelf Buecher neiderlaendischer Geschichten. Elle nous a paru la plus naturelle, et en même temps la plus propre à guider d'un pas sûr le lecteur dans ce grand dédale de notre histoire.

Nous avons tâché de mettre notre ouvrage à la hauteur des recherches historiques qui, depuis quelques années, ont été poursuivies avec tant d'ardeur en Belgique et en Hollande par MM. Raepsaet, Dewez, Ernst, Nothomb, les barons de Gerlache, de Reiffenberg et de Saint-Genois, les chanoines de Smet et de Ram, Willems, Gachard, Moke, Mar

chal, Polain, Schayes, Borgnet, Goethals, Groen van Prinsterer, van Kampen, et tant d'autres. Nous avons profité des travaux de tous ces écrivains, nous leur avons même fait souvent de larges emprunts, à eux et à cinquante autres; et si nous n'avons pas indiqué constamment les sources où nous avons puisé, ç'a été pour ne pas embarrasser par des notes au bas des pages; car un livre de la nature de celui-ci ne comporte pas un pareil étalage d'érudition, et doit se borner à l'exactitude des descriptions et à la vérité des faits.

La partie consacrée à l'histoire des arts et des lettres dans les PaysBas aurait mérité de plus grands développements. Elle fournirait à elle seule la matière d'un livre plein d'intérêt. Malheureusement il nous a fallu nous borner à n'en donner qu'un résumé fort rapide.

Quant aux détails statistiques, ils sont exclusivement puisés dans des documents officiels.

Bruxelles, janvier 1844.

A. v. II.

OU

HISTOIRE ET DESCRIPTION

DE TOUS LES PEUPLES,

DE LEURS RELIGIONS, MOEURS, COUTUMES, ETC.

LA BELGIQUE.

INTRODUCTION.

Il y a peu de pays en Europe qui, sur une étendue territoriale aussi étroite, présentent un aspect aussi varié que la Belgique. A l'ouest, ce sont les deux Flandres, avec leurs villes si pittoresques et si industrieuses: Ostende, qui est assise sur la mer du Nord; Bruges, qui ne garde plus de son glorieux passé que le souvenir des comtes de Flandre, les tombes de Charles le Téméraire et de Marie de Bourgogne, les tableaux de Van Eyck et de Memling; Gand, qui conserve encore dans ses monuments, dans ses archives, et dans le sang énergique de ses bourgeois, les traditions de sa fière et opulente commune. Au midi, c'est la province de Hainaut, avec ses cités presque françaises Mons, que l'on croit bâti sur l'emplacement de cet ancien camp romain que Quintus Cicéron, frère de l'orateur, défendit avec tant de vigueur contre les attaques d'Ambiorix, chef des Éburons; Tournai, qui se glorifie d'avoir été, au milieu du ve siècle, le siége du royaume des Franks, et qui montre avec orgueil sa cathédrale romane, dont les bases furent jetées sous la race mérovingienne; puis, les provinces de Namur et de Luxembourg,

BELGIQUE.

dont la première nous amène la Meuse, et étale, sur les bords de son fleuve, les ruines historiques de ses vieux châteaux, et dont la seconde fournit cinq empereurs à l'Allemagne, et garde dans une de ses villes un nom que Godefroid de Bouillon rendit si célèbre dans la Palestine. A l'orient, voici la province de Liége, où restent encore tant de vestiges des luttes héroïques qu'elle soutirt, et de la splendeur dont elle jouit sous la souveraineté de ses princes-évêques ; et une partie de ce Limbourg, où le premier roi des Franks fut élevé sur le pavois. Enfin, au nord, voilà les vastes bruyères par lesquelles le Limbourg occidental se relie à la province d'Anvers.

Cette province, ainsi que les deux Flandres, présentent dans leurs paysages un caractère de tristesse et de monotonie que la richesse du sol et la variété incroyable de la culture ne parviennent pas à corriger entièrement. Ce sont de vastes plaines à perte de vue, des horizons qui n'ont d'autre bornes que les nuages, des lointains qui ne finissent pas, des lignes qui se répètent à chaque plan de la perspective avec une uniformité que le peintre trouverait désespérante, si l'exubé

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rance presque fabuleuse de la nature n'y étalait toutes les mille couleurs de ses produits. Au contraire, tournezvous du côté du Hainaut, d'une partie du Brabant, des provinces de Luxembourg, de Liége, de Namur et du Limbourg oriental, vous y trouverez les sites les plus variés et les plus charmants : c'est un terrain accidenté, tourmenté par endroits, brisant ses lignes de la manière la plus pittoresque; offrantici degrandes masses de forêts, là des rochers abruptes, et affectant mille formes bizarres qui défient le langage de la géométrie. Autant l'Escaut flamand se promène avec lenteur et gravité à travers ses vertes prairies et ses opulents pâturages, autant la Meuse wallonne se précipite avec énergie et turbulence dans son lit, bordé des deux côtés de longs rideaux de rochers tantôt âpres et nus, tantôt revêtus de la plus belle verdure, jardins ou vignobles, bois ou champs.

Ces deux fleuves sont une image frappante des deux populations dont la Belgique se compose, de sa population flamande et de sa population wallonne. La première, d'origine saxonne, a pour trait principal une sage lenteur toute germanique, un singulier mélange de réserve et de cordialité, une franchise qui touche presque à la brusquerie, un amour inné et profond de ce qui a été, un inébranlable attachement à ses vieilles institutions, à ses vieilles franchises, à ses vieilles libertés. La seconde, d'origine franke, a toute la vivacité romane, toute la mobilité romane. Aussi cordiale, aussi franche que l'autre, elle n'en a point la retenue, un peu froide, en apparence, au premier abord. Elle est plus vive, plus enjouée, plus spirituelle, tandis que l'autre est plus méditative et a l'esprit plus penseur. La population belge se présente ainsi sous une double face. Elle a deux têtes, comme Janus : une tête flamande, rebondie, exubérante, peau blanche, yeux bleus, cheveux blonds; et une tête wallonne, expressive, énergique, carnation brune, yeux noirs, cheveux noirs. Vous reconnaîtrez sans peine

chacune de ces races, non-seulement à leur physionomie et à leur langage, mais encore à toute leur manière d'étre et de vivre. Mais c'est surtout dans leurs institutions locales et dans leurs fêtes, que ce double caractère se révèle de la façon la plus tranchée. Le Flamand a conservé dans ses villes et jusque dans ses villages les sociétés d'arbalétriers et d'archers, filles des anciennes compagnies militaires de ses redoutables et puissantes communes, et les sociétés de rhétorique, issues de ses vieilles corporations littéraires, auxquelles les cours d'amour et les puys du moyen âge donnèrent naissance. Le Wallon n'a que des sociétés de musique. Tout chante dans les provinces wallonnes : la musique sort des mines d'où l'on extrait la houille, des ateliers où l'on forge et martèle le fer, des usines où gronde le bruit des machines et des hauts fourneaux, des forêts où l'on traque les loups et les sangliers, des carrières d'où s'extrait le marbre ou l'ardoise. Elle vous accoste le matin dans les rues; elle vous poursuit tout le long du jour, en sortant par bouffées de chaque maison; elle vous enlace, les soirs d'été, avec les joyeuses farandoles qui serpentent et se déroulent autour de vous au clair de la lune.

La diversité d'esprit qui anime et de caractère qui distingue ces deux populations ressort d'une manière bien plus frappante encore de leur histoire même dans le récit de laquelle nous allons maintenant introduire le lecteur.

LA BELGIQUE sous la période ro

MAINE ET SOUS LES ROIS DE LA.
PREMIÈRE RACE.

On est généralement d'accord sur l'origine germanique de la plupart des peuplades dont se composait la Belgique avant l'arrivée des Romains dans nos provinces. Quelques-unes, selon un historien qui a jeté de grandes lumières sur nos premières annales, M. Raepsaet, étaient originaires du Pont-Euxin, et quittèrent leur pays natal par transmigrations partielles et successives, pour venir s'établir dans

le nôtre, dès le troisième siècle avant l'ère chrétienne. Quoi qu'il en soit, le territoire belge était occupé par cinq nations principales, qui étaient les Nerviens, les Tréviriens, les Ménapiens, les Morins et les Éburons. Les Nerviens occupaient le Cambrésis, le Hainaut, et une partie du Brabant et de la Flandre. Les Tréviriens tenaient la plus grande partie du duché actuel de Luxembourg et du pays de Trèves. Les Ménapiens s'étendaient dans la Flandre orientale, dans la Zélande et dans la Campine. Les Morins dominaient dans la Flandre occidentale, et occupaient tout le territoire qu'embrassa, dans la suite, le diocèse de Térouanne, qui conserva longtemps la dénomination d'Ecclesia morinensis. Enfin, les Eburons habitaient en grande partie entre le Rhin et la Meuse, depuis Dinant jusqu'à Ruremonde; ils englobaient ainsi le Condroz, les duches de Limbourg et de Juliers, et, sur la rive gauche de la Meuse, presque toute la partie actuelle des provinces de Namur, de Liége et de Limbourg. Au-dessous de chacun de ces cinq peuples principaux se groupaient un grand nombre de peuplades qui étaient en quelque sorte leurs clients ou leurs tributaires.

Telle était la composition de la Belgique, lorsque Jules César, pour s'apprêter à commencer avec avantage sa lutte contre Pompée, et se rendre mai tre de son armée avant d'essayer de se rendre maître de l'empire, entra dans nos provinces. Il avait conquis la plus grande partie des Gaules, et s'avancait maintenant vers le nord pour soumettre les Belges à ses armes. Ce fut l'an 57 avant J. C. Ils formerent aussitôt une ligue, à la tête de laquelle se placèrent les Nerviens, sous les ordres de leur chef Boduognat, et au bord de la Sambre fut livrée la fameuse bataille de Prêle, où, après une lutte acharnée et terrible, presque tous les Nerviens furent exterminés. Les Ménapiens et les Morins tombèrent l'année suivante. Bientôt après, une ligue nouvelle s'organisa, dans laquelle entrèrent les populations comprises

entre l'Escaut, la Samore et le Rhin. Elle se mit sous le commandement d'Induciomare, chef des Tréviriens et d'Ambiorix, chef des Éburons; mais elle succomba à son tour sous les armes romaines. L'an 51 avant J. C., les aigles de César dominaient sur toute la Belgique.

Dès lors, s'attachant à la fortune du vainqueur, et comme pour se venger de la république, dont la puissance les avait soumis, les Belges aidèrent César à la detruire. On sait qu'ils figurèrent à la journée de Pharsale. Auguste réduisit leur pays en provinces de l'empire, et s'appliqua à éteindre leur nationalité, et à leur faire adopter les mœurs et les coutumes romaines. Cette domination fut lourde, comme on peut facilement penser, à ces populations, pour lesquelles la liberté avait tant de prix. Mais elle leur fournit les moyens de se préparer à secouer le joug étranger. Introduites dans ces armées qui faisaient et défaisaient les empereurs romains, elles contribuèrent à ruiner la puissance impériale, comme elles avaient secondé César dans la destruction de la république. Ce n'est pas cependant qu'elles s'appliquassent uniquement à se venger de leurs maîtres; elles cherchaient aussi à implanter dans nos provinces quelques éléments de civilisation. Ainsi, dès les premiers siècles de l'empire, l'industrie et le commerce belges avaient acquis une certaine importance. Les Atrébates fournissaient déjà leurs tissus au luxe italien, tandis que les Ménapiens faisaient un grand trafic de viandes salées, et que l'agriculture recherchait de toutes parts la marne de notre sol.

Au troisième siècle de l'ère chrétienne, commencent ces terribles mouvements des peuples septentrionaux dans l'empire romain. Les Franks, défaits par Probus, sont transplantés sur la rive gauche du Rhin, et servent à rendre aux Belges ce caractère âpre et sauvage que le contact de leur pays avec le reste de l'empire avait si grandement adouci. Les Franks, les Allemands et les Saxons tombent

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