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faire la guerre aux infidèles; et il tenait si bien à cœur les intérêts des chrétiens, qu'il leur avait déjà, malgré ses propres embarras, envoyé des secours, et que ses ambassadeurs s'étaient entremis auprès du pape, du roi de France et du roi d'Aragon, pour aviser aux moyens d'empêcher la chute de Constantinople. Maintenant que cette ville était au pouvoir des Ottomans, et que les affaires de Gand et de Luxembourg étaient arrangées, il se sentit plus que jamais porté à prendre la croix. D'ailleurs, un chevalier, envoyé par le pape Nicolas V, était arrivé à Lille pour engager le duc à se mettre à la tête de la grande entreprise chrétienne qu'il avait si longtemps rêvée. Philippe voulut préluder à une décision définitive par des fêtes chevaleresques. Il ouvrit des tournois, où les braves épées et les bonnes lances de nos provinces firent force louables faits d'armes. Puis il réunit toute sa vaillante chevalerie à un riche festin, embelli d'un intermède où figurait un géant, coiffé d'un turban et revêtu d'une longue robe sarrazine, qui signifiait le Grand Turc. II était assis sur un éléphant, surmonté d'une tour sur les créneaux de laquelle se trouvait une femme éplorée, et vêtue en religieuse. Elle signifiait la sainte Église, et exposait en termes lamentaples sa douloureuse détresse. Au moment où l'émotion avait commencé à gagner toute cette ardente assemblée, Toison d'or, accompagné d'un grand nombre d'officiers d'armes, de Yolande, bâtarde de Bourgogne, et d'Isabeau de Neufchâteau, entra dans la salle, portant un faisan vivant, orné d'un collier d'or et de riches pierreries. Il fit une profonde révérence au duc, lui dit que l'ancienne coutume des grands festins était d'offrir aux princes et seigneurs quelque noble oiseau pour faire un vou, et qu'il venait avec les dames et les chevaliers faire hommage du faisan à sa vaillance. Le duc dit alors à haute voix : « Je voue à Dieu premièrement, puis à la glorieuse vierge Marie, aux dames et au faisan, que je ferai ce qui

est écrit. Et il remit à Toison d'or un billet dont il lui ordonna de faire publiquement la lecture, et dans lequel il s'engageait à prendre les armes pour aller combattre en Orient le Grand Turc et les infidèles, si le roi entreprenait de se croiser, ou d'envoyer avec ses barons un prince de son sang pour rétablir la foi chrétienne à Constantinople. La dame sainte Église remercia le duc, et Toison d'or se mit à faire le tour des tables, recueillant les vœux de chaque seigneur et de chaque chevalier. Le duc de Clèves, le comte de Saint-Pol, monsieur de Charolais, le comte d'Etampes, tous les princes et les grands seigneurs, vouèrent d'aller à la croisade. Ils étaient au nombre de quatre-vingt-dix-huit. A l'exemple des chevaliers qui assistèrent au célèbre vœu du héron, sous Édouard III, à Londres, il y en eut plusieurs qui s'engagèrent, en outre, aux choses les plus extraordinaires. Quand tous les voeux furent faits, une dame entra, également vêtue en religieuse, mais tout en blanc : elle figurait la Grâce de Dieu. Dix compagnes la suivaient : c'étaient les douze vertus, la Foi, l'Espérance, la Charité, la Prudence, la Tempérance, la Force, la Vérité, la Largesse, la Diligence, et laVaillance. Chacune portait son nom écrit sur son épaule. Madame Grâce de Dieu s'avança vers le duc, lui expliqua en vers le motif de sa venue, et lui remit un billet, dont le sire de Créqui fut chargé de faire la lecture. Il y était dit que les vœux prononcés par Philippe, duc de Bourgogne et de Brabant, avaient été entendus de Dieu, et qu'ils lui étaient fort agréables ainsi qu'à la sainte vierge Marie, lesquels envoyaient Grâce de Dieu par de vers les empereurs, rois, ducs, princes, comtes, barons, chevaliers, écuyers et autres vrais chrétiens, pour les aider à venir à bonne conclusion de leur entreprise, et les faire rester en bonne renommée par tout le monde, et le royaume de paradis à la fin. Ensuite madame Grâce de Dieu se retira, après avoir présenté au duc ses dix compagnes.

L'intermède ainsi terminé, les hérauts vinrent requérir les dames de dire à qui elles adjugeaient le prix de la joute du matin. Elles nommèrent toutes monsieur de Charolais; car nul n'avait plus gracieusement rompu les lances.

Le souvenir de cette fête resta longtemps dans la mémoire des chevaliers; mais aucun n'en fut plus préoccupé que le duc Philippe. Il ne rêvait plus qu'expédition en Orient, et que batailles à livrer pour la foi chrétienne. Il avait obtenu l'assentiment du roi de France à ses projets, et se rendit incontinent à la diète de Ratisbonne, pour conférer avec l'empereur et les P rinces de l'Empire. Mais l'empereur s'était retiré dans son duché d'Autriche; et d'ailleurs il n'avait pas le moindre goût pour les choses de la guerre, ni pour les prouesses de chevalerie. Force fut ainsi au duc de revenir dans ses États, où il avait déjà commencé par diminuer les pensions de ses officiers, et où quelques villes lui avaient déjà promis des aides importantes, pour subvenir aux frais de l'expédition. Cependant, quoi que Philippe pût faire, il ne réussit point à pousser ce grand projet de croisade. Le moment de ces beaux enthousiasmes était passé, et le siècle des nobles dévouements était fini. Aussi, les splendides fêtes de Lille et les vœux du faisan ne furent bientôt plus que des motifs de récits chevaleresques, aux veillées, dans les manoirs.

Il ne fallut rien de moins que de hauts intérêts de famille pour distraire un moment le duc Philippe de ce projet : c'était le mariage de son fils, le comte de Charolais, avec Isabelle, fille du duc de Bourbon. Les noces furent célébrées au mois d'octobre 1454. Les fêtes finies, le duc reprit son dessein. Les princes de l'Empire, réunis à Francfort, avaient promis de fournir chacun un nombre d'hommes déterminé, selon l'importance de leur seigneurie; et Philippe s'était engagé à mettre sous les armes quatre mille combattants à pied et deux mille à cheval, pour les terres qu'il tenait de

l'Empire. Le roi de France n'avait rien à redire à cela; mais il n'en porta pas moins obstacle au départ da duc. Il trouvait que Philippe était d'une trop grande importance, tant à cause de sa qualité de prince du sang qu'à cause de sa puissance, qui pouvait être si utile au royaume, pour ne pas mettre tout en œuvre afin d'empêcher une si longue absence. D'un autre côté, beaucoup de villes ne se déterminèrent qu'à la dernière extrémité à fournir les subsides nécessaires pour une si lointaine expédition; et d'ailleurs le peuple de Flandre surtout ne souffrait qu'à regret et avec impatience l'autorité du comte de Charolais, que le duc, avant de partir pour l'Allemagne, avait investi de ce gouvernement difficile.

Ces deux motifs étaient de quelque gravité sans doute. Mais un troisième vint tout à coup absorber entièrement la pensée du duc: c'était l'élection d'un évêque qui remplaçât, sur le siége d'Utrecht, Rodolphe de Diephold. Cet évêché avait une haute importance pour les domaines bourguignons, situé qu'il était entre les terres de Hollande, de Brabant et de Frise. Aussi le duc mit tout en œuvre pour y placer un prélat qui fût de sa maison. Nous avons vu comment il réussit à y faire monter, en 1456, son fils naturel, David de Bourgogne. Cette affaire faillit l'entraîner dans une guerre avec les états d'Utrecht, qui voulaient maintenir dans l'évêché Gilbert de Brederode, élu par eux. Le duc Philippe, bien qu'il prévit le succès de ses négociations à la cour de Rome, les voulut cependant les voulut cependant appuyer par une force imposante. Au printemps de l'an 1456, il se rendit en Hollande, où il tint, le 2 mai, un chapitre de la Toison d'or à la Haye, et s'occupa de mettre sur pied une bonne armée. Bientôt il eut réuni un corps de quatorze mille combattants. Cet armement nécessita de grandes dépenses, auxquelles Philippe fit face, en rendant à prix d'argent, aux villes du Kennemerland et de Frise, les libertés et les franchises dont elles avaient été dé

pouillées, pour avoir tenu le parti de la comtesse Jacqueline contre le duc. Pendant qu'il assemblait ainsi ces troupes, les partisans que Brederode avait dans l'évêché ne restaient pas inactifs. Les villes d'Utrecht et de Rheenen s'allièrent pour la défense des droits de leur élu; et les vassaux du clergé, comme aussi la chevalerie utrechtoise, se préparèrent à une énergique résistance. Cependant David de Bourgogne ne manquait pas de partisans assez nombreux dans le diocèse, et surtout dans la ville d'Utrecht, où tous les métiers étaient pour lui, et contraires à leur magistrat patricien ; de sorte que cette commune ne put être tenue dans l'obéissance que par une forte garnison et par un régime de violence. Aussi Gilbert de Brederode vit bien qu'il ne pourrait s'y maintenir. Seulement il cherchait à gagner du temps, pour obtenir du duc des conditions plus favorables à sa renonciation à l'évêché. Mais Philippe repoussait toute négociation. Il avait de trop bonnes épées à sa disposition, pour transiger avec le compétiteur de son fils. D'ailleurs la décision papale, qui adjugeait la crosse à David de Bourgogne, ne tarda pas à arriver. Cette sentence termina toutes les difficultés, et le duc aida le nouvel évêque à s'installer dans son diocèse, et à se faire inaugurer dans les terres d'Utrecht et de l'Over-Yssel; ce qui cependant ne put pas se faire partout sans l'emploi des armes.

Philippe le Bon, au moment où il acquit la possession de la Hollande, n'avait pas essayé de faire valoir les anciennes prétentions des princes de ce comté sur l'Ostrachie et sur la Westrachie. Il s'était borné à conclure avec les populations de ces domaines une trêve; mais il n'avait cessé d'entretenir la division dans le pays, en prêtant secrètement et tour à tour aide et secours au parti qui succombait dans les luttes auxquelles on ne cessait de se livrer. La fatigue et l'épuisement que les querelles acharnées des Schierings et des Vetkoopers devaient nécessairement produire, ne

pouvaient manquer de préparer au duc les moyens d'établir son autorité sur ces Frisons si indomptables jusqu'alors. Aussi, vers le temps où il marcha contre Utrecht pour y affermir son fils, il leur fit savoir qu'ils eussent à le reconnaître comme leur seigneur; sinon il viendrait les y forcer par les armes. Il manda en outre, à Harlem, des députés frisons, pour leur exposer ses volontés et ses droits, afin qu'ils les transmissent à leurs gens, et portassent ceux-ci à se soumettre. Mais les hommes d'Ostrachie et de Westrachie prirent la résolution de ne pas donner de réponse, et de défendre avec courage leurs biens et leur indépendance, ainsi qu'il seyait à des hommes libres comme ils l'étaient. Comme, vers le même temps, l'empereur Frédéric III mettait tout en œuvre pour rattacher ces terres à l'Empire, les gens de Frise profitèrent de cette circonstance pour lui demander sa protection contre les prétentions du duc de Bourgogne. En effet, par une lettre datée du 10 août 1457, l'empereur s'engagea à protéger les Frisons comme sujets immédiats de l'Empire, somma le duc Philippe de prouver en justice la légitimité de ses droits sur les terres frisonnes, et lui donna l'assurance que, ces preuves fournies, il pouvait également compter sur l'appui impérial. Ainsi le duc se trouva forcé de suspendre l'idée d'établir son autorité en Frise.

Pendant que cette affaire se négociait ainsi, la femme du comte de Charolais avait mis au jour, à Bruxelles, une fille, cette Marie de Bourgogne qui, plus tard, devint l'héritière des puissants domaines de sa maison: ce fut le 13 février 1457. Cet événement, qui en d'autres circonstances eût été une occasion de joie et de fêtes, n'empêcha pas le duc Philippe de rester dans des termes de froideur à l'égard de son fils. Depuis longtemps des éléments de division s'étaient amassés dans la famille de Bourgogne. Le comte de Charolais ne voyait qu'avec un vif déplaisir la grande faveur dans laquelle son père tenait la

famille de Croy, et il était jaloux de l'influence de ce seigneur. Déjà, en 1454, pour éloigner son fils de la cour, Philippe l'avait chargé du gouvernement de la Hollande et de la Zéelande; mais l'éloignement n'avait fait qu'accroître encore la haine que le jeune prince éprouvait pour le favori. Tout à couple bruit se répandit que le duc avait pris la résolution de donner en fief le comté de Boulogne au comte d'Étampes, le comté de Namur à messire Jean de Croy, et la seigneurie de Gorinchem à messire Jean de Lannoy. L'irritation du comte de Charolais en fut portée à son comble. Une querelle allait commencer entre le père et le fils: elle éclata au sujet de la nomination d'un troisième chambellan dans la maison du comte Charles. Celui-ci voulait avoir le sire d'Aymeries; le duc prétendait que l'office fût donné à Philippe de Croy, sire de Sempy; et il déchira, dans la chapelle du comte, la nomination du protégé de son fils. Charles entra dans une grande fureur, et déclara qu'il ne voulait pas du sire de Sempy; car il n'était pas disposé à se laisser mener comme son père par les Croy, qui depuis trop longtemps conduisaient le duc par la lisière. La duchesse essaya vainement de s'interposer. La querelle devint si vive, que Philippe, en colère, quitta aussitôt le palais. Cependant un raccommodement fut bientôt ménagé par le Dauphin de France, qui s'était sauvé dans le Brabant, pour se soustraire à la colère de son père. Seulement le mot fatal qui contenait le germe de cette division avait été prononcé, et il devait donner lieu, plus tard, à de nouveaux différends.

Presque en même temps les rapports du duc avec la cour de France devinrent quelque peu embarrassants, à cause de l'asile que Philippe avait accordé au Dauphin dans le duché de Brabant. Ce qui contribua à augmenter encore ces difficultés, ce fut la mort du duc de Bourbon, beau-père du comte de Charolais, survenue en 1456.

D'un autre côté, la garnison anglaise de Calais avait plus d'une fois exercé,

BELGIQUE ET HOLLANDE.

sur le territoire flamand, de grandes déprédations. Pour empêcher que ces dégâts se renouvelassent, le duc conclut une nouvelle trêve de neuf ans avec les Anglais. A la vérité, elle reçut, dès l'année suivante, de graves infrac tions; mais elle eut un résultat plus grave, celui d'empirer encore la position de Philippe à l'égard de la France. La colère du roi fut à son comble, quand il apprit que le Dauphin venait d'épouser madame Charlotte de Savoie à Namur, dans les Etats du duc. Aussi quelques mouvements de troupes françaises vers la Somme donnèrent l'éveil à Philippe, qui songea à fortifier les garnisons de ce côté, dans l'attente où il était de quelque hostilité sur ce point.

Dans un moment comme celui-ci, où tant de dangers intérieurs et extérieurs menaçaient le pays, la prudence devait nécessairement conseiller au duc de se réconcilier complétement avec la ville de Gand. Aussi, dans le cours du mois d'avril 1458, il résolut d'aller visiter cette commune, pour la première fois depuis l'humiliation à laquelle elle avait été soumise après sa défaite. Il y fut reçu avec un enthousiasme et des démonstrations de joie extraordinaires. Si bien que tout le passé parut oublié de part et d'autre, et qu'il semblait que les Gantois eussent pris à tâche de montrer à leur souverain que les princes gagnent le cœur des peuples plutôt par la clémence que par la sévérité.

S VI. RÈGNE de phillippe lE BON JUSQU'A SA MORT.

L'année 1459 s'écoula au milieu des craintes que le duc Philippe avait conçues du côté de la France, et des préoccupations que ne cessait de lui donner la guerre contre les Turcs; car il songeait toujours à aller guerroyer contre les infidèles. Du reste, des lettres et des ambassadeurs du pape, du roi de Hongrie et du roi de Portugal, même des princes grecs, qui vinrent le trouver en personne, lui rappelaient continuellement le vœu qu'il avait prononcé sur le

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faisan, et l'engagement qu'il avait pris de se mettre à la tête de la chevalerie d'Occident, pour combattre de grandes batailles contre les ennemis de la foi chrétienne. Mais, bien que, dans une maladie dont il fut attaqué à Bruxelles, il eût renouvelé son vou, l'exécution en fut indéfiniment différée. Ce qui en était cause, c'était surtout la mauvaise disposition du roi Charles de France, laquelle eût infailliblement éclaté en une guerre ouverte, si Charles VII ne fût mort peu de temps après, c'est-àdire le 22 juillet 1461, à Meung-surYèvre.

Cet événement rassura entièrement le due sur les dispositions de la France. Le roi à peine mort, Philippe manda tous les seigneurs de ses pays à SaintQuentin le 8 août, pour l'accompagner à Reims, et assister au couronnement du Dauphin, maintenant roi sous le nom de Louis XI. Ce fut avec le consentement du nouveau souverain que le duc s'y présenta en si nombreuse compagnie; car Louis ne savait si la France le voyait de bon œil arriver à la couronne. Mais quand il se fut aperçu que partout on lui faisait joyeux et bon accueil, il se repentit d'avoir permis au duc de se faire accompagner d'un si grand nombre de gens d'armes, et lui fit dire de laisser là cette suite nombreuse, et ce train d'hommes de guerre, qui ne ressemblait pas mal à une armée. Les seigneurs s'étaient mis en grands frais pour s'équiper de manière à paraître dignement au sacre, et maintenant c'étaient dépenses devenues inutiles. En outre, il ne leur était plus permis de compter sur les largesses que le nouveau roi ne pouvait manquer de faire à ceux qui assisteraient à cette solennelle consécration royale de sorte que toute cette chevalerie bourguignonne concut un profond dépit contre le roi. D'un autre côté, l'amour du faste et du luxe, que le duc Philippe poussait si loin, trouva, à Reims et à Paris, l'occasion de se produire. La magnificence qu'il étala fut si grande, que ses villes et ses seigneuries témoignèrent un vif mé

contentement de ces dépenses, dont elles faisaient ou dont elles craignaient d'être appelées à faire les frais.

Peu de temps après son retour dans ses domaines, le duc Philippe tomba dangereusement malade à Bruxelles : ce fut au mois de janvier 1462. Sa vie parut en si grand péril, que les médecins eux-mêmes doutaient qu'il en pût échapper. Il en revint pourtant; et bientôt il vit se développer de plus en plus le mauvais vouloir que le roi lui avait déjà fait entrevoir, par la défiance qu'il avait montrée avant le sacre à Reims. Louis XI voulait introduire dans la Bourgogne la gabelle sur le sel; le duc y répondit par un refus. Philippe de Bourgogne maintenait la trêve avec les Anglais, dans l'intérêt du commerce de ses gens de Flandre le roi fit défendre à ses sujets français toute relation avec l'Angleterre, et renvoya, sans presque l'avoir écouté, un ambassadeur que le duc de Bourgogne lui avait envoyé à ce sujet. Cependant, peu après, il entama une négociation pour rentrer en possession des villes de la Somme, qui avaient été engagées, en vertu du traité d'Arras, au duc Philippe, pour une somme de quatre cent mille écus. Le comte de Charolais se montrait peu disposé à céder sur ce point. Mais le roi s'assura des Croy, qui jouissaient toujours de la plus grande faveur à la cour de Bourgogne; et il réussit à amener le vieux duc à se décider pour l'abandon des villes. Aussitôt que le comte de Charolais eut appris que les Croy, gagnés par la France, tramaient cette affaire en faveur du roi, il envoya auprès de son père le sire d'Humbercourt, pour lui représenter de quelle importance les villes d'Amiens, de Corbie, de Péronne, d'Abbeville et de Saint-Quentin étaient pour la défense de l'Artois. Mais, sans prêter l'oreille à ces représentations, le duc, qui devenait chaque jour plus faible, et se livrait de plus en plus à l'influence que les Croy exerçaient sur lui, signa le traité de cession avec le roi, qui, de son côté, chercha partout à emprunter de l'argent, et déposa enfin entre les

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