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Auguste, qui rompit avec son tuteur.
Alors le comte, à son tour, s'éloigna
du roi, emmenant avec lui la reine
Isabelle. Une alliance se conclut en-
tre la France et l'Angleterre. Aussi-
tôt que le comte en eut connaissance,
il suscita contre son suzerain tout ce
qu'il put de Français et de Flamands,
et sollicita même l'empereur Frédéric
de prendre les armes. Un grand nom-
bre de princes et de seigneurs se ran-
gèrent de son côté, le duc de Bra-
bant, le duc de Bourgogne, le comte
de Hainaut, le comte de Sancerre,
le comte de Namur, et tous les vas-
saux dont les terres relevaient de ces
grands fiefs. Du côté de Philippe-Au-
guste se trouvaient le comte de Cham-
pagne et le roi d'Angleterre. En 1181,
celui-ci offrit sa médiation pour ar-
ranger le différend. Mais, l'année sui-
vante, la mort de la comtesse de Flan-
dre vint changer entièrement le cours
des événements. Sa sœur Éléonore
prétendit lui succéder dans le comté
de Vermandois, dont elle avait secrè-
tement cédé une grande partie au roi.
Ce fut la cause d'une complication
nouvelle; car Philippe d'Alsace avait
obtenu de Louis VII le Vermandois
comme indemnité de la dot de sa nièce
Isabelle de Hainaut; et Philippe-Au-
guste, qui avait lui-même, pendant
sa minorité, confirmé cette conven-
tion, refusait de lui restituer les terres
qui composaient cette dot. La guerre
s'alluma donc. Le comte de Flandre
obtint les premiers avantages; mais,
abandonné peu à peu par ses alliés, il
accepta enfin la médiation du roi
d'Angleterre, et la paix fut conclue
en 1186. Par ce traité, il consentit à
ne conserver le Vermandois que sa
vie durant.

L'année suivante, Philippe d'Alsace, poussé, comme quelques historiens le conjecturent, par son ressentiment contre Baudouin, comte de Hainaut, qui l'avait abandonné dans sa querelle avec le roi, songea à se remarier. Il choisit Mathilde de Portugal. On raconte que le navire qui portait cette princesse en Flandre fut abordé par des pirates français, et qu'ils lui en

levèrent ses joyaux et ses bijoux. Philippe arma plusieurs bâtiments, et fit donner la chasse aux brigands, qui furent pris et pendus sur le rivage de la mer, au nombre de quatre-vingts.

Cependant la chute du royaume de Jérusalem frappé par la puissante épée de Saladdin avait déterminé, en 1191, la troisième grande croisade Le comte de Flandre partit pour la terre sainte avec l'empereur Frédéric, avec les rois de France et d'Angleterre, et une foule de princes et de barons. Il mourut de la peste pendant le siége de SaintJean d'Acre, sans laisser d'héritier, mais en laissant des institutions qui, fécondées par le temps, rendirent les communes flamandes si fortes et si puissantes. Rien ainsi ne manqua à sa vie laborieuse. Il joignit au titre de législateur celui de guerrier accompli. Il prit même une place distinguée dans les récits des romanciers, qui célébrèrent dans leurs chants l'emportement chevaleresque avec lequel il ordonna de pendre par les pieds dans un cloaque infect, et de livrer au bec des oiseaux de proie, sur la tour la plus élevée du château de Saint-Omer, le jeune et beau Gautier des Fontaines, qu'il avait un jour surpris à genoux aux pieds de la comtesse.

Quand la nouvelle de la mort de Philippe d'Alsace se répandit en Flandre, tout le pays fut en deuil. Ce prince, en effet, méritait les regrets de ses populations, parmi lesquelles il avait établi ces institutions démocratiques qui luttèrent pendant si longtemps contre l'aristocratie française, et qui, sans la perte d'une bataille, auraient, dès le quatorzième siècle changé la face d'une partie de l'Europe. Le deuil s'accrut encore lorsque Philippe, à son retour en France, se mit en possession de l'Artois, qui était la dot de sa femme.

LA FLANDRE JUSQU'A LA MORT DE
BAUDOUIN DE CONSTANTINOPLE.

Les rênes du comté avaient passé aux mains de Marguerite d'Alsace, femme de Baudouin V de Hainaut

et de Namur. Mais ils eurent de grands démêlés avec Philippe-Auguste, qui voulut s'emparer de tout le pays sous divers prétextes, dont le premier était le défaut d'héritier mâle. D'un autre côté, Mathilde de Portugal, qui prétendait comme fille de roi au titre de reine, réclama un douaire plus considérable que celui que son contrat de mariage lui avait assigné. Ces questions furent soumises à l'arbitrage des évêques de Reims et d'Arras, et aux abbés d'Anchin et de Cambrai, qui adjugèrent à Philippe-Auguste tout le territoire qui forma plus tard l'Artois, avec plusieurs fiefs qui en dépendaient. Marguerite et Baudouin obtinrent le reste de la Flandre, à l'exception des pays laissés en usufruit à Mathilde, c'est-à-dire toute la partie wallonne et la plus grande portion de la Flandre occidentale.

Ainsi furent mis en pratique ces usurpations et ces empiétements que la France exercera successivement sur le comté, et qui donneront lieu à tant de guerrés furieuses:

Mais ces empiétements ne venaient pas de Philippe-Auguste seul. Le duc de Brabant et le comte de Hollande essayèrent, inutilement, il est vrai, de faire donner au premier, par l'empereur Henri VI, une partie de la Flandre. Enfin, le châtelain de Dixmude, descendant des comtes d'Alost, tenta, avec l'appui du duc de Brabant ou de Louvain, de se mettre en possession de ce comté: Baudouin sortit avec bonheur de cette dernière difficulté, et régna assez paisiblement jusqu'en 1195, après avoir renoncé, l'année précédente, à la couronne de Flandre, qu'il plaça sur la tête de son fils Baudouin, successeur de Marguerite.

On doit à ce prince la confirmation de la fameuse charte donnée aux Gantois par la reine Mathilde en 1191. Ce fut un des actes les plus mémorables de son règne.

Ici commence une nouvelle ère pour la Flandre. Baudouin IX prend en main le pouvoir, et va mériter le titre de premier empereur latin à Cons

tantinople, tandis qu'il est, dans l'histoire de Flandre, la dernière de ces figures héroïques et chevaleresques qui le remplissent depuis Baudouin Bras de Fer. Mais, avant d'aller jeter sa grande épée dans la balance des événements qui vont s'accomplir en Orient, il s'applique et parvient à engager Philippe-Auguste à modifier la dureté des conditions qui avaient été faites à Baudouin de Hainaut. Plus tard, il trouva une occasion de reconquérir une autre partie des domaines que la cupidité de la France avait enlevés à la Flandre, en prenant parti contre le roi pour Richard Cœur de Lion, revenu de la captivité où il avait été retenu en Autriche. En effet, la partie septentrionale de l'Artois lui fut rendue par le traité de Péronne en 1199. La Flandre ainsi remise en possession de presque tout son ancien territoire, Baudouin, qui avait donné, en 1195, le comté de Namur en fief à son frère Philippe, assura la législation du Hainaut en faisant jurer, par tous les barons de ce comté, deux' grandes chartes dont l'une formait leur code féodal, et dont l'autre était une espèce de code criminel et de procédure. Il fit, selon le chroniqueur Jacques de Guise, « par les conseils des grands clercs de ses États, recueillir et composer des histoires réduites en forme abrégée, depuis la création du monde jusqu'à son temps; il fit rédiger en langue française ces compilations appelées, d'après lui, Histoires de Baudouin. Enfin, il chargea les mêmes clercs de rédiger toutes les coutumes du Hainaut et de la Flandre, dans ces deux États. » Il dressa, en outre, plusieurs autres sages ordonnances relatives au prêt à intérêt, aux tonlieux et autres objets. Tout cela fait, il se dirigea vers la terre sainte, après avoir solennellement pris la croix dans l'église de Saint-Donat, à Bruges. Dans cette croisade il emmena un grand nombre de barons et de chevaliers flamands, parmi lesquels brillaient surtout ses deux frères Henri et Eustache, et le poëte Conon de Béthune, qui devint en quelque sorte

le Tyrtée de cette expédition. On sait par quelles singulières circonstances cette croisade, entreprise en 1203, fut détournée de son but. Arrivée au bord de l'Adriatique, où elle comptait trouver les galères vénitiennes prêtes à la transporter en Palestine, elle se vit tout à coup arrêtée, parce qu'elle n'avait plus de quoi acquitter le passage. Les Vénitiens offrirent de lui accorder terme, si elle voulait consentir à les aider à reprendre la ville de Zara en Dalmatie, que le roi de Hongrie leur avait enlevée. Les croisés acceptèrent cette proposition, et s'emparèrent de Zara. Cette ville conquise, ils allaient se diriger vers la terre sainte, quand le jeune Alexis, fils d'Isaac l'Ange, empereur de Constantinople, que son frère avait précipité du trône, vint les supplier d'aller au secours de son père, leur promettant deux cent mille marcs d'argent, des vivres pour l'hiver, et une troupe de dix mille hommes d'armes, s'ils parvenaient à faire rendre la couronne à l'empereur déposé. Toute l'armée se tourna vers le Bosphore,

prit Constantinople, et replaça Isaac l'Ange sur le trône. Mais l'empereur, restitué dans sa puissance, tardait à exécuter les promesses qu'il avait fait faire par son fils. Les croisés, campés sous les murs de la ville, commençaient à s'impatienter, et chargèrent le chroniqueur Ville-Hardouin et le poëte Conon de Béthune d'aller en réclamer l'exécution. Ce fut le poëte qui porta la parole. Son langage fut si hardi, qu'il excita la colère des Latins, et que les deux messagers durent se sauver au plus vite, pour échapper à la mort dont on les menaçait. A la nouvelle de ce qui venait de se passer, tous les barons frémirent d'indignation, et ce ne fut qu'un cri dans toutes les bouches: A l'assaut! à l'assaut!

Constantinople fut attaquée aussitôt et enlevée, après des prodiges de valeur.

La ville ainsi tombée en leur pouvoir, les croisés songèrent à élire un empereur. Il y avait trois concurrents : Baudouin de Flandre, le doge vénitien Henri Dandolo, et le marquis de Mont

ferrat. Baudouin fut solennellement proclamé, au nom des barons, par l'évêque de Soissons, le 16 mai 1204. Plu sieurs autres chefs de la croisade obtinrent dans l'empire grec des fiefs, dont l'histoire fabuleuse occupa si longtemps les veillées des manoirs de l'Occident, et fournit tant d'épisodes menteurs même aux romanciers français du XVIIe siècle. Mais le nouvel empereur ne resta que peu de mois sur le trône de Byzance. Il fut bientôt enveloppé dans une guerre contre les Bulgares, commandés par leur roi Joannice. Après une bataille sanglante, il fut pris le 14 avril 1205, et mourut en captivité. Les barons ne reçurent que dans le cours de l'année suivante la nouvelle certaine de sa mort, que les récits des romans accompagnent des circonstances les plus cruelles. Un grand nombre de chevaliers refusèrent cependant de croire à la réalité de sa fin, comme nous le verrons dans l'épisode du faux Baudouin, dont nous aurons à parler tout à l'heure.

Ce fut pendant les dernières années du règne de Baudouin de Constantinople qu'éclata, dans la châtellenie de Furnes et dans les autres districts compris dans le douaire de la reine Mathilde, la fameuse guerre civile entre les Ingrekins et les Bleauvoetins, qui eut pour cause les exactions que cette princesse, remariée à Eudes III de Bourgogne, exerçait sur le peuple, pour soutenir son luxe et celui des seigneurs étrangers qui vi vaient à sa cour.

L'empereur mort, et sa femme Marie de Champagne l'ayant précédé au tombeau, il restait en Flandre leurs deux filles mineures, Jeanne et Marguerite, dont leur oncle Philippe, comte de Namur, prit la tutelle. La première, étant l'aînée, obtint les deux comtés; la seconde eut quelques fiefs particuliers. LA FLANDRE JUSQU'AU RÈGNE DE (GUI DE DAMPIERRE (1205-1280).

Le roi de France, pour empêcher les deux filles de Baudouin de contracter des alliances qui pussent être préjudiciables à la France, prétendit, en sa qualité de seigneur suzerain, à la

garde noble de leurs personnes et au droit de mariage. Aussi, Philippe de Namur consentit à lui envoyer les deux jeunes princesses, afin d'obtenir lui-même, par suite de sa soumission à la volonté royale, la main d'une fille que Philippe-Auguste avait eue d'Agnès de Méranie. Mais le mécontentement populaire se manifesta si vivement en Flandre et dans le Hainaut, que le comte Philippe fut forcé d'abandonner la régence des deux comtés, dont l'administration fut remise à Bouchard d'Avesnes, qui la géra jusqu'au moment où Jeanne elle-même vint en prendre possession.

La guerre civile allumée par la reine Mathilde continua à désoler la Flandre. Mais bientôt elle fut à son terme, cette princesse, d'origine portugaise, ayant, de concert avec le roi de France, ménagé un mariage entre la comtesse Jeanne, dite de Constantinople, et Ferrand, fils du roi Sanche de Portugal. Cette union fut célébrée en grande pompe à Paris, aux frais de la Flandre et du Hainaut, et la jeune comtesse vint aussitôt prendre possession des États héréditaires de son père. Ce fut en l'an 1211; Jeanne n'était âgée alors que de vingt-trois ans. Mais au retour des deux jeunes époux en Flandre, Louis, fils du roi, les ayant devancés, les arrêta à Péronne, et les retint prisonniers jusqu'à ce qu'il se fût rendu maître des villes d'Aire et de SaintOmer, où il plaça de fortes garnisons. Cet acte de violence eut des résultats terribles. Ferrand ayant été forcé de laisser à Douai Jeanne, attaquée de la fièvre, entra d'abord seul en Flandre, où il ne réussit pas à se faire reconnaître par les villes en l'absence de la comtesse. Cependant il se mit en mesure de reprendre Aire et Saint-Omer. Un choc avec la France allait avoir lieu; mais les grands vassaux de Flandre et Jeanne réussirent à déterminer Ferrand à entrer dans la voie des négociations; et les deux villes furent cédées à Philippe Auguste par un traité conclu en 1211, entre Lens et Pont-à-Wendin. Ce prince ne s'y soumit qu'avec la plus vive répugnance. Aussi, deux années

après, il refusa d'assister le roi, comme il le devait en qualité de vassal de la France, dans l'expédition qui se préparait contre Jean-sans-Terre, roi d'Angleterre, excommunié par le souverain pontife.

Cette guerre n'ayant pas eu lieu, à cause de la réconciliation du roi Jean avec le pape, Philippe se porta avec toute son armée vers la Flandre, tandis que sa flotte, forte de 1200 voiles, entra dans le port de Damme. Ferrand appela à son secours les épées d'Angleterre, qui, réunies aux épées flamandes, atta; quèrent et ruinèrent la flotte française. Mais il ne fut pas aussi heureux sur terre; car Philippe-Auguste s'empara de presque toute la Flandre, dont il ne sortit qu'après avoir dévasté plusieurs villes, et après avoir laissé des garnisons dans quelques autres. Ferrand, qui s'était réfugié en Zélande, reparut, après le départ du roi, avec une nombreuse armée de Frisons et de Hollandais, et fut reçu successivement à Damme, et par les communes, déjà si opulentes, de Bruges et de Gand.

L'hiver suspendit un moment les hostilités, qui s'étaient continuées jusqu'alors par des expéditions peu importantes, dont le succès fut tantôt pour les armes royales, tantôt pour les Flamands, les Anglais et les Hollandais, que l'époux de Jeanne avait sous ses ordres. Ferrand le mit à profit pour se rendre en Angleterre auprès du roi Jean, afin de se concerter avec lui sur la campagne suivante.

Cependant Renaud de Dammartin, comte de Boulogne, avait réussi à négocier cette ligue si célèbre, dans l'histoire du moyen âge, sous le nom de Ligue du Bien Public. Cette confédération eut pour objet le partage de la France, et le renversement de Frédéric II prétendant à l'Empire, et elle eut pour principaux chefs l'empereur Othon IV, le roi Jean d'Angleterre, les ducs de Brabant et de Limbourg, les comtes de Flandre, de Luxembourg, de Hollande et de Namur. Presque tous les princes de la Gaule septentrionale et orientale y entrèrent. Les alliés réunirent une

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armée nombreuse, et resolurent d'attaquer la France sur deux points, du côté de l'ouest et du côté de la Flandre. Ils croyaient leur succès d'autant plus assuré, qu'ils trouvaient la plus vive sympathie dans presque tout le baronage de France, que mécontentait, depuis longtemps, la marche ascendante du pouvoir absolu qui caractérisait l'administration de Philippe Auguste, le suzerain tendant de plus en plus à absorber en lui le pouvoir de ses grands vassaux. Mais le roi, voulant empêcher ses ennemis de pénétrer dans le cœur de la France, et plein de confiance dans cette étoile qui le guida durant tout son règne, déboucha, le 23 juillet 1214, par Arras dans la Flandre, et, après avoir tout brûlé sur son passage, vint prendre, trois jours plus tard, position près de Tournai. Mais, Othon étant arrivé avec son armée au confluent de la Scarpe et de l'Escaut, Philippe Auguste se retira aussitôt vers Lille. Une grande partie de ses forces avait déjà passé le pont de Bouvines sur la Marque, quand son arrière-garde fut tout à coup attaquée par les troupes légères de l'empereur, et la bataille commença. Ce fut une lutte épouvantable, où tous ceux qui y prirent part se signalèrent par les plus beaux faits d'armes. Le roi favorisé par le soleil, et par cette toutepuissante énergie qu'inspire la nécessité de vaincre ou de périr, triompha. Il défit cette ligue formidable, après avoir couru lui-même les plus grands dangers, et resta maitre du champ de bataille. Ainsi Philippe-Auguste fit remporter à la royauté française sa première victoire sur la féodalité, victoire dont profiteront Louis XI et Louis XIII, et qui préparera la puissance absolue de Louis XIV. Il mérita le surnom de Grand, et emmena prisonniers Ferrand, Renaud de Dammartin, le comte de Salisbury, et un grand nombre d'autres seigneurs. Renaud fut enfermé dans la tour de Péronne où il mourut dans les fers, quatre années après. Ferrand fut enchaîné, et transporté à Paris dans une litière traînée par quatre chevaux,

comme nous l'apprennent ces vers du chroniqueur belge Philippe Mouskes, qui fut contemporain des événements que nous venons de raconter:

Enkainés comme lupars
Fu Ferrans, et bien refiérés
De IIII piés; car défiérés
Avoit esté trop longement;

Et ceux-ci que le peuple de Paris chantait à cette occasion:

Quatre ferrans bien ferrés
Menent Ferrans bien enferrés.

Il resta douze années prisonnier dans la tour neuve du Louvre.

Cependant le roi n'abusa pas de sa victoire au point de confisquer à son profit la Flandre, dont Jeanne, à la vérité, était la souveraine réelle, et dont Ferrand n'était que bailli et mambour. Il se borna à exiger la démolition des forteresses de Cassel, de Valenciennes, d'Ypres et d'Audenarde, et l'engagement de la comtesse de ne pas augmenter les fortifications des autres villes de Flandre, et de n'en construire aucune nouvelle sans l'agrément du roi. Jeanne accepta ces conditions, et se soumit à la volonté de son suzerain pour la rançon de Ferrand et des autres prisonniers faits à la bataille de Bouvines. Mais elle sollicita vainement la liberté de son époux : PhilippeAuguste fut inexorable. Elle renouvela ses instances auprès de Louis VIII, qui lui succéda en 1223, et elle s'occupa de recueillir les sommes nécessaires pour la rançon. Les villes et les monastères de la Flandre l'y aidèrent généreusement, et le pape Honorius luimême joignit ses instances à celles de la comtesse, promettant de mettre le pays en interdit, si le comte, rendu à la liberté, voulait jamais se révolter de nouveau. Le roi se rendit enfin et conclut avec Jeanne le traité de Melun (1226), dont les conditions étaient si dures, que les villes et les barons de Flandre le rejetèrent unanimement. Son successeur Louis IX se montra plus traitable et réduisit les charges du traité à un seul payement de vingt-cinq mille livres parisis. Cette condition fut acceptée, et Ferrand recouvra sa liberté le 6 jan

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