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LIVRE IX.

HISTOIRE DES PAYS-BAS SOUS LE RÈGNE DE LA MAISON
DE HABSBOURG ET PENDANT LE SOULÈVEMENT DE CES
PROVINCES, JUSQU'A LA TRÊVE DE L'AN 1609,

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§. I. RÉGNE DE PHILIPPE II, JUSQU'AU COMMENCEMENT DES TROUBLES PAR LE COMPROMIS DES NOBLES.

A l'avénement de Philippe II, la reine gouvernante s'était démise du pouvoir qu'elle avait jusqu'alors exercé dans les Pays-Bas au nom de son frère Charles-Quint, et elle s'était déterminée à suivre l'empereur en Espagne. Dès ce moment le gouvernement de nos provinces fut confié par le roi au duc Emmanuel-Philibert de Savoie, neveu de l'empereur. Charles III, père de ce prince, et lui-même, avaient été presque entièrement dépouillés de leur duché par les guerres qui leur furent faites par la France, autant en leur qualité d'alliés de l'Empire, que par suite des prétentions que le roi François I éleva sur leur héritage. EmmanuelPhilibert avait déjà rendu d'éminents services comme général dans la dernière lutte de Charles-Quint avec les Français; et il semblait être, autant par sa haute naissance que par ses qualités personnelles, l'homme le plus propre à succéder à la reine Marie dans le gouvernement des Pays-Bas. A côté de ce prince figuraient deux hommes distingués par leur richesse et par leur origine, aussi bien que par leur caractère et leur énergie: Lamoral, comte d'Egmont, et Guillaume de Nassau, prince d'Orange. Le premier de ces seigneurs descendait des an

à

ciens vicomtes de l'abbaye d'Eg-
mont en Hollande. Son père avait été
chambellan de Charles-Quint et cheva-
lier de la Toison d'or. Sa mère était
Françoise de Luxembourg-Ligny. Son
frère était mort jeune en Espagne, et
l'avait laissé unique héritier de sa
maison. Enfin sa sœur avait épousé
le duc de Lorraine, et avait donné à
sa famille un nouvel éclat par cette
grande alliance. Lamoral avait,
l'âge de dix-neuf ans, accompagné
l'empereur à Tunis, et il s'était dis-
morable campagne. Quelques années
tingué comme officier dans cette mé-
plus tard, il avait épousé, à Spire,
Sabine du Palatinat-Šimmern, sœur
de l'électeur palatin Frédéric. Guil-
laume de Nassau descendait d'Otton II
de Nassau-Dillenbourg, qui, par son
mariage avec Adèle de Vianden, ac-
ché de Luxembourg. Cette maison
quit le comté de ce nom dans le du-
s'était peu

peu agrandie dans les
Pays-Bas, où elle parvint, par l'union
d'Englebert I de Nassau avec l'héri-
tière de la famille de Polaenen, à la
seigneurie de Bréda, comme, plus
tard, Henri, arrière-neveu d'Engle-
range, par son mariage avec Claudine
bert, l'enrichit de la principauté d'O-
de Châlons, sœur de Philibert d'Orange.
1544 à Guillaume, qui n'était alors
Toutes ces seigneuries échurent en
dès son enfance, dans le protestan-
âgé que de onze ans. Il avait été élevé,
tisme; et lorsque plus tard if se trouva
attiré à la cour de l'empereur, il fut
forcé de vivre extérieurement selon les
pratiques de l'Église romaine. La vio-
lence intérieure qu'il était tenu de se
à une grande retenue. Son caractère
faire ainsi le disposa naturellement

en prit quelque chose de morne, de sévère et de posé; et c'est ainsi qu'il reçut le surnom de Taciturne. Char les-Quint le maria, en 1551, à une des plus riches héritières du pays, à la fille de Maximilien d'Egmont, comte de Buren et seigneur d'Ysselstein, qui possédait de grands et superbes domaines dans le Betuwe, dans le diocèse d'Utrecht et dans la Hollande méridionale.

Outre ces deux seigneurs se groupaient, autour du duc de Savoie, Philippe de Montmorency, comte de Hornes; Perrenot de Granvelle, évêque d'Arras, qui était un des plus intimes confidents du roi Philippe; le président du conseil privé, Viglius de Zwichem d'Aytta; et enfin, le comte de Berlaimont.

Au commencement de l'année 1557, la trêve que Charles-Quint avait commencé à négocier avec la France, et que Philippe II était parvenu à conclure en 1556 à Vaucelles, fut tout à coup rompue en Italie. La campagne s'ouvrit dans les Pays-Bas, où l'amiral Coligny commença par essayer de s'emparer, par un coup de main, de la place de Douay. N'ayant pu réussir dans cette entreprise, il tomba sur la ville de Lens, et s'en rendit maître. Dès les premières nouvelles de la rupture de la trêve, Philippe avait fait réunir près de Charlemont une nombreuse armée, composée en grande partie d'Allemands, de Flamands et de quelques Espagnols, auxquels étaient venus se joindre dix mille Angiais. Sans ce secours venu d'Angleterre, elle comptait cinquante mille fantassins et treize mille cavaliers. Toute cette troupe se mit en mouvement dans le cours du mois d'août, et elle parut d'abord vouloir tomber sur Marienbourg; mais, par une brusque manœuvre, elle se dirigea vers la Picardie, où elle prit et brûla Vervins. Elle parut tout à coup devant Saint-Quentin, où Coligny n'eut que le temps de se jeter à la hâte avec quel que garnison, pour renforcer cette place. Le connétable de France, Anne de Montmorency, voyant la ville ainsi

menacée, arriva aussitôt, pour tenter de la dégager; car, Saint-Quentin tombé, l'armée flamande pouvait marcher droit sur Paris. Mais les forces qu'il commandait étant trop inférieures, il choisit le parti de la retraite, afin d'essayer de couvrir au moins la capitale du royaume. Le comte d'Egmont fut lancé à la poursuite de l'ennemi, et lui causa de grandes pertes. Bientôt l'affaire devint si vive, que les Français essuyèrent une défaite complète. Le connétable luimême fut fait prisonnier. Peu de jours après, Saint-Quentin fut pris d'assaut, et Coligny tomba au pouvoir des Flamands.

L'hiver étant venu, ceux-ci, au lieu de poursuivre leurs succès, rentrèrent dans leurs quartiers, pendant que les Français s'occupèrent de la conquête des dernières possessions que l'Angleterre avait conservées en France : Calais, Guines et Ham.

Dès le retour du printemps, l'armée française se remit en marche. Cette fois elle envahit le Luxembourg, et prit Arlon et Thionville, pendant qu'un autre corps s'empara de Dunkerque et de Bergues. Presque toute la Flandre fut mise au pillage et dévastée. Le comte d'Egmont, envoyé avec une troupe de cavalerie pour arrêter ces ravages, accosta les ennemis près de Gravelines, et leur fit essuyer une déroute signalée. Leur général fut fait prisonnier.

Cependant la tournure que la guerre prit bientôt en Italie sous la conduite du duc d'Albe, engagea le pape à s'entremettre en faveur de la paix. Il commença par conclure lui-même un traité qui le détacha des ennemis du roi Philippe II; puis il envoya à la cour de Bruxelles le cardinal Caraffa pour y négocier une paix définitive, à laquelle le roi de France se montra aussi bien disposé après la défaite de Gravelines, que Philippe l'était depuis la mort de son épouse Marie d'Angleterre (17 novembre 1558), qui le privait désormais de l'appui des Anglais.

Cependant le duc de Guise, qui commandait les Français dans le duché de

Luxembourg, avait formé le projet de pousser une pointe sur Namur. Mais l'issue de l'affaire de Gravelines l'engagea tout à coup à se jeter dans la Picardie, où les forces françaises se rassemblaient dans le voisinage d'Amiens. De son côté, le roi Philippe réunit une troupe considérable près de Doulens,sous le commandement des meilleurs capitaines flamands, espagnols, allemands et italiens. Pendant plusieurs mois ces deux armées demeurèrent ainsi en présence, retranchées dans leurs camps, et peu disposées à rien entreprendre l'une contre l'autre.

Dans ces entrefaites, le pape n'avait cessé de prêcher la paix ; et la duchesse Christine de Lorraine avait joint sa voix à la sienne. Tous les partis y parurent bientôt disposés. Le prince d'Orange fut chargé par le roi Philippe d'entamer lesnégociations avec le connétable de France et le maréchal de Saint-André, tous deux prisonniers; et on en vint à des pourparlers d'accommodement. Ils s'ouvrirent en octobre 1558, dans l'abbaye de Cercamp, près de Saint-Pol en Artois. L'Espagne y était représentée par le prince d'Orange, le duc d'Albe, le comte de Melita, Granvelle et Viglius; et la France, par le cardinal de Lorraine, le connétable, le maréchal de SaintAndré, l'évêque d'Orléans, et le secrétaire d'État Claude d'Aubespine. Les négociations eurent pour premier résultat l'établissement d'une trêve. Après avoir été un moment interrompues, elles furent reprises à CâteauCambresis dans le mois de février 1559. Enfin, une paix définitive fut signée le 3 avril. Elle laissait les Pays-Bas intacts dans leur territoire, et stipulait la restitution réciproque de toutes les villes, places fortes et territoires conquis par chacun des deux pays sur l'autre ; elle décida le mariage de Philippe Il avec Elisabeth de France, fille aînée de Henri II; enfin, elle établit que les deux rois s'emploieraient pour la réunion d'un concile général, qui aviserait aux moyens d'éteindre l'hérésie et de commencer la guerre contre les Turcs.

Après la conclusion de cette paix, Guillaume d'Orange et plusieurs autres seigneurs furent envoyés en France comme otages pour garantir l'exécution du traité. On assure que, pendant son séjour dans ce royaume. le prince fut instruit de toutes les mesures secrètes prises en commun par les deux rois contre les protestants, et que ce fut là le motif qui le poussa, plus tard, à se mettre sur un pied d'hostilité à l'égard de Granvelle.

Quoi qu'il en soit, aussitôt que la paix eut été conclue avec la France, le roi Philippe songea à retourner en Espagne. Mais, avant son départ, il lui fallut pourvoir au gouvernement général des Pays-Bas, dont il investit Marguerite de Parme, fille naturelle de Charles-Quint, et femme d'Octave Farnèse, duc de Parme et de Plaisance, le duc de Savoie ayant été réintégré dans ses États par le traité de CâteauCambrésis. Ensuite il nomma un gouverneur à chaque province. Guillaume d'Orange fut préposé à la Hollande, à la Zeelande et au pays d'Utrecht; Lamoral d'Egmont fut continué dans les provinces de Flandre et d'Artois; le comte de Mansfeld obtint le Luxembourg; le comte de Berlaimont, le comté de Namur; Jean, comte d'OostFrise, le Limbourg; Jean de Lannoy, le Hainaut; Jean de Montmorency la Flandre française; Florent de Montmorency, le Tournaisis; Jean de Ligne, la Frise et l'Over-Yssel; et enfin, Charles, comte de Meghen, la Gueldre et le pays de Zutphen. Quant au Brabant, le roi le plaça sous l'autorité immédiate de la gouvernante des Pays-Bas. L'organisation militaire attira aussi l'attention de Philippe, qui distribua en quatorze cornettes, dont il conféra le commandement à quatorze des principaux seigneurs du pays, le corps de cavalerie que son père avait institué, sous le nom de bandes d'ordonnance, et qui se composait de trois mille chevaliers. La charge d'amiral fut confiée à Philippe de Montmorency, comte de Hornes, et celle de général d'artillerie à Philippe Stavel de Glay.

L'état ecclésiastique fut également

l'objet de ses soins. Jusqu'alors il n'y avait eu dans les Pays-Bas que cinq évêchés: Arras, Cambrai, Thérouanne, Tournai et Utrecht. Charles-Quint, pour empêcher les progrès des nouvelles sectes, avait déjà formé le projet d'en ériger de nouveaux. Mais ses graves préoccupations et ses guerres continuelles l'avaient tenu dans l'impossibilité de le réaliser. Philippe reprit cette idée, et la mit à exécution. Il négocia avec le pape, et obtint une bulle par laquelle le souverain pontife lui permit de fonder quatorze nouveaux siéges qui seraient suffragants de Cambrai et d'Utrecht, qu'il établit en métropoles, et de Malines, qu'il érigea en primatie des Pays-Bas. Les nouveaux évêchés furent Saint-Omer et Namur, suffragants de Cambrai; Anvers, Gand, Bruges, Ypres, Boisle-Duc et Ruremonde, suffragants de Malines; et enfin Haarlem, Deventer, Leeuwaarden, Groningue et Middelbourg, suffragants d'Utrecht. Le roi plaça sur ces siéges des hommes qui tous s'étaient distingués par leurs écrits, et s'étaient signalés par leur fermeté et leur orthodoxie au concile de Trente. Perrenot de Granvelle, évêque d'Arras, obtint l'archevêché de Malines et le titre de primat.

Enfin, Philippe compléta l'organisation administrative des Pays-Bas, en adjoignant à la gouvernante un conseil d'État, composé de Guillaume de Nassau, du comte d'Egmont, du comte de Hornes, de Perrenot de Granvelle, de Viglius, de Zwichem d'Aytta, et du comte de Berlaimont. Ces trois derniers avaient surtout la confiance du roi, et il les recommanda particulièrement à la duchesse de Parme. Aussi ils formaient ce qu'on appelait la consulte, ou, comme les ennemis de Granvelle disaient, le conseil secret.

Toutes les choses ainsi disposées, Philippe adressa aux tribunaux des circulaires par lesquelles il leur recommandait, en termes généraux, l'observation et le maintien de la religion, ainsi que la rigoureuse exécution des édits publiés sur cet objet.

Puis il convoqua à Gand les états du pays, et conduisit la duchesse de Parme dans cette assemblée, devant laquelle Granvelle exposa les motifs qui forçaient le roi à quitter les PaysBas. Les états ayant saisi, dans ce discours, des dispositions qui annonçaient un système oppressif, et destructeur des priviléges et de la liberté du pays, y firent une réponse ferme et digne, dans laquelle ils exposèrent et leurs raisons et leurs craintes. Le roi, qui aperçut aisément, dans ce langage, leur mécontentement et leurs dispositions, laissa à la duchesse des ordres et des instructions secrètes sur les principes d'après lesquels elle eût à diriger sa conduite dans l'administration des affaires. Les états cependant n'avaient point parlé des cir culaires envoyées aux tribunaux ni des recommandations faites au sujet des édits. Ils avaient tiré le principal argument de leur réplique de la nécessité de renvoyer les troupes espagnoles et étrangères; de confier, comme au temps de l'empereur, la garde des places fortes du pays à des troupes nationales, et de n'admettre aucun étranger dans le conseil d'Etat. Cette dernière réclamation était un trait lancé indirectement à Granvelle, qui était de Besançon, dans la FrancheComté. Philippe, qui ne put manquer de voir dans ce langage le germe d'une opposition, ne s'engagea cependant à rien, si ce n'est à retirer les troupes étrangères au bout de quatre mois.

Après avoir passé un mois à Gand, il alla s'embarquer à Flessingue, et partit pour l'Espagne le 26 août 1559.

A peine le roi eut-il quitté les PaysBas, que les esprits, déjà si mécontents du présent et si inquiets de l'avenir, commencèrent à s'agiter. Il avait laissé dans les provinces trois mille hommes de troupes espagnoles, dont les états pressaient vivement le depart. La duchesse alléguait prétexte sur prétexte pour retarder leur éloignement. Le peuple en murmurait de plus en plus, et trouvait un puissant soutien dans le prince d'Orange, et dans les comtes de Hornes et d'Eg

mont. Enfin, la gouvernante, vaincue, céda à ces instances, et donna aux Espagnols l'ordre de s'embarquer à Flessingue. En vain Granvelle essaya-t-il de s'y opposer les cinq autres membres du conseil d'État se prononcèrent pour l'éloignement des soldats étrangers, qui en effet partirent au commencement de l'an 1561.

Depuis ce moment une division cachée, mais profonde, s'établit entre la duchesse de Parme et Granvelle. La gouvernante s'était placée, comme l'archevêque de Malines l'avait prévu, dans une position embarrassante, par le renvoi des Espagnols; car, dès cet instant, on en vint des murmures aux exigences. Le prince d'Orange demandă, dans le conseil d'Etat, qu'il fut nommé un gouverneur du Brabant. Il savait très-bien que cet office ne serait confié qu'à un homme du pays, et de haute condition; mais il tenait, avant tout, à soustraire cette province à l'influence directe de Granvelle. La duchesse ne se montrant pas disposée à faire directement droit à cette réclamation, le parti mécontent demanda qu'une assemblée des états fût convoquée pour délibérer sur ce sujet. Mais elle répondit que le roi lui avait défendu de réunir les états. Toutefois elle recourut à une de ces demimesures qui gâtent toujours les affaires, et consentit à convoquer, sous sa responsabilité particulière, l'ordre de la Toison d'or. Ce ne fut là que fournir aux grands seigneurs l'occasion de conspirer à leur aise, et de se concerter entre eux pour renverser Granvelle, qui tenait constamment le roi au courant de tout ce qui se passait dans le pays, et, certes, ne les dépeignait pas au souverain sous les couleurs les plus favorables.

Un autre embarras que la duchesse s'était créé, c'était le refroidissement dont Granvelle ne se cachait plus. Mais elle trouva un moyen de le ramener, en obtenant du pape le chapeau de cardinal pour l'ambitieux archevêque de Malines. Bien que la bulle papale fût datée du 26 février 1561, Marguerite la tint secrète jusqu'à ce

que le roi eût approuvé cette nomination, Cette dignité nouvelle ne fit que rendre Granvelle plus odieux encore aux grands seigneurs, que son orgueil blessait déjà si profondément, et que son luxe exagéré blessait maintenant plus profondément encore. Les choses en étaient venues au point qu'on ne déguisait plus la haine qu'on lui portait. Un jour, dans un banquet qui se donnait à l'hôtel du seigneur de Grobbendonck, on se mit à persifler vivement l'insolente magnificence des domestiques du cardinal. Un des seigneurs qui s'y trouvaient présents proposa d'adopter la mode contraire, et le comte d'Egmont fut chargé d'inventer une nouvelle livrée. Le lendemain, il fit habiller ses domestiques de gros drap gris-noir uni. Cette mode fut adoptée aussitôt avec une si grande avidité, que les tailleurs de Bruxelles ne pouvaient suffire à toutes les commandes. Mais, afin que la signification de ce bizarre accoutrement fût bien comprise, on fit broder sur les ailerons, ou manches pendantes, qu'on portait alors, des têtes rouges ou encapuchonnées, comme celle du cardinal.

La duchesse ne fit que rire de cette plaisanterie, et elle envoya même un de ces ailerons au roi. Granvelle ne fut pas d'aussi bonne composition. Il se mit en grande colère, et se plaignit vivement à Philippe II; de sorte que les ailerons à têtes rouges et à capuchons furent défendus. On se hâta d'y substituer un faisceau de flèches, accompagné de ces mots : Concordia res parvæ crescunt. Dans ce symbole et dans ces paroles, qui devinrent plus tard l'emblème et la devise des Provinces Unies, il y avait toute une révolution.

Ces menées ne pouvaient manquer d'inspirer enfin quelque inquiétude à la duchesse, qui se hâta de congédier les chevaliers de la Toison d'or, et d'envoyer à Philippe un messager, le baron de Montigny, pour lui porter les plaintes et les demandes de la nation. Elle avait, avant le départ de ce messager, dépêché secrètement une lettre au roi, pour lui donner connais

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