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de Sainte-Waudru, qu'il entoura cette ville de murailles, qu'il fortifia les villes de Binche et du Quesnoy, et qu'il éleva des châteaux à Ath, à Bouchain et à Braine-le-Comte. Il régna jusqu'en 1171, ayant obtenu de sa femme Alix de Namur six fils dont les deux premiers l'avaient précédé au tombeau. Des quatre autres, Baudouin lui succéda sous le nom de Baudouin V, et Guillaume obtint la seigneurie de Château-Thierry sur la Meuse, dans le comté de Namur.

Après le décès de Philippe d'Alsace, comte de Flandre, son héritière, Marguerite d'Alsace, épousa, comme nous l'avons vu, Baudouin V de Hainaut; et, dès lors, les deux États se trouvèrent réunis sous la même puissance, jusqu'après la mort de Marguerite de Constantinople, survenue en 1280.

Maintenant suivons les annales de la Flandre et du Hainaut depuis l'avènement du comte Gui de Dampierre jusqu'à la domination des ducs de Bourgogne, de la maison de Valois. Ici va s'ouvrir cette série de luttes presque gigantesques, où la Flandre plus d'une fois tiendra tête à la France; où les épées des barons s'ébrècheront plus d'une fois sur les bâtons ferrés des bourgeois de nos villes; car nos communes sont devenues puissantes et fortes de cette double énergie que donnent la richesse acquise par le travail, et cet esprit de liberté qui leur fit accomplir tant de miracles.

LA FLANDRE JUSQU'A L'INVASION DES FRANÇAIS EN L'AN 1300. Dès l'avénement de Gui de Dampierre au comté en 1280, la Flandre se trouva placée dans la position la plus fausse. Ce prince, à la fois ambitieux et avare, imprévoyant et faible, compromit au dedans et au dehors la sûreté de ses États. Infidèle à la sage politique de ses prédécesseurs, il essaya de s'attaquer aux libertés des communes. Il tenta tout d'abord, à l'instigation perfide du roi de France Philippe le Hardi, de soumettre les magistrats des villes à lui rendre compte de leur gestion. Aussi, Gand, Bruges et Ypres,

s'appuyant sur leurs priviléges, commencèrent bientôt contre lui une violente opposition. Le successeur de ce roi, Philippe le Bel, vit avec plaisir et fomenta ces discordes intérieures, qu'il se disposait à mettre à profit pour se former un parti qui pût l'aider dans la conquête de la Flandre. Bruges avait été le théâtre d'une lutte sanglante, où ses bourgeois avaient donné le premier exemple de la prise d'armes d'une commune flamande contre l'autorité féodale : mais une punition sévère avait frappé cette ville. Ypres se souleva à son tour, et fut punie de même. Gand allait l'imiter et aurait peut-être subi le même sort, si le roi Philippe ne l'eut prise sous sa protection. La main du roi se manifestait presque ouvertement dans tout ce qui se faisait; car il laissa, malgré les stipulations du fameux traité de Melun, les villes augmenter leurs fortifications, tandis qu'il ne permettait pas au comte de fortifier un seul de ses châteaux. Gui était aveuglé, et ne voyait rien de toute la vaste trame qui l'enlaçait. Enfin, en 1294, il arriva une circonstance qui lui ouvrit les yeux trop tard. Il avait fiancé sa fille Philippine au prince de Galles, fils d'Édouard I, roi d'Angleterre. Philippe, qui ne pouvait voir sans inquiétude cette alliance, résolut de la rompre par une ruse peu royale. Au moment où la jeune princesse, dont il était parrain, était sur le point de se rendre en Angleterre, Philippe fit complimenter le comte, et l'invita à conduire sa fille à Paris, pour prendre congé de lui et de la reine. Gui se rendit donc en France avec la princesse. Mais à peine fut-il arrivé à Paris, que le roi le fit traduire devant les pairs de France comme coupable de trahison, à cause de l'alliance qu'il allait conclure avec un ennemi de son suzerain. Les pairs l'ayant renvoyé absous, il lui fut permis de retourner en Flandre. Il n'en fut pas de même de sa fille. Philippe la retint prisonnière, et elle mourut bientôt de chagrin. Le comte avait à tirer une éclatante vengeance de l'insulte que le roi lui avait

faite, et de la captivité de sa fille. Mais le roi le prévint avec une astuce plus perfide que jamais, en l'impliquant dans de nouvelles querelles avec les communes flamandes. Il excita contre lui les habitants de Gand, de Bruges, d'Ypres, de Lille et de Douai. Il leur accorda le privilége de refuser d'aller en guerre hors du royaume, à moins que ce ne fût d'après son ordre exprès, ou d'après l'ordre de ses successeurs. Enfin, il suscita partout les plus grands embarras à son vassal. Mais le comte, pour se mettre en état de faire face aux dangers qui le menaçaient, s'occupa de chercher au dehors de solides alliances. Il tint, en 1296, à Grammont, une assemblée où se représentèrent le roi Édouard d'Angleterre, l'empereur Adolphe de Nassau, le duc Jean de Brabant, le duc Albert d'Autriche, et le comte Henri de Bar. Il y fut décidé que Gui de Dampierre enverrait au roi une lettre de défi, et lui déclarerait aussitôt la guerre. Les alliés lui assurèrent solennellement leur appui contre Philippe, et contre l'allié de la France, Jean II d'Avesnes, comte de Hainaut. Édouard d'Angleterre fiança en outre le prince de Galles à Isabelle, autre fille de Gui; il s'engagea à fournir à la Flandre un subside annuel de soixante mille livres tournois, pour Paider à payer les frais de la guerre, et promit de ne pas conclure la paix avec la France sans l'intervention du comte. La haine que le sang des Avesnes portait à celui de Dampierre trouva dans cette querelle une occasion de se venger de la préférence que Marguerite de Constantinople avait accordée à ces derniers. Elle s'empressa de mettre cette circonstance à profit. Le comte de Hainaut avait, pour augmenter sa puissance, attiré dans son parti ses frères Bouchard et Guillaume d'Avesnes, évêques de Metz et de Cambrai, Jean de Dampierre, évêque de Liége, les comtes de Juliers et de la Marck, ainsi qu'un grand nombre de seigneurs lorrains.

Aussitôt que Philippe le Bel eut appris les dispositions de Gui de Dam

pierre, il assembla les pairs du royaume, et résolut d'envoyer des messagers au comte. Celui-ci sortait précisément de la messe au moment où les messagers de son suzerain se présentèrent devant lui, le déclarèrent prisonnier du roi, et voulurent l'emmener à Paris. Le fils de Gui, Robert de Béthune, tira l'épée pour frapper les envoyés royaux; mais son père le retint, et leur ordonna de repartir incontinent pour la France, après les avoir munis d'un sauf-conduit. Ensuite il fit savoir au roi, par les abbés de Floreffe et de Gembloux, qu'il ne le reconnaissait plus comme son suzerain. Après cet acte, il fut déclaré rebelle à la couronne, et les hostilités commencèrent aussitôt.

Le roi s'était ménagé un parti puissant dans les villes de Flandre. Ce parti, que les historiens désignent par le nom de leliaerts (hommes du lis), s'était grossi de toutes les haines que le comte avait suscitées autour de lui dans les communes. Il résista avec l'énergie de la rancune à tous les moyens que Gui de Dampierre et le roi d'Angleterre mirenten œuvre pour le détacher de la France. Ni les libertés nouvelles que le premier assura aux vil les, ni les avantages que le second donnait au commerce flamand, ne purent l'attirer d'un autre côté. Il avait pour chefs principaux Jacques, évêque de Térouanne; Thomas, abbé de Dunes, et les écoutêtes de Furnes et de Bergues: enfin, la plus grande partie des nobles de la Flandre occidentale, et presque tous les échevins des villes, y étaient entrés, par haine contre les Allemands.

La guerre commença donc. Après avoir, en 1295, fait mettre en interdit la Flandre par les évêques de Reims et de Senlis, le roi se mit en marche avec une armée de soixante mille hommes, où l'on voyait les bannières des ducs de Bretagne et de Bourgogne, et celles de trente-deux comtes. Au mois de juillet, cette troupe formidable franchit les eaux de la Lys dans le voisinage de Warneton. Le comte, dont les alliés n'étaient guère préparés à entrer en campagne, ne put songer à

s'opposer à cette force imposante : aussi, il se tint sagement sur la défensive. Cependant les villes tombaient l'une après l'autre au pouvoir des Français. Warneton, Furnes et Bourbourg se rendirent sans résistance. Un combat sanglant eut lieu près de Furnes, où les Allemands alliés du comte furent battus par Robert d'Artois. Le drapeau des lis flotta bientôt sur cette ville elle-même, et sur les remparts de Nieuport et de Dixmude. Alors Robert fit sa jonction avec le gros de l'armée royale, qui avait mis le siége devant Lille. Pendant ce temps, le comte avait couru de ville en ville, à Ypres, à Bruges, à Gand, pour les maintenir jusqu'à ce que le roi d'Angleterre eût pu venir à son secours. Enfin, au mois d'août, la flotte anglaise aborda à Damme. Il importait, avant tout, de s'attacher les bourgeois de Gand, qui ne se croyaient pas tenus à prendre part à une guerre commencée sans l'intervention des communes. Édouard essaya vainement de les gagner en leur accordant des avantages commerciaux, comme il l'avait déjà précédemment fait aux bourgeois de Bruges. Pendant ce temps, Lille était tombée, malgré la vigoureuse défense de Robert de Béthune. La chute de cette forteresse entraîna la reddition de Douai et de Courtrai. Alors le roi se dirigea sur Bruges, dont les habitants vinrent au-devant de lui avec les clefs de leur cité. Les affaires en étant à ce point, la flotte anglaise n'eut que le temps de prendre le large au plus vite; car la ville de Damme fut occupée par les troupes françaises presque en même temps que Bruges. Ces forteresses enlevées, Charles de Valois, frère de Philippe le Bel, retourna au camp royal établi à Ingelmunster, entre Thielt et Courtrai. Robert de Béthune et le prince de Galles mirent aussitôt son absence à profit pour reprendre Damme; et peut-être auraient-ils réussi à chasser aussi la garnison française de Bruges, si une querelle ne fût survenue entre les Anglais et les Flamands dont se composait la troupe qu'ils commandaient.

Alors le roi, pour mieux assurer sa conquête, transporta son camp à Bruges, laissant Charles de Valois avec un corps devant Ypres, qui tenait encore pour le comte. Mais celui-ci désespéra bientôt de pouvoir emporter cette forteresse, et rejoignit Philippe le Bel peu de temps après. Cependant les Flamands et les Anglais attendaient avec impatience à Gand l'arrivée de l'empereur Adolphe, dont l'aide leur était devenue plus que jamais nécessaire. Mais cette fois encore ils furent déçus dans leur espoir; car le roi, d'après le conseil de son allié, le comte de Hainaut, envoya de grosses sommes d'argent en Allemagne, et paralysa de cette manière le secours qu'Edouard d'Angleterre et Gui de Dampierre attendaient de ce côté. Dans cette extrémité, il ne restait donc plus aux deux princes qu'à demander une trêve. Elle fut conclue vers le milieu du mois d'octobre 1297, d'abord pour six semaines, ensuite prorogée pour deux années, c'est-à-dire jusqu'au jour des Rois 1300. Il fut stipulé que les villes occupées par les Français resteraient en leur pouvoir pendant la durée de la trêve, et que l'arbitrage du pape Boniface VIII serait invoqué pour la décision du différend qui existait entre la Flandre et l'Angleterre d'un côté, et la France de l'autre.

Le roi Edouard passa l'hiver à Gand; mais une émeute le porta bientôt à franchir la mer. Ses soldats s'étaient fait détester par leur arrogance. Insolents hommes d'armes, ils croyaient avoir bon marché de ces bourgeois flamands dont ils n'avaient pas encore appris à respecter la force. Aussi, ils se mirent un jour à piller les maisons et à mettre le feu à la ville. Les Gantois coururent aussitôt aux armes, attaquèrent les Anglais, et tuèrent sept cents fantassins et trente chevaliers ennemis. Pas un n'eût échappé au massacre, si le comte ne fût arrivé à temps pour sauver les fuyards, et pour empêcher les bourgeois d'achever leur vengeance. Édouard, outré de colère, partit aussitôt avec les siens,

et abandonna son allié à ses propres forces. Peu de temps après, il s'attacha à Philippe le Bel, dont il épousa la sœur Marguerite.

Pendant l'été de l'année 1298, des ambassadeurs furent envoyés de France, d'Angleterre et de Flandreà Rome, pour recevoir la sentence arbitrale du pape. Mais Boniface VIII ne fut pas écouté. La guerre devait recommencer avec une fureur nouvelle, à l'expiration de la trêve.

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L'année 1300 venait de s'ouvrir, et Gui de Dampierre ne pouvait plus compter que sur sa propre épée. La trêve étant finie, Charles de Valois se répandit dans la Flandre avec une armée nombreuse, à laquelle Robert de Béthune ne put opposer que quelques faibles troupes, qui furent aisément battues près de Courtrai. Après cette défaite, le jeune comte se retira avec les débris de son armée dans les murs de Gand, tandis que ses frères Guillaume et Gui se maintenaient l'un à Damme, l'autre à Ypres. Damme se vit bientôt réduite à capituler. Ce qui restait encore de villes et de châteaux tomba au pouvoir des armes françaises. Enfermé dans les remparts de Gand, le comte recevait chaque jour la nouvelle d'un nouveau désastre. Le trait d'énergie d'un seul de ses barons, Philippe de Maldeghem, ne put le consoler de toutes ces afflictions. Ce seigneur essaya, sans aucun espoir de succès, et dans l'unique but de donner à son maître le temps de se fortifier à Gand, d'attirer sur lui seul toutes les forces des Français; mais, battu et fait prisonnier, il gagna à son fief le beau surnom de Maldeghem la Loyale. Ce dévouement ne put rien pour la cause de Gui de Dampierre. Les Gantois négocièrent avec le roi, et se soumirent après qu'il eut confirmé leurs priviléges, et qu'il se fut engagé à tenir leur ville comme relevant directement de la couronne. Le comte n'avait plus de résistance à faire: il se vit réduit à supplier Charles de Valois de lui fournir les moyens de négocier avec Philippe le Bel. Le prince français l'engagea à se rendre

avec ses fils à Paris, lui promettant de le ramener avec les siens sains et saufs en Flandre, en cas qu'ils n'eussent pu obtenir la paix après l'expiration d'une année. Gui de Dampierre y consentit. Quand il fut arrivé à Paris avec ses fils Robert et Guillaume, avec ses petits-fils Robert et Louis, et avec plusieurs chevaliers flamands, tous se jetèrent aux pieds du roi, qui ne s'engagea qu'à leur accorder la vie sauve, disant qu'il n'était pas tenu aux promesses faites par son frère, sans avoir été investi de pleins pouvoirs à ce sujet. Le comte fut envoyé prisonnier à Compiègne, Robert dans la forteresse de Chinon en Touraine, Guillaume à Novette en Auvergne, les autres dans d'autres endroits.

Alors Charles de Valois nomma gouverneur royal de la Flandre le connétable Raoul de Nesle, dont le fils avait épousé la fille de Guillaume, deuxième fils du comte déchu.

La Flandre fut traitée en pays conquis, et les villes furent forcées d'envoyer des otages à Tournai, pour être les garants de leur obéissance.

LA FLANDRE ET LE HAINAUT JUSQU'A LA MORT DE GUI DE DAMPIERRE (1305).

Au printemps de l'année suivante, le roi, accompagné de la reine, du comte de Hainaut et d'un grand nombre de seigneurs, vint visiter sa conquête. Il se montra tour à tour à Douai, à Lille, à Courtrai et à Gand, se faisant partout rendre l'hommage dú au suzerain du pays, déclarant que Gui de Dampierre devait être regardé comme le dernier comte de Flandre. Il agit en maître; il confirma les franchises et les libertés des villes; il disposa des emplois en souverain, tandis que les Flamands lui donnaient les fêtes les plus magnifiques. A Gand, il changea dans le sens populaire la constitution de la ville. Mais à Bruges, la joie du peuple cessa tout à coup, pour deux motifs.Les agents royaux ayant défendu aux bourgeois de demander au souverain l'abolition de la taxe sur le vin et sur la

bière, que les Gantois avaient obtenue, on commença à murmurer sourdement. De son côté, la reine avait vu avec un profond dépit le luxe que déployaient dans leurs vêtements les bourgeoises de cette ville, et avait prononcé ces paroles : « Je croyais être seule reine ici; et voilà que j'en trouve six cents. >>

Après avoir reçu l'hommage des habitants, le roi repartit par Ypres, Lille et Douai. Dans cette dernière ville il assista au mariage de Robert d'Artois avec Marguerite, fille aînée du comte de Hainaut. Il avait institué Gobert d'Espinoy commissaire royal à Bruges, et chargé le comte de Châtillon du gouvernement de la Flandre. Douze cents chevaliers français furent donnés à ce seigneur pour lui servir de garde. C'était presque une cour princière. Aussi, il commença, dès le départ de Philippe le Bel, à se conduire en maître.

Les Flamands ne tardèrent point à manifester leur mécontentement de ce nouvel ordre de choses, et à regretter leur ancienne indépendance. Ils trouvaient les taxes dures; ils sentaient leur commerce déchoir; ils s'inquiétaient profondément de voir l'étranger se fortifier dans leurs villes. Les Brugeois firent explosion les premiers. Excités par leur doyen, Pierre de Koninck, les tisserands y commencèrent la révolte. Le reste du peuple se groupa sous Jean Breydel, doyen des bouchers. Ces deux nobles flamands trouvèrent dans presque tout le comté la plus ardente sympathie. Gand leur tendit la main. Partout s'organisèrent des réunions secrètes, où l'on se stimulait, où l'on s'excitait par les mots de patrie et de liberté. Les fils de Gui de Dampierre, qui avaient échappé au malheureux sort de leur père, se multipliaient de toutes parts, et soufflaient dans tous les esprits la haine contre l'étranger. Tout fut bientôt organisé pour s'affranchir d'un joug devenu intolérable. Le jeune Guillaume de Juliers fut nommé en secret gouverneur du pays, au nom de Gui son aïeul. On se trouva prêt à agir le 24 mai 1302. Ce jour-là, le sire

de Châtillon avait fait son entrée à Bruges avec dix-sept cents cavaliers et une troupe considérable de fantassins, traînant à sa suite plusieurs chariots, chargés de tonneaux que l'on croyait remplis de vin, mais qui contenaient des cordes confectionnées à Courtrai, et destinées, disait-on, à garrotter, au milieu de la nuit, les principaux bourgeois, et à les pendre à leurs fenêtres. La ville était dans une stupeur impossible à dépeindre. Les soldats, à peine arrivés, s'étaient mis à piller quelques maisons, et à massacrer ceux qui leur opposaient la moindre résistance. Cependant le soir arriva, et les Français s'endormirent dans une trompeuse sécurité. Mais, à peine la moitié de la nuit se fut-elle écoulée, que Jean Breydel et Pierre de Koninck pénétrérent dans la ville avec sept mille de leurs partisans. Les bourgeois coururent aux armes et s'assurèrent des portes, pour empêcher l'ennemi de s'échapper. Puis, pour mieux reconnaître les étrangers, on adopta les mots de passe schild en vriend (bouclier et ami), dont la prononciation juste est impossible aux Français. Tout se trouvant ainsi disposé, le massacre commença. Plus de quinze cents cavaliers et environ deux mille hommes de pied périrent dans ce vaste carnage. Quand le matin fut venu, Bruges était libre. Cependant le sire de Châtillon était parvenu à se sauver avec le reste des siens. Il jeta dans le château de Courtrai une petite garnison commandée par le châtelain de Lens, remit le commandement de Lille à Pierre de la Flotte, chancelier du roi en Flandre, et prit incontinent la route de Paris.

Le roi fut exaspéré en apprenant les événements qui venaient de s'opérer en Flandre, et résolut de venger dignement l'affront que ses armes avaient reçu. Robert d'Artois, qui ne pouvait pardonner aux Flamands la mort de son fils, tombé dans le combat de Furnes, reçut avec joie l'ordre de rassembler une armée nombreuse pour châtier les rebelles. Une multitude de gens de guerre vint se ranger sous ses drapeaux. Toute la fleur de la cheva.

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