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convoqua, le 9 septembre, à l'hôtel` de Cuilembourg, un grand conseil, auquel assistèrent le duc d'Aerschot, les comtes d'Egmont, de Hornes, de Mansfeld, d'Aremberg, de Berlaimont, et plusieurs capitaines espanols et italiens. A l'issue de la séance, les comtes d'Egmont et de Hornes furent arrêtés, tandis que des ordres étaient donnés pour s'emparer d'Antoine Van Straelen, bourgmestre d'Anvers, et de Jean Kaesenbroodt, secrétaire du comte d'Egmont. Les deux premiers furent transportés à la citadelle de Gand; les deux autres, au château de Vilvorde.

Ce premier acte de violence répandit une si grande terreur dans les provinces, que, selon les écrivains contemporains, plus de vingt mille habitants sortirent du pays, pour aller se mettre en sûreté ailleurs. Il eut aussi pour conséquence d'engager la duchesse à se démettre du gouvernement des Pays-Bas, que, du reste, elle n'exerçait plus que de nom, depuis l'arrivée de l'implacable duc d'Albe.

Dès ce moment, le duc ne garda plus les moindres ménagements. Il lit dresser des listes de toutes les personnes qui tenaient directement ou indirectement aux nouvelles doctrines, ou qui avaient concouru à la signature du compromis. Puis il institua, sous le nom de Conseil des troubles, un tribunal exclusif, et supérieur à toutes les constitutions et à toutes les juridictions quelconques, destiné à connaître de tous les excès commis tant en matière de religion qu'en matière d'État. Ce tribunal fut énergiquement appelé par le peuple du nom de Bloedraed, Conseil de sang. Il était composé, en majeure partie, de gens entièrement dévoués au duc, qui commencèrent par citer à leur barre les grands et les petits indistinctement, et par faire le procès aux présents et aux absents, aux vivants et aux morts. Les formes qu'employaient les gens de ce conseil n'étaient pas moins détestables qu'ils l'étaient eux-mêmes : ils faisaient déposer les enfants contre leurs pères, les pa

rents contre les parents, les voisins contre les voisins. Au mois d'avril 1568, les premières exécutions eurent lieu. Toutes les villes furent ensanglantées avec une fureur qui ne s'explique que par l'avidité des juges; car tous les biens des condamnés étaient confisqués, et on n'en rendait la moitié à la veuve que lorsqu'elle était catholique et se trouvait dans le pays. Chaque jugement était une sentence de mort et de ruine; et ce n'étaient pas seulement les personnes qu'on frappait, on s'acharnait aussi sur la matière brute. Le duc rendit un arrêt de démolition contre l'hôtel de Cuilembourg, où les confédérés s'étaient réunis le jour où ils présentèrent à la gouvernante leur mémorable requête.

Les provinces étaient dans une incroyable stupeur. Aussi la désertion ne fit qu'augmenter de jour en jour. Pour y mettre un terme, le duc fulmina des placards d'une sévérité extrême; et ce ne fut qu'un nouveau motif pour multiplier les actions criminelles et les confiscations sur des biens recélés, sur des secours envoyés ou reçus, et des correspondances illicites.

Pendant ce temps, le prince d'Orange ne restait pas inactif. Ses domaines, situés dans les Pays-Bas, avaient été confisqués; et son fils aîné, le comte de Buren, qui étudiait à l'université de Louvain, avait été saisi, par ordre du duc d'Albe. Ces coups personnels, autant que les malheurs auxquels il voyait la patrie livrée, l'émurent profondément. Il dressa, avec quelques-uns des seigneurs fugitifs, un nouveau compromis, qui, répandu dans les provinces, y augmenta encore l'exaspération des peuples contre le sanguinaire dictateur qui y régnait en maître absolu. Il ne se borna point à ces actes écrits; il songea sérieusement à entrer dans les Pays-Bas les armes à la main, sûr qu'il était d'y trouver un grand appui; car des bandes de citoyens réduits au désespoir, et forcés de quitter leurs foyers, s'étaient jetés dans les bois et dans les marais, d'où

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ils ne sortaient que la nuit, pour piller les églises et les châteaux. Ceux-là étaient appelés gueux des bois.

D'autres, montés sur de mauvais bâtiments, infestaient les côtes, exerçaient le métier de pirates, opéraient souvent de meurtrières descentes, et rendaient redoutable le nom de gueux de mer qui leur fut donné. Enfin, toutes les provinces du pays, presque toutes les villes étaient peuplées de mécontents, dont les uns appartenaient en secret aux sectes nouvelles, et dont les autres, bien qu'ils fussent catholiques, étaient leurs alliés, par la haine commune que tous les coeurs nourrissaient contre les Espagnols.

C'est sur ces éléments que le prince d'Orange comptait pour le succès de l'entreprise qu'il méditait. Mais il voulut d'abord rassembler tous les moyens propres à en assurer la réussite. Il s'adressa donc à Élisabeth d'Angleterre, et amena cette reine à l'aider secrètement de son secours. Il s'assura également de l'appui de l'amiral de Coligny, placé à la tête des huguenots de France. Enfin, il sut si bien gagner les princes protestants d'Allemagne, que, dans une diète où parurent le duc de Wurtemberg, le marquis de Bade, l'électeur palatin, le marquis de Dourlach et le ministre du roi de Danemark, ils lui promirent de l'argent et des troupes. Bientôt il eut sur pied une armée assez puissante, composée de soldats allemands, et grossie des nombreux émigrés qui avaient été forcés de quitter les Pays-Bas. Il la divisa en quatre corps, dont le premier, placé sous le commandement de son frère, le comte Louis de Nassau, se trouvait à Embden, prêt à tomber sur la Frise. Le deuxième, composé de huguenots français, avait pour capitaine le seigneur de Cocqueville, et devait envahir l'Artois. Le troisième, qui se tenait dans le pays de Juliers, avait pour chefs les seigneurs de Lumey et de Villiers, et se disposait à s'emparer de quelque place forte sur la Meuse, pour s'assurer du passage de ce fleuve et ouvrir l'entrée des Pays-Bas au quatrième corps,

conduit par le prince lui-même. C'est
vers Ruremonde que Lumey et Villiers
résolurent de se porter d'abord. Mais
le duc d'Albe ayant envoyé contre
eux une division de quatre mille fan-
tassins et de trois cents chevaux, ils se
retirèrent précipitamment dans le pays
de Liége, et se retranchèrent près de la
petite ville de Dalhem, où ils furent
atteints et rudement battus. La for-
tune fut plus favorable aux confédérés
en Frise. Le comte de Nassau y avait
hommes d'infanterie et trois mille ca-
pénétré avec une armée de dix mille
valiers. Il prit position sur une hau-
teur près de l'abbaye d'Heiligerlée,
voisine de Winschooten, à cinq lieues
de Groningue, et confia le comman-
dement de sa cavalerie à son frère
Adolphe. Il y fut abordé le 24 mai
par Jean de Ligne, comte d'Aremberg,
placé à la tête des Espagnols. Une ba-
taille meurtrière s'engagea. A la
première attaque, Jean de Ligne fut
tué en menant les siens au combat, et
Adolphe de Nassau tomba presque au
même instant. On dit qu'ils s'entre-
tuèrent dans l'action. Bientôt la ba-
taille devint une boucherie; et les Espa-
gnols subirent une défaite si complète,
qu'il n'en échappa qu'un fort petit nom-
bre.

Ce premier succès fit éclater une
grande joie dans toutes les provinces.
Mais autant cette joie fut vive, au-
tant la colère du duc d'Albe fut pro-
fonde: il s'aperçut qu'il avait commis
une faute, en s'imaginant qu'il aurait
bon marché de ces rebelles, qui lut-
taient pour leurs foyers et pour
leurs croyances. Il résolut donc de se
placer lui-même à la tête de son ar-
mée. Mais, avant de quitter Bruxelles,
il voulut laisser dans tous les cœurs
une grande épouvante. Le 1er juin,
il fit décapiter dix-huitgentilshommes.
Quatre jours après, il fit rouler sur la
grande place de la capitale la tête des
comtes d'Egmont et de Hornes, qu'il
avait fait amener de Gand. D'autres
exécutions ensanglantèrent le château
de Vilvorde. Quand il eut ainsi porté
à son comble la terreur et en même
temps la haine de tous les Belges, il

se transporta aussitôt à Groningue, pour ne pas laisser à Louis de Nassau le temps de s'installer dans la Frise, dont la population s'était presque tout entière déclarée pour lui, Le comte, espérant gagner du temps jusqu'au moment où le prince d'Orange eût pu venir à son secours, reculait d'un endroit à l'autre, manoeuvrait sans cesse, et évitait toujours un engagement. D'Albe tenait, de son côté, à en finir au plus vite. Les deux armées étaient à peu près de force égale, et chacune comptait environ douze à quatorze mille hommes. Mais celle des Espagnols se composait de troupes aguerries, et rompues aux choses de la guerre. Elle réussit à acculer les confédérés au fond de la Frise, entre la rivière d'Ems et la mer du Nord, et les défit dans une bataille sanglante, le 21 juillet 1568.

Sur ces entrefaites, le prince d'Orange, toujours occupé à grossir son quatrième corps d'armée entre Aixla-Chapelle et Liége, se mit tout à coup en mouvement avec vingt-huit mille hommes, et se dirigea vers le Brabant. Il prit Tongres et SaintTrond, et chercha à réduire le duc d'Albe, qui était accouru, à accepter la bataille. Mais l'Espagnol évita par des marches et des contre-marches tout engagement, et se tint sur la défensive jusqu'à l'arrière-saison. De cette manière il gagna l'hiver, qui força le prince d'Orange à congédier ses troupes. Ainsi se termina cette première campagne, sans grands succès pour les confédérés. Les corps destinés à agir en Gueldre et en Artois avaient été dispersés, après quelques escarmouches. L'armée de Louis de Nassau avait été battue, après avoir d'abord remporté un avantage signalé à Heiligerlée. Enfin, le prince d'Orange lui-même avait subi un grand échec, par cela seul qu'il n'avait point réussi.

Le mois de mars 1569 arriva. Le duc d'Albe avait passé tout l'hiver à stimuler son tribunal des troubles; mais la matière s'était épuisée, et avec elle la source des confiscations, qui lui tenait le plus au cœur. Cependant il fallait de l'argent à son insatiable avidité. Alors

il songea à introduire une imposition par laquelle tout citoyen, sans exception, payerait le centième denier de ses biens, meubles et immeubles, une fois; le vingtième denier, à chaque aliénation d'un immeuble, et le dixième, à chaque vente d'un meuble. Ce fut la un motif de violente opposition, et de la part des États, et de la part du conseil et du ministère. Toutefois il n'en tint aucun compte, et il se vanta, dans les lettres qu'il écrivait en Espagne, de tirer des PaysBas plus d'argent qu'on n'en tirait du Pérou. Le pays allait être réduit à la plus grande misère, et le commerce était presque anéanti. Un an ou deux encore, et la dernières ressources de ces riches provinces seraient épuisées. L'Espagne elle-même sentit que les Flamands ne se plaignaient pas sans motif. Aussi le roi et son ministère firent à ce sujet les plus vives remontrances au duc d'Albe, qui se vengea effrontément de ces représentations en ne payant point les troupes, et en les forçant ainsi à se mutiner. Enfin, Philippe II conçut un si profond mécontentement contre son représentant dans les Pays-Bas, qu'il résolut de le remplacer par le duc de Medina-Celi. Ce seigneur arriva dans nos provinces avec une flotte considérable, le 11 mai 1572; mais il y trouva les affaires si embarrassées, qu'il renvoya incontinent au roi la commission dont il était investi. D'Albe continua donc à gouverner une année encore. Le 17 novembre 1573, il fut définitivement remplacé par don Luis de Zuniga y Requesens, commandeur de l'ordre de Malte. Ainsi finit le règne de ce farouche dictateur, qui laissa dans tous les cœurs flamands l'exécration de son nom, et alla se faire gloire en Espagne, comme la plupart des historiens l'assurent, d'avoir fait périr aux Pays-Bas, par les mains des bourreaux, plus de dix-huit mille personnes.

SII. GOUVERNEMENT DE REQUESENS,

Depuis que le prince d'Orange avait opéré sa retraite, à la fin de l'an

née 1568, les armées n'étaient pas restées inactives. En rentrant à Bruxelles au mois de janvier 1569, le duc d'Albe avait reçu, des mains de l'archevêque de Malínes, la toque et l'épée, richement ornée de pierreries, que le pape Pie V lui avait envoyées comnie un témoignage de son estime pour le défenseur de la foi. Puis il songea à se dresser un trophée dans la citadelle d'Anvers. Il fit fondre les canons qu'il avait pris au comte Louis de Nassau en Frise, et en fit couler une statue colossale à son effigie. Il était représenté tenant un bâton de commandement à la main, et foulant à ses pieds deux figures, qui exprimaient le peuple et la noblesse. On lisait sur la face du piédestal une inscription outrageante pour la nation, et suivie de ces mots:exære captivo. Cet insolent symbole fut regardé par les Belges comme une nouvelle insulte; et la haine contre le tyran ne fit qu'augmenter. Tandis qu'à l'intérieur l'exaspération allait ainsi croissant, les entreprises du dehors redoublaient aussi. La reine Elisabeth d'Angleterre, ne pouvant se résoudre à soutenir ostensiblement les confédérés, malgré le désir qu'elle en avait, s'était emparée sur les côtes anglaises d'une grande somme d'argent que les vaisseaux génois transportaient dans les Pays-Bas, pour subvenir aux frais de la guerre. Elle ne se borna pas à cela: elle protégeait secrètement les bâtiments des gueux de mer, et leur fournissait une retraite assurée dans les ports, quand ils se trouvaient trop vivement poursuivis. Ces navires étaient fort nombreux, et ceux qui les montaient se rendaient redoutables par leur audace. Ils infestaient la mer et inquiétaient toutes les côtes des Pays-Bas, depuis l'embouchure de l'Ems jusqu'à l'extrémité méridionale de la Flandre, courant sus à tous les vaisseaux espagnols. Leur chef était Guillaume de la Marck, comte de Lumay, descendant et homonymede ce terrible Sanglier des Ardennes, que nous avons déjà rencontré dans l'histoire de Liége, au siècle précédent. Ce seigneur se distinguait par

la haine implacable qu'il avait vouée aux Espagnols. A la mort des comtes de Hornes et d'Egmont, il avait fait serment de laisser croître sa barbe et ses cheveux jusqu'à ce qu'il eût dignement vengé ses deux amis. Pour réveiller le souvenir et renouveler sans cesse la haine du dixième denier parmi ses troupes, il avait fait peindre sur son étendard dix pièces de monnaie. Jusqu'en 1572, les gueux maritimes ne s'étaient -bornés qu'au rôle de pillards et d'écumeurs de mer. Mais au moment où le duc de Medina-Celi aborda au port de l'Écluse, le 11 mai, pour venir prendre le gouvernement des Pays-Bas et remplacer le duc d'Albe, ils attaquèrent la flotte qu'il avait amenée d'Espagne, brûlèrent et enlevèrent quelquesuns de ses vaisseaux le plus richement chargés. Un mois auparavant, ils s'étaient emparés du port de Brielle, dans l'île hollandaise de Voorn, comme l'attestent les deux vers suivants : Den oersten duch von april, Verloos duc d'Alva synen bril 1.

Cette ville devint le berceau de cette puissante république des ProvincesUnies, qui étonna le monde au dixseptième siècle. Elle servit aux gueux de point d'appui pour s'emparer du reste des îles voisines, de la Zéelande, de la Hollande septentrionale et méridionale. Presque toutes les villes les appelèrent comme des libérateurs, et se servirent d'eux pour secouer le joug odieux des Espagnols. Pendant ce temps, le comte de Berg entrait avec un corps de confédérés dans l'OverYssel, et le prince d'Orange dans la Gueldre, tandis que le comte Louis de Nassau, agissant de concert avec Genlis, chef des huguenots français, avait pénétré dans le Hainaut, et s'était rendu maître de la ville de Mons.

Ainsi les Espagnols se trouvaient attaqués de toutes parts. Le prince d'Orange profita de ce succès pour em

Le premier jour d'avril, le duc d'Albe perdit ses lunettes. Il y a ici un jeu de mots. Le nom hollandais de la ville de Brielle s'écrit exactement de même que le mot bril, lunettes.

porter Ruremonde et pénétrer de nouveau au cœur du Brabant, en enlevant Tongres, Sichem, Saint-Trond, Tirlemont et Louvain. Si bien qu'en moins de trois mois depuis l'expédition du comte de Lumay, on pouvait tenir plus de soixante-dix villes, avec leur territoire, perdues pour l'Espagne, et les autres prêtes à lui échapper.

Le duc d'Albe sentit le besoin de laisser reposer pour un moment la question du dixième denier, pour ressaisir les armes. En effet, il reprit Mons et quelques villes flamandes dont un capitaine confédéré, Arnould Van den Dorpe, était parvenu à s'emparer. Le général castillan avait retrouvé toute son énergie. Il força toute la Flandre et le Hainaut à se soumettre, et réduisit le Brabant, pendant que le colonel Mondragon essayait de reprendre la Zéelande, et que Frédéric de Tolède, fils du duc, entreprenait le siége de Zutphen et saccageait cette ville. La chute de Zutphen fut suivie de celle de Naarden, dont tous les habitants furent misérablement massacrés. De là Frédéric se porta vers Haarlem, qui fut investi aussitôt par terre et par eau. Ce siége fut un des plus terribles de cette guerre. Il dura plus de huit mois, et les femmes elles-mêmes y firent des prodiges de valeur. Enfin la place capitula le 15 juillet 1573; et la garnison, ainsi qu'un grand nombre de bourgeois, furent impitoyablement mis à mort, malgré les stipulations conclues. Toutes ces pertes ne découragèrent pas les confédérés, qui se maintenaient vaillamment dans les îles zéelandaises, et les purgeaient de tous les Espagnols. Presque en même temps, la ville d'Alkmaar, qui était la clef de la Hollande septentrionale, tombait en leur pouvoir. Leur audace et leurs forces s'étaient encore accrus par une grande victoire navale qu'ils avaient remportée, dans les eaux du Zuyderzée, sur une flotte espagnole que commandait le comte de Bossu, et dont ils firent l'amiral prisonnier.

Tel était l'état des choses au moment

où Requesens arriva dans les PaysBas, et entreprit le gouvernement de ces provinces, que le duc d'Albe avait exercé pendant six fatales années.

Dès que ce chef nouveau eut mis le pied dans Bruxelles, les populations commencèrent à respirer; car il était connu par sa sagesse et sa bonté. Aussi, un des premiers actes de son autorité fut de réprimer la licence de quelques garnisons, et de faire disparaitre l'odieux trophée que l'orgueil du duc d'Albe s'était élevé dans la citadelle d'Anvers. Successeur d'un homme chargé de l'exécration publique, il gagna par sa probité l'estime du peuple; mais il ne réussit pas aussi facilement à gagner sa confiance. Les embarras où il se trouvait étaient extrêmes. Le roi, il est vrai, penchait vers les moyens de douceur, et les instructions dont le nouveau gouverneur avait été muni étaient conçues dans ce sens. Mais on ne pouvait brusquement abandonner le système de rigueur dont on s'était servi jusqu'alors, de crainte de paraître trop vite renier le passé. De sorte que Requesens fut forcé de continuer à sévir comme auparavant en matière de religion, et de pousser cette implacable guerre civile. Aussi, peu de temps après son avénement, il se vit en proie à la haine populaire. Une autre difficulté qui le plaçait dans une position bien plus fausse encore, c'était l'épuisement des finances. Depuis deux ou trois ans, les troupes espagnoles dans les PaysBas n'avaient pas reçu la moindre solde; de là des mutineries et des pillages qui se renouvelaient à chaque instant. Il fallut faire face à tout cela. La tâche était rude: cependant Requesens ne recula point. Il abolit le conseil des troubles, châtia les garnisons rebelles et les réduisit aux lois de la discipline, supprima l'impôt du dixième et du vingtième denier, et enfin publia une amnistie générale. Toutes ces mesures ne produisirent que peu d'effet dans les provinces belges; elles n'en eurent aucun dans celles de Hollande et

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