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jusqu'à vouloir dominer par ses créatures dans les grandes villes, envers lesquelles, jusqu'alors, il avait été forcé de garder de prudents ménagements. Mais Amsterdam, Leyden et Enkhuysen lui opposèrent la plus vive

résistance.

Ces dernières entreprises du représentant d'Élisabeth avaient été précédées d'une déclaration, faite par les états de Hollande réunis à Haarlem, dans laquelle ils exposaient 1o que Leycester ne possédait d'autre pouvoir que celui des anciens gouverneurs de Charles V, tandis que l'autorité elle-même que l'empereur avait exercée se trouvait placée maintenant entre les mains des états; 2° que la conduite tenue jusqu'à ce jour par eux à l'égard de Leycester était conforme aux droits des deux parties; 3° que la souveraineté en Hollande, en Żéelande et en Frise, n'appartenait pas au peuple, mais aux états qui représentaient le peuple, c'est-à-dire les villes par les députés de leurs magistrats, et les campagnes par les députés de la noblesse, conformément au droit et aux anciens usages. Cette déclaration, et le mauvais succès qu'avaient obtenu les entreprises tentées par lui pour essayer de s'emparer de l'autorité absolue, contrairement à la volonté des états, amenèrent enfin, au mois de novembre, Leycester à se retirer à Flessingue. A cette nouvelle, les états conférèrent le gouvernement au conseil d'État. Le 6 décembre, Leycester leur adressa une lettre d'adieux, et, quelques jours après, il mit à la voile pour l'Angleterre, d'où il leur envoya aussitôt, d'après l'ordre de la reine, une renonciation formelle au stathoudérat.

Cependant cette pièce n'ayant été publiée que le 1er avril 1588, ses partisans eurent tout le loisir de fomenter à leur aise des troubles et des tumultes. D'un autre côté, les troupes, liées à lui par un serment qu'elles croyaient encore obligatoire, se mutinérent en partie. La garnison de Medemblik avait donné l'exemple de la rébellion. Celles de presque toutes

les places fortes de Hollande, de Zéelande et du Brabant septentrional se soulevèrent à leur tour. Le prince Maurice fut ainsi forcé de faire le siége en règle de Medemblik, pour soumettre les mutins. Les capitaines de Gertruidenberg vendirent cette place à l'ennemi. L'anarchie s'établit partout. Si bien que, sans la détresse où se trouvaient une grande partie des provinces belges, le prince de Parme eût peut-être, dans l'intervalle du mois de janvier au mois de mai 1588, pu tenter avec succès une entreprise contre les Provinces-Unies, même malgré la résistance désespérée que le parti d'Oldenbarneveld n'eût pas manqué de lui opposer.

Depuis longtemps il n'arrivait plus le moindre secours d'Espagne pour renforcer l'armée de Farnèse; car le roi Philippe avait appliqué toute son attention à cet armement formidable contre l'Angleterre, qu'on appela la flotte invincible. La mésintelligence qu'avait fait naître, entre Philippe II et la reine Élisabeth, la part que cette princesse avait prise à la guerre des Pays-Bas, était depuis longtemps parvenue au point d'exiger de part et d'autre les explications les plus animées. Pendant ces pourparlers, les armements maritimes étaient poussés avec vigueur dans les ports d'Espagne. Ces préparatifs firent craindre à la reine que le roi ne nourrit quelque projet hostile contre l'Angleterre; et elle voulut le prévenir en envoyant l'amiral Drake, avec une flotte de vingt-sept vaisseaux, à Cadix, où il incendia une partie des galions espagnols. Malgré cette expédition, les négociations pour la paix continuèrent. Le siége de l'Écluse par le prince de Parme faillit un moment les compromettre. Mais les négociateurs anglais arrivèrent à Ostende; et les conférences, d'abord ouvertes dans une tente dressée entre cette ville et Nieuport, furent transportées à Bourbourg, près de Calais. Pendant ce temps, le roi avait terminé les apprêts de la flotte destinée à agir contre l'Angleterre, et l'avait nommée l'invincible

armada. Il lui tardait de châtier l'hérétique Élisabeth, qui avait, comme l'historien Strada s'exprime dans son indignation, sollicité à la révolte le prince d'Orange et les peuples des Pays-Bas, destitués de conseil, d'argent et de troupes. D'ailleurs, le pape Sixte V le poussait à prendre les armes contre cette reine, dont Rome avait tant à se plaindre.

Farnèse avait reçu l'ordre de lever des troupes, d'armer des navires, et de se tenir prêt à une invasion en Angleterre. Bientôt les Pays-Bas regorgèrent de soldats étrangers. Il en vint de toutes les provinces d'Espagne, des terres du Pape, du royaume de Naples, du Milanais, de l'île de Corse, de l'Allemagne, de la Bourgogne, et presque de tous les points de l'Europe. Leur nombre s'élevait à quarante mille fantassins et à trois mille hommes à cheval. Le prince de Parme en désigna trente et un mille pour passer avec lui en Angleterre, et nomma, pour occuper durant son absence le poste de gouverneur général des provinces, Ernest, comte de Mansfeld, auquel il donna pour lieutenant Charles de Ligne, comte d'Aremberg.

Le bruit que firent ces préparatifs excita vivement l'attention d'Elisabeth, qui s'empressa de se mettre en mesure de résister à l'orage prêt à fondre sur l'Angleterre. Elle s'attacha les Écossais, prêts à conclure un traité avec l'Espagne, renouvela ses alliances avec la France, le Danemark et l'Allemagne, et envoya même des ambassadeurs aux Turcs. Elle ne mit pas moins de soin à traiter avec les Hollandais, qui lui envoyèrent vingt vaisseaux de guerre, et lui promirent d'occuper les bouches de l'Escaut, pour barrer la mer aux bâtiments que Farnèse avait apprêtés. Elle joignit aux vaisseaux hollandais une armée navale commandée par Henri Seymour, fit lever de tous côtés des troupes, qu'elle plaça sous les ordres de Leycester, et préposa à la flotte d'Angleterre l'amiral Howard, auquel elle adjoignit l'amiral Drake, avec le titre de lieute

nant.

Enfin les ports espagnols s'ouvrirent, et la flotte invincible en sortit. Elle était composée de cent trentecinq grands vaisseaux, tant galères que galéasses, et était montée par vingt-sept mille huit cent dix-neuf hommes, tant troupes que matelots. Le duc de Medina-Sidonia, marin peu expérimenté, la commandait. La France craignait qu'elle ne se dirigeât vers Calais, et se tint sur ses gardes. Quand la flotte fut entrée dans le canal de la Manche, on ouvrit les lettres scellées du roi, et on y lut l'ordre d'attendre, à l'île de Wight, les navires du prince de Parme, et de se rendre ensuite directement à Londres, sous le commandement de ce chef. Mais l'amiral anglais n'en laissa pas le temps aux Espagnols. Il les attaqua près du cap Finisterre, et leur coula plusieurs vaisseaux. Cette première rencontre eut lieu le 21 juillet 1588. Cependant le duc de Medina se trouvait dans une position critique, n'ayant que de lourds bâtiments à opposer aux navires légers des Anglais, qui pouvaient les attaquer à tout moment, et les tournaient avec une agilité merveilleuse. Aussi il pressa le prince de Parme d'arriver sans délai, avec la flotte légère qui se trouvait préparée dans l'Escaut et dans les ports de Flandre. Mais ce secours fut lent à le rejoindre, parce que les Hollandais tenaient l'embouchure de ce fleuve, par les positions de Lillo, de Liefkenshoek et de Flessingue. Il fallait passer devant ces forts et risquer d'être coulé, ou arriver à Nieuport par les canaux intérieurs. Farnèse choisit ce dernier parti; mais il ne parvint à exécuter ce plan qu'avec les plus grandes difficultés. Vers le milieu du mois il se trouvait à Dunkerque avec sa flotte et les débris de son armée, dont les deux tiers avaient été enlevés par des maladies. Il fit embarquer une partie de ses troupes, et mit en mer pour joindre Medina. Mais les Anglais l'avaient prévenu. Drake avait commencé à assaillir la flotte espagnole par un grand nombre de brûlots, qui lui causèrent d'énormes dommages. Les vaisseaux, épou

vantés par ces machines de feu, se dispersèrent dans tous les sens. La flotte anglaise profita de ce désordre pour tomber sur l'ennemi et le battre à outrance. Enfin, pour comble de malheur, une tempête s'éleva, qui acheva de maltraiter les Espagnols. Si bien qu'après avoir perdu trente-deux vaisseaux pris ou submergés, et plus de dix mille hommes tués ou prisonniers, le duc de Medina résolut de regagner les côtes d'Espagne.

Les Provinces-Unies avaient beaucoup contribué à cette importante victoire aussi l'allégresse y fut immense, quand on apprit le succès qui venait d'être remporté sur les Espagnols. De son côté, le prince de Parme en fut désespéré. Ce qui le troubla plus encore, ce fut le conseil que lui donna Elisabeth de s'emparer de l'autorité suprême dans les Pays-Bas. Il lui fallait sortir de son inactivité, et répondre à l'avance de la reine par un coup d'éclat, par le siége de Berg-op-Zoom, que les Anglais occupaient, en vertu du traité conclu par les confédérés avec l'Angleterre. Deux soldats écossais, qui appartenaient à la garnison de cette place, étaient venus le trouver secrètement, et lui offrir de lui livrer un grand fort voisin qui, commandant l'embouchure de la rivière de Zoom, protégeait les communications de la ville avec la Zéelande. Séduit par la promesse des deux Écossais, Farnèse envoya aussitôt le comte de Mansfeld avec un corps de troupes, pour s'emparer de l'ile de Tholen, dont la possession devait faciliter grandement les travaux du siége projeté. Mais ce capitaine fut battu et forcé à la retraite. Alors le princes'avança lui-même vers Berg-op-Zoom, et s'approcha du fort dont l'entrée lui avait été promise. Un des Écossais était précisément de garde à la porte; il introduisit les Espagnols. Mais à peine un certain nombre y étaient-ils entrés, que la herse s'abaissa tout à coup, et qu'ils furent assaillis par la garnison, qui les passa tous au fil de l'épée. Le reste de la troupe fut mis en déroute par les canons et les mousquets des remparts.

Furieux d'avoir été victime de cette fourberie, le prince de Parme reprit le chemin de Bruxelles, pendant que le comte de Mansfeld se rendait maître de la ville de Wachtendonck, dans la Gueldre. Cette province était désolée par un de ces hardis aventuriers qui abondent dans l'histoire du XVIe siècle: c'était le capitaine Schenk. Après avoir été d'abord attaché au service du roi, il s'était placé sous les drapeaux des confédérés, et il occupait un fort situé dans une île formée par le Rhin, entre Emmerich et Kleef. De là il opérait tout alentour des incursions incessantes. Rien n'avait pu l'arrêter. Enfin il entreprit, avec une poignée de troupes, d'attaquer Nimègue, et fut sur le point de se rendre maître de cette place; mais les habitants et la garnison l'assaillirent avec tant de vigueur, qu'il fut forcé à la retraite, et périt dans les eaux du Wahal, en voulant traverser cette rivière à la nage. La perte de ce capitaine, dont tous les historiens contemporains vantent l'activité et l'audace, fut un coup sensible pour les états confédérés car on comptait sur lui pour faire, du côté de la Gueldre, une utile diversion, pendant que le prince Maurice agirait contre la ville de Breda, dont on avait résolu de s'emparer.

La conservation de cette place était d'une haute importance pour les Espagnols. Aussi le prince de Parme y tenait une forte garnison, pour la mettre à l'abri de toute surprise. On s'y croyait donc bien en sûreté. Mais les confédérés parvinrent à y pénétrer par la ruse. Ils venaient de perdre la place de Gertruidenberg, que les Anglais avaient livrée aux Espagnols, et plusieurs forts situés dans l'ile de Bommel. Toute la campagne de 1589 avait été peu heureuse. C'était un échec qu'il fallait réparer. Il importait d'ailleurs de refouler la guerre vers le Brabant. Le siége de Bréda fut ainsi résolu, malgré l'hiver, qui sévissait avec une violence peu commune. Le prince Maurice se chargea de le conduire. Il s'empara de la place le 4 mars 1590, par un coup de main aussi heureux

que hardi. C'était précisément le temps des fréquents passages des bateaux destinés à transporter par la rivière de Merck, qui passe par Bréda, cette espèce de terre qu'on appelle tourbe, moyen de chauffage ordinaire des habitants de la Hollande et de la Frise. Le patron d'une de ces barques conçut l'idée d'introduire une troupe de soldats dans la ville. Il se concerta d'abord avec un des capitaines confédérés, Charles Harauger, vieil officier qui ne comptait jamais avec le péril; puis il s'en ouvrit au prince Maurice lui-même. Le projet approuvé, le batelier cacha dans le fond de sa barque quatre-vingts soldats déterminés, sous les ordres du capitaine Harauger, et il commença son périlleux voyage. L'embarcation fut prise par la glace depuis le 26 février jusqu'au 1er mars. Le lendemain, elle arriva près de la ville, et reçut-une avarie qui y fit entrer l'eau, tellement que les hommes s'y trouvaient jusqu'aux genoux. On raconte que l'un d'eux, pris d'un rhume violent, et craignant de trahir la présence de ses compagnons s'il toussait, demanda avec instance qu'on le tuât. Heureusement les Espagnols ne l'entendirent pas, grâce au bruit que faisait la pompe avec laquelle on tirait l'eau qui remplissait la cale. Pour comble de fortune, la visite du bateau fut faite avec si peu de soin, qu'aucune des sentinelles ne s'aperçut du stratagème. Le 3 mars, l'écluse du château fut ouverte, et la barque entra; mais le passage était tellement difficile à cause des glacons dont il était obstrué, que les soldats de la garnison se mirent euxmêmes à la tirer. Le chef du poste ordonna aussitôt qu'on y prît la provision nécessaire à la garde, et ses hommes commencèrent à enlever les tourbes. On en prit une si grande quantité, que l'on touchait déjà au plan cher sous lequel Harauger et les siens étaient cachés. Le danger croissait à chaque seconde; mais le patron fit si bonne contenance, qu'il parvint à écarter toute apparence de soupçon, agaçant les Espagnols, et les égayant par des propos joyeux et par des plai

santeries. Enfin, feignant d'être fatigué, il leur donna de l'argent pour aller boire. Tout réussit à merveille. Ils s'endormirent, et il profita de leur sommeil pour l'exécution de son dessein. Harauger et ses compagnons sortirent de leur retraite, et se rendirent maîtres de la ville.

La perte de cette place était un grand coup. Aussi Farnèse mit tout en œuvre pour la reprendre, et chargea le cointe de Mansfeld de l'investir; mais ce capitaine fut bientôt forcé de lever le siége, pour aller au secours de Nimègue, que le prince Maurice avait cerné avec des forces considérables, dans le but de réduire l'ennemi à abandonner ses projets sur Bréda. Mansfeld arriva à temps, et dégagea Nimègue.

Dès le mois de février 1590, Maurice avait obtenu le stathoudérat d'Utrecht et d'Over-Yssel. Il possédait toutes les qualités d'un excellent homme de guerre. Son éducation tout entière avait tendu vers ce but. Il se distinguait par des connaissances profondes en mathématiques, et dans la tactique militaire par un coup d'œil vif et sûr, et par un esprit qui embrassait à la fois l'ensemble et tous les détails de l'administration de ses troupes. Aussi bientôt il rendit redoutable la petite armée des états.

Il avait amené les provinces confédérées à reprendre l'offensive, et leur assura toute cette campagne, qui fut signalée par de grandes mutineries que le défaut de payement de la solde fit éclater daus l'armée espagnole. Les affaires des confédérés devinrent bientôt si florissantes, que, vers la fin de 1590, l'Union put fournir au roi de France Henri IV un subside de cent mille florins.

L'année suivante s'ouvrit par de nouveaux succès. Le 24 mai, Maurice investit la ville de Zutphen, et l'enleva six jours après. Il emporta Deventer au bout d'un siége de quelques jours; et, après avoir fait une inutile tentative sur Groningue, il s'empara de Delfzyl. Puis tout à coup il se tourna vers un autre côté du pays, vers Nimègue. Il avait élevé, près de cette place, un

retranchement que Farnèse était venu cerner. Il le dégagea en passant, traversa la Zéelande avec la rapidité de l'éclair, et se jeta dans le pays de Waes, sur la rive gauche de l'Escaut, pour attirer vers ce point les forces des Espagnols. Après s'être rendu maître de Hulst, où il plaça une garnison respectable, il retourna soudain dans le Bétuwe, forma le siége de Nimègue, et enleva cette forteresse le 21 octobre.

Cette campagne assura la réputation militaire de Maurice. Celle qui suivit ne fut pas moins glorieuse pour le fils du Taciturne. La faiblesse des capitaines ennemis, la misère qui régnait dans les provinces belges, et les richesses que le commerce accumulait dans les Provinces-Unies, permirent aux confédérés de tenir l'offensive, et de la tenir avec avantage. Aussi leurs armées marchèrent de succès en succès. Maurice attaqua et prit la forteresse de Steenwyk, s'empara d'Ootmarsum et de Koeverden, et mit dans une déroute complète les Espagnols, commandés par le capitaine Verdugo.

Au mois de décembre 1592, le prince de Parme, -- depuis longtemps malade du chagrin que lui avait causé la perte de la flotte de Medina, dont le désastre lui avait été attribué, parce qu'il n'avait pas tenu ouvert le port de Dunkerque pour y abriter les vaisseaux espagnols, mourut à Arras. Le comte de Mansfeld, qui lui succéda, était infiniment plus soumis à l'influence des officiers espagnols que Farnèse ne l'avait été. Aussi c'était, à vrai dire, son conseil de guerre, plutôt que luimême, qui tenait le commandement; et dans ce conseil dominaient surtout le comte de Fuentes et Estevan d'Ybarra. Mansfeld ne faisait guère que prêter son nom. Il en résulta que l'administration de ce seigneur eut un caractère bien plus sauvage que celle de son prédécesseur. On n'admit plus les villes ennemies à se racheter du pillage; on ne consentit plus à l'échange des prisonniers; même on ne voulut plus faire quartier. Les confédérés, de leur côté, exercèrent naturellement

BELGIQUE ET HOLLANDE.

de rudes représailles à l'exemple de leurs ennemis, ils dévastaient par le fer et par le feu les provinces où ils pouvaient pénétrer, et ils pendaient leurs prisonniers sans miséricorde. Cependant cet état de choses reçut quelque adoucissement, grâce aux plaintes de la noblesse et du clergé brabançons, qui avaient toujours, jusqu'alors, racheté leurs villages et leurs terres du pillage des deux parties belligérantes.

Déjà, dans le cours de l'an 1592, une partie des forces dont le roi Philippe II pouvait disposer dans les Pays-Bas avait fait plusieurs expéditions en France, en faveur de la Ligue. En 1593, ces expéditions se renouvelèrent. Pendant ce temps, Maurice ne resta pas inactif. Le 27 mars, il commença le siége de Gertruidenberg. Mansfeld accourut de France avec un corps de 15,000 hommes, pour dégager cette place; mais les confédérés la forcèrent à capituler le 24 juin. Sur ces entrefaites, les Espagnols investirent la ville de Drenthe, et se tinrent devant cette place pendant tout l'hiver suivant.

Cependant la tournure que les affaires en France avaient prise fit de nouveau sentir au roi Philippe l'importance des Pays-Bas. Aussi il en confia, vers la fin de l'an 1593, le gouvernement général à l'archiduc Ernest d'Autriche, qui remplaça le comte de Mansfeld. Cette mesure excita d'abord une vive inquiétude parmi les confédérés, qui craignaient qu'elle n'amenât des forces allemandes dans les Pays-Bas. Toutefois ces craintes n'étaient guère fondées, et elles ne se réalisèrent point. D'ailleurs, Ernest était un homme plus nul encore que Mansfeld et Fuentes dans les choses de la guerre. Il n'en avait pas la moindre intelligence, et il possédait aussi peu d'expérience que de bravoure. En un mot, Philippe n'aurait pu donner au prince Maurice un adversaire moins digne que l'archiduc. Le 30 janvier 1594, le nouveau gouverneur général fit son entrée solennelle à Bruxelles, avec une suite nombreuse de seigneurs, mais sans être accompagné d'aucun soldat allemand.

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