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décorées d'élégantes sculptures en stuc de plusieurs couleurs (*).

A la mosquée est joint un cloître ou grande cour (**). Il servait aux mahométans à faire leurs ablutions. Ils y laissaient aussi leurs chaussures avant d'entrer dans la maison sainte. Ce cloître forme un rectangle de la même longueur que la mosquée. Un portique large de vingt-cinq pieds environne le cloître de trois côtés. Le milieu est occupé par trois fontaines belles et abondantes, par des bosquets d'orangers, de hauts cyprès et de beaux palmiers qui offrent la retraite la plus délicieuse pendant les heures brûlantes du jour.

Rien ne peut causer plus de surprise que le premier coup d'oeil jeté dans l'intérieur de la mosquée (***). C'est un immense labyrinthe de colonnes de toutes les couleurs. Il y en a de bleues avec des veines blanches, de jaunes, de rouges, de rouges veinées de blanc, de grises, de vertes. Malheureusement elles ne sont pas toutes de la même hauteur. Les Arabes les ont enlevées des constructions romaines dont la Péninsule était couverte. Pour les ramener toutes à la même taille, ils ont ajouté à celles qui étaient trop courtes de monstrueux chapiteaux et d'énormes bases. Ils ont tronqué celles qui étaient trop élevées; cependant elles sont toutes à peu près d'un même module, environ dix-huit pou ces de diamètre. Les chapiteaux sont, en général, une imitation de ceux de l'ordre corinthien. Le sommet des colonnes sert de base à une rangée d'arcades à plein cintre, qui supportent le toit. Entre les jambages de ces arcades sont insérés des arceaux découpés à jour, quelquefois tréfles, mais le plus souvent circulaires.

L'édifice est divisé en quatre parties principales par deux rangs de piliers qui se coupent à angle droit. Trois de ces parties étaient autrefois abandonnées au peuple. La quatrième, celle du sud

(*) Voir la planche 14. (**) Voir la planche 17. (***) Voir la planche 15.

est, était réservée pour la noblesse et le clergé. C'est dans cette dernière partie que se trouvait le Zancarron: c'est l'endroit où le Koran était déposé. Cette chapelle est décorée de colonnes de marbre vert et d'autres de marbre rouge veiné de blanc. Nous n'essayerons pas d'expliquer sa disposition, de dire comment ses élégants arceaux sont jetés, comment ils s'entrecoupent: il est des choses qu'il est plus facile de dessiner que de décrire (*).

Au milieu de cet édifice mauresque on a construit un chœur remarquable par la hauteur de son dôme, l'élégance et le fini des arcades; mais il n'est plus du même style, et, malgré toutes ses beautés, on ne peut s'empêcher de reconnaître qu'il est mal en harmonie avec le reste du monument.

Il est bien difficile de faire comprendre l'impression d'étonnement qu'on éprouve lorsqu'on est placé dans les endroits de l'église où l'on peut apercevoir les nefs qui se coupent à angle droit. Mais la vue est peut-être encore plus extraordinaire quand on regarde, dans une direction oblique, ces allées d'arceaux et de colonnes. Alors toute apparence d'ordre disparaît, et l'œil se perd au milieu de ce dédale de piliers de toutes les couleurs. Le jour pénètre dans l'église par les portes et par quelques petites coupoles; en sorte qu'il s'y répand d'une manière inégale et tout à fait pittoresque, qui donne au monument quelque chose de sombre, d'imposant et de mystérieux. En apercevant les personnages marcher silencieusement au milieu de cette multitude de colonnes, l'esprit se porte involontairement aux romans de féerie. On croirait voir des chevaliers enchantés qui se promènent dans une forêt de marbre. Et, en réalité, il est si difficile de se reconnaître au milieu de ce dédale de piliers, qu'à moins d'y apporter une attention toute particulière, il est rare qu'on parvienne à sortir par la porte même par laquelle on est entré.

Les Arabes, encouragés par les suc

(*) Voir la planche 16.

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ce chiffre. Cependant, quand on examine les résultats de cette bataille, on doit penser qu'elle fut très-sanglante. Elle éteignit tout à coup cette ardeur de conquête qu'Hescham avait réveillée chez les musulmans, et cette guerre est la dernière qui eut lieu sous le règne de cet émir. Le projet d'envahir de nouveau l'Aquitaine ou de détruire le royaume de Pélage fut abandonné. Suivant les auteurs espagnols, cette bataille aurait eu lieu dans les Asturies ou bien sur leurs confins, dans un endroit qu'ils s'accordent tous à appeler Lutos, ou Lodos, c'est-à-dire les boues, mais dont ils n'indiquent pas autrement la situation.

cès qu'ils avaient obtenus en Aquitaine, se préparaient à y faire une nouvelle invasion; mais, auparavant, ils jugèrent nécessaire d'exterminer les chrétiens des Asturies. Ils avaient une armée nombreuse et fière des victoires qu'elle avait remportées. Ils la séparè rent en deux divisions, et, comme cette manœuvre avait réussi en 776, contre Froila, ils entrèrent par deux endroits différents dans le royaume d'Alphonse le Chaste. Ce prince avait appelé à son aide le roi de Sobrarbe. C'est au moins ce qu'on peut inférer de ce passage extrait d'un auteur arabe et cité par M. Romey (*): « En même temps Abd-el-Meleck, frère d'Abd« el-Kerim, entrait par une route dif- Hescham ne survécut que peu de férente sur les terres des chrétiens. temps à cette défaite. Voici, disent « A Astorga, il rencontra le roi de les Arabes, grands amateurs de fables « Galice et celui de Biscaye; mais et d'astrologie, comment il fut préceux-ci n'osèrent pas l'attaquer. venu de l'instant de sa mort: il s'oc On se rappelle que les Arabes don- cupait à cultiver des fleurs, lorsqu'un naient le nom de Galice (Djalikiah) à célebre astrologue, qui était présent, tout le pays qui s'étendait depuis le lui dit : « Seigneur, travaille dans ces promontoire des Artabres jusqu'au « jours passagers pour le temps de l'épied des Pyrénées. Une partie des Py-« ternité.» Hescham lui demanda pourrénées, probablement la Navarre, et l'Aragon étaient pour eux les monts Albaskenses. Le roi de Biscaye était donc le souverain d'un État situé au pied des Pyrénées. Ainsi, à cette époque, en 794, voici l'existence de deux rois et de deux royaumes chrétiens dans la Péninsule, bien constatée par un auteur étranger.

Alphonse et cet autre prince chrétien (**) avaient réuni leurs forces; cependant ils avaient encore une armée bien inférieure en nombre à celle de leur ennemi; aussi se bornèrentils à observer prudemment sa marche; puis, l'ayant attiré dans un lieu marécageux, rempli de lagunes, où les Maures ne pouvaient faire usage de la cavalerie, qui formait la partie la plus redoutable de leurs forces, les chrétiens en firent un grand carnage. On porte à soixante mille le nombre des Arabes qui périrent dans cette rencontre. Il y a sans doute un peu d'exagération dans (*) III vol., page 204.

Ce devait être Garci-Inigo, qui a régné depuis 758 jusqu'en 802.

quoi il lui rappelait cette sentence. L'astrologue refusa d'abord de le lui dire; puis, enfin, il avoua avoir lu dans le ciel que l'émir devait mourir avant la fin de la seconde année. Hescham ne se montra pas affecté par cette prédiction. Il continua de cultiver les fleurs de son jardin. Ensuite, à son heure accoutumée, il joua tranquillement aux échecs, et fit donner un riche vêtement à l'astrologue. Mais, depuis cette époque, il répétait souvent avec résignation: Ma confiance est en Dieu et j'espère en lui. Il assembla les principaux chefs de la nation et leur fit reconnaître, pour son suecesseur, son fils Al-Hakem (*), qui déjà s'était signalé par des actes de bravoure et qui avait pris part au gouvernement. Cette précaution ne fut pas

Mariana ne lui donne que le nom de Alha(*) Ferreras l'appelle Alhacan, el Achem. can. On le trouve souvent désigné dans les écrivains français sous le nom de Abulaz et Abulazis, parce qu'il mérita plus tard le surnom de Aboul - Assi, c'est-à-dire, le Père du mal.

inutile. Hescham fut atteint au commencement de l'année suivante d'une maladie dont il mourut après peu de jours, le 19 dsulkada de l'année 138 de l'hégire (25 avril 796 de J. C.), laissant même chez les chrétiens la renommée d'un prince juste, prudent et libéral.

RÈGNE D'AL-HAKEM. --SES ONCLES LUI DIS-
PUTENT LE POUVOIR. PRISE DE BARCE-

LONE PAR LES FRANÇAIS. QUATRE
CENTS NOTABLES DE TOLÈDE ASSASSINÉS
DANS UN REPAS. INVENTION DU CORPS

DE SAINT JACQUES. RÉVOLTE ET DES-
TRUCTION D'UN FAUBOURG DE CORDOUE.

Les frères d'Hescham n'avaient pas entièrement renoncé à l'espoir de se saisir un jour du pouvoir; et, quand ils le virent tomber en de si jeunes mains, ils pensèrent qu'ils auraient peu d'efforts à faire pour s'en emparer. Cependant, pour rendre plus certain le succès de leur entreprise, ils convinrent qu'Abdallah, qui était à Valence, se rendrait en France pour solliciter l'appui de Charlemagne, tandis que Soleïman, réfugié en Afrique, y rassemblerait une armée pour passer en Espagne. Charlemagne s'empressa d'accueillir la demande qui lui était adressée. Abdallah revint donc à Valence pour exciter le dévouement des partisans qu'il avait dans ce pays. De son côté, Soleïman, qui avait déjà réuni une armée, passa en Espagne, et les deux frères, ayant réuni leurs forces, marchèrent rapidement vers Tolède, dont ils s'emparèrent. En même temps une armée française était entrée en Catalogne. Elle avait repris Gironne, Pampelune et Lérida. Un chef arabe nominé Zeid, profitant de la terreur causée par cette invasion nouvelle, s'empara du pouvoir à Barcelone, et se reconnut vassal du roi d'Aquitaine, Louis le Débonnaire, auquel, toutefois, il n'ouvrit pas les portes de la ville.

Al-Hakem rassembla promptement ses troupes et courut où le danger lui parut le plus pressant. L'invasion de la frontière lui sembla encore plus menaçante que la tentative de ses oncles. Il laissa donc seulement devant

Tolède un corps de troupes sous le commandement d'Amrou, caïd de Talavera, dont la fidélité lui était connue, et il se porta lui-même en Catalogne. Il eut dans plusieurs rencontres l'avantage contre les Français, reprit presque toutes les villes qui étaient entre leurs mains, et revint à la tête de son armée victorieuse pour attaquer celle de ses oncles. Il leur livra plusieurs combats, qui d'abord n'eurent rien de décisif; ensuite il parvint à les repousser jusque dans le midi de l'Espagne. Enfin Amrou, après un long siége, s'étant emparé de Tolède, y laissa son fils pour gouverneur, et vint à la tête de son armée rejoindre Al-Hakem. Alors la guerre fut poussée avec plus de vigueur; les armées se rencontrerent, et Soleiman fut tué dans le combat d'un coup de flèche qui lui traversa la gorge. Cette mort jeta le désordre parmi les siens, et bientôt son parti fut mis en déroute. Abdallah, fugitif, se retira à Valence, d'où il envoya sa soumission à son neveu. Celui-ci lui fit bon accueil : il demanda seulement que les deux fils d'Abdallah lui fussent donnés pour otages. Au reste, il traita ses jeunes cousins avec bonté : il donna même sa propre sœur Kinsa pour femme à Esbaah, l'aîné d'entre eux.

Al-Hakem cependant n'en avait pas fini avec tous ses ennemis. Les Français repoussés un instant par lui avaient de nouveau envahi les Marches de la Catalogne: ils avaient repris Cardone, Casera, Ausone dont ils relevaient les fortifications. Ils s'appliquaient à repeupler toutes ces villes; mais, quels que fussent leurs efforts, ils ne purent jamais rendre à la dernière de ces cites son ancienne prospérité. Elle prit le nom de VicusAusona; le premier de ces deux mots est seul resté, et il a formé le nom de Vich, qu'elle conserve encore. Le roi d'Aquitaine, après s'être ainsi établi solidement au pied des Pyrénées orientales, résolut de s'emparer de Barcelone, car Zeïd (*), qui, comme (*) Ferreras le nomme Zade. Ermoldus Nigellus, dans son poëme sur les exploits et

nous l'avons vu, lui en avait fait hommage, avait refusé de la lui livrer en réalité. Au commencement de l'année 801, il réunit une armée nombreuse, et la partagea en trois divisions: l'une, sous les ordres du comte Guillaume de Toulouse, tenait la campagne pour empêcher Al-Hakem de venir secourir la ville; l'autre, sous les ordres du comte de Rostaing, faisait le siége; enfin la troisième, sous le commandement de Louis lui-même, était restée sur la frontière, prête à se porter du côté où quelque danger se présente rait. Les Arabes firent une seule tentative pour délivrer la ville; mais ayant appris que le comte de Toulouse venait au-devant d'eux avec des forces supérieures, ils se retirèrent, et le corps d'armée commandé par Guillaume put venir se réunir à celui qui déjà pressait la ville. Des assauts étaient chaque jour donnés à la place. Les avenues surtout en étaient si étroitement gardées, que la disette s'y fit bientôt sentir; elle fut telle, disent quelques écrivains, que les habitants furent réduits à se nourrir de vieux cuirs et de courroies. On doit douter cependant qu'une semblable famine ait pu avoir lieu dans une ville qui conservait libres ses communications par mer, car les Français n'avaient pas de flotte dans ces parages. Quoi qu'il en soit, les ha bitants se défendaient vaillamment; et comme l'arrière-saison approchait, ils espéraient que l'hiver forcerait les assiégeants à se retirer. Mais le découragement commença à s'emparer d'eux quand ils virent que dans le camp on s'occupait à consolider les baraques construites d'abord assez légèrement, et qu'on travaillait à les transformer en des habitations plus durables, à boucher avec de l'étoupe les joints des planches dont ces abris étaient formés, à les enduire de poix et de goudron pour les rendre impénétrables au vent et à la pluie. Enfin, dit-on, le gouverneur de Barcelone, Zeïd, prit le parti d'aller lui-même auprès de

la vie de Louis le Débonnaire le nomme Zeïdoun.

Al-Hakem pour solliciter des secours; il confia le soin de la défense à Omar, son frère, et, pendant une nuit obscure, il s'efforça de traverser le camp français. Mais, trahi par les hennissements de son cheval, il tomba entre les mains des assiégeants, qui l'envoyèrent à Charlemagne. Ce souverain le reçut très-mal et le condamna à l'exil. Les généraux français connaissant les cruelles extrémités auxquelles la place était réduite, en donnèrent avis au roi Louis, et sur-le-champ celui-ci accourut à la tête des troupes qu'il avait conservées. Cet accroissement dans les forces des assiégeants ne décida pas encore Barcelone à se rendre. Cependant on était parvenu à faire quelques brèches aux remparts. Pendant six semaines on ne cessa de donner des assauts; enfin, pendant un de ces combats, un trait que Louis avait luimême lancé, vint s'enfoncer jusqu'à la hampe dans un bloc de marbre, et les Maures émerveillés de ce miracle se déterminèrent à capituler. Ce dernier fait, il faut le dire, nous a grandement l'air d'une licence poétique dont Ermoldus Nigellus a embelli le récit qu'il écrivait en vers latins des hauts faits de Louis le Pieux. Quoi qu'il en soit, la ville se rendit, et la garnison, traitée honorablement, eut la faculté de se retirer avec armes et bagages où bon lui semblerait. Les portes furent livrées, et, le lendemain, Louis alla remercier Dieu dans l'antique église de Sainte-Croix. Les Arabes en avaient fait une mosquée; les vainqueurs la rendirent à sa première destination.

Ce désastre ne fut pas le seul que cette année les Maures eurent à déplorer. L'armée qu'ils avaient rassemblée à Saragosse, pour aller au secours de Barcelone, n'ayant pas osé attaquer Guillaume de Toulouse, remonta l'Ebre et courut se jeter sur les États d'Alphonse, avec l'espoir de s'y venger des pertes qu'ils éprouvaient dans la Catalogne; mais là aussi la fortune leur fut contraire : ils furent battus et contraints à prendre la fuite.

La victoire d'Alphonse fut suivie

d'un de ces événements qu'on a peine à s'expliquer. Une révolte éclata parmi ses sujets. Le roi fut renfermé dans un couvent par les conjurés; mais, après peu de temps, il fut délivré par quelques seigneurs qui lui étaient restés fidèles, sans que cette révolution d'un moment ait laissé d'autres souvenirs dans l'histoire.

ne

Louis, après avoir créé Bera comte de Barcelone, continua ses conquêtes. Il eut peu de peine à s'emparer de Tarragone, dont les murailles avaient été ruinées; il n'en fut pas de même de Tortose. Ferreras dit qu'il s'en rendit maître; cela n'est pas probable, et, dans tous les cas, s'il parvint à y pénétrer, il ne put s'y maintenir, car, à peu de temps de la, on la retrouve au pouvoir d'Al-Hakem. Ce prince, qui s'était montré si lent à venir au secours de Barcelone, laissa pas cependant les Français s'établir sans contestation sur le versant méridional des Pyrénées. Il avait réuni à Saragosse une armée nombreuse, avait repris Pampelune et Huesca. Tout le pays entre l'Ebre et les Pyrénées fut dévasté par les armées française ou musulmane. Pendant qu'Al-Hakem combattait ainsi à la frontière, il apprit que les habitants de Tolede s'étaient révoltés contre le fils d'Amirou, leur gouverneur. Amrou fut lui-même chargé d'aller rétablir l'ordre, et, à son arrivée, les troubles cessèrent. Mais Amrou n'en conserva pas moins un vif ressentiment contre les principaux citoyens qui avaient pris part à ce soulèvement, et il ne tarda pas à le prouver par une action atroce. Le jeune Abd el-Rahman, fils d'Al-Hakem, conduisait à la frontière un corps de Icing mille hommes, et les habitants de la ville, à l'instigation de leur gouverneur, engagèrent le fils de leur émir à se reposer dans leur ville. Abd-elRahman y consentit. Sa présence servit de prétexte à Amrou pour convier à un repas les principaux habitants de la ville, puis, à mesure qu'ils se rendaient à cette invitation, on les saisissait, on les entraînait dans une chambre souterraine, où ils étaient

11 Livraison. (ESPAGNE.)

décapités, et leurs corps étaient jetés dans une fosse profonde que l'on avait creusée d'avance. Quatre cents des plus notables habitants furent, dit-on, ainsi sacrifiés, et les quatre cents têtes furent le lendemain montrées au peuple, qui resta frappé de stupeur.

Cependant la guerre sè continuait entre l'Ebre et les Pyrénées sans avantage bien marqué de part ni d'autre. Pendant deux années successives, les Français vinrent mettre inutilement le siége devant Tortose. Vers la fin de 810, les Arabes, fatigués de la rude guerre que leur faisaient les Français, se déterminèrent à demander la paix à Charlemagne. Quelques auteurs pensent qu'elle fut conclue en cette année; mais il paraît plus probable qu'il n'y eut encore que des projets d'arrangement, car, au printemps suivant, une nouvelle tentative fut dirigée contre Tortose, dont cette fois le gouverneur se reconnut vassal du roi Louis. Enfin, en 812, ce prince conduisit une expédition dans la Navarre en franchissant les défilés de Roncevaux. Après être restée quelque temps dans le pays, cette armée reprit le chemin par lequel elle était venue. Mais pour éviter les dangers de ce passage qui, trente-quatre ans auparavant, avait été si funeste à l'arrière-garde de son père, il eut recours à un expédient qui lui réussit parfaitement. Il battit les vallées hautes des Pyrénées, y enleva les femmes et les enfants des montagnards, et fit marcher ces otages dans les rangs de ses soldats jusqu'à ce que l'armée fût arrivée dans un pays où elle n'avait plus d'embûches à craindre.

Mariana place, mais à tort, en cette année le désastre éprouvé en 778, par l'arrière - garde de Charlemagne. Il mêle à son récit les hauts faits de Bernard del Carpio, que tous les critiques considèrent comme un héros purement imaginaire. Quoique ces aventures ne doivent être regardées que comme un roman agréable, cependant elles sont tellement célèbres en Espagne, que lorsqu'on veut peindre le pays, il n'est pas permis de les passer sous silence.

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