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ESPAGNE.

rité de la nuit ne suspendit la lutte que pour quelques instants. Enfin, le dernier jour, on vit saint Jacques fils de Zébédée(*) charger à la tête des escadrons espagnols, et son intervention décida la victoire en faveur des chrétiens.

On raconte encore beaucoup de choses merveilleuses du comte de Castille. Il faut dans tout cela faire la part de l'esprit d'exagération et de l'amour du merveilleux qui sont de tous les temps et de tous les pays. Le comte mourut dans le courant de juillet de l'année 970, laissant pour successeur son fils Garçi Fernandez. Il fut enterré dans le monastère de SaintPierre d'Arlanza, qu'il avait fondé. On y montre encore sa sépulture, à laquelle se rattache une tradition superstitieuse. C'est une croyance répandue chez le peuple, qu'un instinct belliqueux anime encore les restes de Fernan Gonçalez. Lorsque les Castillans ont quelque guerre à soutenir, ses ossements, dit-on, s'agitent dans leur cercueil et font entendre un bruit qui présage les batailles.

En cette même année 970 mourut aussi don Garci Abarca. De son mariage avec Thérèse, fille d'Endregoto Galindez, seigneur aragonais, il avait eu cinq enfants: Sancho, Ramire, Urraca, Hermigilda et Ximena. Il eut pour successeur don Sancho, son fils aîné. Ce prince est désigné le plus souvent sous le nom de don Sancho Garcez; mais on le trouve aussi quelquefois désigné sous celui de don Sancho Galindez, à raison de son aïeul maternel Endregoto Galindez.

la Castille avait à Pendant que soutenir la guerre contre les Maures, le royaume de Léon jouissait de ce côté d'une tranquillité profonde. Le premier acte des régentes qui administraient sous le nom de Ramire III avait été d'envoyer un ambassadeur à Cordoue, pour demander à El-Hakem de continuer avec le nouveau roi la paix et l'amitié qu'il avait accordées à don Sancho le Gros. El-Hakem y avait volontiers consenti, car c'était un

(*) Mariana, liv. vin, ch. 6.

prince ami de la tranquillité. Pendant
tout son règne il s'attacha à faire fleu-
rir l'agriculture et les lettres. Il mou-
rut en 976 (*), après un règne de
quinze ans, qui, pour avoir été plus
paisible que celui de ses prédécesseurs,
ne fut pas moins glorieux.

Le fils d'El-Hakem n'avait que dix ans lorsqu'il fut proclamé émir, en remplacement de son père; on ajouta à son nom l'épithète almowayedBi'llah, le protégé de Dieu. Il était trop jeune pour gouverner. Sa mère Sobeva donna la direction des affaires de l'État, avec le titre de premier hadjeb, à Mohammed-benAbi-Ahmer, qui devint si célèbre par la suite sous le nom d'Almanzor, c'est-à-dire le victorieux (**).

Ce titre de hadjeb, que les Espagnols traduisent par celui de vice-roi, n'avait été avant Almanzor qu'une charge de ministre et de général. Sous Hescham II, qu'on livra aux esclaves et aux femmes, et qu'on eut soin d'entretenir dans une continuelle enfance, elle devint ce qu'avait été en France la place de maire du palais sous les rois fainéants. Emprisonné dans la délicieuse retraite de Zahra, dont il ne sortait jamais, Hescham II y menait une vie mystérieuse. Iman et émir des croyants, sa souveraineté ne se manifestait que par l'inscription de son nom sur les monnaies ou dans les actes officiels, et par la prière qui se faisait pour lui dans les mosquées; encore dans ces actes le nom du hadjeb était-il toujours accolé au sien. La monnaie de Hescham II, gravée sous le n° 1 de la planche 80, porte sur chaque face deux légendes: une circulaire, l'autre intérieure. D'un côté on lit:

Légende circulaire : « Mahomet est le messager de Dieu, qui l'a envoyé

(*) 2 safar 366 de l'hégire, 30 septembre 976. Ferreras indique 974; c'est une erreur.

(**) On le trouve souvent désigné par les écrivains espagnols sous le nom de Mahomet Aben-Amir-Almanzor, et plus souvent sous le nom de Alhagib-Almanzor, ce qui parait une modification espagnole du mot arabe Alhadgeb.

avec la direction et la religion véritable afin qu'il la fit prévaloir sur toutes les religions. »

a

Légende intérieure: « L'iman Hescham, prince des croyants (émir-almoumenim), le protégé de Dieu (almowayed-Bi'llah).

Sur l'autre face on trouve :

Légende circulaire : « Au nom de Dieu a été frappé ce dinar (denier d'or) dans l'Andalouse (Cordoue), l'an 391 » (*).

Légende intérieure: « Il n'y a de dieu que le Dieu unique; il n'a pas de pair. « Mohammed. ».

>>

Ce dernier nom est celui du hadjeb Mohammed Almanzor.

Au reste, le pouvoir n'était pas trop lourd pour les mains dans lesquelles il était tombé. Almanzor était à la fois un grand administrateur et un grand homme de guerre. Il avait conçu le projet de ranger l'Espagne tout entière sous la domination musulinane, et ce projet n'eût pas été au-dessus de ses forces, si Dieu ne fût venu en aide aux Espagnols. Almanzor fit une guerre d'extermination aux chrétiens, qui, par leurs divisions, contribuèrent à assurer le succès de ses armes. Il fut presque toujours victorieux. Cependant le mode de guerre adopté par les Arabes rendait ses succès moins désastreux pour ses adversaires. L'armée musulmane se réunissait au commencement de chaque année; puis, après un certain temps de service, chacun retournait chez soi pour ensemencer ses terres ou pour faire ses moissons. Quand elles étaient achevées, l'armée se réunissait de nouveau. Il y avait de cette manière deux campagnes : une pendant leprintemps, l'autre pendant l'automne. Aussi voit-on Almanzor, après chaque victoire, s'arrêter, au lieu de poursuivre vivement ses avantages, revenir à Cordoue et licencier ses troupes, ne laissant

(*) L'année 391 de l'hégire correspond à la fin de l'année 1000. Ainsi qu'on le verra par la suite, cette date est fort importante.

C'est M. de Longpérier, employé de la bibliothèque royale, qui eu la complaisance de me donner cette traduction.

que des garnisons pour conserver ses conquêtes, jusqu'à ce que l'expédition suivante lui permit d'en reprendre le cours. Ce répit accordé aux vaincus leur donnait le temps de réparer leurs pertes, et souvent de reprendre tout ce que les musulmans avaient enlevé. Aussi, à chaque attaque nouvelle, Almanzor retrouvait-il l'ennemi qu'il avait défait, et ses nombreux triomphes ne lui procurèrent que le pillage des villes et la possession temporaire du pays. Cette coutume de faire deux expeditions chaque année a fait dire que pendant son administration, qui a duré vingt-six années, Almanzor avait fait cinquante-deux guerres contre les chrétiens, et que dans aucune son drapeau n'avait été abattu. Il y a là dedans un peu d'exagération. Bien qu'on ne connaisse que d'une manière inexacte les détails de ces expéditions, et que les auteurs chrétiens ou musulmans diffèrent entre eux de dix années sur l'époque à laquelle il faut placer les victoires et les siéges les plus importants, cependant tous sont d'accord que sa première incursion eut lieu à la fin de 978, dans la troisième année de son administration. Il faut donc réduire au moins de cinq campagnes le nombre de celles qu'on lui attribue.

« Au commencement de l'année islamite 368, écrit M. Romey, c'est-àdire dans l'automne de 978, Mohammed partit avec la cavalerie africaine, celle d'Andalousie et celle de Mérida; il entra en Galice (*); il vainquit les chrétiens qui vinrent à sa rencontre, en fit un affreux carnage, enleva beaucoup de dépouilles, prit une très-florissante jeunesse des deux sexes, et retourna vainqueur à Cordoue, où il fut reçu avec de grandes démonstrations d'allégresse. Ce fut à cette occasion qu'il

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ESPAGNE.

fut surnommé El-Mansour, le victorieux. Il répartit le butin de son expédition entre les soldats, sans autre réserve que le cinquième, ou lot de Dieu, qui revenait au calife, et le droit de choix qui appartenait aux généraux, tant sur les prisonniers hommes et femmes que sur les troupeaux de toute espèce. Il renouvela l'ancienne coutume de donner un banquet aux troupes après la victoire; il parcourait lui-même les chambrées des compagnies, et sa mémoire était telle qu'il connaissait par leurs noms tous ses soldats; il retenait la généalogie de ceux qui se distinguaient, les invitant à sa table et leur faisant un honneur particulier. Ce fut par cette adroite conduite qu'il devint l'idole des şoldats et qu'il s'entoura non d'une armée dévouée à l'islamisme et obéissant à un chef, parce qu'il en était le représentant, mais d'une armée dévouée à un homme, chose inouïe encore parmi les Arabes. Depuis ses premières incursions contre les chrétiens, Mohammed-el-Mansour prit l'habitude de faire secouer avec beaucoup de soin, chaque fois qu'il revenait du champ de bataille à sa tente, la poussière qui se trouvait sur ses habits, et il la gardait dans une cassette faite exprès; il voulait que, quand l'heure de sa mort serait sonnée, on le couvrît dans son tombeau de cette poussière. Dans toutes ses expéditions, il faisait porter cette caisse avec beaucoup de précaution parmi les choses les plus précieuses de son équipage, afin qu'il pût embaumer son tombeau comme avec du muse, par la bonne odeur de la guerre sainte, détourner ainsi de lui le feu éternel, suivant ce verset du Koran : « Celui dont les pieds se couvrent de poussière dans le chemin de Dieu, Dieu le préserve du feu. »>

et

« On ne connaît pas les détails et l'objet particulier de chacune des expéditions d'El-Mansour contre les chrétiens; cependant les auteurs arabes nous ont conservé la mémoire de quelques-unes des particularités qui les marquèrent, dignes, en effet, d'échapper à l'oubli.

. Ils racontent, par exemple, qu'une fois en Castille, tandis que les armées musulmane et chrétienne, campées en face l'une de l'autre, s'observaient, hésitant à commencer le combat, ElMansour se prit à rêver : « Combien crois-tu que nous ayons de vaillants cavaliers dans notre armée ? dit-il à un de ses plus braves capitaines nommé Moschafa. Moschafa lui répondit : Tu le sais bien, toi. El-Mansour ajouta: Penses-tu que nous en ayons mille? Moschafa répondit: Pas autant. Y en a-t-il cinq cents? dit ElMansour. Moschafa répéta: Pas autant. El-Mansour lui dit alors : Y en a-t-il cent, ou même cinquante? Moschafa lui dit : Je n'ai confiance qu'en trois.» En ce moment sortit du camp des chrétiens un cavalier bien armé, monté sur un beau cheval. Il s'avança vers les musulmans, et leur cria: << Y a-t-il quelqu'un de vous qui veuille se mesurer avec moi? » Un cavalier musulman se présenta aussitôt contre lui; en moins d'une heure le chrétien le tua et s'écria : « Y en a-t-il quelque Il autre qui se présente contre moi? vint un autre musulman; ils combattirent moins d'une heure, et le chrétien le tua de même. Le chrétien cria « Y en a-t-il quelque autre qui vienne contre moi, ou même deux ou trois ensemble ? » et aussitôt parut un brave musulman, que le chrétien renversa aussi d'un coup de lance. Les chrétiens applaudirent par de grands cris et de vives acclamations. Le chrétien retourna à son camp, changea de cheval, et reparut sur un cheval non moins beau que le premier, couvert d'une grande peau de bête féroce, dont les pattes, nouées sur le poitrail du cheval, laissaient voir leurs ongles qui semblaient être d'or. El-Mansour défendit que personne s'avançât contre lui. Il appela Moschafa, et lui dit: N'as-tu pas vu ce qu'a fait ce chrétien - Je l'ai vu de mes toute la journée? yeux, répondit Moschafa, et il n'y a eu dans tout ceci aucune magie; mais l'infidèle est un très-bon cavalier, tandis que nos musulmans sont intimidés.

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Dis plutôt couverts de honte, s'écria

El-Mansour. » Là-dessus le chevalier, monté sur son vigoureux cheval couvert de la riche peau de bête, s'avança et dit : « Y a-t-il quelqu'un qui vienne contre moi?» Alors El-Mansour dit: « Je vois bien, Moschafa, la vérité de ce que tu me disais, que j'ai à peine trois vaillants cavaliers dans mon armée; si tu n'y vas pas, mon fils ira, ou bien j'irai moi-même, car je ne puis plus souffrir cela. » Alors Moscha fa lui dit : « Tu verras promptement sa tête à tes pieds, ainsi que cette belle peau riche et hérissée qui sert de housse à son cheval. Je l'espère, dit El-Mansour, et dès ce moment je te la cède, afin que tu t'en fasses par la suite un pompeux ornement pour aller au combat.» Aussitôt Moschafa alla contre le chrétien, et celui-ci lui demanda : « Qui es-tu? quel rang tienstu parmi les nobles? » Moschafa, brandissant sa lance et marchant sur lui, répondit Voici ma noblesse, voici ma lignée. » Les deux cavaliers combattirent avec beaucoup de valeur et d'adresse, se frappant de rudes coups de lance, faisant tourner leurs chevaux, avançant l'un contre l'autre ou reculant avec une admirable dextérité; mais Moschafa, qui était plus jeune et plus léger et en même temps mieux reposé, maniait son cheval avec plus de prestesse, et porta dans le côté de son adversaire un coup violent de sa lance, dont celui-ci tomba mort. Moschafa sauta à bas de son cheval, coupa la tête de son ennemi, dépouilla le cheval de la housse qui le couvrait, et retourna vers El-Mansour, qui l'embrassa et fit proclamer son nom par les muezzins de l'armée. »

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Ce fut d'abord le comte de Castille qui eut à supporter seul l'effort de ses armes. On a vu que la paix existait entre l'émir de Cordoue et le jeune roi de Léon. Almanzor, religieux observateur des traités, se borna donc à faire d'abord la guerre en Castille et en Aragon. Il enleva au comte Garci Fernandez Saint-Étienne de Gormaz et plusieurs autres villes, mais il n'attaqua pas le royaume de Léon tant que

le prince avec lequel la paix avait éte jurée resta sur le trône. Ainsi les tutrices de don Ramire, pendant les dix années que dura la régence, n'eurent point à craindre de guerre étrangère; elles surent aussi conserver la tranquillité intérieure de l'État. Les seigneurs galiciens, toujours prêts à s'agiter, firent bien quelques mouvements, mais ces tentatives de révolte n'eurent pas de conséquences fâcheuses. En 977, don Ramire ayant atteint sa quinzième année, demanda aux grands de l'État de lui choisir une femme. On lui donna pour épouse une demoiselle nommée Urraca. A partir de cette époque, Ramire III prit lui-même l'administration du royaume. Il cessa d'obéir aux sages conseils que lui donnaient doña Thérésa et doña Elvira. Il ne dissimula pas le ressentiment que lui avaient inspiré contre les seigneurs de la Galice les troubles que ceux-ci avaient excités à plusieurs reprises. Il les insulta ouvertement, et bientôt il se fit de tous les Galiciens des ennemis implacables; aussi ne tardèrent-ils pas à se choisir un autre roi. Ils élurent pour les gouverner Bermude, fils d'Ordoño III et de doña Elvire, et le proclamèrent roi dans le sanctuaire même de Saint-Jacques. A la nouvelle de cette élection, Ramire réunit des troupes, et s'avança vers la Galice pour étouffer la révolte. Les Galiciens, de leur côté, marchèrent au-devant de lui pour défendre l'entrée de leur territoire. Les deux armées se rencontrèrent à Portela de Arenas, près de Monte Roso. On combattit de part et d'autre avec une égale bravoure et sans que la victoire se décidât pour aucun parti. Mais des deux côtés on fit des pertes énormes, et le roi don Ramire ne croyant pas possible de persévérer dans son entreprise, retourna immédiatement à Léon, où il ne tarda pas à mourir.

Les seigneurs élurent pour son successeur Bermude, que les Galiciens avaient déjà proclamé roi. C'est à partir de ce moment qu'Almanzor se crut délié de tout engagement pacifique à l'égard du royaume de Léon, et qu'il

commença l'année suivante à lui faire la guerre en allant mettre le siége devant Simancas, cette clef de la Castille relevée par Alphonse le Grand pour commander le cours de la Pisuerga et celui de l'Arlanzon. Les historiens arabes placent aussi en cette année le siége et la prise de Léon; mais les auteurs chrétiens pensent que ces faits ne se passèrent qu'en 996 cette date est beaucoup plus vraisemblable. Comment supposer, en effet, qu'un général, quel qu'il soit, puisse concevoir la pensée d'aller attaquer une ville aussi forte que l'était à cette époque celle de Léon, dont le siége, au témoignage de Roderich de Tolède et de Lucas de Tuy, a duré une année entière, sans avoir auparavant assuré ses communications, et sans s'être rendu maître du cours de l'Esla, de la Pisuerga et du Duero, en s'emparant des villes de Simancas, de Toro et de Zamora? Le simple bon sens montre que c'était la seule marche à suivre, et, à cet égard, les auteurs chrétiens sont d'accord avec le bon sens. Ils font donc prendre successivement par Almanzor Simancas, Sepulveda, Zamora, Atienza. Ce n'est qu'en 995, et lorsqu'il s'était rendu maître du pays, qu'il vint pour la première fois insulter les murs de Léon. Don Bermude, à la vue du danger qui le menaçait, assembla le plus de troupes qu'il put, et quoique tourmenté par la goutte, il marcha à leur tête à la rencontre de l'ennemi, qu'il trouva campé sur le bord de l'Esla, dans l'endroit où cette rivière approche le plus de Léon. Les chrétiens attaquèrent à l'improviste les Arabes, qu'ils mirent en déroute. Almanzor, au désespoir de ce que ses troupes, quoique bien supérieures en nombre, fuyaient devant celles de Bermude, fit de vains efforts pour les arrêter. Mais voyant que rien n'était capable de les retenir, il descendit de cheval, s'assit à terre, ôta son turban, protestant qu'il aimait mieux recevoir la mort sur le champ de bataille, que de mou. rir vaincu et déshonoré. Cette action ranima le courage des infidèles attaquèrent à leur tour les chrétiens

ils

qui les chargeaient en désordre, les mirent en fuite et les poursuivirent jusqu'aux portes de Léon. Cette victoire avait coûté bien cher aux musulmans; aussi se retirèrent-ils; mais Almanzor annonça en s'éloignant qu'il reviendrait l'année suivante pour démolir la ville de Léon. Don Bermude sachant qu'Almanzor ne menaçait ja mais en vain, fit transporter dans les Asturies toutes les reliques et tous les vases sacrés, ainsi que les ossements des rois ses prédécesseurs. Il mit ensuite une bonne garnison dans la place, et en confia le commandement à un seigneur nommé don Gil ou don Guillaume. Dès le printemps, Almanzor vint établir son camp devant Léon, et commença à battre les murailles avec toutes les machines de guerre employées à cette époque; mais il n'avait pas plutôt fait une brèche, que le comte don Gil la réparait. Les murailles de Léon étaient d'ailleurs trèsfortes et très-élevées: elles étaient flanquées par des tours dont chacune semblait une forteresse; ses portes étaient de bronze ou de fer. Les musulmans parvinrent cependant à ruiner le rempart du côté du couchant, et commencèrent à monter à l'assaut. Le comte don Gil, quoique malade, se fit porter sur la brèche, et soutint pendant trois jours l'effort des assaillants. Enfin l'assaut continuait depuis quatre jours, lorsque les Maures pénétrèrent dans la ville par une autre brèche ouverte au midi. Les premiers jours, les Maures ne s'y étaient pas présentés, et par conséquent elle était moins bien garnie de défenseurs. Le comte don Gil et toute sa garnison se firent bravement tuer en combattant; aussi les pertes d'Almanzor furent-elles considérables, et, pour s'en venger, il fit entièrement démolir la ville. Il n'y laissa pas pierre sur pierre, à l'exception d'une tour qu'il conserva, dit-on, comme un témoignage de son triomphe. Il alla ensuite assiéger Astorga située à sept lieues à l'ouest de Léon. Cette ville, effrayée du sort de la capitale, se rendit sans résistance; aussi fut-elle épargnée. De là il voulut pé

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