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rent de vivres, que le 22 mars 1344 (7 dzulkada 744), un ambassadeur du roi de Grenade vint proposer à Alphonse de faire capituler la ville, à condition qu'il laisserait les défenseurs se retirer avec tout ce qu'ils possédaient; qu'il accorderait à Abu'l-Hasan et au roi de Grenade une trêve de quinze années. Ce dernier offrait, au reste, de se reconnaître vassal de la Castille, et de lui payer chaque année un tribut de 12,000 doubles d'or. Alphonse réduisit la trêve à dix années; mais il accepta les autres conditions. Quand on fut ainsi tombé d'accord, deux capitaines du roi de Grenade vinrent baiser la main de don Alphonse en signe de vasselage, et les chrétiens prirent possession d'Algeciraz, le 27 mars 1344, veille du dimanche des Rameaux; aussi le roi voulut-il qu'en mémoire de ce jour, la mosquée principale de la ville fût consacrée à NotreDame de la Palme.

Après cette victoire, Alphonse n'ayant plus d'ennemis à combattre, ni dans son royaume ni à l'extérieur, s'occupa du soin de rétablir les finances, épuisées par tant de guerres. Il fit jouir ses sujets d'une paix dont ils étaient privés depuis si longtemps.

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L'INFANT DON JAYME, FRÈRE DU ROI, MEURT EMPOISONNÉ. — L'UNION D'ABORD VICTORIEUSE EST VAINCUE, LE FUERO QUI AUTORISAIT L'UNION EST ANÉANTIDON ALPHONSE COMMENCE LE SIÈGE DE GIBRALTAR. IL Y MEURT DE MALADIE.

Pendant que le roi de Castille triomphait des ennemis de la foi chrétienne, et augmentait ses domaines à leurs dépens, le roi d'Aragon faisait aussi des conquêtes; mais celles-ci n'étaient motivées ni par la justice ni par la religion. Il travaillait à dépouiller son beau-frère, don Jayme, roi de Majorque. Si le caractère cruel, ambitieux

et perfide de don Pedro 'n'eût pas suffi pour le déterminer à cette usurpation, on pourrait attribuer sa conduite odieuse au ressentiment d'une offense qu'il avait reçue. Le roi de Majorque, après avoir différé pendant trois années de rendre à don Pedro l'hommage auquel il était obligé pour ceux de ses États qui relevaient de la couronne d'Aragon, vint enfin remplir ce devoir à Barcelone, le 17 juillet 1339. Quelque temps plus tard, le roi don Pedro partit pour Avignon, afin d'aller à son tour rendre en personne au pape son hominage, à raison de la possession des îles de Corse et de Sardaigne qu'il tenait comme vassal du saint-siége. Il fut accompagné dans ce voyage par le roi de Majorque, et le jour où don Pedro, entouré d'un brillant cortége, s'avançait pour aller au palais du saint-père, ayant don Jayme à côté de lui, l'écuyer qui tenait par la bride le cheval de don Jayme ayant remarqué que le seigneur qui remplissait la même fonction auprès du roi d'Aragon marchait plus vite que lui, donna un coup au cheval du monarque aragonais pour l'arrêter. Il frappa même le seigneur qui le conduisait. Don Pedro fut d'autant plus offensé de cette audace, que, par son silence, le roi de Majorque sembla l'autoriser. Dans le premier moment de colère, il porta la main à son épée; mais son oncle, qui était à côté de lui, l'arrêta et l'empêcha de tirer vengeance de cette injure. Don Pedro en conserva-t-il le ressentiment? C'est ce qu'il n'est pas possible de savoir; mais il se montra toujours animé d'un mauvais vouloir pour son frère, et l'occasion d'en donner la preuve ne tarda pas à se présenter.

En 1341, don Jayme ayant refusé de rendre hommage au roi de France pour le comté de Montpellier, le duc de Normandie assembla des troupes afin de s'emparer par les armes du fief dont on contestait la souveraineté. Don Jayme, à la nouvelle de ces armements, envoya prévenir don Pedro, et lui demanda de le secourir comme un seigneur doit secourir son vassal. Mais l'Aragonais, qui ne désirait rien tant

que de voir son beau-frère attainli, afin de pouvoir plus facilement s'emparer de ses dépouilles, répondit d'une manière évasive. Don Jayme s'imagina qu'il réussirait mieux par lui-même que par ses ambassadeurs. Il se rendit en Catalogne, et se fit accompagner par sa femme doña Constance, dans l'espoir qu'elle exercerait un peu d'influence sur l'esprit du roi d'Aragon. Tout cela fut inutile. Don Pedro promit seulement d'envoyer un ambassadeur au roi de France; mais déjà le duc de Normandie s'était emparé des vicomtés d'Omelas et de Carladois. Don Jayme, qui s'était retiré dans le Roussillon à la tête de quelques troupes, fit encore savoir au roi d'Aragon combien sa position était dangereuse. Il lui demanda de nouveau des secours. Don Pedro en promit, mais il n'en envoya pas. Loin de là, au commencement de l'année suivante (1342), il fit ajourner don Jayme à comparaître, dans le délai de vingt-six jours, devant les cortès de Barcelone. Il l'accusait d'avoir voulu se rendre indépendant, d'avoir, de son chef, déclaré la guerre au roi de France, d'avoir souffert dans ses États une autre monnaie que celle de Barcelone, et d'en avoir fait battre une mauvaise. Don Jayme ne comparut pas sur l'assignation qui lui avait été donnée. Il fut déclaré rebelle, contumace, et, comme tel, déchu de tous les domaines qu'il tenait à foi et hommage de la couronne d'Aragon. Cependant le pape ayant intercédé pour lui, il obtint un sauf-conduit, et vint à Barcelone pour s'expliquer avec le roi don Pedro. D'abord celui-ci le reçut avec une apparente bonté; mais bientôt, prétextant qu'il avait appris que don Jayme avait formé le projet de l'enlever et de l'emmener à Majorque, il lui retira doña Constance, sa femme. Le roi de Majorque se plaignit vivement de cette violation du sauf-conduit; mais don Pedro, satisfait d'avoir retiré sa sœur de ses mains, le laissa partir sans s'inquiéter de ses cris ou de ses menaces. Don Jayme, furieux, se rendit aussitôt à Majorque, où il déclara la guerre au roi d'Aragon.

Il saisit tous les biens que les Aragonais possédaient dans ses États. Il publia un manifeste par lequel il protesta que tout ce qui lui était imputé n'était que calomnie et qu'imposture. Sans doute, ce prince avait pour lui la justice; mais sa conduite n'en fut pas moins imprudente. Bon droit a besoin d'aide, et n'ayant pas le moyen de faire prévaloir sa cause, il ne fallait pas donner un prétexte à la spoliation que l'Aragonais voulait exercer.

Dès que la guerre fut ainsi déclarée, don Pedro rappela les galères qu'il avait envoyées au siége d'Algéciraz, sous le commandement de l'amiral de Moncada, et il commença les hostilités à la fois dans le Roussillon et dans les Baléares. Le roi don Jayme voulut en vain s'opposer à la descente de don Pedro dans l'île de Majorque; abandonné par ses sujets, dont il n'avait pas su se faire aimer, il fut forcé de prendre la fuite et de se refugier en France. Les Baléares prêtèrent serment de fidélité à don Pedro, et furent réunies à la couronne d'Aragon. Don Jayme ne fut pas plus heureux dans le Roussillon. L'armée aragonaise lui enleva plusieurs places, et dévasta les environs de Perpignan. Le roi don Jayme, qui n'avait ni troupes ni argent pour résister à un ennemi si puissant, résolut d'essayer de le fléchir par la soumission. Engagé d'ailleurs à cette démarche par don Pedro Exerica, seigneur aragonais, qui lui faisait espérer que le roi don Pedro agirait à son égard avec générosité, il accourut lui-même se livrer à son beau-frère, qui venait de s'emparer de la ville d'Eine. Don Pedro exigea qu'avant tout les portes de Perpignan lui fussent ouvertes; don Jayme, espérant toucher son vainqueur par cet acte d'obéissance, lui fit livrer la ville, et don Pedro y ayant reçu le serment de fidélité des habitants, rendit, le 22 juillet 1344, un édit par lequel il déclarait le Roussillon réuni pour toujours à la couronne d'Aragon. Après avoir mis de bonnes garnisons dans toutes les villes, il retourna à Barcelone; et comme les plaintes de don Jayme ne cessaient de

le poursuivre, il fit décider par les états d'Aragon qu'on payerait à don Jayme une pension annuelle, à condition qu'il cesserait de prendre le titre de roi. On lui laissait aussi les domaines qu'il possédait dans le Languedoc; mais ils étaient de peu d'importance, car le roi de France lui en avait enlevé la meilleure partie. Quand on vint signifier à don Jayme la décision des cortès, il entra en fureur. Il accusa don Pedro de l'avoir trompé. Enfin la violence de ses reproches n'ayant pas de bornes, le roi d'Aragon envoya quelques troupes pour le saisir; et le malheureux prince, forcé de fuir, fut obligé, à la tête d'une poignée de monde, de traverser les Pyrénées, qui étaient couvertes de neige, et de gagner la France. Il se réfugia auprès du jeune Gaston Phoebus, comte de Foix, qui était son allié. Le roi d'Aragon voulut lui retirer cet asile. Il écrivit à la comtesse Éléonore de Comminges, qui pendant la minorité de son fils avait le gouvernement des pays de Foix et de Béarn, pour la sommer de refuser toute espèce de secours au roi fugitif. Mais cette généreuse princesse répondit avec courage: « Ni mon fils ni moi ne pouvons deférer à la sommation de don Pedro d'Aragon, justice et alliance s'y oppo

sent. >>

Don Jayme fit plusieurs tentatives malheureuses pour recouvrer ses États. Enfin, le 18 avril 1349, il vendit au roi de France le comté de Montpellier pour 120,000 écus d'or. Il employa cette somme à équiper 3,000 fantassins et 300 chevaux, et à la tête de cette petite armée, il alla tenter de reconquérir Majorque. Mais le vice-roi de l'île lui opposa des forces six fois plus considérables. Don Jayme fut défait, et mourut en combattant.

Ce ne fut pas seulement pour dépouiller l'infortuné don Jayme que don Pedro eut recours à la perfidie, et qu'il se montra cruel et impitoyable. Trois ans avant la dernière tentative du malheureux souverain de Majorque, les troubles les plus graves avaient agité l'Aragon. Une question sur le droit de successibilité au trône, impru

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demment soulevée, avait gravement compromis l'autorité royale. Don Pedro n'avait pas de fils. La reine doña Maria de Navarre lui avait donné trois infantes, doña Costanza, doña Juana et doña Maria. Voulant assurer d'avance le trône à ses enfants, don Pedro faisait promulguer des édits au nom de doña Costanza, comme si elle eût dû naturellement lui succéder. A la vérité, la constitution aragonaise n'exclut pas les femmes du trône. La fille de don Ramire le Moine, mariée à Ramon Berenguer, a régné sur l'Aragon; mais elle était le seul rejeton qui restât de la race des Abarca, et ce n'était qu'à défaut de prince du sang royal que les femmes pouvaient hériter du trône. Don Jayme, comte d'Urgel, frère du roi, et lieutenant général du royaume, se plaignit de ce que ces dispositions étaient prises pou: le dépouiller des droits qu'il avait à la couronne. Don Pedro s'irrita en entendant ces protestations; il ôta à don Jayme la lieutenance générale du royaume. Mais celui-ci, sachant bien que le roi ne négligerait aucun moyen pour faire réussir ses projets, s'était depuis longtemps fait un parti. Tous les seigneurs qu'avait indignés la manière odieuse dont le roi de Majorque avait été dépouillé, tous les mécontents, favorisaient le comte d'Urgel. Ils s'assemblèrent à Saragosse, et profitant de ce que la constitution de l'État les y autorisait, ils formèrent l'Union, en exécution de ce fuero qui permet aux seigneurs, lorsque leurs priviléges ou leurs libertés sont violés, de faire choix d'un autre roi, fût-il païen (*). Les infants don Fernand et don Juan, qui avaient des intérêts conformes à ceux de don Jayme, embrassèrent son parti, et tous se plaignirent de ce que le roi voulait troubler l'État en changeant l'ordre de succession au trône.

L'accouchement de la reine faillit terminer ces troubles en en faisant disparaître le motif. Elle mit un fils au monde; mais cet enfant vécut seulement un jour, et la reine elle-même

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mourut cinq jours plus tard. L'Union ne fut donc pas forcée d'abandonner ses réclamations. Elle continua à miner l'autorité royale, tout en protestant de son profond respect pour la couronne. Ainsi le sceau que cette assemblée avait fait graver pour donner l'authenticité aux actes émanés d'elle, représentait don Pedro entouré de ses sujets agenouillés, qui lui présentaient humblement leurs suppliques. Don Jayme avait été choisi pour président. Don Juan Ximenès de Urrea, seigneur de Biota; don Pedro Coronel, Blasco de Alagon, et Lope de Luna, principaux chefs de l'Union, avaient été nommés conservateurs de la liberté. Au reste, ce n'était pas contre le roi que l'on dirigeait des reproches, mais contre ses ministres, Bernard de Cabrera et Berenguer de Arbella. Elle suppliait le roi de venir prendre part à ses travaux. Don Pedro refusa pendant longtemps; mais il fut forcé par les circonstances de s'éloigner de Valence, où il résidait; alors la révolte éclata dans cette ville; une seconde Union s'y forma. Elle prit l'infant don Ferdinand pour président, et les deux Unions firent entre elles une étroite alliance. Presque toutes les villes des royaumes d'Aragon et de Valence embrassèrent leur parti; et le roi, après avoir employé tous les moyens qu'il put imaginer pour dissiper cette assemblée, se rendit à Saragosse. Là, il fit usage d'une recette qui n'est certainement pas nouvelle, mais qui ne manque jamais de réussir. Il eut recours à la corruption. Il acheta des suffrages, et parvint à gagner à son parti don Lope de Luna, un de ceux-là même qui avaient été nommés conservateurs de la liberté. Cependant il voulut trop se presser de profiter de l'influence de ses nouveaux alliés. Dans une séance, il s'emporta contre don Jayme, et l'invectiva avec véhémence; celui-ci répondait avec la plus grande modération; mais un des gentilshommes de sa maison ouvrit les portes de l'assemblée, et cria au peuple que le roi insultait tout le monde; qu'il voulait dissoudre l'Union. Alors la popu

lace furieuse se précipita dans l'église où se tenait l'assemblée, et les seigneurs eurent bien de la peine à défendre le roi contre les fureurs de l'émeute. L'imprudence de la conduite de don Pedro excita les passions; et le roi, forcé de céder à l'irritation qu'elle avait produite, accorda tous les priviléges qu'on réclamait. Don Jayme fut réta bli dans la lieutenance générale du royaume, et fut déclaré l'héritier présomptif de la couronne. Mais il ne jouit pas longtemps de ce triomphe. Don Pedro, peu de mois après la mort de la reine doña Maria, avait envoyé demander la main de doña Leonor, fille du roi de Portugal. Le vaisseau qui portait cette princesse était attendu à Barcelone, et le roi s'y rendit pour recevoir sa nouvelle épouse. Il fut accompagné par don Jayme, qui mourut le jour même où cette princesse débarqua. Tout le monde pensa qu'il avait été empoisonné, et cette croyance jeta une nouvelle irritation dans les esprits. On pensa qu'il n'y avait plus de ménagements à garder, et l'Union se détermina à réduire par les armes les villes qui tiendraient pour le roi. Les royalistes, de leur côté, réunirent des troupes. Ils marchèrent au-devant de l'armée de Valence; mais ils furent deux fois mis en déroute. Aussitôt que don Pedro fut instruit de ces défaites, il partit avec quelques troupes pour le royaume de Valence, afin d'aller y réparer les échecs que son parti avait éprouvés. L'Union de Saragosse, de son côté, envoya au secours des Valenciens 15,000 hommes, sous la conduite du seigneur de Biota et de don Lope de Luna. Ce dernier était depuis quelque temps dans les intérêts du roi. Il trouva donc bientôt un prétexte pour se séparer de son collègue, et pour se retirer à Carmone et à Daroca, sans cependant se déclarer ouvertement pour don Pedro.

Cette défection laissait encore l'armée des Valenciens forte de près de 50,000 hommes; et don Pedro, qui était bien loin de réunir un nombre de troupes aussi considérable, s'était arrêté à Murviedro pour attendre les

forces que devaient lui amener les seigneurs de son parti. Craignant d'étre attaqué dans cette ville, il s'occupa d'en faire réparer les fortifications. Les habitants s'en inquiétèrent; et, pensant que cela se faisait par le conseil de Bernard de Cabrera et de Berenguer de Arbella, ils coururent à la demeure de ces deux ministres pour les massacrer. Mais ceux-ci parvinrent à s'échapper, laissant le roi exposé à la fureur de la populace mutinée. Les séditieux, pour empêcher que don Pedro ne s'évadât et n'allât rejoindre ses ministres, le saisirent avec la reine et les infantes, et les conduisirent à Valence dans les premiers jours de l'année 1348. Une sédition ne tarda pas à éclater parmi les citoyens de cette ville, qui coururent aux armes et se précipitèrent vers le logis du roi, pour égorger Bernard de Cabrera et Berenguer de Arbella. Le roi ne savait comment apaiser le tumulte. Don Pedro de Moncada lui conseilla de sortir avec une masse à la main, et de reprocher aux Valenciens leur témérité. Il lui dit que la population de Valence est la plus légère et la plus mobile du monde, et qu'en le voyant, elle changerait aussi tôt d'opinion. Il en arriva comme Pedro de Moncada l'avait prévu. Nonseulement la présence du roi apaisa le tumulte, mais la direction des esprits fut tellement modifiée, que le peuple reconduisit le roi avec des acclamations de joie; en sorte que l'infant don Fernand jugea prudent de sortir de Valence avec sa cavalerie et avec les principaux chefs de l'Union. Le roi, pour achever de calmer les Valenciens, leur accorda les priviléges que réclamait l'Union. Il donna une complète amnistie pour tous ceux qui s'étaient révoltés à cette occasion; mais il se promettait bien de révoquer toutes ces concessions, quand il en aurait fini avec l'Union de Saragosse.

Les troupes royales se dirigèrent vers l'Aragon, et l'armée de l'Union vint à sa rencontre. Mais on n'était plus aux premiers jours de la révolution. Une partie des principaux chefs avait été gagnée. Don Lope de Luna,

Blasco de Alagon, qui d'abord avaient été nommés les conservateurs de la liberté, étaient passés du côté de don Pedro. Les chefs des insurgés, effrayés par tant de défections, se méfiaient les uns des autres; néanmoins ils combattirent avec courage, mais ils furent défaits. L'infant don Ferdinand fut blessé, et tomba entre les mains des chevaliers castillans, qui avaient embrassé le parti de don Pedro. Gil de Albornoz, qui les commandait, pour soustraire le prisonnier au ressentiment de son frère, le fit aussitôt conduire en Castille. Les deux autres principaux chefs de l'Union, don Pedro Fernandez de Ixar et le seigneur de Biota, furent aussi faits prisonniers, et ils furent mis à mort.

Le roi, qui était parti de Téruel avec un corps de troupes pour venir renforcer son armée, arriva lorsqu'elle avait déjà remporté la victoire. Il marcha aussitôt vers Saragosse, qui le reçut humblement, et se livra à sa discrétion. Non-seulement le roi révoqua tous les priviléges qui lui avaient été arrachés, il abolit encore le fuero qui autorisait l'Union. Il s'en fit rapporter le titre original, et voulut le lacérer en public. Comme cette charte était écrite sur un parchemin très-épais, et qu'il ne pouvait la déchirer assez vite à son gré, il tira le poignard qu'il portait à sa ceinture, et se mit à la déchiqueter. En la coupant, il se blessa un doigt, en sorte qu'il rougissait les lambeaux du parchemin. Quelqu'un le lui ayant fait observer, il répondit: « Cela devait être. Pour effacer un « semblable privilége, il fallait du sang « de roi. » Soit à raison de cette anecdote, soit à raison de sa cruauté, don Pedro le Cérémonieux reçut aussi le surnom de don Pedro du Poignard. Il punit de mort treize des habitants de Saragosse les plus influents. Il en fit mourir plusieurs dans d'autres villes. Ensuite il marcha vers le royaume de Valence, dont l'Union ne s'était pas laissé effrayer par la déroute des Aragonais. Il remporta sur l'armée des Valenciens une victoire complète. Il entra dans Valence en vainqueur ir

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