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Lucullus pour la citérieure. Ces deux chefs se sont également rendus célèbres par leur avarice, leur perfidie et leur cruauté. Ainsi, Lucullus avant assiégé la ville de Cauca, les habitants capitulèrent. Ils s'engagèrent à payer cent talents d'argent et à donner des otages. Pleins de confiance dans la capitulation, ils ouvrirent leurs portes aux Romains; mais ceux-ci ne furent pas plutôt entrés, que Lucullus donna l'ordre de passer tous les habitants au fil de l'épée, sans distinction d'âge ni de sexe, et il fit livrer au pillage la ville dont les richesses avaient tenté sa cupidité. On aimerait à croire qu'il était impossible d'égaler en déloyauté l'auteur de cette infâme trahison; cependant Galba laissa en cette matière Lucullus encore bien loin derrière lui. Il commença par courir la campagne, égorgeant, incendiant, pillant tout ce qu'il trouvait. Il causa tant de dommage, que les Lusitains se déterminèrent à lui envoyer des ambassadeurs. Le préteur les reçut avec un air de bonté et de douceur auquel ils étaient loin de s'attendre. Il les plaignit de ce que la stérilité de leurs campagnes, en les forçant à se livrer au brigandage, attirait sur eux la colère des Romains. Il leur dit qu'il voulait leur donner des champs plus riches, des terres plus fertiles, où ils pourraient vivre sans attaquer leurs voisins. Il parla avec tant de bonhomie, tant d'effusion, qu'ils se laissèrent convaincre. Au jour indiqué par lui, ils vinrent pour prendre possession des terres qu'il leur avait promises. Ils arrivaient par petites troupes, portant avec eux tout ce qu'ils possédaient. Galba les fit entourer, et lors qu'on les eut désarmés, il les fit lâchement égorger. Il donna une partie des dépouilles à ses soldats; mais, ce qu'il conserva suffit pour le rendre le plus riche des citoyens de Rome. On porte à neuf mille le nombre des infortunés qu'il fit ainsi massacrer; il en fit aussi prendre et enchaîner plus de vingt mille, qu'il fit vendre comme esclaves dans les Gaules. Au nombre de ces prisonniers se trouvait un jeune pâtre, qui parvint à s'évader, et qui

fut pour Rome un ennemi redoutable. C'était Ouriathous, Uriatthô, ou Viriathus; car les auteurs ne sont pas d'accord sur son nom. Les historiens modernes ont généralement adopté celui de Viriathes (*). Il était d'une basse extraction, et avait commencé par garder les troupeaux. Quand il se fut échappé des mains de Galba, il se mit à courir les grands chemins, et rassembla bientôt une foule d'hommes de son espèce. Les gens de mauvaise vie, ceux qui étaient criblés de dettes, ceux que les désastres de la guerre avaient ruinés et réduits au désespoir, vinrent se joindre à lui. A la tête de cette troupe, qui formait déjà une petite armée, il s'appliqua à dévaster les terres qui étaient sous la domination romaine, et principalement le pays des Turditains, situé à l'embouchure du fleuve Ana.

Caius Vetilius, successeur de Galba dans le gouvernement de l'Espagne ultérieure, s'étant mis à la poursuite de Viriathes, parvint à acculer les Lusitains à une colline escarpée, et à les placer dans une situation où ils ne pouvaient ni combattre ni se retirer sans désavantage. Alors ils parlèrent d'envoyer des députés à Vetilius; mais Viriathes leur rappela les trahisons de Galba; il leur demanda comment, après tant de perfidie, ils pouvaient songer à se confier aux Romains. Il ajouta qu'ils n'avaient qu'à suivre ses ordres, qu'il saurait bien les tirer du mauvais pas où ils se trouvaient. Ces paroles leur rendirent courage. Il les rangea en bataille, mettant en première ligne ses cavaliers, puis derrière ses fantassins. Il commanda à ceux-ci de se débander aussitôt qu'ils le verraient monter à cheval, et de fuir dans toutes les directions pour le rejoindre auprès de la ville de Tribola où il

(*) Il y avait en Espagne plusieurs villes du nom de Viria, "Uria. Ces mots qu'on dit basques, ont une grande analogie avec celui de Uiriats qui paraît avoir la même origine. Il est donc probable qu'en adoptant le nom de Viriathes on ne s'est pas beaucoup éloigné du véritable.

Ur, Uri signifie de l'eau.

comptait se rendre. Pour lui, à la tête de mille cavaliers, il resta en bataille, prêt à soutenir le choc des Romains, ou même à les charger le premier s'ils se débandaient afin de poursuivre les fuyards. Le préteur, en voyant les Lusitains s'échapper de tous les côtés, ne sut quel part: prendre. Quand il se décida à attaquer ceux qui, sous le commandement de Viriathes, étaient restés en bataille, les fantassins s'étaient déjà mis en sûreté dans les bois ou dans les montagnes. Alors Viriathes tourna bride, partit au galop, et Vetilius resta tout confus d'avoir laissé fuir une armée qu'il regardait déjà comme prisonnière. Les Romains, pleins de dépit, se mirent en marche pour aller assiéger Tribola. Viriathes avait prévu ce mouvement. Dans le chemin, il leur dressa une embuscade où plus de quatre mille Romains furent tués; le préteur luimême fut pris par un soldat, qui en suite le tua par mépris, parce que, dit un historien, il avait un gros ventre.

Six mille Romains se retirèrent en fuyant jusqu'à Tartessus, où ils s'enfermèrent avec le questeur; celui-ci demanda des secours de tous les côtés: cinq mille Romains s'étaient mis en marche pour venir le rejoindre. Viriathes eut connaissance de leur marche; il les attaqua à l'improviste, et pas un seul d'entre eux ne put s'échapper pour porter la nouvelle de ce

désastre.

L'année suivante, le commandement de l'Espagne ultérieure fut donné à Caius Plautius. Lorsque celui-ci arriva, le général lusitain ravageait les champs de la Carpétanie. Le préteur marcha pour l'attaquer; mais à la vue des Romains, les Lusitains se retirèrent comme s'ils étaient forcés de fuir. Caius Plautius les poursuivit imprudemment, à la tête seulement de quatre mille hommes, pensant que ce nombre suffisait pour les vaincre ; mais dès que Viriathes eut entraîné les Romains loin du reste de leur armée, et qu'il les eut amenés dans une position désavantageuse, il fit volte-face, les

chargea avec impétuosité, et les contraignit à fuir.

Il passa le Tage et alla attendre le questeur sur une colline auprès d'Ebora. L'armée romaine tout entière vint l'attaquer. Cette affaire ne fut plus une simple embuscade, mais bien une bataille rangée. Les Romains furent encore vaincus, et Caius Plautius, ne se sentant plus le moyen de tenir la campagne, se renferma dans les places fortes.

Claudius Unimanus vint, au com mencement de l'année 606 de Rome, pour remplacer Caius Plautius. Il fut plus malheureux encore que les généraux qui l'avaient précédé. Vaincu par les Lusitains, il resta sur le champ de bataille avec la plus grande partie de son armée; des aigles et les insignes de la préture tombèrent au pouvoir de Viriathes, qui fit placer ces trophées sur les montagnes de la Lusitanie. Le courage des Espagnols s'accrut tellement par cette série de succès, que trois cents d'entre eux ne craignirent pas d'attaquer mille Romains. Dans le combat, ils ne perdirent que soixantedix des leurs, et tuèrent trois cent vingt ennemis. Lorsqu'ils se retirèrent, un fantassin espagnol, se voyant poursuivi par dix cavaliers romains, s'arrêta pour leur faire face. Il tua d'un seul coup de pique le cheval de celui qui s'avançait le premier; puis d'un coup de sabre il abattit la tête du cavalier; et les Romains, étonnés de cette vigoureuse résistance, renoncèrent à le poursuivre plus longtemps (*).

(*) Mariana, Depping et plusieurs autres historiens pensent que la bataille où périt Uuimanus eut lieu près de Urique. Ils rapportent à l'appui de leur opinion cette inscription trouvée auprès de la ville dans les ruines d'une tour antique :

C. Minutius. C. F. Lem. Jubatus.
Leg. X. Gem. quem. in. prælio,
Contra. Viriatum, volneribus.
Sopitum. imp. Claudius. Unimanus.
Pro mortuo. dereliquit. Eubutii.
Militis. Lusitani, opéra. Servatus
Curari. que jussus
paucos supervixi
Dies mœstus. obJ. quia. bene
Merenti. more. Romano.

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Gratiam non retuli.

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Caïus Minutius, fils de Caïus Lemona,

Caius Nigidius, qui commandait l'Espagne citérieure, voulut à son tour tenter la fortune. Il entra dans la Lusitanie; mais il fut vaincu par Viriathes auprès de Viseo. Caius Lélius Sapiens, qui lui succéda, eut l'honneur de faire le premier fléchir la fortune de Viriathes, et de remporter contre lui quelques avantages.

Quintus Fabius Maximus Emilianus, consul, reçut, en l'année 608 de Rome, le gouvernement de l'Espagne ultérieure. Il vint débarquer à la tête de quinze mille hommes d'infanterie et de deux mille de cavalerie. C'étaient de nouvelles levées, et le consul, ne voulant pas les hasarder dans une bataille avant de les avoir disciplinées et aguerries, les fit camper auprès de la ville d'Urso, située au centre de la Turditanie. Il les y laissa sous le commandement d'un de ses lieutenants,

centurion (*) de la légion dixième géminée, évanoui par suite des blessures que j'avais reçues daus un combat contre Viriathes; j'ai été abandonné pour mort par le général Claudius Unimanus, relevé et soigné par les soins d'Eubutius, soldat lusitain; j'ai survécu peu de jours et je suis mort triste parce que je n'avais pas, suivant l'habitude des Romains, récompensé mon bienfaiteur.

Nous pensons que cette épitaphe prouve précisément le contraire de ce qu'on veut en conclure. En effet, puisque le préteur Claudius Unimanus a abandonné Caïus Mi

nutius sur le champ de bataille, c'est que lui-même n'y est pas resté. Il faut donc croire qu'Unimanus n'a pas été tué près d'Urique et qu'il a livré plus d'une bataille. Ce qui rend cette opinion vraisemblable, c'est qu'Unimanus conserva pendant les deux années 606 et 607 de Rome le gouvernement de l'Espagne ultérieure.

(*) Mariana a pris pour un nom propre le mot Jubatus qui nous parait désigner un grade dans la légion romaine. Voici le passage de Végèce sur lequel s'appuie notre opinion; cet auteur, après avoir parlé des étendards, ajoute :

Centuriones insuper, qui nunc centenarii vocan. tur, transversis cassidum cristis (indicaverunt), ut facilius noscerentur, quos singulas jusserunt gubernare centurias. Quatenus nullus error existerct, cum centeni milites sequerentur non solum vexillum suum, sed etiam centurionem, qui signum habebat in galeê.

puis il se transporta à Cadix pour accomplir un vœu qu'il avait fait à Hercule. Cependant Viriathes ne connut pas plutôt l'arrivée des renforts que les Romains venaient de recevoir, qu'il résolut de les attaquer. Il réunit la plus grande partie de ses forces, et tomba à l'improviste sur leurs fourrageurs et sur leurs bûcherons, en prit et en tua un grand nombre. Le lieutenant de Fabius profita de cette occasion pour livrer, en l'absence du consul, un combat dont la gloire ne reviendrait qu'à lui seul. Il conduisit une partie de l'armée à la rencontre des Lusitains; mais il fut battu, et sa défaite parut à tout le monde un juste châtiment de sa présomption. En apprenant cet échec, Quintus Fabius accourut se mettre à la tête de l'armée; et, imitant la prudence de Fabius Cunctator, il refusa la bataille que Viriathes lui offrait. Il passa l'année toute entière à exercer ses soldats par des marches ou par des escarmouches. L'année suivante, il fit contre Viriathes une campagne heureuse. Mais le général lusitain alla chercher des secours chez les Arévaques et chez les autres Celtibères, et il répara promptement les pertes qu'il avait éprouvées. Il reprit à son tour l'offensive, s'empara d'Ituca, et empêcha les Romains de sortir de leurs quartiers.

A la voix de Viriathes, qui appelait tous les Espagnols à former une ligue générale, et à combattre les Romains pour l'honneur et pour la liberté de la patrie, la Celtibérie tout entière s'était soulevée; de tous les côtés on faisait des préparatifs de guerre. Pour comprimer ce mouvement, on envoya de Rome le consul Quintus Cecilius Métellus, tandis que son collègue Fabius Servilianus était chargé de faire en Lusitanie la guerre contre Viriathes. Servilianus était un homme violent et cruel. Après avoir reçu à composition un bandoulier nommé Canoba, il fit couper les mains à tous ses compagnons et à cinq cents prisonniers qui avaient tenté de s'échapper. Par cette action féroce et par quelques succès obtenus contre Viriathes, le consul

crut avoir semé l'épouvante dans l'esprit des Espagnols. Il vint donc mettre le siége devant la ville d'Érisana. Mais pendant la nuit, Viriathes s'introduisit en secret dans la place. Au lever du soleil, il attaqua les Romains avec tant d'impétuosité, qu'il leur tua beaucoup de monde, et qu'il les contraignit à se retirer en désordre. Poussés l'épée dans les reins, ils s'engagèrent dans une gorge de montagnes sans issue. Le Lusitain les y fit aussitôt entourer de retranchements pour leur ôter toute possibilité d'en sortir. Il les tint ainsi plusieurs jours renfermés. Il pouvait les y laisser périr de faim, pas un n'avait le moyen de s'échapper. Il pouvait venger d'un seul coup les habitants de Cauca, si lâchement égorgés par Lucullus; ses compatriotes massacrés ou vendus comme esclaves par Sergius Galba; les compagnons de Canoba mutilés par Servilianus; mais Viriathes était un de ces esprits que les revers n'abattent pas, et que la victoire trouve toujours calmes, sans orgueil et sans ressentiment. Au lieu d'exterminer ses ennemis, il leur accorda généreusement une capitulation raisonnable. Il les laissa sortir à condition qu'ils restitueraient le butin fait par eux, qu'ils respecteraient à l'avenir le territoire et la liberté des Lusitains, et qu'ils les traiteraient comme un peuple ami de Rome. Cette paix fut jurée par les deux parties; elle fut solennellement confirmée par le sénat et par le peuple. Cependant elle ne devait avoir que peu de durée. L'année suivante, Quintus Servilius Cæpio reçut le commandement de l'Espagne ulterieure, et recommença la guerre sous le prétexte que la paix conclue par Servilianus était indigne de la majesté du nom romain. Viriathes, surpris par lui, fut obligé de fuir en toute hâte de la ville d'Arsa où il s'était retiré. Il ramassa quelques-uns de ses anciens soldats, et déjà il avait rassemblé une petite armée, lorsqu'il fut rejoint dans la Carpétanie par les Romains, qui s'étaient attachés à sa poursuite. Ne voulant pas sacrifier ses troupes dans

5 Livraison. (ESPAGNE.)

un combat inégal, il eut recours à un stratagème qui lui avait déjà réussi contre Vétilius. Il feignit d'accepter la bataille, rangea son armée, en plaçant sa cavalerie sur la première ligne, de manière à masquer aux yeux des Romains son infanterie, qu'il faisait fuir précipitamment vers des bois voisins; puis, quand il la vit en sûreté, quand ses ennemis eurent achevé les dispositions qu'ils faisaient pour l'attaquer il partit à toute bride, laissant Cœpion furieux d'avoir manqué l'occasion de combattre avec avantage. Pour faire tomber sa colère sur quelqu'un, le consul se mit à parcourir le pays des Vettons et ensuite celui des Gallaïques, pillant les villes et ravageant les campagnes. Viriathes, dans le but de faire cesser tant de désastres et de conserver la paix, si cela n'était pas impossible, lui envoya trois députés. Ils se plaignirent de ce qu'on violait ainsi la paix qui venait d'être jurée; ils demandaient quelles étaient enfin les prétentions des Romains, ce qu'ils exigeaient pour mettre un terme à la guerre. Au lieu de répondre à ces questions, Cœpion accabla les envoyés de caresses, les gagna, les corrompit par des promesses pompeuses. Les trois Lusitains retournèrent à leur camp lorsque la nuit était déjà close. Ils entrèrent dans la tente du général, sous le prétexte de lui rendre compte de leur mission; et, l'ayant trouvé endormi, ils se précipitèrent sur lui et le poignardèrent dans le lit où il reposait, sans que personne s'aperçût de leur trahison. Le lendemain, seulement, les soldats, en ne voyant pas paraître leur chef, pénétrèrent dans sa tente et le trouvèrent baigné dans son sang.

C'est ainsi que périt, victime d'un lâche assassinat, Viriathes, le plus grand homme qui, dans les temps anciens, ait combattu pour la liberté de l'Espagne. Tous les historiens s'accor dent à faire son éloge. Il était ferme et sans crainte dans les revers. Tant

de victoires remportées sur les armées romaines n'avaient jamais rempli son âme d'orgueil. Il conserva dans la for

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tune prospère toute la modération et toute la modestie de son caractère. Il ne changea rien à son costume ni à sa manière de vivre. Le jour de son mariage, après le repas de famille, pendant lequel il se montra aussi sobre qu'à l'ordinaire, il prit sa lance, monta à cheval, emportant en croupe sa femme, pour regagner avec elle les montagnes où était situé son camp. L'assassinat de Viriathes fit horreur à tout le monde, et à celui même qui avait eu l'infamie de le proposer. Quand les assassins se présentèrent pour recevoir le prix de leur forfait, il les repoussa avec dégoût, en répondant que jamais les Romains n'avaient vu avec plaisir un chef d'armée périr par la main de ses propres soldats (*). Après la mort de Viriathes, son armée se sépara. Quelques-uns de ses compagnons cherchèrent un asile dans les montagnes inaccessibles de leur pays; les autres, sous la conduite de ses lieutenants, continuèrent à combattre; mais ils ne tardèrent pas à s'arranger avec les Romains, qui leur donnèrent des terres pour subsister. Ils fondèrent une colonie appelée Valence. Il existe dans la Péninsule trois cités de ce nom. La plus célèbre, dont nous avons déjà parlé, est au pays des Edétains, auprès de la Méditerranée; c'est celle qu'on connaît aujourd'hui sous le nom de Valencia del Cid. Une autre est située dans le bassin où coule le Tage, et sur une des petites rivières tributaires de ce fleuve, sur le Rio Sever, qui sert sur ce point de limite entre l'Espagne et le Portugal; on la nomme maintenant Valencia de Alcantara. La troisième se trouve presque à l'embouchure et sur la rive gauche du Minho, en face de Tuy. D'après l'opinion de Mariana, ce serait cette dernière qui aurait été fondée par les débris de l'armée de Viriathes; mais cela n'est guère probable, car cette fondation remonte à l'année 616 de Rome. A cette époque, les Romains

(*) Eutrope, Histoire romaine, lib. IV, cap. 16. Numquam Romanis placuisse, imperatorem a suis militibus interfici.

n'avaient pas encore franchi le fleuve Lethé; ils n'avaient point subjugué les Gallaiques, et ceux-ci occupaient le pays où Mariana voudrait placer la colonie nouvelle. L'opinion de Masdeu, qui la met à Valencia de Alcantara, doit être préférée, car cette ville se trouve au centre de l'ancienne Lusitanie, à l'endroit où combattaient alors les Romains et les compagnons de Viriathes.

Guerre de Numance. Les Romains, à peine délivrés du redoutable adversaire qui avait tant de fois mis leurs légions en fuite, entreprirent dans une autre partie de l'Espagne une guerre qui leur fut longtemps funeste. Metellus avait apaisé les troubles qui avaient éclaté dans la Celtibérie. Tous les peuples de cette partie de la Péninsule reconnaissaient la souveraineté de Rome. Les Numantins et les Termestins avaient seuls conservé leur liberté. Elle leur avait été garantie par les traités conclus avec Tibérius Sempronius Gracchus. Le nouveau gouverneur de l'Espagne citérieure, Quintus Pompéius Rufus, se trouva gêné par l'oisiveté à laquelle cette paix générale le réduisait. Elle ne lui laissait ni espoir de butin ni espoir de triomphe. Aussi ne cherchait-il qu'un prétexte pour attaquer les habitants de ces deux cités. Elles avaient donné asile à quelques naturels de la ville de Ségéda, qui, au temps de la guerre de Viriathes, avaient fourni des secours à ce général. Cette circonstance parut suffisante à Pompéius Rufus pour motiver la rupture de la paix. Après avoir molesté les ambassadeurs que lui avaient adressés les villes de Termes et de Numance, il vint établir son camp près de cette dernière. Mais les citoyens s'étaient préparés à la guerre. Ils avaient élu pour général un de leurs compatriotes du nom de Megara, homme de courage et d'expérience. Celui-ci ne crut pas pouvoir livrer aux Romains une bataille rangée; mais chaque jour il les harcelait, il engageait contre eux des escarmouches, puis aussitôt qu'il voyait leur armée sortir de ses retranchements, il battait

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