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én retraite, et allait se mettre à l'abri derrière les remparts de la ville. Cette conduite prudente fatigua tellement le consul, qu'il abandonna le siége pour aller essayer celui de Termes. Cette tentative fut encore plus malheureuse. Les Termestins attaquèrent son armée avec tant de vigueur, qu'elle fut forcée de fuir en désordre, et qu'elle fut acculée à un précipice où périrent beaucoup de Romains. Pompéius Rufus revint alors à sa première entreprise. Il pensa que s'il privait Numance des secours qu'elle recevait par la voie du fleuve, il en aurait bon marché. Il se mit donc à travailler pour détourner le cours du Duero; mais les Numantins se précipitèrent sur ses ouvriers, lui tuerent beaucoup de monde, et maltraitèrent tellement son armée, qu'il fut dans la nécessité de se retirer en grande hâte. Cependant le terme de son gouvernement approchait. Il craignait qu'on ne lui reprochât à Rome d'avoir allumé une guerre désastreuse. Il chercha donc à la terminer par des négociations, puisqu'il n'avait pu la finir par la force des armes. Dans cette circonstance, les Espagnols furent encore dupes de l'astuce des Romains. Pompéius Rufus leur persuada que, pour ménager l'orgueil du sénat et arriver à une paix durable, il fallait faire deux traités, l'un apparent et glorieux pour lui, l'autre secret, qui contiendrait toutes les clauses favorables aux Numantins. Lorsqu'on en vint à l'exécution, les conditions secrètes furent niées par Pompéius Rufus, qui n'eut pas honte de se parjurer, et d'affirmer par serment qu'elles n'existaient pas. De leur côté, les Numantins persistèrent à en réclamer l'accomplissement. La guerre se ralluma donc avec plus de furie, et Popilius, auquel était échu le commandement de l'Espagne citérieure, fut défait par ces terribles adversaires. Le consul Caius Hostilius Mancinus qui lui succéda eut un sort encore plus triste. Il avait mis le siége devant Numance, et déjà les sorties des habitants lui avaient fait éprouver des pertes considérables, lorsqu'il apprit que

les Cantabres et les Vaccéens s'avancaient au secours de leurs compatriotes. N'osant pas les attendre, il se détermina à abandonner son camp pendant la nuit, et à se retirer aussi secrètement que cela était possible. Un événement un peu romanesque, mais qui est tout à fait dans le caraetère espagnol, vint révéler aux assiégés la fuite de leurs ennemis. Deux Numantins aimaient la même fille. Ils étaient égaux en fortune, en courage, en amour, ils avaient le même jour demandé sa main; nul motif n'existait pour qu'on préférât l'un plutôt que l'autre. Le père de la jeune Espagnole ne sachant pour lequel se décider, et voulant d'ailleurs faire tourner leur passion au profit de la patrie, répondit qu'il choisirait pour gendre celui des deux qui le premier rapporterait la main droite d'un Romain. Aussitôt que la nuit fut venue, les deux amoureux sortirent de la ville, décidés à égorger quelque sentinelle ou bien à pénétrer dans le camp; enfin avec la ferme volonté de ne pas rentrer dans Numance sans rapporter la main d'un ennemi qu'ils auraient immolé. Chacun s'avance de son côté avec précaution, se glisse en silence par des chemins qui lui sont bien connus; mais ni l'un ni l'autre ne rencontre de sentinelles dans les postes accoutumés. Ils ne trouvent personne à la garde du camp; ils franchissent les retranchements; c'est inutilement qu'ils cherchent des ennemis. Enfin, certains de la retraite des Romains, ils courent en donner avis dans la ville.

Mancinus, qui croyait sa fuite ignorée des ennemis, marchait sans défiance et sans précaution; mais les Espagnols s'étaient mis à sa poursuite; ils l'atteignirent bientôt, l'enfermerent dans un passage difficile, et ceux qui, tout à l'heure, étaient assiégés, devinrent à leur tour assiégeants. Les Romains demeurèrent ainsi, pendant quelque temps, etroitement bloqués. Enfin, exténués de fatigue, privés de vivres, et s'attendant toujours à voir le nombre de leurs antagonistes s'augmenter par l'arrivée des Cantabres et

des Vaccéens, ils demandèrent à capituler. Parmi les officiers de l'armée se trouvait le fils de Tibérius Sempronius Gracchus, qui portait les mêmes noms que son père. La mémoire de ce général était vénérée par les Numantins, qui avaient autrefois traité avec lui ils se rappelaient sa franchise et sa loyauté. Gracchus fut donc chargé de leur porter des paroles de paix. Suivant leur habitude, les Espagnols se montrèrent généreux et imprévoyants; ils demandèrent qu'on leur laissât leur antique indépendance; qu'on les comptât au nombre des peuples amis et alliés de Rome, et à ces conditions ils laissèrent partir une armée de vingt mille hommes, qu'il leur eût été facile d'exterminer.

Aussitôt que cette capitulation fut connue à Rome, on nomma un nouveau gouverneur pour remplacer Hostilius Mancinus, quoiqu'il restât encore plus de six mois à courir sur le temps de sa magistrature. Ce fut Émilius Lépidus qui recut mission de tirer vengeance de l'outrage qu'avaient éprouvé les armes romaines. Les Numantins, de leur côté, envoyèrent à Rome. Ils demandaient qu'on exécutât le traité ou qu'on leur livrât l'armée qu'ils tenaient prisonnière quand la convention avait été signée. Tibérius Sempronius Gracchus fit, auprès du peuple et du sénat, d'inutiles efforts pour qu'on respectât la foi jurée. Le sénat répondit que le traité était l'œuvre du général, et que celui-ci devait seul répondre de son inexécution; il décida que Mancinus serait seul livré aux habitants de Numance.

Pendant que ces négociations avaient lieu, Emilius Lépidus alla porter la guerre chez les Vaccéens. Il fut battu par eux; mais comme son commandement ne dura que quelques mois, il n'eut pas le temps d'éprouver de grands désastres.

L'année suivante, 617 de Rome, le consul Publius Furius Philon fut chargé de diriger la guerre dans l'Espagne citérieure. Il vint camper devant Numance; et, dès le matin de son arrivée, il fit conduire auprès d'une

des portes de la ville l'infortuné Mancinus dépouillé de ses vêtements et les mains attachées derrière le dos. Les habitants refusèrent de le recevoir. La malheureuse victime resta exposée pendant toute la journée. Enfin, vers le soir, les Romains jugèrent que leur manque de foi était suffisamment expié; ils permirent à Mancinus de rentrer dans leur camp. Cet acte du consulat de Furius Philon est le seul que l'histoire nous ait transmis. Calpur nius Pison vint ensuite dans l'Espagne citérieure. Il fut battu comme ses prédécesseurs; et tels étaient la crainte et le découragement que cette série non interrompue de défaites avait inspirés aux Romains, qu'ils éprouvaient à la vue des Espagnols la même impression que le cerf ressent à l'approche de la meute: ils ne pouvaient les voir ni les entendre sans prendre la fuite.

Dans l'Espagne ultérieure, la fortune leur était plus favorable. Commandés par Décius Junius Brutus, ils avaient porté la guerre aux Gallaiques, et les succès que ce général avait obtenus firent prolonger son gouvernement pendant six années, ce qui est arrivé très-rarement; car les gouverneurs ne restaient guère qu'une année ou deux dans la province qui leur était confiée.

Quand Brutus arriva sur les bords du fleuve Lethé (*), aujourd'hui le Lima, ses soldats furent arrêtés par une crainte superstitieuse. Ils s'imaginèrent que s'ils le franchissaient, ils ne reverraient plus leur patrie, parce qu'un des fleuves de leur enfer porte ce nom, et que lorsqu'on a bu de ses ondes on oublie tout le passé. Brutus n'ayant pu par ses raisonnements dissiper leurs terreurs, saisit un drapeau qu'il alla planter sur l'autre bord. Il détermina par son exemple toute l'armée à le suivre. Cette action, qui

(*) Il y avait beaucoup de fleuves de ce nom. On en connaissait un en Lydie, unen Macédoine, un en Crète et deux en Espagne, qui sont aujourd'hui le Lima et le Guadalèté.

de nos jours paraîtrait si simple, fut célébrée par ses contemporains comme l'effort d'une vertu plus qu'humaine, et contribua peut-être autant que ses victoires à lui faire donner par la suite le surnom de Gallaïque.

Pour rétablir les affaires romaines dans l'Espagne citérieure, on ne trouva d'autre remède que d'y envoyer le vainqueur de Carthage, Publius Cornélius Scipion Æmilianus (*).

Ce général s'attacha d'abord à rétablir la discipline dans l'armée. Il chassa du camp les courtisanes, qui s'y trouvaient au nombre de deux mille. Il chassa de même les marchands, les cantiniers, les goujats; il fit vendre les chariots, les bêtes de somme qui n'étaient pas d'une absolue nécessité, et ne laissa aux soldats que les ustensiles les plus indispensables. Il exigea que, conformément aux règlements militaires, chacun d'eux portât sur ses épaules sept pieux pour la construction des retranchements dont ils étaient dans l'usage d'entourer leur camp, et enfin des vivres pour plus de quinze jours. Il leur fit faire de longues marches, leur fit creuser des fossés, élever des murailles qu'on détruisait presque aussitôt; car son but était seulement de les endurcir à la fatigue. Il disait qu'il fallait qu'ils se couvrissent de boue,

(*) Ce guerrier était fils de Paul Émile et de la sœur du premier Scipion l'Africain, qui avait chassé les Carthaginois d'Espagne et vaincu Annibal dans les plaines de Zama. Il se trouvait donc le neveu de ce grand homme. Il fut aussi son petit-fils par adoption; c'est ainsi qu'au nom d'Emilianus qui était celui de sa famille naturelle, il avait joint ceux de Publius Cornélius Scipion qui appartenaient à sa famille adoptive. Enfin il était aussi par alliance le petit-fils du premier Africain; car il avait épousé la sœur des Gracques, qui étaient enfants de Tiberius Sempronius Gracchus et de Cornélia, fille du premier Africain.

Scipion Emilien ayant eu l'honneur de terminer la troisième guerre punique par la destruction de Carthage, reçut le surnom d'Africain que son aïeul adoptif avait déjà porté; mais pour le distinguer de celui-ci, on le nommait Scipion l'Africain le jeune.

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puisqu'ils ne pouvaient pas se couvrir de sang. C'est par cette sévérité qu'il parvint à bannir du camp des Romains la licence et la mollesse. C'est un fait digne d'être signalé, que deux hommes devenus par la suite également célèbres, Marius et Jugurtha, faisaient partie de cette armée, et se formaient à cette rude école. Quand Scipion eut ainsi rendu à ses troupes ancienne energie, il les aguerrit

par des combats avec les Vaccéens, les habitants de Pallantia, puis contre les Numantins eux-mêmes. Dans plusieurs circonstances, il força ceux-ci à la retraite, et les Romains, tout surpris de ce succès, disaient : Il y avait bien longtemps que nous n'avions vu les épaules des Numantins. Enfin, au commencement de la seconde année, il alla assiéger Numance. Il commença par enfermer la ville dans une ligne de circonvallation formée d'un fossé profond et d'un rempart de dix pieds de hauteur sur cinq d'épaisseur. Il construisit d'espace en espace des tours crénelées, où il établit des balistes et des catapultes. Les assiégés étaient ainsi entièrement entourés par cette muraille, qui ne se trouvait interrompue au-dessus et au-dessous de la ville que par le lit du Duero. Afin d'empê cher qu'on ne se servît du cours du fleuve pour communiquer avec Numance, Scipion avait placé des gardes sur les deux rives. Mais ceux qui voulaient sortir de la ville ou y pénétrer, gagnaient à la nage le milieu du fleuve, et, plongeant quand ils approchaient des postes romains passaient sans être vus, ou du moins sans pouvoir être atteints. Les barques, qui arrivaient à force de rames ou de voiles, évitaient, par la rapidité de leur marche, les traits qu'on leur lançait, et elles portaient aux défenseurs de l'indépendance espagnole des vivres et des secours de toute espèce. Dans le but de leur enlever cette ressource, Scipion fit tendre d'un bord à l'autre du fleuve des chaînes auxquelles étaient attachées des poutres armées tout autour de longs piquants de fer. Ces poutres, qui s'enfonçaient dans l'eau,

et qui étaient constamment agitées par le courant, offraient également aux bateaux et aux plongeurs un obstacle insurmontable. Les assiégés, qui n'étaient qu'au nombre de huit mille combattants, s'efforcèrent plusieurs fois d'empêcher ou de détruire ces travaux. Mais que pouvaient-ils contre une armée de soixante-dix mille soldats qui ne voulait pas combattre en rase campagne, et qui, abritée derrière ses fossés et ses parapets, se bornait à refouler les assaillants? car, par un raffinement de barbarie, et pour les affamer plus vite, les Romains avaient l'ordre d'épargner autant qu'ils le pouvaient la vie des assiégés, et de se borner à les repousser. La disette ne tarda pas à se faire sentir dans Numance, et les habitants n'avaient que l'alternative de mourir de faim ou de capituler. Un d'entre eux nommé Retogènes, suivi de quatre de ses compatriotes, égorgea les sentinelles et les vedettes qui se trouvèrent sur son chemin, escalada l'enceinte dans l'endroit où elle était le plus faible, et courut demander du secours aux autres villes des Arévaques. Mais le nom de Scipion inspirait trop de craintes; ils ne furent bien accueillis que par la jeunesse de Lucia, qui se disposait à prendre les armes, lorsque le général romain, averti de ce qui se passait, arriva à la tête d'une partie de son armée, exigea qu'on lui livrât quatre cents jeunes gens de la ville, et leur fit couper les mains. Après cet acte de barbarie, Scipion pensant avoir suffisamment jeté l'épouvante parmi ceux qui pourraient être tentés de secourir Numance, regagna son camp. Les assiégés furent bientôt réduits aux dernières extrémités, au point d'être forcés de se nourrir de la chair des cadavres. Enfin, n'espérant plus être secourus, ils se déterminèrent à envoyer des parlementaires au camp romain. Ceux-ci, conduits devant Scipion, lui demandèrent si jamais il avait rencontré des ennemis plus braves ou plus constants que les Numantins.

corde-nous des conditions que nous puissions accepter, ou bien traite-nous en gens de cœur, et donne-nous un champ de bataille où nous puissions mourir en combattant. » Le général romain répondit qu'il ne traiterait avec les assiégés que lorsqu'il serait entré dans la place, et qu'il n'exposerait pas le sang de ses soldats à couler dans un combat inutile, puisqu'il pouvait réduire ses ennemis par la faim. Quand les parlementaires rapportèrent cette nouvelle à leurs compatriotes, ceux-ci furent saisis d'une telle fureur, qu'ils se précipitèrent sur eux et qu'ils les massacrèrent. Ensuite, pour se donner des forces, ils burent d'une boisson enivrante qu'ils tiraient du grain fermenté, puis ils s'élancèrent en désespérés sur les retranchements romains. Les femmes elles-mêmes prirent part à ce combat. On rapporte que, dans le moment où la mêlée était le plus animée, quelques cavaliers numantins tentèrent de s'échapper en se précipitant par un endroit où les tranchées étaient ouvertes; mais les femmes, qui étaient au comble de l'exaltation, coupèrent les sangles des chevaux pour les forcer à rester et à souffrir avec elles. Enfin, quand les Numantins eurent encore une fois été repoussés dans la ville, ils n'écoutèrent plus que leur désespoir. Chacun ne songea plus qu'à se donner la mort, puisqu'on ne pouvait pas la recevoir en combattant: les uns se poignardaient, les autres, étendus sur la voie publique, expiraient dans les angoisses et les contorsions que cause le poison; d'autres se précipitaient du haut des édifices; d'autres combattaient ensemble pour s'entretuer. Ceux qui ne périssaient pas dans ces luttes funèbres saisissaient des torches et portaient partout l'incendie. Les mères étouffaient leurs enfants et se jetaient avec eux dans les flamines. Enfin, quand Scipion entra dans la ville, il n'y restait plus un seul ètre vivant. Les édifices que les flammes avaient épargnés furent rasés, pour qu'il ne restât pas même de vestiges de cette ville héroïque.

Eh bien ajoutèrent-ils, puisque nous nous reconnaissons vaincus, ac

De nos jours, on montre à PuenteGaray, à quatre lieues au-dessus de Soria, et près de la source du Duero, quelques débris de fondations. C'est fout ce qui reste de Numance.

Voilà quel fut le sort de ces généreux Espagnols qui avaient laissé la vie à vingt mille Romains quand ils pouvaient les exterminer. Voilà comment finit cette guerre, la plus injuste parmi les plus injustes que Rome ait suscitées.

Cette victoire valut à Scipion un nouveau triomphe. Il put joindre au surnom d'Africain celui de Numantin. Brutus obtint aussi la même année les honneurs du triomphe, et reçut le nom de Gallaïque. A la suite de ces violentes secousses, l'Espagne soumise, ou plutôt épuisée par tant de guerres, resta tranquille pendant vingt-quatre années.

Guerre de Sertorius. La destruction de Numance et les victoires de Brutus achevèrent de soumettre l'Espagne. Elle fut déclarée province romaine; dix sénateurs y furent envoyés pour organiser l'administration. La division en Espagne citérieure et en Espagne ultérieure fut conservée; mais le cours de l'Ebre, qui, du temps des Carthaginois, avait servi de séparation entre ces deux provinces, ne fut plus pris pour limite, on recula cette frontière vers le couchant. Au reste, on a vu que, depuis longtemps, les préteurs de l'Espagne citérieure avaient franchi l'ancienne limite pour s'étendre dans le pays des Carpétains, des Arévaques, des Vaccéens et des Pélendones. L'Espagne, fatiguée par près d'un siècle de guerres, ou bien épouvantée par le désastre de Numance, resta pendant vingt-quatre années en repos, car c'est à peine s'il faut mentionner une petite expédition faite par le consul Quintus Cécilius Métellus contre les Baleares. Aussi les gouverneurs, dans la persuasion que les Espagnols avaient entièrement perdu leur courage et le souvenir de leur ancienne liberté, se livraient sans retenue à toute sorte de pillage et d'exactions. Cependant le sénat ayant

envoyé pour commander à l'Espagne ultérieure Quintus Servilius Cæpion, dont le nom rappelait aux Lusitains l'assassinat de Viriathes et la dévastation de leur pays, toute la Lusitanie se souleva. Ce fut le commencement d'une guerre qui dura quinze années, et qui ne put être terminée que par Publius Licinius Crassus. Elle était commencée déjà depuis six ans, lorsque de redoutables adversaires vinrent menacer la puissance de Rome. Les Teutons et les Cimbres (*), au nombre de plus de quatre cent mille combattants, s'étaient élancés de leurs régions septentrionales pour fondre sur le midi de l'Europe. Après avoir écrasé deux armées romaines qui avaient tenté de s'opposer à leur marche, ils étaient arrivés dans la Gaule, et s'étaient divisés en deux armées, dont une avait marché vers les Alpes Noriques, où se trouvait le consul Catulus. L'autre s'était avancée vers les Pyrénées pour passer en Espagne. Mais les Vascons, les Cantabres et les Celtibères défendirent avec tant de courage les défilés de ces montagnes, qu'après trois années d'efforts inutiles, les Cimbres, désespérant de surmonter cet obstacle, se retournèrent vers le levant; ils traversèrent de nouveau la Gaule en suivant le bord de la Méditerranée; Marius les attendait près des bouches du Rhône, et les extermina dans les champs de Pourrière.

Les Celtibères, enhardis par le succès qu'ils avaient obtenu contre les Cimbres, crurent qu'ils pourraient aussi chasser les Romains. Ils se réunirent en armes. Titus Didius Népos marcha au-devant d'eux et leur livra bataille. La nuit sépara les combattants, sans que la victoire se fût décidée pour aucun parti. Mais on raconte que le général romain, pendant que les Celtibères se livraient au repos, fit ramasser une grande partie de ses morts, en sorte que, le lendemain matin, lorsque les Celtibères virent une énorme disproportion entre le nombre de ceux qu'ils avaient laissés

(*) An 650 de Rome,

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