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Le roi s'empara de cette décision pour dépouiller de leurs biens les parents de sa femme et pour les persécuter de toute manière.

Egica avait eu de sa femme un fils, nommé Witiza, qu'il associa au trône et auquel il confia le commandement de la Galice, sept années avant de mourir.

Les auteurs sont loin de s'accorder sur la manière de peindre le caractère de Witiza. Suivant les uns, il fut un exécrable tyran; suivant les autres, quelques démêlés qu'il eut avec la cour de Rome l'ont fait indignement calomnier par des écrivains que leur partialité en faveur du saint-siége rend suspects d'une coupable exagération.

Mariana rapporte que les commencements de son règne furent heureux. Il fit brûler les dossiers des procédures introduites contre ceux que son père avait fait poursuivre. Il rappela ceux qui avaient été exilés, leur rendit leurs biens. Mais cette douceur et cette clé. mence ne durèrent pas longtemps. De nombreux actes de cruauté vinrent bientôt faire maudire son nom. A la vérité, quelques auteurs modernes se sont efforcés de réhabiliter sa mémoire; mais les autorités et les raisonnements sur lesquels ils s'appuient, ne sont pas assez concluants pour détruire une opinion généralement admise. La tyrannie de Witiza souleva contre lui la haine du peuple, et on se rappela qu'il existait encore deux fils de Chindasuinte, Théodored et Favila (*).

Théodored, duc de Cordoue, qui

(*) On a contesté cette descendance. Notre prétention n'est pas de soutenir qu'elle est prouvée par des titres irrécusables. Mais il n'est pas exact de dire, comme l'ont fait quelques auteurs, que les fils de Chindasuinte ne pouvaient plus exister du temps de Witiza. Chindasuinte est mort en 652, dix années seulement après avoir conquis le trône, c'est-à-dire, encore dans la force de l'âge. Il pouvait donc laisser des enfants très-jeunes. Witiza a commencé à réguer seul en 701. A cette époque, les fils de Chindasuinte pouvaient donc n'avoir que cinquante et quelques années.

se méfiait du prince, s'abstenait de paraître à sa cour. Favila, au contraire, duc de Cantabrie et de Biscaye, y était presque constamment retenu par ses fonctions de protospataire; c'est le titre qu'on donnait alors au commandant de la garde du roi. Sa femme avait, dit-on, attiré les regards de Witiza, qui le tua d'un coup de bâton afin qu'il ne fût pas un obstacle à l'accomplissement de ses désirs. Pélage, fils de Favila, eût sans doute éprouvé le même sort, s'il ne se fût soustrait par la fuite aux attentats du tyran, et s'il n'eût trouvé un asile dans les montagnes de la Cantabrie. Un seul crime ne satisfaisait pas la haine du fils d'Egica: il parvint à s'emparer de Théodored et lui fit crever les yeux. Mais cette nouvelle victime avait un fils, nommé Roderich ou comme disent les Espagnols Rodrigue, et celui-ci, de même que Pélage, sut échapper par la fuite au persécuteur de sa famille.

Mariana rapporte que Pélage ne se trouvant pas encore en sûreté dans la retraite qu'il avait choisie, passa dans la terre sainte et fit un pèlerinage à Jérusalem. Il ajoute même qu'on montrait encore de son temps, en Biscaye, dans la chapelle du village d'Arratia, le bourdon que Pélage avait porté pendant son voyage. Il importe peu de savoir si le petit-fils de Chindasuinte a été à Jérusalem; mais il peut paraître curieux de rechercher comment il suffit souvent d'une équivoque, ou d'un jeu de mots, pour établir une tradition populaire, semblable à celle dont Mariana se fait ici l'écho. Dans la langue catalane, qui a été longtemps en usage d'une grande partie de la Navarre, le chez les populations de l'Aragon et nom de Pélage se traduit par Pelegri (*).

(*) Pus vos e dit la generacio dels rey gots quina fi feu: vos dire don hagueren commençament los reys de Leo e de Castella apres la malesa del comte Julia. Deveu saber que apres la trahicio del comte Julia, alguns chrestians, axi come dessus es ia dit, se salvaren en les muntanyes de las Sturias e Biscaya : e esser los chrestians aiustats en les dites muntanyes : los qui scampats eren levaren lur rey e senyor un gran baron de

Mais le mot Pelegri, Peregrino et Pele grino signifie aussi un pèlerin (*), et, par une confusion facile à comprendre, dans des temps d'ignorance, l'ex-voto déposé par quelque saint voyageur, l'offrande d'un pèlerin, de un pelegri, sera devenu dans la croyance populaire le bourdon du saint roi Pélage.

Witiza avait pour beau-frère le comte Julien, gouverneur de Ceuta et du territoire que les Goths possédaient dans la Mauritanie. Il lui donna encore la place de protospataire que Favila avait occupée. Le siège de Tolède avait la primatie sur tous les évêchés de l'Espagne. Il dépouilla l'ecclésiastique qui en était en possession pour y établir l'évêque Oppas, son propre frère. Voulant faire oublier ses vices et sa luxure, il excita les mêmes vices chez les autres, et non seulement il autorisa, mais encore il encouragea le mariage des prêtres. Il ne respecta rien, ni la vie ni les biens, ni l'honneur de ses sujets; aussi Witiza eut-il à réprimer de nombreux soulèvements. Il crut prévenir les révoltes en faisant démanteler la plupart des places fortes. Ces précautions furent inutiles, et Witiza finit comme doivent finir les tyrans. Attaqué par Roderich, dont le parti s'était grossi de tous les mécontents, il fut vaincu et mis à mort. Quelques auteurs prétendent, au contraire, mais cela paraît peu probable, qu'il fut enlevé par une maladie dans la douzième année de son règne. Il laissait deux fils en bas âge nommés Eba et Sisebute.

Le règne de Witiza fut bien diversement jugé. Cependant la vérité paraît être du côté des historiens qui le représentent comme une époque de tyrannie et de dépravation. Pour qu'un

linatge real dels gots, qui era appellat per son nom propri, PELEGRI.

Historias dels reys de Aragon, por mossen

PERE TOMICH.

(*) En lo temps del comte en Ramon Berenguer dessus dit era comte de Urgel Harmangol a qui apellaren Pelegri: perço com ana en la terra santa de Hierusalem per visitar lo sepulchro de Jesu-Christ y en aquell viatge meri en l'any 1038. PERE TOMICH.

8 Livraison. (ESPAGNE.)

État périsse, il faut qu'il soit arrivé à un point extrême de dissolution; et toujours cette décomposition des forces d'un pays est signalée par la licence des sujets ou par la tyrannie des gouvernants. Un Etat, qui n'est pas rongé par une maladie intérieure, ne périt pas pour une bataille perdue. Les empires tombent, on ne les abat pas. Celui des Goths, en Espagne, était arrivé à son terme. Le dernier souverain avait achevé de détruire, d'énerver tout ce qui pouvait donner quelque force au pays, et Roderich, en lui succédant, n'eut pas le temps de remédier au mal. Il n'en eut peut-être même pas la volonté. On ne peut rien affirmer à cet égard, car nul écrivain véridique ne nous a raconté les événements de son règne, et la tradition ne nous a transmis que des fables pleines d'invraisemblance. Au reste, l'histoire ne se compose pas seulement de ce qui est vrai, mais encore de tout ce qui a été l'objet de la croyance publique. Il faut donc, quand on les rencontre, répéter ces récits fabuleux, sauf à ne pas y ajouter foi.

Les premiers jours du règne de Roderich furent, dit-on, signalés par de menaçants présages. Il existait à Tolède un antique édifice appelé la maison d'Hercule. De fortes serrures, de nombreux cadenas en tenaient la porte fermée, afin que personne ne pût s'y introduire, car c'était une croyance généralement répandue parmi le peuple, aussi bien que parmi les grands, qu'à l'instant où il serait ouvert, l'Espagne serait perdue. Pendant les fêtes qui furent célébrées pour l'avénement de Roderich au trône, les habitants de Tolède vinrent le supplier de faire ajouter un nouveau cadenas à ceux qui fermaient déjà la porte du palais d'Hercule. C'était un usage auquel tous les rois, jusqu'à ce jour, s'étaient conformés. Loin d'imiter leur exemple, Roderich, persuadé que cette maison mystérieuse contenait d'immenses richesses, fit briser les cadenas qui la fermaient. Mais son avarice fut bien déçue, car on n'y vit pas de trésors; on trouva seulement une grande caisse,

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et dans celle-ci une toile sur laquelle étaient représentés des hommes à figures étranges et menaçantes; leur costume était celui des guerriers arabes. Quelques paroles étaient écrites sur cette toile; on y lisait : « Ceux-ci viendront bientôt pour la perte de l'Espagne. Le roi effrayé s'empressa de sortir de cet édifice, qui fut aussitôt détruit par le feu du ciel.

Cette sinistre prédiction ne devait pas tarder à s'accomplir. Le beau-frère du roi précédent, le comte Julien, avait une fille d'une beauté remarquable. Les romances lui donnent le nom de Florinda (*); mais elle est plus connue sous le surnom de la Cava qui, dit-on, signifie la Mauvaise. Elle était au nombre des dames de la reine. Roderich, l'ayant aperçue pendant qu'elle se baignait, en devint éperdument amoureux, et, n'ayant pu la séduire, il arracha par la violence ce qu'il n'avait su obtenir ni par l'amour ni par les prières.

Une autre tradition (**) rapporte que la Cava se rendit d'elle-même à l'amour de Roderich, qui lui avait promis de la faire reine; mais quand celui-ci épousa une autre femme, la fille du comte Julien devint furieuse de voir monter sur le trône la rivale que le roi

(*) Les romances espagnoles sont quelquefois d'utiles auxiliaires pour l'historien. Ecrites souvent à une époque contemporaine, ou au moins très-rapprochée des faits qu'elles racontent, si elles ne sont pas toujours de tout point conformes à la vérité, elles ont pour la plupart l'esprit et la couleur du temps. Cependant, toutes celles du Romancero de D. Rodrigue ne méritent pas cet éloge: elles paraissent n'avoir été composées que très-tard, et lorsque la tradition était depuis bien longtemps obscurcie ou perdue.

(*)

Si me quieres dar remedio
A pagar te lo me obligo
Con mi cetro y mi corona
Que a tus aras sacrifico.

Dizen que no respondió,
Y que se enojó al principio :
Pero al fin de aquesta platica
Lo que mandava se hizó.

Florinda perdió su flor
El rey quedó arrepentido
Y obligada toda Espana
Por el gusto de Rodrigo.

lui avait préférée. Elle instruisit son
père de l'outrage qu'elle avait reçu, lui
demandant une vengeance proportion-
née à la grandeur de l'offense. Cet af-
front n'était pas nécessaire pour que le
comte Julien devînt un ennemi impla-
cable de Roderich. Si ces amours de sa
fille et du roi ne sont pas un conte in-
venté, comme le dit M. Romey, au
temps des romances, alors qu'on préfé-
rait une belle fable d'amour aux vérités
sérieuses, l'insulte qu'il venait de re-
cevoir a pu accélérer les effets de son
ressentiment, mais ils ne l'ont pas fait
naître. Il avait vu Witiza, son beau-
frère, dépouillé du trône et de la vie
par D. Roderich; lui-même, il s'était
vu enlever la dignité de protospataire,
que le roi avait rendue à Pélage. C'est
auprès de lui, et dans son gouverne-
ment de Ceuta, que les fils du précé-
dent roi, les neveux de sa femme, Eba
et Sisebute, étaient venus chercher un
asile. Il y avait là des motifs suffisants
pour expliquer sa haine et sa trahison.
Au reste, ne se trouvant pas assez fort
pour renverser un roi qu'il abhorrait,
il demanda l'assistance des Maures,
alliés naturels de tous les mécon-
tents. Il promit de les aider à pas-
ser en Espagne, et leur fraya lui-
même le chemin. A la tête de quinze
cents hommes, il s'empara de la ville
d'Héraclée, qui porte aujourd'hui le
nom de Gibraltar, et, de cette manière,
il se trouva maître des deux rives du
détroit. Alors il fut suivi par un corps
de 12,000 Maures, commandés par
Tarif, général qui réunissait autant de
valeur que de prudence. De toute part
des essaims de mécontents accouru-
rent se joindre au comte Julien. Au
bruit de sa trahison, le roi se persuada
qu'il lui serait facile de le châtier en
l'attaquant dès le principe. Il envoya
donc, pour le combattre, Sancho, son
parent, à la tête d'un corps de troupes
levées à la hâte. Mais cette armée,
composée de soldats qui manquaient
de force, de courage et d'expérience,
ayant livré bataille aux Maures, au-
près de Tarifa, fut entièrement dé-
truite. Le général Sancho fut tué et
presque tous les soldats furent passés
au fil de l'épée. Les Maures, maîtres de

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la campagne, se répandirent comme une inondation. Les places étaient sans défense et les populations n'avaient d'autre alternative que de prendre la fuite ou de périr sous le tranchant du cimeterre africain. Les vainqueurs poussèrent leurs ravages jusqu'à Séville qu'ils pillèrent, puis, chargés de butin, ils retournèrent en Afrique pour revenir l'année suivante en plus grand nombre. Lorsqu'un prince a su se faire aimer, il trouve dans le cœur de ses sujets des secours contre les plus grands revers. Mais Roderich ne rencontra pas dans la nation cet ardent concours, qui n'est prêté qu'aux bons rois, et qui est, pour eux, le gage le plus certain de la victoire. Néanmoins, il fit tous les efforts qui étaient en son pouvoir; il réunit une armée de cent mille hommes et marcha à leur tête au-devant des Maures et des mécontents. Il les rencontra près de la ville de Xerès, sur les bords du Guadalete. La bataille dura pendant huit jours consécutifs. Enfin, le dernier jour (*), la victoire se décida contre les chrétiens. Oppas, ce frère de Witiza, qui avait été élevé à l'évêché de Tolède, avait un commandement dans l'armée au plus fort de la mêlée, il passa du côté des infidèles et, se réunissant au comte Julien, il attaqua l'armée de Roderich en flanc et par le côté le plus faible. Les Goths, épuisés déjà par sept heures de combat, et stupéfaits d'une si horrible trahison, commencèrent à fléchir; c'est en vain que le roi, avec les plus braves chevaliers, s'efforça de les arrêter, ils furent tous mis en fuite (**).

(*) Il existe un grand dissentiment entre les auteurs sur la date de cet événement. Selon Mariana, le dernier jour de la bataille aurait été le dimanche 1 octobre 714 de J. C., 27 saphar, l'année 96 de l'hégire. Suivant Isidore de Béja et suivant les auteurs arabes, cet événement aurait eu lieu le 13 du mois de sjawal, le 10 de l'année 92 de l'hégire, ce qui répond au 3 août 711 de J. C.

(**) Des auteurs du plus grand mérite ont écrit de savantes dissertations pour démontrer que le général berbère, qui a gagné la

Suivant l'usage des rois goths, Roderich avait été au combat sur un char d'ivoire. Il portait le manteau de pourpre, la couronne d'or et des bottines brodées de perles. Au moment de l'attaque d'Oppas, il quitta son char pour monter sur un cheval qu'on lui tenait prêt à tout événement et qu'on nommait Orélie. Il se conduisit non-seulement en brave capitaine, ramenant au combat ceux qui fuyaient, mais il paya de sa personne comme un bon soldat. Enfin il fut entraîné dans la déroute générale, et l'on pense qu'il se noya en traversant le Guadalete. Sa couronne, son manteau et ses bottines ornées de perles et de pierreries furent ramassés sur le bord du fleuve. On trouva son cheval Orélie qui errait sans cavalier. Cependant son corps ne fut pas reconnu parmi les morts. Quel ques auteurs pensent qu'il parvint à se retirer en Portugal, où il vécut ignoré; ce qui rend cette opinion très-probable, c'est qu'on a découvert à Viseo une tombe sur laquelle se lisait cette épitaphe: Ici repose Roderich, dernier roi des Goths.

Les vaincus, qui parvinrent à échapper à ce désastre, se réfugièrent dans les villes voisines; mais elles étaient dépourvues de moyens de défense, en sorte qu'en moins de trois ans les Arabes se rendirent maîtres de toute l'Espagne, et que la domination des Goths, après avoir duré trois siècles, fut abattue d'un seul coup.

Quant au comte Julien, on ne sait pas quelle fut sa destinée. On ignore s'il a survécu longtemps à l'incendie qu'il avait allumé. Mais il avait été traître à son roi, à son Dieu, à son pays; son nom ne périra pas; il passera de génération en génération, chargé de l'exécration de ses contemporains et de celle de la postérité.

bataille du Guadalete, se nommait Tarics et n'était pas le même que Tarif, qui a dirigé la première invasion. Cette question n'était pas de celles qu'il nous importait d'éclaircir; il nous suffit de l'avoir signalée Les personnes qui la voudront approfondir, la trouveront soigneusement traitée dans le consciencieux travail de M. Charles Romey

DES LOIS ET DES COUTUMES DES GOTHS.— DU ROI, DES PRINCIPAUX FONCTIONNAIRES CIVILS ET MILITAIRES. — DES TITRES HONORIFIQUES. DE L'ESCLAVAGE.-DU PARTAGE DES SUCCESSIONS. - DES CONVEN

TIONS MATRIMONIALES. — DE LA LITTÉRA DU COMMERCE, DE L'AGRICULTURE

TURE,

ET DE L'ARCHITECTURE.

Lorsqu'on veut apprendre à connaître les mœurs et le caractère d'une nation, il faut avant tout consulter la collection de ses lois. Il n'est pas de document qu'on puisse étudier avec plus de fruit. Tout s'y trouve, son organisation sociale, ses habitudes, ses croyances, ses qualités ou ses vices. Les lois, soit qu'elles répriment des abus, soit qu'elles règlent les contrats et les transactions en usage, sont toujours empreintes de l'esprit général de la nation; et quand un code survit au prince qui l'a promulgué, aux circonstances qui l'ont vu naître; lorsque après quatorze siècles, comme celui des Wisigoths, il forme encore le droit commun du pays, il faut bien convenir qu'il contenait un peu de sagesse, et qu'il était approprié aux mœurs et à la constitution des habitants. Cependant un homme dont la parole est d'un poids immense, surtout en pareille matière, Montesquieu disait : « Les lois des Wisigoths, celles de Récésuinde, de «Chindasuinde et d'Ejica, sont pué

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riles, gauches et idiotes; elles n'atteignent pas le but; pleines de rhé«torique et vides de sens, frivoles « dans le fond et gigantesques dans le style. >> Nous ne discuterons pas cette opinion; nous ne nous attacherons pas à prouver qu'elle a pu être exprimée avec un peu de légèreté. Nous nous bornerons à examiner ces lois, et quelquefois à en citer le texte.

Si vous les lisez attentivement, vous serez frappé d'abord de l'excessive facilité avec laquelle les Goths s'étaient pliés aux coutumes, au caractère des peuples chez lesquels ils s'étaient établis. En Italie, ils étaient presque de venus Romains; en Espagne, ils s'étaient faits Espagnols. Ils avaient pris jusqu'aux défauts du langage des vaincus, et on retrouve dans leur code ce

ton emphatique et sentencieux qu'on a toujours reproché aux habitants de la péninsule ibérique.

Dans presque toutes leurs lois, on remarque deux parties bien distinctes: la première est un préambule où le législateur donne carrière à son éloquence, où il se complaît à débiter des sentences, à établir des points de morale ou de politique: c'est, comme on dirait de nos jours, l'exposé des motifs; seulement, ce hors-d'oeuvre fait corps avec le reste de la loi, et n'est pas, comme chez nous, séparé des dispositions dont il explique la cause et la nécessité. La seconde partie, qui commande ou qui défend, qui permet ou qui punit, est la loi proprement dite. Celle-là est toujours claire, nerveuse et concise.

Quelquefois, sous forme de loi, le code wisigoth contient des conseils ou des déclarations de principe. C'est un défaut; mais n'est-il pas commun à toutes les législations? Notre admirable code Napoléon n'en est pas tout à fait exempt; la loi romaine en est remplie. Cependant le législateur romain avait reconnu qu'il est mauvais d'insérer dans la loi des déclarations de principe, et, par une inconséquence singulière, au moment même où il signalait cette faute, il la commettait en proclamant cet axiome: Toute définition est dangereuse en droit (*).

La loi doit commander et non pas donner des conseils. Il en est cependant qu'on se plaît à y trouver. Voici les qualités que le code des Wisigoths exige du juge (**) : « Le juge, pour rem

(*) Omnis definitio in jure periculosa. ff, de regulis juris.

(**) Loi 7, tit. 2, liv. 1er du FueroJuzgo.

El juyz deve ser entendudo en judgar derecho, deve ser mocho anteviso, non deve ser moy coytoso por departir, deve ser moy mesurado en penar, deve a las veces parcir, plancia en dar la pena, e deve aver coydo deve penar al que faz mal e deve aver temdel ome estranio, deve ser mesurado eno que es de la tierra: assi que la persona de cada uno non desprece nen escoia de fazer mas derecho al uno que al otro.

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