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inoccupé. Il descendait le long de l'Ebre, et, après avoir soumis Tortose et les autres villes qui se trouvent sur ses rives, il retournait vers le couchant, prenant Denia, Xativa, et s'avançant le long de la Méditerranée, jusqu'à ce qu'il fût arrivé au pays de Theudemir. Il y avait, comme on le voit, des conquêtes pour tous les chefs. Cependant cette continuité même de succès eut de funestes effets pour les Sarrasins, car elle entretint la jalousie entre Tarif et Mousa. Ils écrivaient l'un et l'autre au calife pour s'accuser réciproquement de compromettre les progrès de l'islamisme. Abd-el-Meleck, pour mettre fin à ces discussions, leur envoya l'ordre de se rendre l'un et l'autre auprès de lui à Damas. Tarif obéit sans balancer. Mousa, au contraire, chercha des prétextes pour ne pas aller en Syrie. Il se préparait à porter la guerre dans les montagnes de la Galice, où les chrétiens se rassemblaient. Il était à Lugo, à la tête de son armée, lorsqu'un second messager vint saisir la bride de son cheval et lui intimer les ordres du calife. Mousa avait, dit-on, formé un projet gigantesque. Il voulait soumettre l'Europe entière à la loi du prophète. Il comptait conquérir successivement les Gaules, la Germanie, l'Italie, la Grèce, tandis qu'une autre armée musulmane s'avancerait par l'Asie Mineure. C'était à regret qu'il apportait un instant de retard à l'accomplissement d'une semblable entreprise; mais, avant tout, il fallait obéir. Il laissa le commandement de l'Espagne à son fils Abdelaziz, et il se mit en route pour se rendre auprès du calife. Sur ces entrefaites, Abd-el-Meleck vint à mourir. Il fut remplacé par Soliman, homme cruel et de peu de valeur personnelle, qui se plut à placer Mousa en présence de son capitaine. Parmi les choses précieuses que Mousa avait apportées au calife, comme dépouille du pays conquis, se trouvait la fameuse table d'émeraude. 11 en exaltait la valeur. Oui, dit alors Tarif, mais ce n'est pas vous qui l'avez conquise.

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Elle était ainsi lorsque je l'ai trouvée.

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Qu'on juge de la véracité du fils de Nosseïr, dit alors Tarif en montrant le quatrième pied qu'il avait conservé lorsqu'il avait donné à Mousa ce précieux butin.

Le vieux général, convaincu de mensonge, fut condamné par Soliman à payer une amende considérable, et à rester pendant un jour exposé en public. Sans doute cette punition n'avait pas alors le caractère infamant que nos mœurs lui attribuent aujourd'hui, car le calife n'en continua pas moins à recevoir Mousa dans son palais. Il se plaisait à causer avec lui; il aimait à l'entendre parler des combats qu'il avait livrés et des peuples qu'il avait vaincus. Néanmoins, il ne rendit le commandement ni à Mousa ni à Tarif.

Ce furent ces dissensions entre les chefs musulmans qui firent le salut des chrétiens: elles leur laissèrent le temps de se reconnaître, et les préservèrent d'une ruine complète, qu'ils n'eussent probablement pas évitée si les vainqueurs fussent restés unis. Pélage, duc de Cantabrie, celui qui avait été le protospathaire de Rodrigue, avait déjà, du temps de Witiza, trouvé un asile dans les montagnes des Astures et des Cantabres. Il s'y était de nouveau réfugié, et rassemblait autour de lui tous les chrétiens qui venaient y chercher un asile.

Abdelaziz, de son côté, se montra moins jaloux de faire de nouvelles conquêtes que d'organiser l'administration de celles qui avaient été faites par son père. Il s'appliquait à régulariser la perception des impôts. Les guerres avaient considérablement dépeuplé l'Espagne. Abdelaziz fit venir une grande quantité de Maures pour la cultiver. Il protégea les chrétiens, qui aimèrent mieux rester soumis aux vainqueurs que d'aller dans les montagnes chercher une liberté sans doute plus glo

ESPAGNE.

rieuse, mais aussi accompagnée de plus de périls. Ces chrétiens, qui restèrent mêlés aux Maures, prirent le nom de Mozarabes (*). La bienveillance qu'Ab delaziz avait toujours manifestée pour eux lui était, dit-on, inspirée par une femme, qui faisait ainsi tourner à l'avantage de ses compatriotes l'empire qu'elle exerçait sur son esprit. La belle, il faut dire aussi la bonne Égilona, veuve du dernier roi des Goths, s'était trouvée au nombre des otages donnés à Mousa par la ville de Mérida. Dès qu'Abdelaziz l'eut vue, il en devint épris, et il l'épousa sans exiger qu'elle changeât de religion. Il lui donna seulement le nom arabe de Omm al Yssam, c'est-à-dire, la mère des colliers précieux. Les auteurs l'appellent aussi quelquefois Zahra-bent-Isa, la fleur fille de Jésus. Ce mariage d'Abdelaziz, ses goûts pacifiques, sa modération, sa douceur pour les chrétiens, parurent une trahison aux yeux des fervents musulmans, qui voulaient avant tout faire prévaloir la loi du prophète par la puissance du cimeterre. Ils l'accusèrent de s'être fait chrétien, et de songer à se rendre en Espagne souve rain indépendant. Cette accusation fut portée devant Soliman, qui, sans entendre ni justification ni défense, envoya à cinq des principaux officiers de l'armée l'ordre de faire périr Abdelaziz et ses deux frères Merwan et Abdallah. Les officiers chargés d'exé cuter cette sentence du commandeur des croyants hésitèrent pendant quelque temps. Abdelaziz était chéri de ses troupes, et ils craignaient que les soldats ne se soulevassent pour le défendre. Ils attendirent donc un moment favorable pour le frapper, et l'assassinèrent dans la mosquée pen

(*) Quelques auteurs veulent que ce mot vienne de mezo-arabe, pour medio-arabe, demi-arabe; d'autres veulent qu'il vienne de mozo-arabe, jeune Arabe; d'autres de most-arabe, qui exprime devenu Arabe. Aucune de ces étymologies ne paraît bien certaine, et la seule chose positive c'est le sens attribué par l'usage à ce mot. Il s'appliquait aux chrétiens qui vivaient avec les Maures.

dant la prière du matin. On envoya sa tête à Soliman dans une boîte pleine de camphre. Celui-ci la montra à Mousa, en lui demandant s'il la reconnaissait : « Oui, je la reconnais, s'écria «< ce malheureux vieillard; oui, je la « reconnais, et que la malédiction de « Dieu soit sur son assassin ! »

Mousa se retira aussitôt dans son pays natal, où cette même année il mourut de douleur.

VICTOIRE REMPORTÉE PAR PELAGE SUR LES
MAURES.-- COMMENCEMENT DE LA MONAR-
CHIE ESPAGNOLE. INVASION DE ZAMAH

EN FRANCE.-BATAILLE DE TOULOUSE.-
MASSACRE DEs chrétiens rÉFUGIÉS DANS
LES PYRÉNÉES.

Le calife, en ordonnant l'assassinat d'Abdelaziz, avait oublié de lui nommer un successeur. L'Espagne se trouvait sans gouverneur. Les principaux chefs se réunirent et firent choix d'Ayoub, officier plein de courage, d'expérience, et parent de Mousa. Ce chef s'occupa très-activement de régulariser l'administration. Il parcourut les provinces pour réprimer les abus, et réparer, autant qu'il était en son pouvoir, les désastres de la guerre. Sur les ruines de Bilbilis, il éleva une ville nouvelle à laquelle il donna son nom (*). Mais il ne conserva que peu de temps le pouvoir, et le calife, ayant envoyé l'ordre de dépouiller tous les membres de la famille de Mousa des commandements dont ils pouvaient être investis, Ayoub fut remplacé dans le gouvernement de l'Espagne par El-Horr-ben-abd-el-Rahman-elTakefi, que les historiens espagnols appellent Alahor. C'était un homme violent, cruel et avare, qui fit durenon-seulement sentir son autorité, ment aux chrétiens, mais encore aux musulmans eux-mêmes. Quelques auteurs pensent qu'il passa dans la Gaule narbonnaise, et qu'il en fit la conquête; mais l'opinion la plus générale est qu'il

(*) C'est Calatayud, appelée dans le principe Calat-Ayoub, c'est-à-dire, le château d'Ayoub.

se borna à faire quelques incursions dans ce pays, et que cette conquêté fut l'ouvrage de son successeur.

C'est du temps d'Alahor qu'eut lieu l'événement le plus remarquable de l'histoire espagnole. C'est pendant son gouvernement que les chrétiens commandés par Pélage, remportèrent sur les Maures une victoire qui devait avoir d'immenses résultats. L'histoire, qui nous a conservé le souvenir de ce fait d'armes, ne nous a pas fait connaître tous les engagements qui, probablement, l'avaient précédé. Nous ne savons pas les combats que s'étaient déjà livrés les Maures et les Asturiens, ou plutôt les Cantabres, car c'est aux confins des Asturies et de la Cantabrie que se trouve la Sierra de Covadunga, qui avait servi de refuge à Pélage. Suivant toutes les probabilites, les chrétiens fugitifs, que l'invasion musulmane avait refoulés dans les montagnes, durent bientôt y manquer de moyens de subsistance, et commencèrent à faire des courses dans les plaines dont les Maures s'étaient emparés. Ensuite, poussant plus loin leurs prétentions, ils s'efforcèrent de reprendre les terres dont ils avaient été dépouillés. C'est ainsi qu'ils s'établirent d'abord à Canicas (*). Les musulmans ne les laissèrent pas paisibles possesseurs de ce territoire; on se battit, et l'avantage ne resta pas toujours du côté des chrétiens. Ceux-ci, à la suite sans doute de quelque défaite, furent forcés de donner des otages pour garantir qu'à l'avenir ils ne se soulèveraient plus, et qu'ils ne troubleraient plus la tranquillité du pays. Au nombre de ces otages se trouvait Pelage, que les Espagnols appellent Pélayo, et dont les Arabes ont à peine altéré le nom. Ils ont remplacé par un B le P qui n'existe ní dans l'hébreu, ni dans l'arabe. Ils l'appellent Belaï. La captivité de Pélage, chez les musulmans, est altestée par un historien arabe, Ahmed-elMokri. « Le premier, dit-il, qui rassembla les chrétiens, après leur

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(") Cangas de Oñis.

« défaite, fut Bélai, d'entre les As& tourischs, peuples de la Djalikiah(*), « qui, retenu à Cordoue comme otage,

pour la tranquillité de son peuple, s'en échappa du temps d'El-Horrben-abd-el-Rahman. Il souleva les & chrétiens contre leur sous-gouver& neur arabe, le chassa et établit un État indépendant. »

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Pélage était donc, à cette époque, un homme d'une grande importance, puisque sa présence pouvait déchaîner des tempêtes, et que sa captivité faisait cesser les troubles. L'influence qu'il exerçait est donc bien avérée, quelle qu'en fût l'origine, soit qu'il la dût à la qualité de duc de Cantabrie, dont il avait hérité après la mort de Favila son père, soit que l'attachement des Espagnols, et la confiance qu'ils avaient en lui, ne prissent leur source que dans son mérite et dans sa bravoure personnelle. Ce chef, étant parvenu à s'échapper de Cordoue, vint ranimer le courage des chrétiens réfugiés dans les Asturies. Ils se soulevèrent de nouveau (**). Le sous-gouverneur de cette partie de l'Espagne, établi par les Arabes à Gijon, était un renégat appelé En-Munuza par les chroniqueurs chrétiens. C'est sous le nom d'Abou Nessa que les Maures le désignent. Il fit connaître cette révolte à El-Horr, qui envoya une armée commandée par Alkamah, pour châtier les insurgés. Pélage, averti de la mar

() Les Maures donnaient le nom de Djalikiah, Galice, à la chaîne de montagnes et à tout le pays qui s'étendaient le long de l'Océan, depuis le promontoire des Ar tabres jusqu'au pied des Pyrénées.

(**) Mariana raconte d'une manière toute différente l'établissement du royaume de Pélage. Celui-ci, dit-il, avait une sœur dont Munuza devint amoureux. Le gouverneur de Gijon, désespérant d'obtenir sa main, profita d'une absence de Pélage pour la déshonorer. Ce serait pour venger cet outrage que le fondateur de la monarchie espagnole aurait pris les armes. Cette påle et fade contre-partie de l'histoire de la Ĉava ne présente aucun caractère de vraisemblance. Aussi n'a-t-elle été acceptée que par très-peu d'écrivains.

che de ce général, et connaissant le nombre de troupes qu'il menait avec lui, ne se trouva pas assez fort pour l'attendre dans les plaines. Il fit cacher les vieillards, les femmes, les enfants, sur le haut des montagnes et dans leurs plus profondes retraités. Pour lui, avec tous les hommes en état de combattre, il en occupa les moyennes hauteurs. Alkamal s'attacha à sa poursuite. Pélage attendait les Maures dans une position habile ment choisie. C'était à l'est du mont Auseba, où la Deva coule au fond d'une vallée sombre, étroite et fermée des deux côtés par des montagnes, dont les flancs se dressent et se rapprochent davantage, à mesure qu'on remonte le cours de la rivière. A l'endroit où celle-ci prend sa source, un énorme rocher vient intercepter la vallée dans toute sa largeur. C'est au milieu de ce rocher que s'enfonce la caverne de Covadunga, assez vaste pour servir d'abri à plus de deux cents hommes. On y pénètre par une ouverture naturelle élevée de quelques pieds au-dessus du sol. Pelage s'y enferma avec tout ce qu'elle put contenir de soldats. I fit placer le reste de son armée en embuscade dans les bois et sur les montagnes escarpées qui, des deux côtés, dominent ce défilé. Alkamah se laissa entraîner dans cette gorge, où quelques hommes, maîtres des hauteurs, devaient facilement anéantir une armée nombreuse. Dès que les Maures furent arrivés près de la caverne, le combat commença. Les vieux chroniqueurs entourent le récit de cette bataille de circonstances miraculeuses. Ils disent que les flèches tirées par les Arabes retournèrent en arrière et tuèrent ceux-là même qui les avaient lancées. Il n'est cependant pas besoin de recourir à des prodiges pour expliquer la victoire de Pelage. Ses Asturiens, tous adroits chasseurs, tous habiles archers, embusqués der rière des pointes de rochers, derrière des troncs d'arbres, et presque invisibles pour les ennemis, visaient à loisir ceux qu'ils voulaient abattre; ils les frappaient d'une mort certainé. D'au

tres accablaient les Maures d'une grêle de pierres, ou bien du haut des montagnes faisaient rouler d'immenses quartiers de roché qui, dans leur chute, écrasaient des bataillons entiers. Cela suffisait pour mettre en fuite les troupes les plus intrépides, et sainte Ma rie de Covadunga, Notre-dame des Batailles, pour donner la victoire aux chrétiens, n'eut pas besoin d'intervertir l'ordre de la nature. Déjà les Arabes fuvaient en désordre lorsqu'une tempête éclata. Dans ces montagnes, où la pluie la plus légère suffit pour convertir les moindres ruisseaux en torrents, les fugitifs se virent, à chaque pas, arrêtés par de nouveaux obstacles, qui les livraient sans défense aux coups des chrétiens, et ceux-ci, du haut des montagnes qu'ils n'avaient pas quittées, les accablaient de traits et de pierres. Cependant une partie des Maures, fuyant dans la direction du territoire de Liebane, étaient parvenus à gagner le penchant du mont Auseba. Ils étaient arrivés auprès de Causegadia, dans un passage où la montagne surplombait au-dessus de la Deva. Tout à coup, le terrain, rongé à sa base par la rivière changée en un torrent impétueux, ébranlé par leurs pas précipités, s'abîma, et ce qui restait de l'armée périt englouti sous les terres qui s'écroulaient, ou submergé sous les ondes furieuses.

Le nombre des infidèles qui périrent en cette circonstance fut considérable. Pendant bien longtemps. quand la Deva, enflée par les pluies, rongeait ses rivages, elle mettait à découvert des ossements et des débris d'armures. Sébastien de Salamanque ne fait pas monter le nombre des morts à moins de 124,000. Rodrigue de Tolède le réduit à 24,000. Un auteur arabe, Abdallah-ben-Abd-el Rahman, dit qu'il fut tué près de trois mile hommes, et que le reste de l'armée fut submergé; mais il ne dit pas le nombre de ceux qui furent engloutis dans les eaux, et ce dut être la plus grande partie. Un écrivain français pense que le nombre des morts ne dut pas excéder trois mille. Pour nous, sans ap

prouver les exagérations de Sébastien de Salamanque et de Rodrigue de Tolède, nous ne pouvons nous empêcher de dire que le chiffre de 3,000 nous paraît de tous le moins vraisemblable. Il n'y a que les très-petits échecs et les très-grands désastres dont on ne cherche pas à tirer vengeance, les premiers parce qu'ils passent inaperçus, les autres parce qu'ils ne laissent pas de force aux vaincus, ou qu'ils jettent l'épouvante dans les esprits. Mais chez aucun peuple la perte de trois mille hommes n'est un de ces événements qu'on accueille avec indifférence; chez aucun aussi, ce n'est un de ces désastres assez grands pour mettre le vainqueur à l'abri de toute tentative de vengeance. Cependant, après la bataille de Covadunga, le gouverneur de Gijon ne tenta pas même de se défendre. Il battit en retraite; mais, poursuivi par les Espagnols, il fut atteint, vaincu et tué. Pélage resta maître du pays, et l'histoire ne nous a pas appris qu'il ait eu d'autre attaque à repousser. Sa victoire avait donc été de nature à effrayer les Arabes, et ils crurent prudent de le laisser paisible possesseur du petit royaume de douze lieues de large sur quarante environ de longueur qu'il venait de conquérir (*). Cette victoire protégea aussi l'existence d'un autre rassemblement de chrétiens fugitifs qui s'étaient réunis sur les confins de la Cantabrie, sous les ordres d'un chef nommé Pèdre. Les Maures n'osèrent pas venir les attaquer dans leur retraite. Peut-être les nombreux changements qui eurent lieu dans les gouverneurs de la Pénin

(*) Quelques auteurs pensent que Pélage ne prit jamais le nom de roi. Cela est possible; mais tous ses successeurs le lui ont donné. Par une exagération en sens contraire, d'autres historiens soutiennent que l'État qu'il venait de fonder avait pris, dès les premiers temps, le nom de royaume de Léon. Jamais Pélage ne posséda la ville de Léon (Legio). Il faut croire que quelque erreur se sera glissée dans les manuscrits que ces écrivains consultaient; et on aura écrit Legio au lieu de Gegio (Gijon), nom de la ville où il s'était d'abord établi.

sule, contribuèrent-ils aussi beaucoup à assurer la tranquillité dont on laissa jouir le nouveau souverain. El-horr avait, par son excessive rigueur, excité les réclamations non-seulement des chrétiens, mais encore celles des principaux chefs sarrasins. Aussi le calife nomma-t-il à sa place Zamah, dont le nom est célèbre dans toutes les histoires de chevalerie. Ce nouveau gouverneur s'occupa d'abord de l'organisation du pays. Lors de la conquête de l'Espagne, les Sarrasins n'avaient pas un marin. Ce fut sur des vaisseaux marchands que les troupes de Tarif passèrent en Europe; mais les vainqueurs avaient senti la nécessité d'avoir une marine. Elle se forma rapidement, et, sous le gouvernement de Zamah, on créa un chef de la flotte auquel on donna le titre de Ėmir-... ou plutôt Amir-al-ma, le prince de l'eau (*).

Ces soins ne furent pas les seuls dont s'occupa le nouveau gouverneur. Mahomet disait que chaque prophète avait son caractère; que celui de JésusChrist était la douceur, que le sien, au contraire, était la force, et que le glaive seul devait faire triompher le Koran. Zamah était un guerrier selon le cœur de Mahomet; il songea à porter en France la foi des musulmans, et appela les croyants à la guerre sainte. Dans une première expédition, il soumit en entier la Gaule narbonnaise, et, remontant le cours du Rhône, il saccagea le pays jusqu'à la Bourgogne, puis il ramena vers Narbonne son armée chargée de butin. Ensuite, il s'avança vers la Garonne, et vint mettre le siége devant Toulouse. Eudes, duc d'Aquitaine, accourut au secours de cette ville. Il marchait à la tête d'une armée formidable. Il attaqua les Sarrasins, et la victoire, longtemps balancée, finit par se décider en sa faveur. Ce fut en vain que Zamah s'élança au milieu des bataillons français les plus épais; le succès ne répondit

pas à son intrépidité. Mais s'il ne

(*) C'est évidemment de ce nom que vient notre mot français Amiral,

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