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Abarca. Après avoir longtemps disputé la victoire. les Arabes furent mis en déroute. Leur général fut tué dans le combat, et cette défaite fut assez sanglante pour déterminer Abd-elRahman à demander la paix. Ordoño Jui accorda une trêve de trois années. Dès que ce délai fut expiré, l'émir de Cordoue entra de nouveau dans la Galice, et remporta sur Ordoño quelques avantages dans un lieu appelé Mindonia. Ces avantages n'eurent rien de bien sérieux, car les Maures laissèrent la Galice tranquille pour porter leurs armes vers les Pyrénées. C'était en 921; il y avait deux ans que le roi Sancho-Abarca s'était retiré dans le couvent de Leyra; il n'avait pas abdiqué la couronne, mais il laissait à Garci-Abarca, son fils, le soin de gouverner le royaume. Les forces des Maures étaient imposantes. et le roi d'Aragon appela à son secours le roi Ordoño, comme il avait été íui-même an secours de celui-ci, lors de la bataille de Saint-Étienne de Gormaz. Malgré cette réunion, les armées chrétiennes ne furent pas heureuses; elles furent mises en déroute par les troupes d'Abd-el-Rahman, dans un endroit appelé le Val de Junquera. Une circonstance a rendu cette bataille célèbre. Deux évêques, Dulcidius de Salamanque et Hermogius de Tuy, qui combattaient à la tête des troupes fournies par leurs diocèses, tombèrent entre les mains des Maures. On traita du rachat de ces deux prisonniers, et, comme on ne pouvait réunir la somme suffisante pour la rançon de l'évêque Hermogius, on en paya une partie, et, pour sûreté du reste, on donna le fits d'une de ses sœurs. Ce jeune enfant, nommé Pélage, n'avait que 13 ans. Il était d'une beaute remarquable. L'émir Abd-el-Rahman l'ayant fait amener en sa présence, une passion monstrueuse s'empara du cœur de ce prince. Mais ses caresses n'excitèrent que la colère et l'indignation du jeune chrétien, qui, pour s'y soustraire, le frappa au visage et lui arracha la barbe. Alors Abd-el-Rahman, furieux, com

manda sur-le-champ de lui donner des coups de corde jusqu'à ce qu'il en mourut, ou qu'il cessât de confesser le Christ; et, comme Pélage supportait ce supplice avec courage, et qu'il ne cessait pas d'invoquer le nom de JésusChrist, on lui coupa les membres les uns après les autres, on le décapita, et les lambeaux de son corps furent jetés dans le Guadalquivir; mais les chrétiens les repêchèrent et lui donnèrent la sépulture. Ce fut, disent les historiens, le 25 juin de l'année 924 que Pélage souffrit le martyre.

Après la victoire du Val de Junquera, les Arabes, au lieu d'en profiter pour rétablir d'une manière solide leur domination au pied des Pyrénées, traversèrent ces montagnes et firent une incursion en France. Ils s'avancerent jusqu'aux portes de Toulouse, et s'en revinrent chargés de butin. Afin de retourner plus commodément en Espagne, l'armée des Sarrasins s'était divisée en deux corps. Le plus important, celui qui avait à sa tête le général de l'expédition, s'engagea dans la vallée de Roncal. Il y fut attaqué par Garci-Abarca, qui avait profité de l'absence des ennemis pour rallier son armée. Il s'était emparé des défilés des montagnes; et, quand les musulmans eurent pénétré dans ces passages difficiles, il fut aisé aux Aragonais, qui étaient maîtres des hauteurs, de les y exterminer On raconte que le général arabe étant tombé entre les mains d'une femme qui combattait parmi les chrétiens, elle le poignarda.

Le reste de cette armée était rentré par la vallée de Jaca; GarciAbarca se mit à sa poursuite, et l'ayant atteint près de l'Ebre, dans un taillis appelé Bardena-Real, il l'attaqna, le défit, en sorte que tout le butin ramassé par les ennemis, dans la course qu'ils venaient de faire, tomba entre ses mains.

Tandis que le roi d'Aragon tirait ainsi une noble vengeance de la défaite de Junquera, celui de Léon s'en prenait aux comtes de Castille. Convoqués

par lui, ils avaient refusé de lui amener les troupes qu'ils devaient lui fournir comme feudataires, et c'était, en grande partie, à leur absence qu'Ordoño attribuait la défaite de Junquera. Tous ces petits souverains aspiraient d'ailleurs à se déclarer indépendants. On se rappelle combien était déjà puissant Nuño-Fernandez, qui, beau-père de Garcia, avait puissamment contribué à renverser Alphonse le Grand du trône. Ordoño fit mander à sa cour Nuño-Fernandez, Almondar dit le Blanc, son fils Diego et FernandoAnsurez, sous prétexte de conférer avec eux sur les affaires les plus graves de l'État. Dès qu'ils furent arrivés, il les fit arrêter. Il les emmena avec lui à Léon, où il les fit étrangler dans leur prison. Les historiens portent sur cette action d'Ordoño les jugements les plus opposés. Les uns la regardent comme un acte de cruauté qui a souillé la fin de son règne; d'autres la considèrent comme un juste châtiment imposé à des sujets rebelles.

Les victoires de Roncal et de Bardena-Real avaient permis au roi d'Aragon de reprendre rapidement les villes que les Maures lui avaient enlevées à la suite de l'affaire de Junquera. Deux de ces villes seulement lui opposaient une vive résistance : c'étaient Najera et Viguera. Garci Abarca appela le roi de Léon à son aide. Ordoño s'empressa d'accourir, et leurs armées réunies eurent bientôt enlevé ces deux villes, qui furent remises aux Aragonais. Garci, par reconnaissance et pour resserrer encore davantage l'alliance qui existait entre lui et Ordoño, donna sa fille doña Sancha pour femme à ce prince. Mais cette union fut de bien courte durée, car, en retournant à Léon, le roi fut pris d'une maladie dont il mourut en peu de temps.

Ordoño avait eu trois femmes. De la première, nommée Elvire, il avait eu deux enfants, Alphonse et D. Ramire. Après la mort d'Elvire, il avait épousé une demoiselle d'une puissante famille de la Galice, nommée Argonta; mais il l'avait bientôt répudiée.

Sa troisième épouse était doña Sancha, infante d'Aragon.

On donna pour successeur à D. Ordoño, Froïla son frère, qui, ainsi que nous l'avons vu, portait depuis treize ans le titre de roi d'Oviedo. Le règne de Froila, comme roi de Léon, ne dura que quatorze mois. C'est pendant ce temps qu'eut lieu la révolte de la Castille. Les habitants de cette province, irrités du supplice de leurs comtes, et mécontents d'ailleurs de ce qu'on les obligeait de recourir aux tribunaux de Léon pour faire décider les difficultés qui pouvaient s'élever entre eux, prirent la résolution de former un État à part, et de nommer des magistrats qui les gouverneraient. Mais dans la crainte que ceux-ci ne pussent se prévaloir de leur titre pour opprimer la liberté, ils ne voulurent leur donner ni le nom de prince, ni celui de roi, et se bornèrent à les appeler leurs juges. Ceux auxquels ils confièrent cette magistrature furent: Nuño Rasura et Lain Calvo. Ce dernier était le plus jeune. Il était marié avec Nuña Bella, fille de son collègue. Ce fut lui qu'on chargea de tout ce qui concernait la guerre, parce que sa bravoure et son expérience étaient connues. Nuño Rasura eut dans ses attributions la direction intérieure de l'État et l'administration de la justice. On a peu de détails sur les faits de leur gouvernement; on sait seulement qu'ils se montrèrent dignes du choix de leurs compatriotes, et que leurs descendants ne dégénérèrent pas. Laïn Calvo fut, en effet, père du quatrisaïeul du Cid Campeador. Nuño Rasura eut pour fils Gonçalo Nuño qui lui succéda dans sa charge. Celui-ci eut pour femme doña Ximena, fille de Nuño Fernandez, l'un des comtes mis à mort par Ordoño. C'est de ce mariage que naquit le fameux Fernan Gonçalez, que nous verrons reprendre, dans peu d'années, le titre de comte de Castille, et qui finira par ériger cette province en souveraineté indépendante.

Froila ne put réprimer cette révolte des Castillans. Pendant le règne si

court que lui accorda la Providence, il fit mettre à mort les fils d'un seigneur nommé Olmundo, et il trouva le moyen de faire maudire sa cruauté. On regarda comme un châtiment de Dieu l'horrible maladie dont il fut atteint. Il mourut de la lèpre. Il laissait trois enfants légitimes nommés D. Alphonse, D. Ordoño et D. Ramire: aucun d'eux ne fut appelé à lui succéder.

On proclama pour roi l'aîné des enfants d'Ordoño II. C'était Alphonse, le quatrième du nom. Ce prince se montra d'un caractère faible, léger et incapable de gouverner. Il était surtout adonné aux pratiques de dévotion. Après trois années d'un règne qui ne présente rien de remarquable, il eut le malheur de perdre sa femme Urraca (*). Il en éprouva un chagrin si violent, qu'il prit la résolution de se retirer du monde. Il abdiqua la couronne en faveur de son frère D. Ramire, et il se retira dans un couvent, ce qui le fait désigner par les historiens sous le surnom d'Alphonse le Moine.

Un des premiers actes de don Ramire fut de contracter alliance avec les descendants d'Hafsoun, qui continuaient de se maintenir dans l'Espagne orientale indépendants de l'émir de Cordoue Abd-el-Rahman III. Ce souverain, dès le commencement de son règne, avait pris le titre d'Émir-alMoumenim, c'est-à-dire, commandeur des croyants, qui n'avait encore été porté par aucun de ses prédécesseurs. Il avait pris aussi le surnom de El Nassr-Ledin-Allah, le défenseur de la loi de Dieu. Pour justifier ce titre, il s'était appliqué à détruire un parti qui, en divisant les musulmans, compromettait sans cesse le succès de leurs armes. Il avait appelé sous les drapeaux les guerriers des provinces restées fidèles, et il avait été attaquer Kaleb-ben-Hafsoun. Celui-ci ayant confié à Djafar, l'un de ses fils, le soin de défendre Tolède, s'était retiré dans les provinces orientales, où il eut

(*) Sampire donne à cette reine le nom de Ximena.

bientôt rassemblé une armée de 40,000 hommes. Abd-el-Rahman ne crut pas devoir s'arrêter à faire le siége de Tolède, qui était défendue par une nombreuse garnison: il se dirigea vers l'Espagne orientale, et ne tarda pas à rencontrer l'armée d'Hafsoun et à lui livrer bataille. Il remporta sur elle une victoire qui ne termina rien, et Kalebben-Hafsoun ayant conservé des forces imposantes, n'en continua pas moins à faire la guerre. La prise de Saragosse, qui fut livrée par la jeunesse de cette ville aux troupes d'Abd-el-Rahman, n'abattit pas son parti; et quand, dans le courant de mai 919, Kalebben-Hafsoun mourut, il laissa deux fils, Soleiman et Djafar, qui, héritiers de son pouvoir et de son courage, soutinrent la lutte commencée par leur aïeul. Djafar défendit la ville de Tolède jusqu'en 927; mais Abd-el-Rahman ayant pendant deux années de suite dévasté les environs de cette cité de manière à empêcher que ses habitants ne pussent recueillir aucune provision, la position ne se trouva plus tenable, et Djafar, à la tête de 5,000 hommes qui formaient la plus grande partie de la garnison, traversa pendant la nuit le camp des assiégeants, abandonnant la ville, qui se rendit le lendemain. Abd-el-Rahman y mit pour gouverneur Abd-Allah-ben-Jali. C'est en ce temps que Djafar sollicita l'appui des chrétiens, fit alliance avec eux, et alla mêine, dit-on, jusqu'à se reconnaître leur vassal. Don Ramire, à l'instigation du descendant d'Hafsoun, se disposait à porter la guerre sur les terres musulmanes; il rassemblait son armée à Zamora, lorsqu'un envoyé vint lui annoncer qu'Alphonse avait quitté son cloître, et qu'il avait repris à Léon les insignes de la royauté. Aussitôt, à la tête des troupes qu'il avait réunies, il se dirigea vers Léon, assiégea la ville, qui se défendit longtemps; mais enfin il s'en rendit maître; il y prit Alphonse, qu'il fit jeter en prison. Les trois fils de Froïla II, qui avaient embrassé le parti d'Alphonse, furent pris dans les Asturies, où ils avaient excité quelques

troubles, et don Ramire les ayant jetés dans la même prison que ce prince, leur fit le même jour crever les yeux à tous les quatre. Il les renferma ensuite dans le couvent de Saint-Julien, qui était voisin de Léon. Alphonse le Moine y mourut dans le courant de l'année 932.

Quand don Ramire eut assuré de cette manière le repos intérieur de l'État, il reprit ses projets de guerre contre les musulmaus : il entra dans le pays de Tolède; il s'empara de la ville de Madrid, dont il detruisit les murailles. Pendant son règne il remporta sur les Arabes plusieurs victoires importantes. La plus célèbre est celle livrée le 6 août 938, près de Simancas, à l'endroit où la Pisuerga se jette dans le Duero. C'est, disent quelques historiens, avant de partir pour cette campagne que don Ramire se rendit au tombeau de saint Jacques, afin d'obtenir le secours du ciel par l'intercession de cet apôtre de l'Espagne. A cette occasion, il fit, disent-ils, le vœu qu'on a attribué plus tard a don Ramire Ïer et qu'on a reporté à la bataille de Clavijo. L'un des guerriers qui prirent le plus de part aux événements de cette époque, fut le fameux Fernan Gonçalez, appelé quelquefois comte de Salas ou de Lara, mais plus connu sous le titre de comte de Castille, qu'il reprit sans doute de l'aveu du roi de Léon. Il se signala dans toutes les guerres contre les musulmans. Mais il ne porta pas les armes contre les infidèles seulement. Mariana raconte que des difficultés s'étant élevées entre le comte de Castille et don Sancho-A barca, ils livrèrent une bataille, dans laquelle le roi d'Aragon aurait été tué de la main du comte lui-même. Blancas ne parle pas de ce prétendu combat: il dit, au contraire, que l'epoque de la mort de SanchoAbarca n'est pas parfaitement connue. Un fait qui paraît plus certain est la tentative faite par ce comte pour se rendre souverain indépendant de la Castille. Il n'etait pas assez fort pour lutter contre le roi de Léon; il tomba entre les mains de ce souverain, qui le fit enfermer en prison, ainsi

qu'un autre comte don Gonçalo Nuñez. Mais Ramire comprenant combien il importait d'entretenir la bonne harmonie entre Léon et la Castille, rendit bientôt la liberté à ses prisonniers, et, pour assurer le maintien de la paix, il donna pour épouse à son fils Ordoño une fille du comte Fernan Gonçalez, qui portait, comme sa mère, le nom de doña Urraca (*).

Vers la fin de l'année 949, le roi don Ramire ayant fait un voyage de Léon

(*) Voici d'après M. Romey l'étymologie de ce nom qui a été longtemps fort usité en Espagne:

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Je m'arrêterai un moment ici sur le nom d'Urraca, qui se produira dorénavant fort fréquemment dans cette histoire. Morales veut que ce soit une corruption d'Aragonta; mais il parait plus naturel d'en chercher l'origine dans le nom gothique d'Ulrica, qui a pu être facilement changé par une prononciation barbare en Urraca. C'est là, ce nous semble, l'étymologie la plus vraisemblable de ce singulier nom particulier à l'Espagne, à moins que nous ne la cherchions dans la langue arabe, où Bouraka, Bourraka (Urraca, par la suppression du b, et en écrivaut à la latine et gnole où l'u se prononce toujours ou) signifie resplendissante, de diverses couleurs, mêlée de blanc et de noir; ce qui pourrait convenir assez bien à un nom de femme. Les Arabes donnent par la mème raison ce nom à tout ce qui est blanc et noir, à l'œil, à la chèvre, au canard, à la pie (Hurraca est encore aujourd'hui le nom de cette dernière en espagnol); et la monture sur laquelle Mahomet fut transporté au ciel, est nommée dans le Koran, à cause de l'éclat dont elle était douée, El-Bourak. Quoi qu'il en soit de cette origine, nous verrons en sou lieu que la seconde fille d'Alphonse VIII de Castille et de Léonore d'Angleterre manqua de devenir reine de France, parce que les ambassadeurs français trouverent trop dur le nom d'Urraca qu'elle portait. Philippe-Auguste leur avait donné plein pouvoir de choisir pour son fils Louis celle des filles du roi de Castille qu'ils jugeraient la plus digne de son alliance, et bien Blanca, ils lui préférèrent celle-ci à cause qu'Urraca fût plus belle que sa sœur puînée de son nom; et c'est pourquoi elle épousa Louis, depuis Louis VIII, et fut la mère de saint Louis.

à Oviedo, fut atteint dans cette dernière ville d'une maladie mortelle. I s'empressa de revenir à Léon, y rassembla les grands du royaume, et en leur présence il abdiqua en faveur de son fils Ordoño, le troisième roi de ce nom. Il mourut, après une courte maladie, le 5 janvier 950, laissant trois enfants don Ordoño, doña Elvire et don Sancho le Gros.

SUITE DU RÈgne d'abd-el-RAHMAN III.

DESCRIPTION DE MEDINA-AL-ZARAH.
RÈGNE D'ORDONO III. -DE SANCHO LE
GROS, SANCHO LE GROS EST DÉTRÓNÉ.

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Malgré les échecs que plus d'une fois les chrétiens avaient en ce temps fait éprouver aux armes musulmanes, on peut cependant regarder le règne d'Abd-el-R hman comme un des plus glorieux pour l'islamisme. Il paraît que ce prince put enfin étouffer la rébellion soulevée par Hafsoun dans les provinces orientales de l'Espagne, puisque, depuis la prise de Tolède, les historiens ne font plus mention ni de Soleïman, ni de Djafar, fils de Kaleb ben-Hafsoun. Quand il fut parvenu à établir le calme et la tranquillité intérieure dans ses États, il s'occupa d'y faire fleurir les arts de la paix. Il bâtit sur les bords du Guadalquivir, à cinq milles au-dessous de Cordoue, une ville nommée Medina-al-Zarah. Quand on lit ce que les historiens rapportent de la magnificence de ces constructions, on croirait entendre un de ces contes enfantés par la brillante imagination des poêtes orientaux. Cette description ressemble aux féeries des mille et une nuits. Le palais que Abdel-Rahman III y fit élever était assez grand pour loger toute sa cour avec une garde de 12,000 cavaliers. Il était couvert de toits dorés et soutenu par quatre mille trois cents colonnes des

marbres les plus précieux. Le pavé, les murs étaient de jaspe, ou de ce stuc de couleur éclatante dont quelques monuments arabes conservent encore des restes admirables, mais dont le secret semble perdu. Le bois de cèdre était le seul qui eût été employé dans la construction. Les plafonds étaient peints d'or et d'azur, ornés d'arabesques en relief et de ciselures du travail le plus délicat. Un jardin délicieux, où croissaient toutes les plantes du monde connu, entourait cette magnifique demeure. Parmi les pavillons de marbre et d'albâtre dont il était embelli on distinguait le pavillon du calife : c'était celui où Abd-el-Rahman venait se reposer des fatigues de la chasse. Il était formé par une galerie circulaire de colonnes de marbre blanc, surmontées de chapiteaux dorés. Les portes étaient d'ebène et d'ivoire. Du milieu d'une conque de porphyre s'élançait un jet de vif-argent, qui, en retombant, reflétait les rayons du soleil, et jetait des éclairs dont l'oeil avait peine à soutenir l'éclat. Dans presque toutes les salles il y avait des fontaines et des bassins de marbre ou de jaspe. On voyait dans la salle qu'on appelait du califat, une conque du plus beau jaspe, remplie d'eau, au milieu de laquelle était un cygne d'or d'un travail admirable. Enfin Abd-el-Rahman avait fait placer au-dessus de la porte principale une statue de la maîtresse pour laquelle il élevait ces merveilleux, palais ̊ (*) :

(*) Une grande partie des musulmans regardent la reproduction des ètres animés comme contraire aux principes de la loi de Mahomet. Ainsi M. de Choiseul ayant voulu faire le portrait d'un soldat albanais de la garnison de Coron, celui-ci qui, pour un sequin, aurait assassiné dix personnes, lui fit répondre que « pour tout l'or du monde il ne consentirait pas à laisser ainsi prendre sa figure, et que M. de Choiseul serait bien effrayé quand, au jour du jugement, tous ces petits hommes que produisait sou crayon viendraient lui demander leurs âmes.»>

Cependant cette répugnance pour les images est chez les musulmans un préjugé plutôt qu'un article de foi; des les premiers temps de l'islamisme, plusieurs souverains

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