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dard de cet Almanzor si longtemps victorieux.

L'un d'eux, Alphonse V, fils de Bermude le Goutteux, etait encore enfant; il régnait sur la Galice, les Asturies et sur le royaume de Léon. Sancho le Grand, fils de Garci le Trembleur, était roi de Navarre, d'Aragon et de Sobrarbe. Enfin le troisième, Garci Fernandez, était comte indépendant de Castille. Ce dernier, peu de temps après la victoire de Calatañazor, avait à son tour été vaincu par les Maures: il était mort en combattant, et avait été vengé par le comte Sancho, son fils, qui avait porté ses armes jusque sous les murs de Cordoue. C'était, à la vérité, comme auxiliaire de Mostaïn Bi'llah, un des prétendants au califat, qu'il avait pénétré jusqu'au cœur de l'Andalousie; mais aucune armée chrétienne depuis la défaite du Guadalète ne s'était avancée aussi loin. Un autre prince chrétien, dont les Arabes avaient aussi acheté l'alliance, le comte Ramon Borell, avait été combattre les Berberes de Soleiman jusque dans les plaines d'Algeziras. De toutes parts l'empire des Maures s'écroulait; celui des chrétiens, au contraire, sortait chaque jour de ses ruines.

Alphonse V, dirigé par le comte Melendo, son tuteur, et par la reine, sa mère, deux sages conseillers, s'appliquait à réparer les désastres que les invasions des Maures avaient causés dans ses États. Il rebâtissait les églises, les villes ruinées par la guerre. Il releva la capitale de son royaume détruite par Al-Mansour; aussi le trouvet-on souvent designé de cette manière dans les écrivains espagnols: Alphonse, celui qui reconstruisit Léon. Au reste, il ne se borna pas à réparer des murailles il appliqua ses soins à rendre l'administration du royaume plus régulière, à recueillir les ordonnances de ses prédécesseurs, à les modifier et à les améliorer. C'est sous son règne qu'un concile réuni (*) en 1020 rédigea les fueros de Léon, connus aussi sous le nom de bons fueros d'Al

(*) Mariana dit qu'il fut réuni à Oviedo, Ferreras dit à Léon.

pnonse V. C'etait pour la Galice, pour les Asturies et pour le royaume de Léon, la première modification apportée par écrit aux lois des Goths. Ces fueros établissaient les rapports qui devaient exister entre les sujets et le roi; ils consacraient les libertes et les immunités des villes et des citoyens ; ils contenaient la constitution politique de l'État. Suivant l'usage reçu à cette époque, les rédacteurs de ce code fulminerent l'anathème contre ceux qui tenteraient de violer cette charte: « Si quelqu'un de notre race, y est-il « dit, ou d'une race etrangère, tentait « sciemment de violer notre constitu«<tion, qu'il ait les mains, les pieds « et la tête brisés; que ses yeux soient « arrachés, ses entrailles répandues; « qu'il soit frappé à la fois de la lèpre « et du glaive de l'anathème, et que « dans la damnation éternelle il porte « la peine de son crime avec le démon « et les anges rebelles. »

On pense que c'est à peu près à la même époque que des fueros ont été rédigés pour la Castille; mais ni le texte, ni même le sens de ces lois ne sont venus jusqu'à nous.

Alphonse fit aussi avec succès plusieurs guerres contre les Maures; il leur enleva quelques villes sur la rive gauche du Duero. En 1027, il assiégeait Viseo depuis quelque temps, et la ville, pressée par la famine, se trouvait réduite aux dernieres extremites, lorsqu'un matin Alphonse, voulant examiner l'etat de la place, s'approcha imprudemment des murailles sans être armé de sa cuirasse; il ne portait qu'un léger vêtement. Du haut des créneaux, un archer lui lança une flèche qui le blessa mortellement: l'armée espagnole leva aussitôt le siége. Le corps du roi fut porté à Léon et enterré dans l'église de Saint-Jean, que lui-même avait fondée. Alphonse V etait monté sur le trône à l'âge de cinq ans, et son règne durait déjà depuis vingt-huit années. Pendant ce temps d'une sage administration il s'appliqua à faire disparaître les ruines dont la guerre avait couvert son royaume. Il dota son pays de lois sages et libérales.

Marié en 1014, avec doña Elvire, fille du comte Melendo son tuteur, il laissa deux enfants nés de cette union: Doña Sancha, et Bermude qui lui succéda sur le trône.

Un des premiers actes de Bermude fut d'assurer la paix du côté de la Castille, en contractant une alliance de parenté avec le souverain de ce pays. C'etait, comme on l'a vu, le comte Sancho, fils de Garci Fernandez. Ce prince avait deux filles : l'aînée, doña Nuña, que les auteurs appellent aussi fort souvent Elvire, était mariée à Sancho le Grand, roi d'Aragon et de Navarre; la plus jeune, nommée Thérèse, fut accordée à Bermude (*).

Suivant quelques historiens, un événement des plus tragiques et des plus romanesques signala le commencement du règne de ce comte de Castille. Sa mère, disent-ils, était devenue éperdument amoureuse d'un prisonnier maure: elle voulait l'épouser; mais elle savait bien que Sancho ne consentirait jamais à cette alliance, qui blessait en même temps son orgueil et sa religion. Elle prit donc la résolution de l'empoisonner, pour lever l'obstacle qu'il mettait à ce mariage. Elle avait déjà préparé le breuvage qu'elle devait lui présenter au milieu d'un repas, lorsqu'il reviendrait de la chasse. Mais le secret du crime qu'elle projetait lui échappa: il fut surpris par une camériste, qui s'empressa de le révéler à son fiancé, l'un des veneurs du comte. Ce fidèle serviteur prévint son maître du danger qui le menaçait. Après une journée passée à la pour

(*) Ferreras pense que ce mariage n'eut lieu qu'en 1028, après l'assassinat du comte Garcia. Cela ne nous parait pas probable. Après la mort de Garcia, le comté de Castille passa entre les mains de Sancho le Grand. Des difficultés ne tarderent pas à s'élever entre Bermude et son puissant voisin. Ce n'eût pas été le moment où Sancho le Grand eût été accorder la main de sa belle-seur à un souverain qui aurait pu élever, par la suite, des prétentions sur la Castille. Il est plus croyable que ce mariage avait eu lieu du vivant mème du comte Sancho.

suite des animaux sauvages, Sancho rentra dans son palais, et sa mère vint lui offrir elle-même la coupe empoisonnée. Alors profitant de l'avis qu'il avait reçu, il exigea qu'elle goûtât la liqueur qu'elle lui présentait; conime elle refusait de se soumettre à cette épreuve, il ordonna d'employer la force pour la contraindre à boire le poison qu'elle lui avait préparé; et bientôt elle mourut au milieu d'horribles souffrances.

Le comte voulant récompenser le service que lui avait rendu son veneur, le maria à celle qu'il aimait, et lui accorda pour lui et pour sa descendance le privilége de veiller à la sûreté des comtes de Castille et de leurs successeurs. Ce privilége, ils l'ont toujours conservé en même temps qu'ils gardaient la charge et le titre de monteros (veneurs). Sancho leur ayant donné la ville d'Espinosa, cette cité prit d'eux le nom de Espinosa de los Monteros. Les veneurs, de leur côté, avant ajouté à leur qualité le nom de la ville dont ils étaient seigneurs, se sont appelés Monteros de Espinosa. A la longue, tout en continuant de porter le titre de Monteros, ils ont cesse de s'oc cuper de vénerie; mais ils ont constamment joui du privilége de garder la porte de la chambre des souverains de Castille et de veiller à la sûreté de leur personne en quelque lieu qu'elle se trouvât.

Cette origine des Monteros de Espinosa est rapportée par Garribay, par Mariana, par Guevara, dans sa chronique des Monteros de Espinosa, et par Argote de Molina, dans ses commentaires sur le livre de vénerie d'Alphonse XI. Elle semble parfaitement dans les mœurs de cette époque barbare. Cependant quelques auteurs en contestent la réalite. Au reste, la race du comte Sancho était destinée à périr victime de l'ingratitude et de la perfidie. On se rappelle ce comte Vela, seigneur d'une partie de l'Alava, qui, s'étant révolté contre le comte Fernan Gonçalez, avait été chassé et obligé d'aller chercher un refuge chez les Arabes. Il était mort laissant trois

fils (*). Le comte Sancho les avait reçus en grâce, leur avait rendu leurs biens, et pour que la réconciliation fût plus complète, l'aîné des Velas avait tenu sur les fonts de baptême le jeuné fils du comte de Castille. Malgré ces bontés, ils n'avaient pas tardé à causer de nouveaux troubles dans le pays, et le comte ayant été forcé de les chas-ser de nouveau, ils avaient été chercher un asile chez Alphonse V, qui les avait accueillis, et qui, pour leur assurer le moyen de vivre d'une manière conforme à leur naissance, leur avait assigné des terres assez considérables.

Le 5 février 1022, le comte Sancho étant mort, son fils Garcia, âgé environ de 13 ans, fut reconnu pour son successeur, et les grands du royaume, pour resserrer encore les liens de parenté qui existaient entre le souverain de la Castille et le roi Bermude de Léon, firent demander à celui-ci de donner Sancha, sa sœur, pour épouse à leur jeune prince. Bermude, comme on l'a vu, avait déjà pour femme doña Thérésa, sœur de doña Garcia. Il consentit volontiers à cette nouvelle alliance, et il fut convenu que les noces seraient célébrées dans la ville de Léon. Garcia devait s'y rendre avec beaucoup de seigneurs castillans. Sancho le Grand y vint aussi avec deux de ses fils, don Garcia et don Ferdinand. Mais le jeune comte de Castille, empresséde voir sa fiancée, et ne pensant pas nécessaire de se tenir sur ses gardes puisqu'il allait à une fête, laissa le roi dom Sancho le Grand a Sahagun, et avec une faible escorte il prit les devants et courut à Léon. Les Velas, pleins de haine et de perfidie, allèrent au-devant de lui, se mirent à genoux et lui baisèrent la main. Ils montrèrent une grande repentance des troubles qu'ils avaient suscités, et demandèrent un pardon qui leur fut gracieusement octroyé. Cependant, ils

(*) Mariana les appelle Rodrigo, Diego et Iñigo. On les trouve désignés, dans de vieux diplômes, sous les noms de Veremond, Roderich et Nébutien. Rodrigue de Tolède les appelle Rodrigo, Diego et Iñigo. Lucas de Tuy n'en nomme que deux, Diego et Syl

vestre.

ne faisaient ces démarches que pour écarter toute méfiance et pour accomplir plus sûrement la trahison qu'ils méditaient. Pendant que la ville tout entière ne respirait que le plaisir et que l'allégresse, un matin que le jeune Garcia se rendait seul à l'eglise de San Salvador pour y entendre la messe, ils l'attaquèrent à la porte même du lieu saint. Ils se précipitèrent sur ui l'épée à la main; et Rodrigue, l'aîné des trois frères, bien qu'il lui eût servi de parrain, lui porta le premier coup. Les autres accoururent ensuite pour l'achever, et par cette trahison ils rendirent doña Sancha veuve avant qu'elle eût été mariée. Quelques seigneurs de Leon voulurent defendre Garcia; mais, surpris et sans armes, ils furent tués par les Velas et par ceux qui les accompagnaient. Cependant, le tumulte ayant appelé du monde, les meurtriers prirent la fuite, sortirent de Léon et coururent s'emparer de la ville de Monçon. Sancho le Grand alla les y attaquer, et les ayant pris, il les fit brûler viss. Quant à la sœur de Bermude, elle témoigna, disent tous les historiens, la plus vive douleur de la mort de son fiancé.

Sancho le Grand, qui avait pour femme l'aînée des sœurs du jeune comte don Garcia, fut appelé à lui succéder, et se trouva ainsi le prince le plus puissant de la Péninsulè, car il possédait à lui seul les royaumes d'Aragon, de Sobrarbe, de Navarre, et le comté de Castille. Il avait fait aux Maures des guerres fréquentes et leur avait enlevé beaucoup de places sur les bords du Gallego et de l'Ebre; aussi l'étendue de ses États l'a-t-elle fait appeler el-Mayor (le plus grand), et quelquefois aussi l'empereur d'Espa gne. Au dire de quelques auteurs, toute sa grandeur ne le mit pas à l'abri de cuisants chagrins. Voici comment le fait est rapporté par Mariana: Sur le point de partir pour faire la guerre, Sancho le Grand avait recommandé vivement à la reine un cheval, le plus beau et le mieux dressé qu'il eût dans ses écuries. Don Garcia, son fils aîne, eut envie de ce coursier et le demanda à

sa mère qui allait le lui donner, quand un seigneur nommé Sèse fit observer à la reine que le roi pourrait être mécontent de cette condescendance au désir de son fils. Doña Elvire refusa donc à Garcia ce qu'il désirait. Celui-ci, furieux de ce que ses prières avaient eu sur l'esprit de sa mère moins de pouvoir que les paroles d'un simple chevalier, résolut, pour se venger, de l'accuser d'adultère. Il désigna Sèse comme son complice, et pour donner plus de poids à cette calomnie, il parvint à la faire appuyer par son frère Ferdinand.

Cette dénonciation fit éprouver au roi la douleur la plus vive. Jusqu'à ce jour, sa femme n'avait donné aucun motif qui pût faire douter de sa chasteté, et cependant les accusateurs étaient ses propres fils dont il ne pouvait soupçonner le mensonge. La reine fut donc renfermée dans le château de Naxera. Les grands et la noblesse du pays furent convoqués pour terminer ce déplorable procès. Le tribunal, suivant les usages du temps, s'en remit au jugement de Dieu; il rendit une sentence qui condamnait la reine à être brûlée vive si elle ne prouvait en champ clos qu'elle était innocente du crime qui lui était imputé. Cette décision mettait la reine dans la position la plus critique. Bien des chevaliers croyaient à son innocence, mais aucun n'osait se déclarer son champion. Ils étaient éloignés par le rang et par le caractère des accusateurs qui étaient les propres enfants du roi.

Sancho le Grand avait eu de sa femme trois fils: Garcia, Ferdinand et Gonzalo. Il avait eu aussi hors mariage d'une dame d'Eybar, que les uns appellent Urraca, et les autres Caya, un bâtard nommé don Ramire. Ce jeune prince fut touché de compassion en voyant l'extrémité à laquelle la reine était réduite, et ce fut lui qui ramassa le gage de bataille jeté par les accusateurs. Cependant, ce combat impie de frère contre frère n'eut pas lieu. Un saint personnage ayant reçu de Garcia l'aveu de sa perfidie, le détermina, par de sages exhortations, à l'avouer en public. Garcia et Ferdinand se jetè

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rent aux pieds de Sancho et de la reine pour leur demander pardon. La faute de Ferdinand était excusable; il avait été entraîné par la foi qu'il avait eue dans son frère aîné; mais celle de Garcia était bien plus grave. Aussi la reine ne voulut-elle pas qu'il héritât des États qu'elle avait apportés à son mari, ni de ceux qui lui avaient été constitués en douaire. Le partage des biens de Sancho le Grand fut donc réglé d'avance, et de la manière suivante Ferdinand eut la Castille, qui n'était encore qu'un comté; Gonzalo, le plus jeune, eut le royaume de Sobrarbe; Garcia fut réduit au royaume de Navarre. Quant à l'Aragon, qui formait le douaire de la reine, il en fut disposé en faveur de don Ramire, son généreux défenseur. Toute cette histoire n'est peut-être pas très-authentique; mais si les causes de ce partage ne sont pas celles que rapportent les chroniqueurs, au moins est-il certain que par la suite la succession de Sancho fut divisée de cette manière. Au reste, à l'époque où nous sommes arrivés, Sancho le Grand régnait encore, et non content d'être le souverain le plus puissant de la Péninsule, il travaillait encore à étendre ses domaines; aussi, des contestations ne tardèrent-elles pas à s'élever entre lui et le roi de Léon relativement aux limites de leurs États.

Un jour que Sancho le Grand poursuivait un sanglier, cet animal, vivement pressé par la meute, chercha un asile dans les ruines d'une chapelle située dans l'endroit le plus fourré de la forêt. C'est là qu'il s'accula aux restes d'un autel pour faire tête aux chiens et aux veneurs. Sans respect pour l'endroit saint où le sanglier s'était réfugié, Sancho leva l'épieu pour le frapper; mais son bras resta paralysé sans qu'il pût l'abaisser. Le roi comprit bien que c'était un châtiment que le ciel lui infligeait, parce qu'il avait manqué de respect pour le lieu saint. Plein de repentir, il adressa ses prières à saint Antoine, dont l'image se voyait encore sur l'autel, et il obtint aussitôt que son bras recouvrât

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le mouvement. Pour perpétuer le souvenir de ce double miracle, il fit vœu de relever la chapelle de saint Antoine, et ayant appris que la ville de Palencia, entièrement détruite par les guerres, avait autrefois existé en cet endroit, il résolut de la relever, et il chargea l'évêque d'Oviédo de surveiller ces constructions.

Cependant, le roi don Bermude voulut s'opposer à ces travaux. Il prétendait que cette place était dans ses domaines, qu'il n'était pas permis au roi Sancho d'y élever une ville. Celuici, au contraire, soutenait que ce territoire avait toujours fait partie du comté de Castille. Tout en laissant de côté la cause miraculeuse attribuée par les chroniqueurs à la reconstruction de Palencia, il est fort probable que les travaux entrepris pour relever cette ville amenèrent une guerre entre les deux États. Sancho le Grand entra avec son armée dans le royaume de Bermude, et s'empara de tout le pays qui s'étend depuis la rivière de Pisuerga jusqu'à celle de Cea. Bermude, pris au dépourvu, et trop faible pour résister à Sancho le Grand, se retira en Galice pour rassembler de nouvelles troupes. Sancho continua ses conquêtes. Il s'avança jusqu'à Astorga, qu'il emporta sans beaucoup de peine.

L'année suivante, Bermude ayant rassemblé une armée, s'avança pour reprendre les terres qui lui avaient été enlevées. Sancho, de son côté, conduisit à sa rencontre des troupes nombreuses. Les armées étaient en présence quand les évêques qui se trouvaient dans les deux camps parvinrent à ménager un accommodement. On convint que don Bermude donnerait sa sœur, doña Sancha, en mariage à Ferdinand, second fils de Sancho le Grand; que Sancho abandonnerait immédiatement à Ferdinand le comté de Castille, qui serait érigé en royaume, et que, de son côté, don Bermude donnerait pour dot à sa sœur toutes les terres qui lui avaient été enlevées depuis la Pisuerga jusqu'à la Cea. C'est ainsi que la Castille, d'abord simple comté relevant du royaume

de Léon, devint, sous Fernan Gonzalès, un Etat indépendant, que, sous Ferdinand, elle fut érigée en royaume, et qu'elle était destinée par la suite à absorber toutes les autres souverainetés de la Péninsule.

Le roi Sancho ne survécut que de trois années à cet arrangement. Il mourut en 1035. Mariana dit qu'il fut assassiné sur la route d'Oviedo, où il se rendait pour visiter les reliques des saints; mais les historiens ne font pas connaître le nom de ses assassins, et ne signalent aucune des circonstances de sa mort. Ce prince se montra vaillant guerrier, habile politique. Il fut à la fois maître de presque tous les États chrétiens de la Péninsule, et, sans la faute qu'il commit de les partager entre ses enfants, on doit croire que les Maures eussent été chassés d'Espagne quelques siècles plus tôt. Il voulut laisser une couronne royale à chacun de ses quatre fils. Cela peut être le désir et le calcul d'un excellent père; mais c'est incontestablement l'acte d'un mauvais souverain. Ce partage fut d'autant plus préjudiciable aux intérêts des chrétiens, que la puissance musulmane était alors divisée en une foule de petits États, jaloux les uns des autres, divisés entre eux d'intérêts et d'affections. Chaque ville formait un royaume. Quelque personnage puissant s'y était emparé du titre et de l'autorité de roi, et il y avait autant de dynasties royales qu'il y avait de cités. Nous citerons douze de ces petits royaumes, et nous ne les aurons pas nommés tous. Il y avait des rois de Denia et des Baléares, de Valence, de Tolède, d'Albaracin, de Séville, de Murcie, d'Almérie, de Saragosse, de Malaga, de Cordoue, de Badajoz et de Grenade.

Valence avait pour souverain Abdel-Azis, fils de cet Abd-el-Rahman qui avait eu pour père le célebre Mohammed-al-Manzor, et qui avait été mis à mort par El-Mahadi. Nous avons déjà parlé de Dzi-el-Noun. Ce chef avait, on se le rappelle, aidé Wadah, le hadjeb d'Hescham 11, à chasser de Tolède Obeïd-Allah, fils du calife Mohammed-el-Mahadi. Le gouvernement

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