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gueur, Taschfyn avait formé le projet de se rendre en Espagne. Il avait profité de l'obscurité de la nuit pour sortir de la ville. Il avait suivi le bord de la mer, afin de gagner le port où il comptait s'embarquer. Mais soit qu'ayant l'esprit préoccupé il n'ait pas fait attention au chemin qu'il suivait, soit que l'obscurité de la nuit l'ait empêché d'apercevoir un ravin qui barrait sa route, il y roula avec son cheval, et le lendemain on y retrouva son cadavre. Dès que les Almoravides connurent la mort de leur prince, ils proclamèrent pour roi son fils AbuIsak-Ibrahim. Mais ce jeune prince fut bientôt assiégé par Abd-el-Moumen dans la ville de Maroc. Les habitants ne tardèrent pas à être réduits à la plus affreuse famine; cependant ils se défendaient courageusement. Enfin, le 18 sjawal 541 (23 mars 1147), la ville fut prise, tous les habitants furent passés au fil de l'épée ou réduits en esclavage, et le dernier des souverains almoravides, Abu-Isak-Ibrahim, tomba sous le tranchant du glaive.

Ces derniers événements n'étaient pas encore accomplis, lorsque BenQuosay écrivit à Abd-el-Moumen, pour lui apprendre comment il avait enlevé la plus belle partie de l'Algarbe aux Almoravides, qu'il traitait d'hérétiques et de mauvais musulmans. Il l'engageait à venir établir sa souveraineté en Espagne. Le chef des Almobades lui répondit dans le courant de la seconde lune de rabia 540 ( du 21 septembre au 20 octobre 1145), le nomma gouverneur de l'Algarbe, et aussitôt il se mit en mesure de passer dans la Péninsule. Il réunit promptement une armée de dix mille hommes de cavalerie et de vingt mille fantassins, en confia le commandement à Abu-Amrân-Muza-ben-Saïd. Ce fut le premier corps d'Almohades qui vint en Espagne. Il debarqua sur la côte d'Algeciraz, dans le courant du mois de dsuhassia 540 (du 15 mai au 12 juin 1146 ).

DES QUATRE PARTIS PRINCIPAUX QUI SE PARTAGEAIENT L'ESPAGNE MUSULMANE. ALLIANCE DE BEN-GANIA AVEC LES CHRÉTIENS.

PRISE DE CORDOUE PAR LES CHRÉTIENS. - PRISE DE Séville par leS ALMOHADES. -PRISE DE CALATRAVA ET D'ALMÉRIE PAR LES CHRÉTIENS. -LES ALMOHADES REPRENNENT CORDOUE. LE CORAN D'OTHMAN EST ENVOYÉ AU CHEF DES ALMOHADES.

- MORT DE ZACHARIA BEN-GANIA, — ALPHONSE VII Assiége de noUVEAU CORDOUE, - DES DIFFÉRENTES FEMMES DE L'EMPEREUR ALPHONSE. PARTAGE DE SES ÉTATS. LE PORTUGAL FORME UN ROYAUME SÉPARÉ. MORT DU ROI GARCIA DE NAVARRE. MORT DE L'EMPEREUR ALPHONSE. LES ALMOHADES REPRENNENT ALMÉ

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RIE. ILS PRENNENT GRENADE.LES DERNIERS DÉBRIS DES ALMORAVIDES SE RETIRENT A MAYORQUE.

Les Almohades venaient former un nouveau parti au milieu des partis nombreux qui déjà se disputaient les dépouilles des Almoravides; mais ils ne purent pas, comme le vainqueur de Zalaca, signaler leur entrée dans la Peninsule par une victoire éclatante. Ils ne purent pas, comme l'avait fait Youssouf, se substituer immédiatement à tous les petits souverains qui s'étaient partagé le pays. Ils n'abattirent pas toutes les factions, seulement ils s'élevèrent un peu au-dessus des autres. Cependant, dès les premiers jours de leur arrivée, ils avaient vu Ben Quosay et Sidi-Ray se joindre à eux. Algeciraz s'était rendue après un siége de quelques jours; Xérès leur avait ouvert ses portes; Gibraltar avait suivi cet exemple. La partie occidentale de l'Espagne musulmane se trouvait donc en leur pouvoir; il n'en était pas de même dans la partie orientale. La mort de Seif-al-Dawlah avait, à la vérité, fait disparaître la faction de ce chef; mais ses Etats s'étaient partagés entre la faction de Ben-Hamdain de Cordoue et celle de Ben-Ayad de Valence. Ce dernier, ayant été tué dans une expédition contre les chrétiens, avait été remplacé par Abu-Abd-Allah-Mohammed-ben-Saïd (*). Le qua

(*) C'est celui que Ferreras appelle Mohamet-Aben-Zat, ou le roi Loup.

trième parti qui disputait la possession du pays était celui de Zachariaben-Gania. Il avait pour lui tout ce qui restait des Almoravides. Il Occupait encore les environs de Séville et de Cordoue; mais il ne se sentait pas assez fort pour résister aux Almohades; il n'avait aucun secours à espérer de l'Afrique, où la puissance des Almoravides n'existait plus. Les chrétiens pouvaient seuls lui prêter un appui efficace il réclama donc leur alliance. L'empereur Alphonse lui envoya des troupes, et ses guerriers, unis aux Almoravides, après avoir enlevé Andujar et Baëza, allèrent attaquer Cordoue qui etait occupée par la faction de Ben-Hamdain. Pendant ce temps, les Almohades s'avançaient de leur côté ils mettaient le siége devant Séville, en sorte que les deux villes les plus importantes de l'Andalousie se trouvèrent attaquées en même temps par deux armées qui, bien qu'ennemies l'une de l'autre et sépa rées seulement par une distance de vingt-deux lieues, ne cherchèrent pas à se livrer bataille et se laissèrent tranquillement achever les sièges qu'elles avaient entrepris. Les Almohades entrerent dans Séville le 12 de sjaban 541 de l'hégire (17 janvier 1147); vers la fin du même mois, les chrétiens prirent Cordoue, et Raymond, archevêque de Tolède, consacra la mosquee au vrai Dieu; mais ce fut une prise de possession trop précipitée. Malgré le désir qu'éprouvait l'empereur de conserver cette ville, il n'y était entré que comme allié de Ben-Gania, et il ne pouvait sans perfidie dépouiller celui-là même qu'il était venu défendre. Il se retira donc après que Ben-Gania se fut reconnu son vassal et lui eut juré fidélité sur le Coran. C'est sans doute à l'occasion de ce serment que les historiens arabes ont dit que la copie du Coran, écrite de la main d'Othman, apportée à Cordoue par Abd-el-Rahman-ElDaghel, avait été profanée par les chrétiens. Alphonse ne conserva pas Cordoue; mais pour s'indemniser des frais de la guerre il garda Baëza, dont 18 Livraison. (ESPAGNE.)

la défense fut confiée au comte Manrique.

L'empereur ne borna pas là ses conquêtes. On se rappelle qu'il existait chez les musulmans d'Espagne une association de guerriers qui prenaient le nom de rabits (ermites) (*). Ils se consacraient à l'état des armes. Leurs seules occupations étaient de prier Dieu et de combattre les chrétiens. L'antique ville d'Oretum, qui a pris d'eux le nom de Calatrava (Calat-Rabit, la hauteur des Ermites), leur servait de principale retraite. C'est de là qu'ils partaient pour aller faire des courses dans le royaume de Tolède. L'empereur Alphonse s'empara de cette ville dans le courant de 1147. Après avoir délivré ses États des incursions de ces pirates de terre, il résolut de faire le siége d'Almérie. Le port de cette ville servait de retraite à une foule de corsaires musulmans qui exerçaient des ravages continuels sur les côtes de la Catalogne, de la France et de l'Italie. Avec le concours de la Navarre et de l'Aragon, il alla placer son camp sous les murs de cette ville. Une flotte puissante, formée de vaisseaux fournis par le comte de Barcelone, par celui de Montpellier, par les républiques de Pise et de Gênes, vint bloquer Almérie par mer. La ville, ainsi étroitement serrée de tous les côtés, se rendit le 17 octobre 1147 (20 sjumada prior 542 de l'hég.). Chaque année était signalée par quelque victoire des chrétiens. Le dernier jour de l'année 1148, le comte Ramon Berenger enleva Tortose aux musulmans. L'année suivante, il prit Lerida, et cette ville de Fraga rendue célèbre par la mort d'Alphouse le Batailleur.

Les Almohades, de leur côté, poursuivaient sans relâche ce qui restait des Almoravides. Ils avaient mis le siége devant Cordoue. Ben-Gania, vivement pressé, était sorti de la ville pour aller réclamer des secours de l'empereur Alphonse, dont il s'était reconnu le vassal. Il avait jusqu'à son retour laissé le commandement à l'un

(*) Voir fol. 220.

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de ses lieutenants nommé Yahya-benAasa. Celui-ci ne défendit la place que pendant peu de jours, et il capitula sous la condition que les Almoravides se retireraient librement à Carmona. Les Almohades entrèrent donc à Cordoue, et leur chef envoya en Afrique le Coran copié par Othman, comme le plus bean present qu'il put offrir à Abd-el-Mounen. Ce prince dépensa, dit on, des sommes enormes pour le couvrir d'ornements. On le conservait dans une caisse de bois de senteur, recouverte de lames d'or. Des rubis, des émeraudes y formaient d'élégants dessins. Au milieu de chaque lame se trouvait un rubis taillé comme une fleur du tussilage, et de grandeur naturelle. La couverture du livre était d'une étoffe de soie verte, brochée d'or, semée d'émeraudes, de rubis et d'autres pierres d'une valeur inestimable. Le tout était enveloppé dans du drap d'or, brodé de perles fines. Les Ommiades d'Espagne et les princes qui leur avaient succédé sur le trône de Cordoue s'étaient plu à décorer ce livre de tout ce qu'il y a de plus précieux. Lorsque Abd-el-Moumen allait à la guerre, ou lorsqu'il montait à cheval pour quelque grande cérémonie, il faisait porter cette châsse devant lui, sur une riche litière, aux côtés de laquelle on tenait quatre étendards.

Après cette conquête, les Almohades s'emparèrent de Carmona, puis ils entrerent dans le royaume de Jaën. Zacharia-ben-Gania, ayant pour auxiliaire un corps de chevaliers chrétiens, commandés par le comte Manrique, marcha au-devant des Almohades. Son lieutenant Yahya-ben-Aasa, peut-être pour s'excuser de n'avoir pas mieux défendu Cordoue, vantait à toute occasion la valeur et l'adresse des guerriers almohades, et par ses paroles jetait le découragement dans l'armée. Ben-Gania, regardant comme une trahison ces éloges donnés à ses ennemis, tira son cimeterre, et d'un seul coup il lui abattit la tête. «Voila, dit-il, ce que j'aurais dû faire au lieu de te confier la défense de Cordoue. »> Après

plusieurs escarmouches, où l'avantage fut indécis, les armées se livrèrent bataille dans la campagne de Grenade, le vendredi 28 sjaban 543 (11 janvier 1149) (*). La victoire fut courageusement disputée; mais, dans le combat, Zacharia-ben-Gania tomba mortellement frappé de plusieurs coups de lance. Sa perte fut vivement sentie par toute son armée, car il était un brave capitaine; c'était lui qui avait gagné, contre Alphonse le Batailleur, la bataille de Fraga. Il fut en Espagne le dernier des généraux almoravides, car ceux qui prirent le commandement après lui méritent à peine d'être cités.

L'année suivante 1150, l'empereur Alphonse entra dans l'Andalousie, et, bien qu'il connût la mort de Ben Gania son allié, il se déclara le protecteur de la cause des Almoravides. A la tête d'une nombreuse armée, il alla mettre le siége devant Cordoue. Néanmoins, il ne put entrer dans la ville, et, comme la mauvaise saison arrivait, il se retira en saccageant le pays. Il entra dans Jaën qu'il livra au pillage.

L'année même de cette expédition d'Alphonse contre les Almohades, le roi de Navarre, don Garcia, étant à la chasse, dans les environs de Lorca, le jeudi 21 novembre 1150, veille de la Sainte-Cécile, fit une chute de cheval dont il mourut. Il eut pour successeur son fils Sancho. Il laissait aussi deux filles Marguerite qui fut mariée à Guillaume, roi de Sicile, surnommé le Mauvais; Blanche, dont l'union avec le fils aîné de l'empereur fut célébrée le 4 février suivant. L'empereur Alphonse avait été marié, en 1128, à doña Berenguela, sœur du comte de Barcelone, Ramon Berenger IV. Cette princesse était morte après vingt et un ans de mariage, laissant deux fils, Sancho et Ferdinand; elle avait eu d'autres enfants qui paraissent être morts en bas âge. Elle avait aussi deux filles : doña Sancha qui épousa, en 1153, le roi de Navarre Sancho. L'autre se nommait, suivant quelques auteurs,

(*) Suivant d'autres auteurs, le jeudi 10 sjaban 543 (24 décembre 1148).

Constance; suivant d'autres, Isabel ou Élisabeth, et probablement elle portait ces deux noms. En 1155, le roi de France, Louis le Jeune, ayant répudié sa femme Éléonore, qui ne lui avait pas donné d'enfants mâles, demanda la main de la seconde fille de l'empereur. Elle lui fut accordée, et, dans le cours de l'année suivante, Louis le Jeune fit avec sa femme un pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle. A son retour, il passa par Tolède, où son beau-père le reçut avec magnificence.

A cette époque, l'empereur Alphonse était remarié; il avait épousé doña Rica, fille de Ladislas II de Pologne. Il en avait une fille nommée Sancha, qui dès sa naissance avait été fiancée au jeune fils de la reine Pétronille d'Aragon et du comte Ramon Berenger.

Avant de se remarier avec doña Rica, à une date que les historiens ne peuvent déterminer d'une manière bien certaine, l'empereur Alphonse avait fait entre ses deux fils le partage de ses États. L'aîné, Sancho, fut reconnu comme devant lui succéder dans les royaumes de Tolède, de Castille et de Biscaye. Ferdinand, le plus jeune, eut le royaume de Léon, la Galice et les Asturies.

On a peine à s'expliquer la persistance avec laquelle les abus se perpétuent. Il semble que les leçons de l'expérience n'auraient pas dû être perdues pour un prince aussi éclairé que l'était Alphonse VII, et qu'il aurait dû apprendre, par l'exemple de ses prédécesseurs, combien de semblables partages sont nuisibles à la puissance des États et au bonheur des peuples. Ce morcellement des États laissés par Alphonse le Brave devait paraître d'autant plus sensible, que déjà le Portugal s'en était séparé pour former un royaume indépendant. Cette partie de ses domaines avait été donnée par Alphonse le Brave, seulement à titre de comté relevant de sa couronne, à don Henri de Bourgogne, mari de sa fille Thérèse. Ce comte de Portugal était mort en 1112 à Astorga, où il avait été au secours de la reine Urraca,

attaquée par Alphonse le Batailleur. Son fils don Alphonse Enriquez profita des embarras qui accompagnèrent les commencements du règne d'Alphonse VII, pour se rendre indépendant. Il eut assez de bonheur pour repousser les troupes envoyées contre lui, et, lors d'une victoire qu'il remporta sur les musulmans, il fut salué par son armée du titre de roi (*).

Tant que l'empereur vécut, cette diminution de force ne fut pas sensible. Alphonse était à lui seul plus puissant que chacun des autres princes de la Péninsule; et, s'il avait de son vivant donné à ses fils le titre de rois de Léon et de Castille, il conserva seul en réalité la souveraineté de ces États. Il fit donc encore plusieurs incursions dans le pays des musulmans. En 1147, les Almohades ayant réuni un grand nombre de troupes, Alphonse de son côté rassembla son armée; il entra en Andalousie, livra bataille aux ennemis et les vainquit. Puis, se sentant sans doute atteint de la maladie qui devait l'enlever, il laissa une partie de l'armée à son fils Sancho, pour qu'il recueillit les fruits de la victoire, et, à la tête du reste des troupes, il se mit en marche pour rentrer en Castille. Près du port de Muradal, dans un lieu appelé Fresnada, il se trouva si mal qu'il s'arrêta sous un chêne et voulut qu'on y plantat sa tente. Après avoir recu les derniers sacrements de la main de l'archevêque de Tolède qui l'accompagnait, il mourut le 21 août 1157, âgé de cinquante et un ans cing mois et vingt et un jours. Il fut regretté de tous ses sujets; car, s'il gagna par sa bravoure le cœur de ses soldats, il mérita l'amour du peuple en faisant respecter les personnes et les

(*) Tout ce qui concerne le Portugal doit faire la matière d'un autre volume, qui doit être écrit par M. Ferdinand Denis, si savant dans tout ce qui touche la littérature et l'histoire de ce pays. Nous ne rapporte rons donc que les faits liés à l'histoire d'Espagne d'une manière trop intime pour qu'il soit possible de les passer sous silence.

propriétés, en protégeant les bourgeois et les laboureurs contre les gens de guerre naturellement enclins au pillage et à la violence. On raconte que, dans les premières années de son règne, un guerrier de sang noble, un de ceux qu'en Espagne on appelle ordinairement infançons, se confiant en ce que son manoir, situé au fond de la Galice, se trouvait éloigné de la résidence du roi, et en ce qu'on vivait dans des temps de trouble, s'empara de la propriété d'un laboureur. Engagé, par le gouverneur de la province à restituer ce qu'il avait usurpé, il ne tint nul compte de cet avertissement. Le roi dissimula pendant quelque temps; puis il partit secrètement pour la Galice, se déguisa pour faire la route, afin qu'on ne pût être averti de sa venue; et, dès qu'il fut arrivé, il fit subitement investir le château de l'infançon. Celui-ci, qui n'était pas préparé à se défendre, essaya inutilement de fuir. Il fut arrêté, fut pendu à la porte de son manoir, et cet exemple de sévérité apprit au peuple qu'il pouvait compter sur la justice de son roi.

Alphonse ne fut pas plutôt mort que les musulmans reprirent courage. Ils recouvrèrent les villes d'Andujar et de Baëza. Depuis l'année 1152, ils avaient fait d'inutiles efforts pour reprendre Almérie. Ils la reconquirent dans l'année qui suivit la mort de l'empereur. Ce qui restait d'Almoravides, privé de l'appui d'Alphonse, ne put résister longtemps à l'ascendant des Almohades. En l'année 557 de l'hégire (1161 de J. C.), Grenade fut prise par les troupes d'Abd-el-Moumen, et les derniers débris des Almoravides se retirèrent à Majorque où la prévoyance de Ben-Gania leur avait ménagé une retraite. Depuis la bataille de Zalaca, qui avait établi leur domination, jusqu'à la prise de Grenade, il ne s'était écoulé que les trois quarts d'un siècle, et cette puissance, si redoutable à son début, s'évanouit comme elle s'était formée, à la voix d'un fourbe ou d'un fanatique.

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Après la mort de l'empereur Alphonse, don Sancho et don Ferdinand se mirent en possession des États qu'il avait assignés à chacun d'eux. Ferdinand eut la Galice, les Asturies et le royaume de Léon. Sancho, qui était l'aîné, eut la Castille avec le royaume de Tolède et la Rioja. Héritiers des qualités de leur père, ils eurent tous les deux les qualités qui font un bon administrateur pendant la paix; réunies aux talents d'un homme de guerre. Cependant, Sancho était d'un caractère plus doux et plus affable; et lorsqu'une fin prématurée vint l'enlever à l'amour de ses sujets, le peuple lui donna le surnom de Sancho le Regretté (el Deseado). Don Ferdinand, au contraire, était d'un naturel soupçonneux; et comme il se méfiait de son frère, aussitôt qu'il connut la mort d'Alphonse, et avant même que les derniers honneurs lui eussent été rendus, il courut à Léon pour prendre possession de son royaume, tandis que don Sancho s'empressait de se rendre à Fresnada avec les grands et les prélats. Ce fut celui-ci qui fit porter en grande pompe le corps d'Alphonse à Tolede, et qui le fit ensevelir dans la cathédrale de cette ville.

Sancho Garcez, qui était alors roi de Navarre, et auquel son érudition a fait donner le surnom de savant, voyant les États d'Alphonse morcelés, crut que l'occasion était favorable pour recouvrer la Rioja, qui, depuis le partage fait par Sancho le Grand, n'avait cessé d'être un sujet de contestation entre la Navarre et la Castille, et de laquelle Alphonse l'empereur s'était

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