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aussi de marier le jeune roi de Castille, qui épousa, au mois de septembre suivant, Léonore, fille de Henri II d'Angleterre et de Léonore d'Aquitaine. Une étroite alliance existait entre Alphonse d'Aragon et le roi Henri II d'Angleterre, qui avait été désigné par Ramon Berenguer pour tuteur de ses enfants. Ce mariage fut donc une raison pour accroître encore la bonne harmonie entre Alphonse de Castille et Alphonse d'Aragon. Une foule de rapports tendaient à rapprocher ces jeunes princes: ils portaient le même nom, avaient à peu près le même âge et avaient des intérêts semblables. Tous deux avaient à se plaindre du roi de Navarre ils formèrent donc une ligue contre ce souverain, et se donnèrent respectivement des places de sûreté.

Il serait trop long de rapporter ici les troubles que causèrent encore dans le royaume les haines des Castro et des Lara, ou les guerres qui eurent lieu entre la Navarre, l'Aragon et la Castille. Il est un fait cependant qui mérite d'être cité, pour prouver combien à cette époque la mémoire du Cid exerçait encore d'influence. Dans une des nombreuses incursions que le roi de Navarre fit dans la vieille Castille, il pénétra jusqu'aux environs d'Atapuerca, et il s'en retournait chargé de butin, quand l'abbé de San Pedro de Cardeña, touché par les larmes des pauvres gens dont son armée emmenait les troupeaux et emportait toute la fortune, s'efforca de le rejoindre. Il lui dit qu'il n'était pas juste de faire retomber sur de malheureux laboureurs les maux de la guerre que se faisaient les rois. Il le supplia de faire rendre à ces infortunés ce qui leur avait été enlevé. L'abbé, gardien du tombeau du Cid, avait fait porter devant lui l'étendard de ce guerrier. Le roi, plein de vénération pour cette glorieuse bannière, ordonna de resti tuer aux laboureurs ce qui leur avait été pris. Les marques de son respect ne se bornèrent pas là: il voulut reconduire lui-même ceux qui la portaient, et les escorter jusqu'à l'endroit où elle restait ordinairement déposée.

Lorsque ces querelles entre les rois chrétiens étaient pendant quelque temps suspendues, alors ils en profitaient pour combattre leur ennemi commun : ils tournaient leurs armes contre les musulmans. C'est ainsi qu'Alphonse VIII fit la conquête de Cuenca, tandis que, de leur côté, Alphonse d'Aragon et Ferdinand de Léon leur enlevaient plusieurs villes d'une moindre importance. Les Almohades de l'Andalousie, qui chaque jour se voyaient arracher quelque partie de leur territoire, réclamèrent l'assistance de leur souverain Youssouf-Abu-Yacob. Celui-ci fit en Espagne plusieurs expéditions, sans obtenir aucun avantage. Il ne pouvait en être autrement, car les Almohades n'avaient pas seulement à combattre les chrétiens, il fallait encore qu'ils fissent la guerre aux musulmans des royaumes de Valence et de Murcie, Youssouf-Abu-Yacob, dans le but de mettre un terme aux discordes qui divisaient les musulmans d'Espagne, résolut de contracter une alliance avec les Ben-Sad. Le roi de Valence, Mohammed-Ben-Sad, était mort dans le courant de 567 (1172). Il avait laissé pour successeurAbul-Hégiag-YoussoufBen-Mohammed-Ben-Sad. Il avait aussi laissé une fille, et, disent les auteurs arabes, en 570 (1174), l'émir Al-Moumenim-Youssouf-Abu-Yacob épousa la charmante fille de Mohammed-BenSad, sœur du souverain de l'Espagne orientale. Ce mariage fit cesser pour un instant les guerres que les musulmans se faisaient entre eux. Mais cette tranquillité passagère ne put leur rendre la supériorité sur les chrétiens. En 1184, Youssouf-Abu-Yacob dirigea lui-même une expédition en Portugal Il alla assiéger Santarem, et mourut. disent quelques auteurs, des blessures reçues dans un combat que les chré tiens lui livrèrent, sous les murailles de cette ville, le mardi 13 rabia posterior 580 (24 juillet 1184). Suivant les autres, il se noya pendant la retraite en traversant le Tage. Il eut pour successeur son fils Yacob-Ben-Youssouf, qui repassa précipitamment en Afrique pour y assurer sa domination.

Quatre années plus tard, mourut le roi Ferdinand de Léon. Ce prince ne fit rien dans le cours de sa vie qui puisse recommander sa mémoire à la postérité. Quelques auteurs jugent avec une grande sévérité la conduite qu'il a tenue pendant la minorité de son neveu; ils l'accusent d'avoir voulu en profiter pour s'emparer de la Castille. Si cette accusation ne nous paraît pas assez prouvée pour que nous nous y associions, les faits au moins la rendent assez probable pour que nous ne la combattions pas.

Ferdinand eut pour successeur son fils Alphonse IX. A peine sur le trône, ce jeune prince épousa Thereza, fille du roi de Portugal. Ce mariage fut déclaré illégitime par l'Église, à raison de la parenté qui existait entre les époux; et comme ils refusaient de se séparer, l'excommunication fut lancée contre eux et l'interdit fut mis sur le royaume. Il ne fut levé qu'en 1195, lorsque le roi renvoya doña Thereza en Portugal.

Les mêmes querelles qui avaient séparé Alphonse VIII et son oncle Ferdinand continuerent, sous le nouveau roi, à diviser les royaumes de Léon et de Castille. Cependant, en 1195, le danger commun et les préparatifs que faisait l'émir-al-moumenim, durent momentanément les réunir. Don Martin, archevêque de Tolède, entraîné par son zèle pour la religion, avait fait, à la tête de ses hommes d'armes, une irruption dans l'Andalousie; il avait mis le pays à feu et à sang et était revenu chargé de riches dépouilles. Les musulmans, pour tirer vengeance de cette agression, rassemblèreut tout ce qu'ils avaient d'hommes en état de porter les armes. La guerre sainte fut aussi prêchée en Afrique, et l'émir-al-moumenim-Yacob-Ben-Youssouf passa en Espagne avec une armée formidable. Alphonse de Castille, averti des préparatifs que faisaient les musulmans, demanda des secours au roi de Léon et au roi de Navarre, don Sanche, qui, depuis environ une année, avait succédé à son père don Sanche le Savant (el Sabio). Ces deux princes

promirent de lui amener des troupes. Fort de cette promesse et plein de confiance en l'armée qu'il conduisait, Alphonse VIII, sans attendre les se cours qu'on lui annonçait, marcha au devant des musulmans, qui avaien déjà passé la Sierra Morena, et vint camper en face d'eux, dans les environs d'Alarcos. Plusieurs des officiers du roi voyant combien l'armée musulmane était nombreuse, jugèrent qu'il était prudent d'attendre l'arrivée des troupes de Léon et de Navarre; les autres, au contraire, disaient que les attendre serait leur laisser une part dans l'honneur de la victoire et dans le riche butin qui devait en être le prix. Ils étaient d'avis qu'il fallait combattre à l'instant même. Ce conseil fut celui qui flatta davantage le courage du roi. Le mercredi 9 de sjaban 591 ( 19 juillet 1195), il rangea son armée en bataille. Sa cavalerie, composée en grande partie des religieux de Calatrava, de Saint-Jacques et de Saint-Julien, se précipita sur l'armée ennemie et parvint à pénétrer au milieu des masses épaisses qu'elle présentait. Mais là, entourée par des ennemis qui se renouvelaient sans cesse, elle fut accablée par le nombre et fut à son tour mise en déroute. Près de vingt mille chrétiens parmi lesquels on comptait presque tous les chevaliers des ordres religieux, restèrent sur le champ de bataille. Après la bataille, on amena à Yacob-Ben-Youssouf plusieurs milliers de prisonniers chrétiens, et ce prince, dans l'ivresse que lui inspirait sa victoire, les fit remettre en liberté sans exiger d'eux aucune rançon.

Les musulmans s'emparèrent aussitôt d'Alarcos, qu'ils ruinèrent entièrement. Ils reprirent Calatrava, puis ils entrèrent dans le royaume de Tolède. D'après Mariana, ils n'auraient pas dépassé la ville d'Yhanes, qui est à six lieues de Tolède. Suivant d'autres, ils s'avancèrent jusque sous les murailles de cette capitale. Mais la ville leur parut trop forte pour qu'ils osassent l'attaquer. Is passerent outre, et allèrent prendre Guadalajara, Talamanca, et ils s'en retournerent

à Séville, pour revenir l'année sui

vante.

Le roi de Castille se retira à Tolède avec les débris de son armée, tandis que les rois de Leon et de Navarre y arrivaient eux-mêmes à la tête des secours qu'ils avaient promis. Il paraît qu'Alphonse, aigri par sa défaite, répondit quelque mot piquant au reproche qu'ils lui faisaient de ne les avoir pas attendus pour livrer bataille. Ils se retirèrent aussitôt avec leurs troupes, et dès qu'ils furent arrivés chacun sur les frontières de leurs États, ils se mirent à courir et à ravager les terres de la Castille. Cette trahison irrita vivement Alphonse VIII. Après avoir pourvu à la sûreté des places qui pouvaient être attaquées par les musulmans, il rassembla des troupes pour aller mettre fin aux ravages de ses auxiliaires.

L'année suivante, Yacob-ben-Youssouf entra de nouveau dans le royaume de Tolède; mais Alphonse trouva le moyen de se défendre contre les musulmans, et de faire en même temps avec avantage la guerre au roi de Léon. L'émir Yacob-ben-Youssouf, fatigué de ne pouvoir enlever aucune des villes qu'il avait attaquées, et d'ailleurs rappelé en Afrique par des révoltes qui menaçaient sa couronne, conclut avec les chrétiens une trêve de dix années, et repassa la mer. Ainsi, cette funeste journée d'Alarcos, l'échec le plus désastreux que les armes chrétiennes eussent essuyé en Espagne depuis la défaite de Zalaca, n'aboutit qu'à la prise de quelques places, et ne consolida ni en Espagne ni en Afrique la domination des Almohades.

Dès qu'Alphonse VIII se vit libre de ce côté, il se jeta sur le royaume de Léon. Alphonse IX s'avança pour le combattre, et les deux princes étaient sur le point d'en venir aux mains, lorsque les prélats qui se trouvaient dans les deux armées, s'entremirent pour amener la paix. L'avis de tout le monde fut que le meilleur moyen de la rendre durable était de donner pour épouse dona Berenguela, fiile aînée du roi Alphonse VIII, au roi de Léon,

dont le premier mariage avec Thereza de Portugal, sa cousine, avait été annulé. Sans s'arrêter au lien de parenté qui existait entre Alphonse IX et dona Berenguela, et qui était presque au même degré que celui qui l'unissait à sa première femme (*), on conclut ce mariage, qui, plus tard, fut aussi condamné par l'Église, mais dont cependant naquit le roi saint Ferdinand.

Dona Berenguela n'était pas la seule des filles d'Alphonse VIII à laquelle le ciel réservât le bonheur d'enfanter un saint roi. En l'année 1200, la mère de la reine de Castille, Léonore d'Aquitaine, qui avait été mariée en premiè res noces à Louis le Jeune, roi de France, et ensuite à Henri II d'Angleterre, dont elle était yeuve, vint demander une de ses petites-filles en mariage pour le fils de Philippe-Auguste. Ce fut Blanche de Castille qui lui fut accordée, et qu'elle conduisit ellemême en France. Cette seconde fille d'Alphonse VIII fut mère de saint Louis.

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PEDRO II EST COURONNÉ PAR LE PAPE. — MARIAGE DE DON PEDRO AVEC MARIE DE MONTPELLIER.—NAISSANCE DE DON JAYME MORT DE DON PEDRO BATAILLE DES NAVAS

LE CONQUÉRANT.

LE CATHOLIQUE.
DE TOLOSA. — ORIGINE DES CHAÎNES DANS
LES ARMES DE NAVARRE,

Le roi Alphonse second d'Aragon mourut le 25 avril 1196. Il avait été fiancé dès sa plus grande jeunesse à Sancha, fille d'Alphonse l'empereur et de l'impératrice Rica. Queiques differends qui s'élevèrent entre lui et Alphonse VIII le déterminèrent, pendant quelque temps, à renoncer à l'i

(*) Alphonse IX: 1° Urraca, sa inère; 2o Alphonse Enriquez, son aïeul maternel; 3° Dom Sancho de Portugal, son oncle maternel; 4° Dona Thereza, sa cousine germaine, sa première femme.

1° Ferdinand, son père; 2o Alphonse, l'empereur, son aïeul paternel; 3° don Sancho le Regretté, son oncle paternel; 4° Alphonse VIII, son cousin germain; 50 dona Berenguela, sa cousine issue de germain.

dée de réaliser cette union. Il envoya même des ambassadeurs à Constantinople pour demander une des filles de l'empereur d'Orient; mais, pendant que ses ambassadeurs étaient en route, ces difficultés s'aplanirent, et quand ils revinrent, ils le trouvèrent marié. Alphonse II donna un exemple rare, je ne veux pas dire de notre temps, mais à l'époque où il vivait. Il resta fidèle à la reine, ce qui lui mérita le nom d'Alphonse le Chaste. Il eut de son mariage quatre fils, don Pedro, qui fut son successeur, Alphonse, Sancho et Ferdinand. Il eut aussi quatre filles: Constance, mariée au roi de Hongrie, Éléonore et Sancha, qui épousèrent des comtes de Toulouse, et Dulce, qui se consacra au service de Dieu.

Au commencement de son règne, don Pedro II, surnommé le Catholique, fit le voyage de Rome, où il fut accueilli avec magnificence par le pape Innocent III. Il y reçut l'onction sainte dans l'église de Saint-Pancrace, et le souverain pontife le couronna de sa propre main. Les auteurs catalans rapportent à cet égard une histoire assez bizarre. Ils disent que le roi ayant été prévenu que l'usage des papes était de poser avec leurs pieds le diadème sur la tête de ceux qu'ils couronnaient, voulut éviter qu'Innocent III n'en agit avec lui de cette manière. Il imagina de faire construire sa couronne en pain azyme, et la fit orner des pierres les plus precieuses, afin que le pape, arrêté par la fragilité de la matière, fût obligé de prendre la couronne avec ses mains. On ne sait guère ce qui peut avoir donné lieu à cette tradition racontée sérieusement par le grave Blancas; ce qui est certain, c'est que, pour prix de la condescendance que le pape avait eue de le couronner, don Pedro lui fit hommage de son royaume, et s'engagea à lui payer un tribut annuel. Mais la constitution aragonaise ne laissait pas au souverain le droit de disposer de la fortune publique. Dans les cortès de Huesca, les représentants du pays attaquèrent l'engagement pris par le roi,

le déclarèrent nul, et le tribut ne fut pas payé.

Don Pedro eut pour première femme la nièce du comte de Forcalquier, qui lui donna un fils nommé Ramon Berenguer; mais cet enfant mourut en bas âge, et sa mère ne lui survécut que peu de temps. Alors don Pedro épousa Marie, fille de Guillaume, seigneur de Montpellier. Le récit de ces secondes noces ressemble à une intrigue de comédie (*), bien plus qu'à de l'histoire, et cependant les circonstances en sont attestées par les auteurs les plus sérieux, justifiées par les pièces les plus irrécusables. Don Pedro conçut pour la nouvelle reine une aversion si violente qu'il refusa de consommer le mariage, et qu'il se pourvut auprès de la cour de Rome pour le faire annuler. Il prétendait que Marie de Montpellier était sa cousine, et que d'ailleurs elle était déjà mariée quand il l'avait épousée. La reine répondait qu'à la vérité, lorsqu'elle était encore tres-jeune, elle avait été mariée au comte de Comminge; mais que ce mariage avait été considéré comme nul, parce que le comte de Comminge était son parent, et qu'en outre, au moment où cette union avait été contractee, le comte de Comminge avait déjà deux épouses vivantes Guillelma, fille d'Arnauld de la Barca, et l'autre, Beatrix, fille du comte de Bigorre.

Le pape décida que le mariage de don Pedro devait être maintenu, et l'on trouve dans Zurita le bref qui fut expédié à cette occasion. Si l'Église pouvait déclarer indissoluble le lien qui unissait les deux époux, elle était sans action pour contraindre le roi à exercer tous les droits que lui donnait sa qualité de mari. Malgré les représentations que lui avaient adressées à cet égard les seigneurs aragonais, il disait que jamais la reine ne serait mère de l'héritier de la cou

(*) Cette histoire a en effet fourni à Calderon de la Barca une de ses plus jolies comédies; c'est celle intitulée: Gustos y disgustos no son mas que imaginacion.

ronne; il refusait d'habiter avec elle, et tandis qu'elle demeurait au château de Mirevaux, dans les environs de Montpellier, don Pedro séjournait où les soins de la royauté, où les plaisirs l'appelaient. Un jour qu'il était venu à Lates, près de Montpellier, pour se livrer au plaisir de la chasse, un riche homme d'Aragon, nommé Guillelm d'Alcala, parvint à le conduire à Mirevaux en lui faisant espérer qu'il y serait accueilli par une dame. dont il était amoureux. A cette dame, qui devait le recevoir dans l'obscurité, on substitua la reine. Le lendemain, quand le roi reconnut son erreur, iĺ s'emporta. Il jura qu'il re se laisserait plus prendre à un semblable piége. Mais sa colère ne servit de rien. Des témoins, choisis parmi les grands du royaume, avaient constate le rapprochement des époux. Marie de Montpellier devint enceinte, et accoucha d'un fils la veille de la Purification, 1er février 1208. Elle le fit aussitôt présenter à l'église de Sainte-Marie de Montpellier, et, pour déterminer le nom qu'elle lui donnerait, elle fit prendre douze cierges du même poids et de la même grosseur, à chacun desquels elle attacha le nom de l'un des douze apôtres. Celui qui dura le plus longtemps fut celui de saint Jacques; c'est pour cela qu'elle appela son fils Jacques, ou, en idiome catalan, Jacme et Jayme.

Don Pedro, souverain de Montpellier et d'une partie de la Gaule narbonnaise, devait être inévitablement appelé à jouer un rôle dans ces guerres déplorables que l'hérésie des Albigeois et le fanatisme de saint Dominique avaient allumées. Raymond, comte de Toulouse, qui avait épousé Éléonore, l'une des sœurs du roi d'Aragon, avait été excommunié, et Montfort, à la tête d'une armée de fanatiques, s'était chargé de le dépouiller de ses Etats. Don Pedro, guidé par un sentiment de justice et révolté par la barbarie des agresseurs, prit parti pour son beau-frère. Il entra dans la Gaule narbonnaise à la tête de son armée, et vint mettre le siége devant le

château de Muret, où il fut tué, Te 14 septembre 1213.

L'année précédente, en 1212, s'était passé un des faits les plus célèbres de l'histoire espagnole; et quoique don Pedro d'Aragon n'y ait pas joué le premier rôle, il est juste, cependant, de lui rendre la part d'honneur qui lui appartient. On se rappelle qu'à la suite du désastre d'Alarcos une trêve de dix années avait été conclue avec le prince des Almohades, Yacoub-benYoussouf. Ce souverain était mort en Afrique, dans la soirée du jeudi 21 rabia prior de l'année 595 (mercredi 20 janvier 1199). Il avait eu pour successeur son tils Mohammed AbuAbd-Allah, que la flatterie a ait décoré chez les Arabes du titre glorieux de al-Nassr-Leddin-Allah, le soutien de la loi de Dieu, et que la couleur verte de son turban avait fait désigner par les chrétiens sous le nom de Mohammet le vert.

Aussitôt que le terme de la trêve fut arrivé, les deux partis reprirent les armes; les mahometans avec la présomption de reconquérir tout ce qui leur avait été arraché en Espagne; les chrétiens avec l'espoir de renverser le faible empire des Almohades, et de chasser entièrement les musulmans de la Péninsule. Alphonse de Castille envoya don Fernan son fils à la tête d'une armée pour parcourir les environs d'Andujar et de Baeza. De son côté, Mohammed-Al-Nassr était passé en Espagne à la tête d'une armée que les écrivains arabes évaluent à 160,000 hommes, et à laquelle vinrent se joindre les troupes des musulmans de l'Andalousie. Il était entré dans les Etats chrétiens au commencement de l'année 608 de l'hégire (juin 1211); et au lieu de profiter de l'avantage que lui donnait le nombre de ses troupes, et de marcher en avant pour chercher l'armée espagnole, il s'arrêta à attaquer la ville de Salvatierra. Mais ce siege traîna tellement en longueur, disent les auteurs arabes, qu'une hirondelle fit son nid sous le pavillon de Mahommed, qu'elle eut le temps d'y élever sa couvée, et que

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