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fort de leur rendre leur roi. Ils obtinrent ce qu'ils demandaient. Le comte remit don Jayme au légat du pape et aux seigneurs qui l'accompagnaient. Ceux-ci l'amenèrent à Lérida, où les cortès du royaume d'Aragon étaient réunies. L'archevêque de Tarragone prit dans ses bras cet enfant pour le montrer à cette assemblée, qui l'accueillit par des cris d'allégresse et le salua du titre de roi. Il n'avait encore que six ans et demi, et tous les membres des cortès, en le voyant si jeune, jurèrent avec enthousiasme de défendre sa personne et ses droits. C'est le premier exemple que rapporte l'histoire d'un serment prêté par les Aragonais à leur souverain. On choisit pour gouverneur du jeune roi GuilJaume de Mont - Redon, maître des Templiers du royaume d'Aragon. On choisit la ville de Monçon pour sa résidence. Dans l'espoir de mettre un terme aux agitations occasionnées par don Sanche, l'oncle du jeune roi, on lui confia l'administration de l'État. Mais comme cette dignité ne suffisait pas à son ambition, qu'il aspirait à l'autorité suprême, et qu'on redoutait quelque mouvement en Catalogne, les Cortès se réunirent à Tarragone, en 1218, et les Catalans prêtèrent à don Jayme le serment de fidélité. La même année, au mois de septembre, les cortès générales d'Aragon et de Catalogne se réunirent à Lérida. Le comte don Sancho y fut présent, et moyennant une somme annuelle qui lui fut assurée, il renonça à ses prétentions, se démit de l'administration et rendit hommage à son neveu.

En Castille, le pouvoir royal était aussi tombé dans les mains d'un prince trop jeune pour l'exercer. Don Enrique le n'avait encore que onze ans. On chargea sa mère du gouvernement du royaume et de la tutelle du jeune prince. Mais le chagrin qu'elle avait éprouvé de la mort de son mari la conduisit rapidement au tombeau; elle rendit l'âme le dernier jour d'octobre 1214. Elle légua, par son testament, la tutelle et l'administration du royaume à doña Berenguela, sa fille aînée qui

avait été mariée au roi de Léon Alphonse IX, mais qui en avait ensuite été séparée pour cause de parenté. L'autorité dont cette princesse se trouva investie, était ambitionnée par les grands, qui faisaient peu de cas du roi, parce qu'il était un enfant, et de la régente, parce qu'elle était une femme. Les plus puissants d'entre eux étaient les trois frères de la maison de Lara, don Alvar, don Ferdinand et don Gonzalo. Ils surent par leurs intrigues déterminer Berenguela, qui craignait de succomber sous le poids des affaires, à remettre la régence et la garde du roi à don Alvar, l'aîné d'entre eux. Celui-ci fit seulement serment, entre les mains de l'archevêque de Tolède, de ne rien faire que pour le bien du royaume. Cette cession fut à peine accomplie, que don Alvar de Lara s'empara des biens publics : il ne respecta pas davantage les biens des particuliers, ni même ceux des églises, et les choses en vinrent au point que don Rodrigue, doyen de Tolède et vicaire de l'archevêque, se crut dans la nécessité de lancer contre lui une sentence d'excommunication. Tous ceux qui étaient jaloux de voir le pouvoir aux mains des Lara, tous ceux auxquels ils avaient donné quelque sujet de mécontentement, se groupèrent autour de doña Berenguela, lui reprochèrent d'avoir abdiqué le pouvoir, et formèrent en son nom un puissant parti. Bientôt tout le royaume se trouva rempli de troubles. Ces agitations auraient pu désoler pendant longtemps la Castille; un événement qu'il n'était pas donné à la prudence des hommes de prévoir vint y mettre un terme. Le jeune roi était à jouer dans une cour avec quelques jeunes seigneurs de son âge; une pierre lancée en l'air par l'un d'eux, nommé Mendoce, alla détacher du toit une tuile qui tomba sur la tête de don Enrique. Elle lui fit une blessure dont il mourut onze jours plus tard, le mardi 6 juin 1217.

Don Enrique Ir ne laissait pas d'autre héritier que des sœurs; l'aînée d'entre elles était Berenguela, qui de son mariage avec Alphonse IX

avait eu quatre enfants : Saint Ferdinand, Alphonse, Constance et Berenguela. Le trône devait naturellement lui revenir; mais les Castillans qui redoutaient avant tout la domination d'un prince étranger. craignaient que le roi Alphonse IX de Léon ne voulût, en qualité de mari de Berenguela, s'emparer du royaume. On s'empressa d'envoyer auprès de lui des messagers, avant qu'il put connaître la mort de don Enrique.Ceux-ci lui dirent que doña Berenguela désirait vivement voir son fils don Ferdinand. Ils emmenèrent ce jeune prince, promettant de le remettre à son père, aussitôt qu'elle aurait été satisfaite. Don Ferdinand, qui ne savait rien des intentions de sa mère, arriva à Otella, où elle l'attendait. Elle le mena aussitôt à Najera. Dans cette ville, elle déclara qu'elle, reine de Castille, renonçait à la couronne en faveur de don Ferdinand son fils. La cérémonie se fit sur une place publique, sous un grand orme. On leva la bannière du nouveau roi, et on agit avec toute la solennité d'usage en pareille circonstance. Ensuite, doña Berenguela jugea qu'il était opportun de faire parcourir le royaume par le jeune rai, Elle le mena à Palencia, où il fut reçu par les habitants avec des témoignages d'amour. Don Aivar de Lara, qui se voyait dépouillé de toute autorité, demanda que le nouveau roi fût mis en tutelle entre ses mains, bien qu'il eût déjà dix-huit ans et demi; mais Berenguela, qui n'avait pas oublié sa conduite odieuse et tyrannique, rejeta bien loin cette demande. Cependant un grand nombre de villes se trouvaient entre les mains des seigneurs de Lara et de leurs partisaus, qui menaçaient de bouleverser le royaume. Pour prévenir ces malheurs, Berenguela voulut faire confirmer par les cortès la renonciation qu'elle avait faite en faveur de son fils. Elle les convoqua donc à Valladolid. Là, elle fut reconnue pour la légitime héritière du trône, et de nouveau elle renonça à la couronne en faveur de son fils, Don Ferdinand fut proclamé roi. La cérémonie eut lieu sur une estrade

qu'on avait exprès dressée dans le faubourg, afin que la grande quantité de peuple qui était accourue de toutes les parties du royaume, pût en être témoin. Ensuite on conduisit don Ferdinand à la cathédrale, pour qu'il y jurât de garder les priviléges du

royaume.

Cependant le roi Alphonse IX conçut une violente colère en apprenant ce qui se passait il prétendait que c'était à lui seul que le royaume de Castille devait revenir. Il y entra à la tête de quelques troupes, et se dirigea précipitamment vers Burgos, dont il espérait s'emparer facilement. Mais don Lope de Haro et d'autres seigneurs sortirent à sa rencontre, l'attaquèrent et le forcèrent à la retraite.

Bien que Ferdinand eût été proclamé roi par les cortès, quelques villes refusèrent de le reconnaître; il fallut qu'il en fit le siége. Mais elles ne résisterent pas longtemps. Toutes les difficultés s'aplanissaient devant lui. Le royaume se pacifiait; il n'y avait plus que les plus ardents partisans d'Alvar de Lara qui osassent troubler la paix publique, et le bonheur voulut que ce seigneur fût fait prisonnier par les troupes du roi, en sorte que, pour obtenir la vie et la liberté, il fallut qu'il restituât toutes les places qui étaient encore entre ses mains. Tariego, Alarcon, Arnaya, Villafranca, Pancorvo furent remises aux officiers du roi. Don Ferdinand de Lara tenait encore les villes de Castro Xerits et d'Orejon. Il refusait de les rendre, et le roi assembla une armée pour les lui enlever. Cependant il ne fut pas nécessaire d'en venir aux armes, et Ferdinand de Lara obtint de conserver ces villes comme lieutenant du roi, après qu'il lui eut prêté foi et hommage. La clémence du roi ne put déterminer l'esprit turbulent d'Alvar de Lara à se tenir en repos. Après avoir été mis en liberté, ce seigneur vécut pendant quelque temps en paix près de Palence; mais cette vie obscure ne tarda guère à l'ennuyer. Il rassembla quelques-uns de ses anciens partisans, et se mit à ravager le pays. Vive

ment poursuivi par l'armée du roi, il fut obligé de se jeter dans le royaume de Léon, et d'aller chercher un asile auprès d'Alphonse IX. Là, il parvint à ranimer l'ambition de ce prince, en lui répétant que c'était à lui et non à son fils que la Castille devait revenir. Ses paroles déterminèrent le roi Alphonse à prendre les armes. Ferdinand, de son côté, assembla une armée, et bientôt sans doute on en serait venu aux mains, quand l'instigateur de cette guerre, le comte don Alvar, tomba malade. Quelques personnes, regardant cette circonstance comme un avertissement du ciel, engagèrent don Alphonse à faire l'abandon de prétentions qui n'étaient pas fondées. Les deux rois firent la paix, et la nouvelle de cet accommodement aggrava tellement le mal du comte d'Alvar de Lara, qu'il sentit bien que sa dernière heure était arrivée. Alors il demanda à être revêtu de l'habit de chevalier de Saint-Jacques, et il mourut si pauvre qu'il ne laissa pas de quoi payer les frais de sa sépulture. Doña Berenguela l'ayant appris, envoya une riche étoffe pour l'ensevelir, avec de l'argent pour lui faire rendre les derniers honneurs.

Dès que toute mésintelligence eut cessé entre Alphonse IX et son fils, ces deux souverains ne songèrent plus qu'à faire la guerre aux musulmans. Après la bataille de las navas de Tolosa, Mohammed-Ben-Yacoub était retourné en Afrique, où il était mort empoisonné le 25 décembre 1213. Dès que son fils, Youssouf-al-Mostansir bi'llah, eut été proclamé émir, l'oncle de celui-ci, Abu-Mohammed-abd-AllahBen-Yacoub repassa en Espagne pour y prendre le gouvernement des États qui restaient aux musulmans dans ce pays. Il gouvernait par lui-même les villes de Xativa, de Denia et de Murcie, qui étaient sa propriété, et il avait, pour lieutenant, Saïd-Ben-Bargan. En ce temps de désorganisation, tout était vénal en Andalousie; les emplois n'y étaient pas la récompense du mérite. On les donnait à ceux qui offraient les présents les plus riches. Pas un com

mandant de château, pas un magistrat ne restait en place lorsqu'un prétendant se présentait pour mettre l'enchère sur le commandement ou sur la charge. Sous une semblable administration, il ne pouvait y avoir que trouble, que désordre et que violence. Ces occasions étaient trop favorables pour que les chrétiens n'en profitassent pas. Le roi de Léon alla mettre en 1222 le siége devant Cacerez (*), et, dans ce temps où tout se vendait, les musulmans obtinrent pour une grosse somme d'argent que les chrétiens se retireraient. L'année suivante, les troupes de Léon et de Castille réunies allèrent porter le fer et le feu jusque dans les environs de Séville. Elles livrèrent bataille aux musulmans, et remportèrent sur eux une victoire signalée. Pendant que les chrétiens s'avançaient ainsi jusqu'au cœur de l'Andalousie, l'émir Al-Moumenim se tenait renfermé au fond de son sérail; il y vivait entouré de femmes et d'esclaves. Épuisé par les voluptés, il mourut le 13 dsubassia 620 (7 janvier 1224), à peine âgé de vingt et un ans. Il ne laissait pas d'héritier direct, et l'on proclama pour lui succéder un de ses oncles, Abu'l - Melech-Abd-el-VahidBen-Yacoub. Mais Abu - MohammedAbd-Allah-Ben-Yacoub, qui gouvernait en Espagne, avait de nombreux partisans, qui attaquèrent à Maroc le nouvel élu et le forcèrent à abdiquer le 13 de safar 621 (7 mars 1224), et, dans la crainte qu'il ne voulût essayer de reprendre le pouvoir, ils lui enlevèrent la vie trois jours plus tard (**), et proclamèrent Abu- Mohammed -Abd

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Allah. Pendant que ces dissensions occupaient le peu de force qui fût resté aux musulmans, saint Ferdinand fit une invasion en Andalousie, ravagea les environs de Baeza, prit et ruina plusieurs places, et ne se retira qu'à l'approche de l'hiver, emportant un butin immense. Au printemps suivant, il entra de nouveau sur les terres des Maures; mais Abu - MohammedAbd-Allah vint au-devant de lui, et ce prince ne se trouvant pas assez fort pour résister à la puissance des chrétiens, lui demanda de le recevoir pour vassal; il s'engagea à lui payer le quart des revenus de sa couronne, et à lui remettre un certain nombre de places fortes. En exécution de cette convention, en 1227, le roi Ferdinand arriva de nouveau en l'Andalousie. Le château de Baëza, les villes de Salvatierra et de Burgalimar lui furent livrées. Capilla devait aussi être occupée par les chrétiens. Cependant, malgré les ordres d'Abu-Mohammed, le capitaine qui la défendait refusa de leur en ouvrir les portes. Il fallut en faire le siége. Au reste, cette résistance fut inutile, et les troupes du roi Ferdinand s'en emparèrent après trois mois de combats. Le traité qu'Abu-Mohammed avait été forcé de contracter avec les chrétiens, irrita vivement ses sujets. Ils l'accusèrent d'être mauvais musulman, le déclarèrent indigne de régner, publièrent hautement sa décheance, et, pour ne pas s'en tenir à des paroles et à de vaines cérémonies, ils gagnèrent les principaux de sa garde, qui l'étouffèrent dans ses appartements, en l'année de l'hégire 624 (du 22 décembre 1226 au 12 décembre 1227.)

Suivant Mariana et Ferreras, AbuMohammed serait mort d'une manière differente, quoique tout aussi malheureuse. Les habitants de Cordoue, mécontents des relations qui existaient entre leur souverain et les chretiens, résolurent de le tuer. Abu-Mohammed, prévenu du danger qui le menaçait, sortit secrètement de la ville pour se retirer à Almodovar. Mais les conjurés, avertis de son départ, montèrent

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à cheval, coururent à sa poursuite, et l'ayant rejoint, l'attaquèrent et lui coupèrent la tête. Ainsi trois fils d'Yacoub vainqueur d'Alarcos étaient déjà morts sur le trône. Mohammedel-Nassr, Abu'l-Melech et Abu-Mohammed. Ce fut encore un fils d'Yacoub qui se présenta pour réclamer le pouvoir, et qui fut proclamé émir; il se nommait Al- Mamoun - Abu'l-Ola (*) Édris-Ben-Yacoub. C'était un homme rigide qui conçut le projet de réformer les abus. Îl regardait les règlements établis par El-Mehedi comme rendant tout bon gouvernement impraticable, il les abrogea. Il défendit qu'on rappelât le nom d'El-Mehedi dans les prières, et le fit effacer des inscriptions publiques. Ces réformes rencontrèrent une vive opposition. Dès que la pensée en fut connue en Afrique, on s'y souleva, et l'on y proclama pour émir son neveu Abu-Zacharia-YahvaBen-al-Nassr. Ce chef passa en Espagne à la tête d'une armée d'Africains. Al-Mamoun rassembla aussitôt les troupes de Séville et de Cordoue, marcha à sa rencontre, le battit et le contraignit à se jeter dans les montagnes avec les débris de ses troupes. Mais il ne s'embarrassa pas de le poursuivre, et courut dégager Jaën attaqué par les Castillans. Il fit lever le siége, pourvut à la défense des frontières et confia le commandement de l'Andalousie à son frère Cidi-Abuabd-Allah. Quant au royaume de Valence, il était gouverné comme un État souverain, par son autre frère Cidi-Mohammed, que les auteurs chrétiens appellent Abu-Zeit. Quand il eut remis la garde des villes principales aux officiers dont la bravoure et la fidélité lui paraissaient le plus assurées, il s'embarqua le 22 sjawal 624 (5 octobre 1227) pour aller en Afrique châtier ceux qui lui étaient opposés

Pendant son absence, les Castillans renouvelèrent deux fois leurs attaques

(*) Condé, au commencement de son chap. 57, 3e partie, l'appelle Abu'l Ola, et au commencement du premier chapitre, 4o partie, le nomme Abu-Aly; Mariana, liv. x, ch, xu, l'appelle Abuli.

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contre la ville de Jaën, sans la pou voir enlever. Le roi de Léon fut plus heureux; il se rendit maître de Merida dans le courant de l'année 1230. Après cette conquête, il était revenu à Léon remercier Dieu auprès du tombeau de saint Isidore, et il s'était mis en route pour aller en pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle, lorsqu'il mourut le 23 septembre 1230. Alphonse IX avait fait un testament par lequel il laissait son royaume à ses filles, doña Blanche et doña Dulce. Ce fut un sujet de trouble et de discorde, car déjà le roi Ferdinand avait, du vivant de son père, été reconnu par les cortès pour héritier de la couronne. royaume de Léon se retrouva donc divisé en deux factions. L'une prétendait qu'on se conformât aux dernières volontés du roi; l'autre pensait que l'héritier légitime était celui qui avait déjà été reconnu, et auquel on avait juré fidélité. Ces divisions auraient pu causer une guerre civile. Mais la sagesse de doña Berenguela sut les apaiser. Elle détermina les sœurs de Ferdinand à se contenter d'une rente qu'il s'engagea à leur payer, et les royaumes de Léon et de Castille se trouvèrent réunis pour ne plus être séparés.

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Le

-

DON JAYME ASSIÉGE PENISCOLA. LE ROI
DE VALENCE SE RECONNAÎT SON VASSAL.
DÉSOBÉISSANCE et mort de pedro de
AHONEZ.- CONQUÊTE DES BALEARES.
LE ROI DE VALENCE EST DÉTRONÉ PAR ABU-
GIOMAIL. - - SOULÈVEMENT DE BEN-HUD.—
BEN-HUD S'EMPARE DE MURCIE ET DE GRE-
NADE. MORT D'ALMAMOUN. FIN DE
LA DYNASTIE DES ALMOHADES.

-

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En Aragon, les précautions prises pour assurer la tranquillité du pays n'avaient pas atteint le but qu'on se proposait. Don Ferdinand, oncle du roi, bien que moine profès et abbé du Couvent de Montaragon, n'avait pas renoncé à l'espoir de s'emparer de la couronne. Il était aidé dans ses projets par une foule d'esprits inquiets et turbulents, par don Guillem de Moncada, par don Pedro de Ahonez. Sous prétexte d'écarter le roi des mauvais con

seillers auxquels il prêtait l'oreille, ils s'étaient emparés de sa personne, et, pour arracher de ce jeune prince, qui n'avait encore que dix-huit ans, une partie de ce qu'ils désiraient obtenir, ils l'avaient pendant quelque temps fait garder, sans le laisser communiquer avec qui que ce fût. Don Jayme avait hâte de s'affranchir de cette tyrannie. Pour y parvenir, il feignit de partager les idées des seigneurs qui l'opprimaient. Il se rendit avec eux aux cortès réunies à Tortose; mais, sans attendre que les délibérations de cette assemblée fussent terminées, il s'échappa, alla se réfugier dans une commanderie de chevaliers du Temple, et, de là, il écrivit à tous les seigneurs qu'ils eussent à se réunir en la ville de Téruel, afin de le suivre dans le royaume de Valence, où il comptait faire la guerre aux Musulmans. Quelques Aragonais, et des Catalans en plus grand nombre, répondirent à cette convocation. Don Jayme, à la tête de cette armée, entra dans le royaume de Valence, et après avoir ravagé le pays, il alla mettre le siége devant une place très-forte, à laquelle sa situation au sommet d'un rocher en forme de pyramide a fait donner le nom de Peñíscola (*). Elle est entourée de presque tous les côtés par la mer. Les abords en sont escarpés et trèsdifficiles. La garnison qui y était renfermée se défendait courageusement. Cependant le roi de Valence, en apprenant qu'elle était attaquée, envoya des ambassadeurs à don Jayme pour lui demander la paix. Il lui offrit de se reconnaître son vassal, et de lui payer chaque année la cinquième partie des revenus de sa couronne. Le jeune roi accepta cette proposition, et reprit le chemin de Téruel. En route on rencontra don Pedro de Ahonez, qui venait, à la tête d'un corps de troupes levé à ses frais, pour faire une incursion sur les terres de Valence. Le roi, désirant observer la paix qu'il venait de conclure, lui enjoignit de s'arrêter. Pedro Ahonez ne fit nul cas de cette

(*) La queue du rocher.

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