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défense, et se mit à ravager le pays. Alors don Jayme envoya des troupes pour l'arrêter à leur approche, don Pedro prit la fuite. On le poursuivit avec célérité; on l'atteignit, et comme il ne voulait pas se rendre, on le tua. Cette mort fut l'occasion de nouveaux embarras. Les partisans de Pedro de Ahonez et de l'infant don Ferdinand présentèrent cette mort comme le résultat d'une atroce vengeance, et la plus grande partie de l'Aragon se souleva contre son souverain. I fallut toute son adresse et toute son énergie pour apaiser ces troubles, mais enfin il y parvint, et son oncle Ferdinand lui-même, forcé de lui rendre hommage, se trouva heureux d'être reçu en grâce.

Il y avait trois ans que la paix avec Cidi-Mohammed était conclue, et comme Valence était le seul État des infidèles qui se trouvât en contact avec les Aragonais et les Catalans, il semblait que la carrière des conquêtes leur fût désormais fermée.

Mais des corsaires de Mayorque ayant pris quelques vaisseaux de Barcelone, don Jayme les fit réclamer. On ne répondit que par des insultes aux représentations de ses ambassadeurs. Dès ce moment, il résolut d'exterminer ces pirates et de s'emparer des îles Baléares. Il passa une année à préparer cette expédition. Les cortès de Barcelone la regardèrent comme devant produire, en faveur de leur commerce, des résultats si avantageux, qu'elles ne balancèrent pas à accorder à don Jayme l'impôt appelé bovatique; c'était une taxe qui se payait par chaque couple de boeufs. Les Catalans n'accordaient à leurs souverains le droit de la percevoir que dans les circonstances les plus graves. Don Jayme réunit sur la plage de Salau une flotte de 135 voiles; il s'embarqua, dans le courant de septembre 1229, à la tête de 15,000 fantassins et de 1500 cavaliers, et il acheva en peu de mois la conquête de Mayorque (*).

(*) Les détails de cette expédition se trouvent dans Muntañer, dans la chronique

Le roi de Valence, vassal de don Jayme, n'avait mis aucun obstacle à cette entreprise; il n'avait donné aucun secours au roi de Mayorque, et n'avait pas essayé de prévenir, par quelque diversion, le coup dont ce prince était menacé. Cidi- Mohammed était resté fidèle au prince qu'il avait reconnu pour suzerain Cette fidélité fut regardée par les Musulmans les plus fervents comme un oubli de leur religion. Ils accusèrent leur roi d'être chrétien au fond du cœur. Un chef, nommé Abu-Giomail ben-Zeyan - Mudafe - Al-Giusami, se mit à la tête des mécontents. CidiMohammed lui livra plusieurs combats, et se défendit avec plus de courage que de bonheur : enfin, abandonné de presque tous les siens, il fut, dans le courant de 627 de l'hégire (1230 de J.-C.), forcé de chercher un refuge auprès de don Jayme, et Zeyan resta roi de Valence.

Cette révolte n'est pas la seule qui à cette époque ait troublé en Espagne l'empire des Almohades. Yahya-ben-Al-Nassr, qui, vaincu par Al-Mamoun, avait été contraint de se réfugier dans les montagnes, venait de sortir de sa retraite pour ravager le pays. Un ennemi plus redoutable encore s'était levé contre leur puissance. C'était Abu-Abd-Allah-Mohammed-ben-Yousouf-ben-Hud. Il descendait, comme l'indique son nom BenHud, de cette famille illustre qui avait donné des rois à l'Espagne orientale, et qui avait, dans le principe, combattu, non sans quelque gloire, contre les Almohades, pour leur disputer la souveraineté de l'Andalousie. Par son éloquence et par sa générosité, il avait assemblé un grand nombre de vaillants cavaliers, qui s'étaient déclarés en sa faveur, et avaient juré de mourir pour son service. Ils s'étaient réunis à Escuriante, dans le gouvernement d'Uxixar, et l'avaient proclamé roi des Musulmans d'Espagne, le 1er de ramaattribuée au roi Jayme et dans Gomesius Miedes. Mais il n'y a pas lieu de s'en occuper ici, l'histoire spéciale des Baléares taisant partie d'un autre volume de l'Univers.

dan de l'année 625 (4 août 1228). Pour détacher les populations de la domination des Almohades et pour les engager à suivre son parti, il allait répétant que sa mission était de rendre la liberté aux populations opprimées par d'injustes vexations; il promettait de remplacer par des impôts et par des contributions légalement établies, les charges arbitraires dont les tyrans almohades les avaient accablées. Il prêchait que la doctrine de Mahomet avait été altérée par eux; qu'ils avaient profané les mosquées. Pour exciter le fanatisme populaire, il les bénissait de nouveau et les purifiait par des cérémonies publiques.

A la nouvelle de ces soulèvements, Al-Mamoun s'empressa de repasser en Espagne, et voulant consacrer toutes ses forces à réprimer les deux rebelles, Yahya-ben-Al-Nassr et Ben-Hud, il envoya demander la paix au roi de Castille, don Ferdinand. Dès que les conditions en furent arrêtées, il rassembla autant de monde que cela lui fut possible, et il marcha à la recherche de Ben-Hud, qu'il rencontra dans les champs de Tarifa. Les deux armées combattirent avec un égal acharnement, et la nuit put seule les sépa

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sans que la victoire se fût déclarée pour aucun parti. Le lendemain, dès le point du jour, la bataille recommença. Mais les Almohades étaient inférieurs en nombre : ils ne purent résister bien longtemps. AlMamoun fut obligé de se retirer, laissant sur le champ de bataille ses principaux officiers. Son propre fils, Abu'lHasan, fut blessé à la tête de l'avantgarde qu'il commandait. Cette sanglante affaire eut lieu le 6 de ramadan 626 (29 juillet 1229). Al-Mamoun fit sa retraite en bon ordre; mais il ne put empêcher Ben-Hud de recueillir tous les avantages de la victoire. Celui-ci fut bientôt maître de Murcie, et entra sur les terres de Grenade. Cidi-Abu-AbdAllah, frère du roi Al-Mamoun, sortit à sa rencontre. Il y eut entre eux de sanglantes escarmouches, mais pres que toujours l'avantage resta du côté de Ben-Hud: la victoire suivait ses

bannières. Enfin, Cidi-Abu-Abd-Allah se vit contraint à se renfermer dans Grenade, où Ben-Hud l'assiégea bientôt. Les partisans de ce chef avaient des intelligences dans la place : les portes de la ville lui furent livrées, et il fut proclamé roi de Grenade dans le courant de l'année 628 (du 9 octobre 1230 au 29 octobre 1231). CidiAbu-Abd-Allah se retira dans la citadelle; mais voyant les dispositions hostiles des habitants, et le peu de ressources qui lui restaient pour s'y maintenir, il l'abandonna, et vint apprendre à Al-Mamoun la perte de cette ville. Celui-ci, ne se sentant pas en état d'achever heureusement, avec les forces qu'il avait en Espagne, la guerre qu'il avait à soutenir, résolut de recruter en Afrique des troupes dont le nombre pût mettre un terme aux succès de Ben-Hud. Mais, comme il était en route pour se rendre à Maroc, il mourut, dans la dernière lune de l'année 629 (du 19 septembre au 17 octobre 1232). On peut dire que la mort de ce chef fut en Espagne le terme de la domination des Almohades; et si leur dynastie dura encore en Afrique pendant trente-sept années, elle ne fit que s'y débattre dans une pénible et sanglante agonie. Dès que la nouvelle de la mort du roi Al-Mamoun arriva à Maroc, il s'y éleva plusieurs partis. Les uns procla mèrent Abu-Zacharia-Yahya, qui était fils de son frère Al-Nassr, et qui soutenait en Espagne, avec peu de succès, ses prétentions au trône. D'autres, en plus grand nombre, élurent Raxid (*) Abu-Mohammed-Abd-el-Walid, son cousin. Yahya ne fut pas plus heureux en Afrique qu'il ne l'avait été en Andalousie, et, après de nombreux revers, il mourut près de la ville de Fez, dans la lune de sjawal de l'année 633 (du 9 juin au 7 juillet 1236). Sa mort ne mit pas fin aux troubles qui déchiraient l'Afrique et l'Andalousie. Abd

(*) Al-Raxid. Mariana l'appelle Arrasio, et il en fait le successeur immédiat de Mohammed-el-Nassr. Il passe ainsi sous le si lence les règnes d'Abu'l-Melech, d'Abu-Mohammed et d'Al-Mamoun.

el-Walid ne put parvenir à les apaiser. Son règne ne fut qu'une suite non interrompue d'inquiétudes et d'agitations. Enfin il se noya dans un marais où il fut jeté par son cheval, qui avait pris le mors aux dents. Ce malheur arriva le 9 sjumada posterior de l'année 640 de l'hégire (4 décembre 1242).

Après la mort d'Abd-el-Walid, on proclama son frère, Abu'l-Hasan, surnommé Saïd. C'est de son temps que commencèrent à s'élever contre lui, dans l'Afrique orientale, les BeniZeyanes et les Beni-Merines, familles nobles et puissantes de cette contrée. Ils ne lui laissèrent pas un instant de repos. Abu'l Hasan rassembla une armée nombreuse pour punir la révolte d'Abu-Yahya-Jagmerasin(*), qui se faisait appeler sultan de Tlemcen. Il le rencontra, lui livra bataille le mardi 29 safar 641 (**) (18 août 1243); mais il fut vaincu et mourut au plus fort de la mêlée. Il eut pour successeur au trône un autre prince descendant d'Abd-el-Moumen, nommé Omar-benAbu-Ibrahim-Ishac. C'était un prince sage et vertueux. Il continua la guerre contre les Beni-Merines avec des fortunes diverses. Cet émir fit un pèlerinage à Tinmål, pour visiter le tombeau de Mehedi, suivant l'usage des princes almohades ses prédécesseurs. Pendant ce voyage, un de ses parents se souleva contre lui : c'était un nommé Abu'l-Ola Edris, auquel on avait donné le surnom d'Abu-Dibus (***), le père de la masse, parce que, lorsqu'il était en Andalousie, il avait pour habitude de toujours porter une masse d'armes. Avide d'autorité, il s'unit aux ennemis de sa race, et offrit aux Beni-Merines de les rendre maîtres de Maroc, s'ils voulaient partager l'empire avec lui. Cette proposition ayant été acceptée, il livra Maroc aux Beni-Merines, et l'infortuné Omar fut obligé de fuir

(*) C'est probablement le Gomarança de Mariana.

(**) Condé dit le mardi 29 safar 646. C'est une erreur évidente. Le 29 safar 646 correspond au 13 juin 1248, qui tombe un samedi.

(***) Suivant Mariana Budebusio.

avec quelques cavaliers seulement, jusqu'à la ville d'Azamor, qu'il croyait lui être dévouée. Mais quand les habitants d'Azamor le virent accompagné de si peu de monde, ils se soulevèrent et le mirent en prison. Il parvint cependant, à force de promesses, à gagner un des esclaves chargés de le garder ils s'évadèrent ensemble pendant la nuit, en se laissant glisser à l'aide d'une corde en bas de la muraille, et ils s'éloignèrent sur des chevaux qu'on leur tenait prêts; mais, dans sa route, Omar fut attaqué par l'esclave qui l'accompagnait. Il se défendit longtemps; mais enfin il succomba. Ce fut le 2 de safar 665 (2 novembre 1266) que ce crime fut con. sommé.

Abu-Dibus, avec l'aide des BeniMerines, s'empara de la souveraineté. Il fit enfermer les enfants d'Omar, et les retint en prison tant que dura le pouvoir qu'il avait usurpé. Mais bientôt les Beni - Merines lui firent la guerre, pour ne pas exécuter les conditions dont ils étaient convenus. La fortune des armes fut changeante, mais le plus souvent elle se montra contraire à Abu-Dibus. La troisième année de son règne, le 2 muharrem 668 (1 septembre 1269), il voulut jouer son royaume en une seule fois. Il livra une bataille aux Beni-Merines sur les bords du Guadilgafir. Pendant toute la journée, on se disputa la victoire sans qu'elle penchât de part ni d'autre. Mais, vers le soir, les troupes d'Abu-Dibus furent enfoncées, et luimême reçut la mort en combattant comme un lion blessé. C'est ainsi que finit l'empire des Almohades et des descendants d'Abd-el-Moumen, sans qu'il restât d'eux ni trace ni rejetons. Leur domination avait duré 152 ans (*), et, ajoute l'auteur arabe en finissant

(*) 152 années arabes et 107 jours, depuis le samedi 14 ramadan 515, jour où El-Mehedi fut proclamé, jusqu'au 2 muharrem 668, jour de la mort d'Abu-Dibus, c'est-à-dire depuis le samedi 26 novembre 1121, jusqu'au 1er septembre 1269, cent quarante-sept années chrétiennes et 279 jours.

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Quand, après la mort d'Al-Mamoun, Yahya-ben-Al-Nassr fut passé en Afrique pour soutenir ses prétentions au trône, Ben-Hud ne restà pas pour cela seul maître de l'Andalousie. Le parti qui lui était opposé choisit pour chef un jeune homme vertueux et prudent comme un vieillard, vaillant et bon capitaine comme le fameux Al-Manzor. Il était connu sous le nom de Mohammed-ben-Albamar (fils du rouge). Les écrivains ne sont pas d'accord sur son origine. Condé en fait le neveu de Yahya-ben-Al-Nassr. Mais, pour établir cette parenté, dont les autres historiens ne parlent pas, il est obligé de se mettre en contradiction avec lui-même. Il fait mourir Yahyaben-Al-Nassr à deux époques distinctes et dans deux endroits différents (*). D'autres racontent que Ben-Alhamar était d'une des nobles familles arabes qui avaient pris part à la conquête de la Péninsule, et que sa race y avait constamment conservé, depuis l'invasion, le gouvernement d'Arjona. Au moment où l'empire des Almohades s'écroulait, il avait rêvé qu'un essaim d'abeilles et une volée d'oiseaux étaient venus s'abriter sous son toit. Ayant demandé l'explication de ce songe à un ermite, celui-ci lui avait annoncé qu'il serait roi. Le bruit de cette prédiction s'étant répandu dans Arjona,

(*) Après avoir raconté dans sa troisième partie, ch. 57, qu'en 629 (1232 de J. C.), Yahya passa en Afrique et qu'il y mourut en 633 (1236) dans les environs de Fez, il écrit plus bas, dans la quatrième partie, chap. 2, que le même Yahya-Ben-Al-Nassr fut tué en 629 (1232) à la prise de la ville de Jaën, laissant à son neveu Al-Hamar son héritage et le soin de sa vengeance.

le peuple, toujours ami du merveil leux, avait voulu la réaliser, et BenAlhamar avait été choisi pour chef.

D'autres prétendent que, comme Viriathes, il était originairement berger; qu'ennuyé de porter la houlette, il s'était joint à une troupe de bandits dont il était bientôt devenu le chef; que, s'étant signalé par d'heureux exploits, il avait vu le nombre de ses partisans s'accroître, et que son armée avait fini par le proclamer roi. Peutêtre, pour bien comprendre l'ascendant qu'il a exercé, faut-il se rappeler encore une fois cette ancienne rivalité de races qui n'avait pas cessé d'exister entre les Arabes et les Berbères. BenHud, descendant de ces anciens rois de Saragosse qui avaient successivement combattu les Almoravides et les Almohades, qui s'étaient montrés ennemis de tout ce qui venait d'Afrique, était le représentant de ce qui restait d'Arabes. Il avait aussi avec lui les populations mozarabes de l'Andalousie, qui ne s'étaient pas encore jetées dans les bras du roi de Castille. Autour de Ben-Alhamar, au contraire, étaient venus se grouper les Berbères, les Lamtounes, débris des partis d'AlMamounet d'Yahya-ben-el-Nassr. C'est dans cette faction sans doute qu'il restait des éléments de force, puisqu'elle a fondé le dernier pouvoir musulman qui devait, pendant encore deux siècles et demi, se maintenir dans la Péninsule. Quelles qu'aient été les causes de l'élévation d'Alhamar, il s'empara d'Arjona, de Jaën, de Guadix, de Baza, et il se déclara l'ennemi de BenHud et de ses partisans. Les entreprises des chrétiens étaient grandement favorisées par les guerres continuelles que se faisaient ces trois factions, de Giomail-ben-Zeyan de Valence, de Ben-Hud et d'Alhamar. Les villes étaient désunies; les gouverneurs ne savaient à qui obéir. Beaucoup d'entre eux, plus ambitieux que prudents, se déclaraient indépendants. C'était, disaient-ils, pour que les villes ou les forteresses qui leur avaient été confiées, ne se mêlant à aucun parti, demeurassent tranquilles

et ne fussent pas dévastées par les maux de la guerre. Les habitants se félicitaient de ce système d'isolement et de neutralité, sans penser qu'il les laissait à la merci du premier parti un peu puissant qui viendrait les attaquer. Saint Ferdinand, voulant profiter de ces discordes, avait commandé à son frère don Alphonse et à don Alvar Perez de faire une incursion dans le pays ennemi. Ces deux capitaines étaient donc entrés, à la tête d'un petit nombre de cavaliers, sur le territoire de Cordoue; ils avaient pillé tous les environs de la ville; ensuite, ils avaient été ravager ceux de Séville, et s'étaient avancés, sans rencontrer de résistance, jusqu'à Xérès, sur les bords du Guadalété. Ben-Hud, que les succès obtenus par Ben-Alhamar dans les environs de Grenade tenaient dans une continuelle appréhension, avait longtemps hésité à sortir de Séville pour combattre les chrétiens. Cependant les ravages qu'ils exerçaient l'y déterminèrent. Il rassembla une armée nombreuse et se mit à leur poursuite. Lorsqu'il les rejoignit, ils étaient campés près du Guadalété. Pour lui, il établit son camp en face du leur, dans un champ d'oliviers, et il envoya mille cavaliers pour attirer les chrétiens au combat. Mais ceux-ci ne sortirent pas de leur camp. Voyant combien l'armée musulmane était nombreuse, ils ne voulurent pas s'épuiser en escarmouches inutiles; ils comprirent qu'un effort désespéré pouvait seul les tirer du danger où ils s'étaient placés. La retraite leur était interdite : ils avaient la mer derrière eux ; devant eux ils avaient une armée dix fois plus nombreuse que la leur. Pour se débarrasser du butin, qui aurait gêné leurs mouvements, ils commencèrent par massacrer les prisonniers qu'ils traînaient à leur suite. Aux cris de ces malheureux qu'on égorgeait, l'armée des Musulmans accourut, al térée de vengeance; mais les Castillans étaient tous des guerriers éprouvés. Ils s'avancèrent en bon ordre, formant une masse compacte. Don Alvar marchait à leur tête. L'arrière

garde était commandée par l'infant don Alphonse. Ils chargèrent la cavalerie musulmane avec tant d'ensemble qu'ils la culbutèrent, lui passèrent sur le corps. Ils s'ouvrirent ensuite un chemin au milieu de l'infanterie, qui, rompue et en désordre, fut obligée de fuir et de chercher un abri au milieu des oliviers. Les Castillans évitèrent ainsi, par leur courage et leur bonne discipline, une déroute que le nombre de leurs ennemis devait faire regarder comme certaine. A cette simple relation des auteurs arabes, les chroniqueurs chrétiens ajoutent un miracle. A la pointe du jour, disent-ils, les Castillans, après avoir massacré leurs prisonniers, se formèrent en un escadron serré et se précipitèrent sur les Maures en invoquant saint Jacques. D'abord, ils furent accablés par la multitude de leurs ennemis; mais il vint à leur secours des saints dont les figures et les tuniques blanches jetaient un éclat surnaturel. En les voyant, les infidèles, frappés de frayeur, prirent la fuite et furent vivement poursuivis par les chrétiens qui en tuerent un grand nombre. On ajoute même, dit Mariana, qu'à Zamora il ne manqua pas de personnes pour attester une des circonstances de ce miracle inconnue des combattants. Elles affirmèrent que dans la nuit qui avait précédé la bataille, elles avaient vu passer saint Isidore, saint Jacques et d'autres saints qui marchaient avec précipitation, dans la crainte de manquer l'heure du combat. La vérité, dit-il, qui la pourra savoir?

Cette bataille fut livrée sur la fin de l'année 630 de l'hégire, c'est-à-dire, vers le mois de septembre 1233 de J. C.

Du côté de l'orient, Abu-Giomailben-Zeyan, qui n'avait renversé CidiAbu-Mohammed que parce que celui-ci ne s'était pas montré ennemi assez acharné des chrétiens, était par sa position forcé de leur faire la guerre. Il entra donc sur les terres de l'Aragon; il pénétra jusqu'aux environs d'Amposta et de Tortose, et il

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