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roi de Maroc. Plein de confiance en la bonté de ses troupes, il ne voulut pas se renfermer dans cette place: c'eût été laisser les Africains maîtres de la campagne. Il les attendit, et leur livra bataille. Les Maures étaient si nombreux, que leur multitude finit par accabler les chrétiens. Les Castillans furent défaits; mais leur défaite même fut glorieuse et profitable. Ils laissèrent sur le champ de bataille don Nuño leur général, 250 cavaliers et 4,000 fantassins; mais le chiffre des Maures qui avaient péri était bien plus élevé, et quand Yacob- Abu- Yousouf, en parcourant le champ de bataille, put connaître combien cette poignée de braves lui avait fait chèrement payer la victoire, il se demanda ce que deviendrait son armée, lorsqu'elle aurait à combattre à nombre égal. Cette réflexion, jointe à l'avis qu'on amenait des troupes de tous les côtés, le détermina à ne pas s'avancer davantage. Il se borna à ravager les frontiè res du royaume de Séville, et il ne put même pas réussir à s'emparer de la ville d'Ecija, où s'étaient jetés les restes de l'armée vaincue.

Suivant le plan qui avait été arrêté entre les musulmans, les troupes de Mohammed étaient entrées dans le royaume de Jaen. L'archevêque de Tolèdè, qui était don Sancho, l'un des fils de don Jayme, en apprenant les ravages qu'elles exerçaient dans ce pays, rassembla tout ce qu'il put trouver de cavalerie à Tolède, à Madrid, à Guadalajara, à Talavera, et partit en grande hâte pour l'Andalousie. L'archevêque avait plus de bravoure que de prudence. Jeune et plein de présomption, il brûlait du désir d'imiter les exploits de son père; il voulait poursuivre les Maures, les attaquer, leur enlever le butin qu'ils avaient fait. Les plus sensés parmi les officiers qui l'accompagnaient désiraient qu'on attendit l'arrivée de don Lope Diaz de Haro qui venait, à marche forcée, à la tête d'une division de bonnes troupes; mais leur avis né prévalut pas. On courut à la recherche des ennemis. Les troupes de l'arche

vêque se composaient pour la plupart de recrues; lui-même était peu exercé au métier de la guerre. Les Musulmans eurent donc peu d'efforts à faire pour obtenir la victoire. L'archevêque don Sancho fut pris. Mais bientôt une discussion s'éleva entre les soldats de Mohammed et leurs auxiliaires africains. Chaque nation prétendait que ce prisonnier devait lui appartenir. La querelle s'animait, et on était sur le point d'en venir aux mains, quand un des Maures tua le prisonnier d'un coup de lance, en disant: Il n'est pas juste que tant de braves musulmans se disputent pour un chien. Quand don Sancho fut mort, on lui coupa la tête et la main gauche où se trouvait son anneau pontifical, et on abandonna son corps sur le champ de bataille. Cependant don Lope Diaz de Haro arriva le lendemain. Il poursuivit les Maures qui se retiraient, et les atteignit près de Martos. Il les combattit pendant toute la journée sans pouvoir les mettre en fuite; l'obscurité seule sépara les deux armées. Mais pendant la nuit, les Maures abandonnèrent le champ de bataille, emportant la plus grande partie de leur butin. Il fallut leur racheter à prix d'or la tête et la main de l'archevêque. Elles furent réunies à son corps et enterrées dans la cathédrale de Tolède.

Cette année 1275 devait être funeste pour les chrétiens, non-seulement par les désastres de la guerre; ils devaient encore être éprouvés par d'autres malheurs. L'infant don Ferdinand de la Cerda, fils aîné d'Alphonse X, rassemblait des troupes à Villa-Real (*). Le travail auquel il fallut qu'il se li.. vrât pour faire face à tous les besoins de l'Etat, les fatigues d'une marche pénible à la tête de son armée pendant les plus grandes chaleurs de l'année, détruisirent sa santé. Il tomba malade et mourut dans le courant du mois d'août. Cette mort était un des événements les plus déplorables qui pus

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sent affliger le pays, car elle fut la source des dissensions civiles qui le déchirèrent pendant tant d'années. L'infant don Ferdinand était le fils aîné de don Alphonse; il avait été surnommé de la Cerda, parce qu'en venant au monde, il portait sur les épaules une large place couverte de soies, qui en espagnol s'appellent cerdas. Marié en 1266 à Blanche, fille de saint Louis, il en avait deux fils, don Alphonse et don Ferdinand de la Cerda. Lorsqu'il sentit la mort s'approcher, il fit appeler don Juan Nuñez de Lara, dans l'amitié duquel il avait la plus entière confiance; il lui recommanda de protéger et de défendre sa femme et ses deux fils.

Dès que cette mort fut connue, l'infant don Sancho, second fils de don Alphonse X, se mit à la tête de l'armée. Il plaça des garnisons dans toutes les villes menacées; il évita de livrer bataille pour laisser s'éteindre d'elle-même la première ardeur des Africains. Après avoir mis des troupes dans Ecija, dans Jaën, dans Cordoue, il se rendit à Séville, où il fit promptement armer la flotte, afin d'empêcher que Yacob-Abu-Yousouf pût tirer d'Afrique des secours ou des vivres. Les vaisseaux castillans commencèrent à croiser dans le détroit et sur les côtes de l'Andalousie, et le roi YacobAbu-Yousouf fut bien plus alarmé de cette mesure qu'il ne l'eût été d'une défaite. Son armée se trouvait dans un pays ruiné par la guerre; ses maga sins étaient épuisés, et les vivres commençaient à lui manquer. Il se retira à Algeciras, et ne voulant pas attendre, pour conclure la paix, que son armée fût détruite par la famine, sans s'inquiéter en aucune manière du roi de Grenade, il conclut avec don Sancho une trêve de deux années. Dès que les alcaydes de Guadix et de Malaga eurent connaissance de ce traité, ils se retirèrent dans leurs villes, envoyè rent leur soumission à don Sancho, et se reconnurent de nouveau les vassaux du roi de Castille; en sorte que le roi de Grenade se trouva réduit à ses seules forces.

Tous les soins que s'était donnés l'infant don Sanche pour amener la paix, le succès qu'il avait obtenu, rendaient son nom populaire. Il s'était d'ailleurs appliqué à gagner également la faveur des grands et celle de la foule. Il se montrait caressant, affable et libéral avec tout le monde, et par ces manœuvres habiles il se frayait le chemin du trône. Cependant Alphonse X était de retour du voyage inutile qu'il avait été faire dans l'intérêt de son élection. Don Sancho vint le rejoindre à Tolède. Là, quelques seigneurs demandèrent qu'on reconnût publiquement celui-ci pour l'héritier présomptif de la couronne. Alphonse se montra peu satisfait de cette réclamation. Il répondit que dans son opinion les infants de la Cerda ne pouvaient sans injustice être privés du trône, héritage de leur père. Cependant, comme la question était de la plus haute gravité, on réunit les cortès à Ségovie; car c'était à elles seules qu'il appartenait de reconnaître l'héritier de la couronne.

Bien des livres ont été écrits pour savoir qui avait droit au trône de Castille, ou de l'infant don Sancho, ou de l'infant don Alonzo de la Cerda. Ferreras, qui certainement a fait de très-estimables et très-compendieux travaux, cite cependant quelquefois des autorités qu'il n'a pas examinées. Ainsi, il invoque le fuero juzgo comme tranchant la difficulté en faveur de don Sancho, parce que, dit-il, aux termes des lois gothiques, la parenté immédiate était préférée à la représentation. Nous rappellerons ce que nous avons déjà dit (*). Chez les Goths la royauté était élective. La loi première du prologue du fuero juzgo réglait la manière dont l'élection devait être faite. Quand une dignité doit être donnée par le vote des électeurs, il n'est certainement question ni de représentation, ni de succession immédiate; on ne saurait donc tirer aucun argument de la loi gothique en faveur de l'un ou de l'autre système.

(*) F 117 et suivants.

Le code des Goths est demeuré le droit commun de l'Espagne, mais suivant les divers royaumes il a subi quelques modifications. Ainsi, en Aragon, la couronne était déférée par droit de succession; et afin que ce droit ne restât jamais douteux, en l'année 1275, dans les cortès te nues à Lérida, on rédigea une loi pour décréter que le trône serait héréditaire, de mâle en mâle, par droit de primogéniture, et qu'il ne serait dévolu à la ligne collatérale qu'à défaut de descendance masculine dans la ligne directe. Dans l'ancien royaume des Asturies, au contraire, dans la Galice et dans le royaume de Léon, il était de principe que la couronne était élective. Aussi les rois, pour la transmettre à leurs enfants, avaientils pris l'habitude de faire, de leur vivant, reconnaître et proclamer leur successeur, qui, de cette manière, à leur mort, se trouvait saisi de la royauté, non en vertu d'un droit d'héritage, mais en vertu du serment qui lui avait été prêté. Aussi, depuis Pélage, la couronne était toujours restée dans sa famille. Le peuple s'était accoutumé à obéir à ses descendants, sans se demander s'il lui devait obéissance à titre d'élection ou bien à titre d'hérédité. Quand la Castille fut reconquise sur les Maures, elle suivit naturellement le même droit que le royaume de Léon. Lorsqu'elle en fut séparée du temps de Sancho le Grand, pour former un comté indépendant, lorsqu'elle fut érigée ensuite en royaume par Sancho le Grand, au profit de son fils Ferdinand, elle ne s'était pas donné un droit nouveau. Nulle part on n'en trouve de traces. Ainsi, en Castille, jusqu'à l'avénement de la maison de Bourbon, le droit, la fiction légale ont été l'élection; mais le fait, l'usage sont restés l'hérédité.

Si les cortès de Ségovie eussent dû se décider d'après la loi aragonaise, telle qu'elle avait été votée dans les cortès de Lérida, ou d'après nos idées françaises, sans aucun doute le droit eût été en faveur du fils de Ferdinand de la Cerda. Mais si on considérait la

couronne comme élective, les cortès de Ségovie avaient droit de choisir qui elles voulaient. Si on admettait, au contraire, que l'usage avait rendu la couronne héréditaire, en l'absence de toute constitution écrite, de tout droit spécial, il fallait s'en rapporter à l'usage sur la manière dont l'hérédité devait être réglée, et dans toute la série des descendants de Pélage on ne trouvait pas l'exemple d'un seul fils de roi, qui, mort avant son père, eût transmis à ses fils des droits à un trône qu'il n'avait pas occupé. Pour rencontrer une semblable transmission, il faut la chercher dans la dynastie des Ommiades, où Abd-el-Rahmanben-el-Mactoul avait succédé à son aïeul Abd-Allah. Mais les usages des Arabes ne pouvaient servir de règle aux chrétiens; et dans la famille de Pélage souvent on a vu les frères du roi décédé choisis pour lui succéder de préférence à ses propres fils. Jamais on n'avait vu les petits-fils d'un roi exclure leur oncle du trône. Les cortès de Ségovie chargèrent donc l'infant don Manuel de déclarer en leur nom que le droit était en faveur de don Sancho. Elles proclamèrent celui-ci héritier de la couronne. Il faut cependant que la question ne parût pas alors aussi claire qu'elle nous le semble aujourd'hui, puisque cette décision fut vivement critiquée par de savants publicistes, et qu'on a donné au fils de Ferdinand de la Cerda le surnom d'Alphonse le Déshérité.

Pendant que les Castillans s'occupaient de ces graves intérêts, don Jayme voyait la guerre éclater dans le royaume de Valence. Il avait ordonné d'en expulser tous les infidè les; mais sans doute ce décret de bannissement n'avait pas été exécuté avec une grande rigueur. On y comptait encore beaucoup de musulmans; et l'arrivée de Yacob-Abu-Yousoufleur ayant fait concevoir l'espoir de se soustraire à la domination chrétienne, ils avaient couru aux armes.

Don Jayme s'était rendu à Xativa pour être plus près du théâtre de la guerre. Elle ne se fit pas avec autant

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de succès qu'il l'aurait voulu, et un corps d'Aragonais, commandé par don Garci de Ruiz de Azagra, étant tombé dans une embuscade, fut taillé en piè ces. Le roi en conçut un chagrin qui, joint à la fatigue, lui causa une grave maladie. Pour changer d'air, il se fit transporter à Alzira; mais comme le mal augmentait, il fit appeler son fils don Pedro, lui remit le gouvernement de l'État, et se fit ensuite revêtir d'une robe de bernardin. Il voulait se rendre au couvent de Poblet et y passer le reste de ses jours. Mais la maladie ne le lui permit pas, et il mourut à Valence le 27 juillet 1276. Il avait rédigé un testament par lequel il laissait l'Aragon, la Catalogne et le royaume de Valence à don Pedro; il léguait à son second fils les Baléares, ainsi que les États qu'il possédait en France. Don Jayme le Conquérant était un prince prudent, valeureux; il eût toujours été un grand homme s'il n'eût rencontré que des hommes; mais il ne pouvait résister aux regards d'une femine.

TROUBLES EN NAVARÉÉ; LA REINE BLANCHE ET SA FILLE se réfugieNT EN FRANCE.LA VEUVE DE DON FERDINAND DE LA CERDA, SA MÈRE ET SEs enfants se réfugient en ARAGON. — MORT DE L'INFANT DON FADRIQUE ET DE SIMON RUIZ DE CAMEROS, SIÉGE D'ALGECIRAZ.-NOUVEAUX TROUBLES EN NAVARRE.- - L'ARMÉE FRANÇAISE ASSIEGE PAMPELUNE. TRANSACTION RELATIVEMENT AUX DROITS DES INFANTS DE LA CERDA.CORTÈS DE SÉVILLE; ALPHONSE X DEMANDE LE DROIT D'ALTÉRER LA MONNAIE. — IL DEMANDE QU'ON Ratifie l'arRANGEMENT RELATIF AUX INFANTS DE LA CERDA. - CORTÈS DE VALLADOLID. — ON DONNE A DON SANCHO LE GOUVERNEMENT

DE L'ÉTAT. GUERRE ENTRE DON SANCHO ET SON PÈRE. MASSACRE DES HABITANTS DÉ TALAVERA.—TESTAMENT D'Alphonse x. MORT D'ALPHOnse.

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On a vu que le roi Henri de Navarre était mort le 27 août 1274, laissant

pour héritière sa fille Juana, âgée seulement de trois ans. Elle devait apporter en dot une couronne à celui qui serait son mari. Aussi les princes voisins recherchaient-ils avec empressement une alliance qui pouvait considéra

blement augmenter leurs États. Ils s'occupaient à se faire des partisans parmi les seigneurs navarraís, qui se divisaient en deux partis. Les uns voulaient un prince aragonais; les autres préféraient un Castillah. Blanche, veuve de don Henri, tutrice de la jeune reine et régente du royaume, avait, du consentement des cortès, confié la direction des affaires à don Pedro Sanchez de Montaigu. Ce seigneur était favorable aux prétentions de l'infant d'Aragon, don Pedro, qui eût voulu marier son fils avec la jeune reine de Navarre. Les seigneurs qui préféraient une alliance castillane, avaient pour chef don Garcie Almoravides. Tout le pays était partagé entre ces deux factions. On en était venu aux armes; on ravageait les récoltes; on incendiait les maisons : c'était le commencement d'une guerre civile dont on ne pouvait prévoir les chances. Aussi Blanche résolut-elle de mettre en sûreté la couronne et la liberté de sa fille en la placant sous la protection de Philippe le Hardi. Elle passa en France avec sa fille, se rendit à Paris où le roi lui assigna un hôtel et des revenus. Ensuite il envoya, pour gouverner le royaume de Navarre, Eustache de Beaumarchais, qui, après avoir, suivant l'usage, juré de respecter et de faire respecter les fueros navarrais, prit la direction des affaires; et par une conduite pleine de sagesse et de fermeté, il parvint à rétablir momentanément la tranquillité en Navarre.

Dans la Castille, au contraire, les discordes civiles n'avaient pas encore éclaté. Mais c'était un incendie qui couvait. Il s'en fallait beaucoup que la décision des cortès de Ségovie ent convaincu tout le monde de la justice des prétentions de l'infant don Sancho. Yolande, reine de Castille, était Aragonaise; et, jugeant d'après les principes admis par la constitution de son pays, elle trouvait inique de priver du trone les fils de son premier-né. Blanche, fille de saint Louis, élevée dans les idées françaises, se révoltait contre une décision qui dépouillait ses enfants

de ce qui, aux termes de la loi salique, eût été l'héritage de leur père. Yolande, ne trouvant pas, auprès d'Alphonse X, la justice et l'appui qu'elle eût désirés pour les infants de la Cerda, les enleva, et, avec leur mère, elle se rendit auprès de son frère don Pedro d'Aragon.

Alphonse X, et surtout don Sancho, se montrèrent fort irrités de cette fuite. Ils firent redemander à don Pedro de leur renvoyer les fugitifs. Mais ce prince répondit qu'il n'avait jamais livré ceux qui étaient venus chercher un asile auprès de lui, et qu'il ne commencerait pas par trahir sa sœur et ses neveux. Cette réponse augmenta encore le mécontentement de don Sancho, qui, accusant l'infant don Fadrique, son oncle, d'être favorable au parti des infants de la Cerda, et d'avoir conseillé leur fuite, le fit étrangler à Burgos, lorsqu'il rentrait dans son palais (*). Il adressait les mêmes reproches à Simon Ruiz de Cameros. Il fit incendier la maison où ce seigneur s'était retiré, à Treviño, et le fit ainsi périr dans les flammes. Cependant le parti des infants de la Cerda avait trouvé plus d'un appui. Le frère de Blanche, Philippe le Hardi, envoya plusieurs fois des ambassadeurs au roi de Castille, pour lui adresser des réelamations; et, comme Alphonse n'y faisait pas droit, il lui déclara la guerre, et se disposa à passer les Pyrénées; mais le pape intervint. Il menaça le roi de France de l'anathème, s'il commençait les hostilités. Cette menace, jointe à la mauvaise saison qui rendait le passage des montagnes difficile, contribua à maintenir la paix.

Cependant le terme de la trêve conclue avec Yacob-Abu-Yousouf était arrivé. L'armée de don Alphonse avait été mettre le siége devant Algéciraz; elle serrait la ville par terre et par mer. Mais, comme le siége traînait en longueur, l'argent vint à manquer pour payer la solde et les vivres. Don Alphonse chargea un juif de Séville,

(*) Mariana dit qu'il fut décapité. Liv. xiv, ch. 3.

nommé Cax de la Maloa, de lui trouver des fonds.

Cependant Sancho souffrait avec im patience que sa mère fût retirée auprès du roi d'Aragon. Il avait envoyé Pinfant don Manuel auprès d'elle pour obtenir son retour. Après une longue négociation, on convint que la liberté serait laissée à Blanche de se retirer en France, si elle le jugeait convenable; que les infants de la Cerda seraient élevés dans le château de Xativa, et qu'Yolande reviendrait en Castille; mais, quand cet accord eut été conclu, la reine différa de l'exécuter, sous prétexte qu'elle avait contracté des dettes, et qu'elle ne pouvait pas quitter l'Aragon sans les avoir payées. Alors don Sancho se transporta chez le juif Cax de la Maloa; soit de bon gré, soit de force, il se fit remettre l'argent ramassé pour l'armée qui assiégeait Algéciraz, et l'envoya à la reine Yolande. Cependant la flotte et l'armée ne recevant ni vivres ni argent, les maladies et la désertion commencèrent à se mettre dans le camp et dans les équipages. Abu-Yousouf, en ayant été averti par ses espions, vint, à la têté d'une escadre bien armée, attaquer les vaisseaux chrétiens qui manquaient de tout et qui étaient à peu près déserts. Il les détruisit presque tous. Il entrà triomphant dans le port d'Algeciraz, et les chrétiens furent forcés de lever précipitamment le siége (*).

En Navarre, le parti castillan, un moment comprimé par Eustache Beaumarchais, avait pris de nouvelles forces. Une sédition éclata à Pampelune; Sanchez de Montaigu y fut massacré, et le gouverneur français, Eustache de Beaumarchais, forcé de se retirer dans la citadelle, y fut assiégé par les révoltés. Dès que Philippe le Hardi fut informé de cette rébellion, il envoya en Navarre une armée sous le commandement de Robert, comte d'Artois, et du connétable Imbert; et elle

(*) Condé place cet événement au 15 rabia for 678 (26 juillet 1279); il y a probablement là une erreur d'une année, car les chrétiens le mettent en 1278. Alors il faudrait lire, 15 rabia 1o 677 (6 août 1278).

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