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nir faire en Andalousie de fréquentes invasions. Don Sancho résolut de lui enlever Tarifa, et il parvint à s'en emparer apres un siége long et difficile. Cette conquête fut confiée à la garde du maître de Calatrava qui, plus tard, fut remplacé dans ce commandement par Alphonse Perez de Guzman. Le roi Abu-Yousouf fut très-chagrin de la perte de cette ville. Il s'occupait à faire des préparatifs pour la recouvrer, lorsque l'infant don Juan arriva en Afrique. Ce prince, mis en liberté par don Sancho, s'était montré peu reconnaissant de cet acte de clémence; il avait quitté son pays et venait à Maroc lui chercher des ennemis. Il offrit ses services au roi Abu-Yousouf, et promit de faire rentrer Tarifa sous son autorité, pourvu qu'on lui donnât 5,000 cavaliers et quelques troupes d'infanterie; avec ces forces il attaqua la ville; mais il fut toujours repoussé. Outré de ne pouvoir réussir dans son entreprise, il fit amener au bord du fossé un fils de Perez de Guzman qui était tombé entre ses mains, et ayant fait appeler le gouverneur, il le menaça de faire decapiter sous ses yeux ce inalheureux enfant, si la ville n'était pas livrée. Perez de Guzman ne répondit pas; il tira seulement son épée et, du haut des créneaux, la jeta aux musulmans. Les assiégeants furieux exécutèrent leur menace; ils égorgèrent cette innocente victime, et lancèrent sa tête sur les remparts. Mais ils ne tirèrent aucun profit de cet acte de férocité; le courage de la défense ne se démentit pas, et ils ne tardèrent pas à être forcés à la retraite. Cet héroïsme de Perez de Guzman a justement été célébré comme égalant les plus belles actions de l'antiquité. Il faut ajouter que ce courage de la défense, porté presque jusqu'au fanatisme, est un des traits du caractère espagnol, et dût-on m'accuser de me répeter, je ne saurais m'empêcher de rappeler ici cette glose de Lopez de Tovar Mira valde istam legem quæ permittit homicidium filii, potius quam traditionem castelli. Faites bien attention à cette loi qui permet de tuer

son fils plutôt que de rendre la place. Cette action fit donner au défenseur de Tarifa le nom de Guzman le Bon. Vous comprenez bien que le mot de bon ne signifie pas ici, en espagnol, cette tendresse de l'âme qui fait qu'on aime autrui et qu'on se plaît a l'obliger; bon signifie ce qui est bien, ce qui est généreux, et certes Guzman méritait ce surnom.

Don Saucho, atteint d'une maladie dont il ne devait pas guérir, fit son testament; il institua pour son successeur son fils Ferdinand, qu'il avait déjà fait reconnaître par les cortès, et il mourut, le 25 avril 1295, laissant à son héritier et à sa veuve une autorité contestée et un royaume rempli de troubles.

Tandis que l'incertitude sur le droit de succession au trône remplissait la Castille d'agitation et de misère, l'Aragon, fort par sa constitution, qui empêchait toutes les usurpations en même temps qu'elle réglait tous les droits, devenait chaque jour plus florissant et plus riche. Le pape avait, à la vérité, élevé la ridicule prétention de changer à son gré les princes de ce pays; il avait donné l'investiture du royaume d'Aragon à Charles de Valois; mais les armes de la France n'avaient pu faire exécuter cette sentence. Néanmoins on vivait dans l'appréhension continuelle d'une guerre, et la paix était désirée. Déjà, sous le règne d'Alphonse, on avait été sur le point de la conclure. Enfin, le 21 juin 1295. elle fut arrêtée entre don Jayme, Charles de Valois et Charles de Naples. Un mariage entre Blanche, fille de Charles de Naples, et don Jayme, fut la première condition de cette transaction. Don Jayme avait, on se le rappèle, été fiancé avec Isabelle, fille de don Sancho de Castille; mais cette union, que le roi d'Aragon avait pu désirer lorsque Sancho était sur le trône, ne lui présentait plus aucun intérêt ; le degré de parenté qui existait entre les fiancés, et pour lequel le saint-siége avait refusé des dispenses, était une excuse suffisante: don Jayme épousa donc Blanche, qui lui apporta en dot

soixante mille livres d'argent. Charles de Valois renonça à l'investiture du royaume d'Aragon prononcée à son profit par le pape; enfin, le souverain pontife promit de donner au roi d'Aragon l'investiture des îles de Corse et de Sardaigne.

De son côté, don Jayme s'engagea à mettre en liberté le prince de Salerne et les autres prisonniers qu'il conservait comme otages. Il rendit à son oncle le royaume de Majorque, dont ceJui ci avait été dépouillé; il fit l'abandon de tout ce que les Catalans avaient pris dans la Calabre et dans la Sicile; il fut même convenu que si les Siciliens ne voulaient pas adhérer à ce traité, don Jayme prêterait le secours de ses armes pour les y contraindre. Cette condition du traité se réalisa: don Frédéric fut choisi pour roi par les Siciliens à la place de Jayme, et, soit courage et bonheur de son côté, soit mollesse et connivence de la part de son frère, qui ne le combattait qu'à regret, il sut se maintenir sur le trône et le transmit à ses descendants.

Ces événements, ou du moins le traité dont ils étaient la conséquence, avaient suivi de peu de temps la mort de don Sancho. Če prince, comme on l'a vu, n'avait laissé qu'un royaume déchiré par les factions. Non-seulement on disputait la couronne à son fils, on allait jusqu'à lui dénier le titre d'enfant légitime. Don Sancho avait épousé doña Maria, fille d'Alphonse de Molina. Ce mariage avait été censuré pour cause de parenté. Cependant don Sancho n'avait jamais voulu consentir à se séparer de sa femme. Il en avait eu plusieurs enfants: don Alphonse, qui était décédé avant lui; don Ferdinand, son héritier, qui était à peine âgé de dix ans; don Pedro, don Philippe et deux infantes, doña Isabelle et doña Beatrix. Lorsqu'il fut mort, son frère don Juan, se prévalant de ce que le mariage avait été déclaré nul, prétendit que don Ferdinand n'était pas enfant légitime et ne pouvait pas hériter; il réclama donc le trône comme étant le parent le plus proche du roi qui venait de mourir.

L'infant don Enrique, frère d'Alphonse le Savant, celui qu'on a vu chercher un refuge en Afrique et passer ensuite en Italie, y avait embrassé le parti de Conradin. Livré à Charles d'Anjou par l'abbé d'un monastère où il s'était réfugié après la bataille de Tagliacozzo, il avait été jeté dans une prison dont il n'était sorti qu'en 1286, et sept années plus tard il était rentré en Espagne. Il y avait été bien accueilli par son neveu don Sancho; mais ni son âge, ni sa longue capti. vité, ni son exil plus long encore, n'avaient pu calmer son caractère ambi. tieux et remuant. Il exigea que la ré gence et la tutelle lui fussent conférées. La veuve de don Sancho fut obligée de les lui abandonner et de ne conserver pour elle que la garde de la personne de son fils. Tout le pays était déchiré par les factions. Don Diego Lopez de Haro, fils de don Lope, soutenait que la Biscaye formait l'héritage de son père; il s'en était emparé les armes à la main. L'infant don Juan, de son côté, quand il eut été forcé d'abandonner ses prétentions au trône, réclama la Biscaye comme devant lui revenir du chef de sa femme, héritière de Lope de Haro. Alphonse de la Cerda combattait toujours pour obtenir la couronne, et s'efforçait de détacher le roi d'Aragon don Jayme de l'alliance de la Castille. Pour prix des services qu'il attendait de lui, il lui abandonnait le royaume de Murcie. Afin de ga gner à son parti l'infant don Juan, il lui donnait le royaume de Léon. Le roi de France aussi, Philippe le Bel, éleva des prétentions au trône de Castille; il soutint que petit-fils de Blanche, fille d'Alphonse le Noble, il avait seul des droits a la couronne.

Ce fut une chose merveilleuse que le jeune Ferdinand ait pu se maintenir au milieu de tous ces partis; qu'entouré des Haro, des Lara, des infants don Juan et don Enrique, qui ne songeaient qu'à leurs seuls intérêts et jamais à celui de l'État, il n'ait pas succombé sous les attaques dont il était le but. Cependant avec le temps il acquit plus d'autorité. En 1305, Alphonse de

la Cerda, abandonné de l'Aragon et d'une grande partie de ses partisans, fut obligé de se retirer en France et de nommer des arbitres pour transiger sur ses droits aussi bien que sur les difficultés qui existaient entre l'Aragon et la Castille. On decida que le roi d'Aragon conserverait la partie du royaume de Murcie qui se trouve au nord de la rivière de Segura, à l'exception de la ville de Murcie et de ses dépendances; que tout le reste de ce royaume serait rendu à la Castille. Quant à don Alphonse de la Cerda, on décida qu'il cesserait de prendre le titre de roi de Castille et d'en porter les armes; qu'il écartèlerait son écu du blason de sa mère qui était celui de France; qu'il remettrait toutes les places qu'il avait en son pouvoir, et qu'en échange on lui en donnerait d'autres de manière à lui assurer une existence conforme à sa naissance. Alonzo de la Cerda refusa d'abord de ratifier cette sentence; mais comme ses ressources étaient épuisées, il fut bientôt forcé de s'y soumettre.

C'est pendant ce règne déjà si rempli de révoltes que s'accomplit la suppression des Templiers. Ces chevaliers avaient acquis tant de puissance et tant de richesses, qu'ils inspirèrent des craintes sérieuses à l'autorité royale. Ce fut là sans doute le plus réel de leurs crimes, mais ce ne fut pas celui dont on les accusa. Liés entre eux par des serments qui n'étaient pas connus du vulgaire, ils portaient des signes de reconnaissance dont le sens n'était révélé qu'aux seuls initiés; ainsi, ils avaient la croix à trois branches qu'ils appelaient baphomet, c'est-à-dire, le baptême de l'intelligence. Ces mystères, ces appellations singulières servirent de texte aux accusations portées contre eux. On leur reprocha d'avoir adopté les principes des gnostiques, de s'être livrés aux rêveries de l'astrologie, de renier le Christ. Le savant M. de Hammer a récemment publié, dans les Mines de l'Orient, une longue dissertation pour démontrer que les Templiers étaient réellement coupables. Malgré tout le mérite de cet

écrit, malgré toutes les recherches qu'on a faites, leur crime ou leur innocence sont encore un problème qu'il n'est plus donné à personne de résoudre. Mais ils étaient menaçants pour l'autorité du chef de la nation. L'inté rêt public voulait qu'ils fussent détruits; aussi on les condamna. En France, ils furent brûlés; en Espagne, on les traita moins rigoureusement. Ferdinand, pour exécuter une bulle du pape, s'empara des biens qu'ils possédaient dans ses États. Ceux qui avaient des commanderies en Aragon se renfermèrent dans les places qu'il y possédaient; mais désespérant de pouvoir s'y maintenir, ils les remirent au roi et demandèrent à être jugés. On instruisit contre eux dans toutes les parties de l'Espagne. Don Rodrigo Ibañez, grand commandeur des Templiers d'Espagne, et les principaux dignitaires de l'ordre, comparurent devant les prélats assemblés à Salamanque, et le concile les déclara innocents des crimes dont s'étaient souillés les autres membres de l'ordre établi en France. On leur laissa donc la liberté. On déclara que leur foi et que leur honneur étaient purs; mais on ne leur rendit pas leurs biens, qui furent partagés entre les chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem et les ordres de SaintJacques, d'Alcantara et de Calatrava. En Aragon, ils servirent à fonder l'ordre de Saint-Georges de Montesa. Les troubles que ces événements avaient occasionnés étaient apaisés. Don Ferdinand, âgé de plus de vingt-six ans, commençait à tenir les rênes de l'État d'une main plus ferme. En paix avec l'Aragon, tranquille du côté de l'infant de la Cerda, il faisait avec succès la guerre contre les Maures de Grenade, quand un de ces événements qu'il n'est donné à l'intelligence humaine ni de prévoir, ni de comprendre, vint replonger la Castille dans tous les maux dont elle sortait. Deux jeunes seigneurs du nom de Carvajal vivaient retirés à Martos; on les accusait d'avoir assassiné à Palencia Juan Alonzo de Benavidez au moment où il sortait du palais du roi. En se rendant à son armée,

qui faisait le siége d'Alcaudete, don Ferdinand fut obligé de passer par Martos. Il fit saisir les frères Carvajal, et convaincu de leur crime, sans vouloir écouter leur justification, il ordonna de les précipiter du haut des murailles de la ville. Pendant qu'on les conduisait au supplice, les deux condamnés protestèrent de leur innocence et déclarèrent qu'ils ajournaient le roi à comparaître dans trente jours devant le tribunal de Dieu.

Le dimanche, 17 septembre 1312, le roi, qui se trouvait alors à Jaën, après avoir pris son repas, se jeta sur son lit et s'endormit pour ne plus se réveiller. Lorsque ses domestiques, étonnés de la longueur de son sommeil, entrèrent dans sa chambre, ils le trouvèrent mort. C'était le trentième jour après le supplice des Carvajal; c'était le terme de l'ajournement qu'ils lui avaient donné. Cette coïncidence frappa tous les esprits; on y trouva quelque chose de surnaturel; et ce prince reçut le nom de Ferdinand l'Ajourné.

ABU-YOUSOUF rend la villE D'ALGECIRAZ A
MOHAMMED II. MORT DE CE PRINCE.
SON FILS MOHAMMED III LUI SUCCÈDE.
IL DEVIENT AVEUGLE ET Est détrôné pAR
MULEY-AL-NASSR SON FRÈRE. -MULEY-
AL-NASSR EST DÉTRONÉ PAR SON NEVEU
ISMAIL ABU-WALID BEN-FERAG. MINO-
RITÉ D'ALPHONSE XI. TROUBLES ET DIS-
SENSIONS QUI ACCOMPAGNENT L'ÉTABLISSE-
MENT DE LA RÉGENCE. MORT DE LA
REINE CONSTANCE. --LES INFANTS DON
PEDRO ET DON JUAN MEURENT EN DIRI-
GEANT UNE EXPÉDITION DANS LA CAMPA-
GNE DE GRENADE. -MORT DE LA REINE
MARIE. ÉTAT DEPLORABLE DE LA CAS-
TILLE AVANT LA MAJORITÉ D'ALPHONSE XI.

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C'est un fait digne d'observation, que tous les princes qui ont appelé à leur secours les émirs africains ont eu bientôt à s'en repentir. Mohammed II, après avoir introduit en Espagne les Beni-Merines, eut à se défendre plus d'une fois contre leurs attaques. Cependant, à la faveur des dissensions qui divisaient le royaume de Castille, il parvint à se maintenir et contre les

chrétiens et contre Abu-Yousouf (*); et même celui-ci ayant, comme on l'a vu, perdu la ville de Tarifa, et ayant échoué en 1294 dans ses efforts pour la reprendre, se dégoûta de faire la guerre en Europe. Il n'y possédait plus que la ville d'Algéciraz. La conservation de cette place lui était excessivement onéreuse; il proposa done de la restituer au roi Mohammed, moyennant une somme d'argent. Ce marché fut accepté, et les Beni-Merines abandonnèrent la dernière ville qui leur restât en Espagne. Le roi Mohammed II se trouva donc le seul souverain musulman de la Péninsule. Il profita des troubles qui accompagnèrent la minorité de Ferdinand pour faire plusieurs expéditions sur les terres des chrétiens. Enfin, après un règne de trente années arabes, il mourut dans la soirée du dimanche, 8 sjaban de l'année 701 de l'hégire (samedi, 7 avril 1302); il était occupé à faire sa prière quand il s'éteignit; son corps ne portait les traces d'aucune douleur; seulement ses joues étaient couvertes de larmes. Il laissait trois enfants: Mohammed AbdAllah, son fils aîné, qu'il avait de son vivant associé au trône, et qui fut son successeur; Muley-al-Nassr (**), et une fille mariée au gouverneur de Malaga, Ferag-Ben-al-Nassr (***).

Mohammed III était un prince trèslaborieux, disent les historiens arabes; il passait les nuits entières à expédier les affaires commencées dans la journée; aucun de ses ministres ne pouvait travailler aussi longtemps que lui; aussi étaient-ils obligés de se relever l'un l'autre. Cet excès de fatigue ne tarda pas à ruiner sa santé; il perdit presque entièrement la vue. Un parti se forma en faveur de son frère Muleyal-Nassr. On disait que Mohammed

(*) La chronique d'Alphonse XI fait de ce nom celui de Boyuzaf.

(**) Ferreras et la chronique de Villazan l'appellent Nazar; Mariana le nomme Azar.

(***) La chronique de Villazan le nomme Farrachen; dans Mariana on trouve Farraquen; dans Ferreras, Farax; et dans Condé, Ferag.

était aveugle, ce qui le mettait dans la nécessité de s'en rapporter à ses conseillers pour examiner les affaires; on répétait qu'un prince avait besoin de voir par ses propres yeux. A la sortie de la lune de ramadan de l'année 708 (14 mars 1309), une grande foule de populace entoura le château et se mit à crier: Vive Muley-al-Nassr! vive notre roi Al-Nassr! Ensuite cette tourbe culbuta le peu de gardes qui défendaient le palais, et les révoltés ne laissèrent à Mohammed III que l'alternative de mourir ou d'abdiquer. Ce prince se résigna, et laissa la royauté à Muley-al-Nassr, qui le fit conduire à Almunecar.

Il est rare qu'on puisse garder sans contestation une autorité mal acquise. Muley se plaignit bientôt des menées d'Ismaïl - Abu - Walid (*), fils de sa sœur et de Ferag, alcayde de Malaga. I fit des représentations à son beau-frère; mais celui-ci, loin de réprimer l'ambition de son fils, se borna à rappeler à Muley la manière dont il avait dépouillé Mohammed; et Ismaïl ne cessa pas d'agiter le royaume. Dans le courant de l'année 710 de l'hegire (1310), Muley-al-Nassr fut frappé d'une attaque d'apoplexie. On le crut mort, et les partisans de Mohammed allèrent tirer de sa retraite le roi détrôné; mais, lorsqu'il arriva à Grenade, Muley avait recouvré la santé, et Mohammed fut obligé de retourner promptement à Almunecar. Trois ans plus tard, le 3 sjawal 713 (21 janvier 1314), il se noya dans un étang. Suivant quelques auteurs il y tomba par accident; mais le plus grand nombre des historiens attribuent sa mort à un crime. Au reste, il ne resta pas longtemps sans vengeance. Ismaïl-Abu-Walid, fils de Ferag, alcayde de Malaga, rassembla en toute hâte une armée, et le jeudi, du mois de sjawal de l'année 713 de l'hégire (14 février 1314), vingt-quatre jours seulement après la mort de son oncle, il prit le titre de roi. Le lende main, 28, il vint mettre le siége devant Grenade. Muley était bien déter(*) Ferreras l'appelle Abu-Gualid.

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miné à se défendre; mais une partie des habitants sortit de la ville et alla grossir le camp de son adversaire. Au point du jour, les partisans d'Ismail lui ouvrirent une des portes de la ville, en sorte qu'il y entra sans coup ferir, et que le roi fut obligé de se retirer dans l'Alhambra. Là, vivement pressé par ceux qui l'assiégeaient, il fut bientôt forcé de capituler le 3 dulhagia 713 (21 mars 1314). Ismaïl lui laissa pour habitation la ville de Guadix. Muley s'y retira avec ses partisans, et y mourut huit années plus tard, le 6 de la lune de dsulkada 722 (16 novembre 1322).

Quelles que fussent les révolutions qui, à cette époque, agitaient le royaume de Grenade, le gouvernement des Maures pouvait passer pour calme et pour tranquille en comparaison de celui de la Castille. Le roi Ferdinand l'Ajourné avait laissé pour héritier un enfant au berceau. Les grands n'avaient pas hésité à le proclamer leur souverain. Mais que pouvait un enfant pour assurer la tranquillité publique? Que pouvait-il dans un pays déjà tout sanglant de ses discordes civiles? Une partie du règne d'Alphonse le Savant n'avait été que troubles et rébellions; du temps de Sancho, les intrigues, les guerres, les vengeances, les reactions, les exécutions sanglantes, n'avaient pas cessé de dechirer l'État. Sous la minorité de Ferdinand l'Ajourné, le pillage, le meurtre, l'assassinat, tout ce qu'il y a de mauvaises passions, avaient un libre cours. Quelle allait donc être la désolation nouvelle qui allait affliger ce malheureux pays?

Aussitôt que Ferdinand avait été mort, on avait prié la reine Marie sa mère de s'emparer de la régence. Sans doute la minorité de son fils avait été bien agitée, bien turbulente, cependant les peuples avaient confiance en la vieille Marie de Molina; ils ne pou. vaient suspecter la bonté de ses intentions. En acceptant, elle aurait peutêtre épargné quelques calamités à son pays; mais elle avait déjà supporté le fardeau d'une régence; elle hésita. Au

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