Page images
PDF
EPUB

arrivèrent au salon où se tenait le roi, ils le trouvèrent fermé. Les portes ne s'ouvrirent pas sur-le-champ, et Pero Lopez de Padilla, le chef des arbalétriers, était dehors avec eux. Enfin ils furent introduits, et le roi dit à Lopez de Padilla, son grand arbalétrier : « Prenez le maître. Lequel des deux faut-il prendre? repartit Padilla. Prenez le maître de Saint-Jacques, >> dit le roi. Et à l'instant Pero Lopez mit la main sur don Fadrique, et lui dit: « Je vous arrête. » Le maître en fut tout épouvanté, et aussitôt le roi dit aux arbalétriers de masse qui étaient là: « Tuez le maître de SaintJacques. >> Et comme les arbalétriers n'osaient le faire, un homme de la chambre du roi, que l'on appelait Ruy Gonçalez de Atiença, dit à haute voix: << Traîtres, comment vous comportezvous? N'entendez-vous pas que le roi vous ordonne de tuer le maître? » Et comme les arbalétriers virent que le roi le commandait, ils levèrent leurs masses pour frapper don Fadrique. L'un d'eux s'appelait Nuño Fernandez de Roa, l'autre Juan Diente, et un autre Garci Dias d'Albarracin; et le quatrième Rodrigo Perez de Castro. Quand le maître vit ce qui en était, il se dégagea des mains de Pero Lopez de Padilla, il sauta dans la cour, et portant la main à son épée, il voulut la tirer; mais il ne put y parvenir, parce que la garde était engagée dans le baudrier. Les arbalétriers arrivèrent sur le maître pour le frapper; toutefois ils ne le purent d'abord atteindre, parce que don Fadrique courait rapidement d'un côté et d'autre. Enfin Nuño Fernandez, qui le suivait de plus près, l'atteignit et lui donna de sa masse sur la tête, de manière qu'il tomba à terre; et alors arrivèrent les autres gardes, et tous le frappèrent. Dès que le roi eut vu le maître à terre, il se mit à chercher dans les autres salles de l'Alcazar, pensant y trouver quelquesuns de ceux qui avaient accompagné don Fadrique, car il prétendait aussi les tuer; mais il ne trouva personne: les uns n'avaient pu entrer avec le maître; les autres s'étaient enfuis ou

cachés. Cependant il trouva un écuyer appelé Sancho Ruiz de Villegas, qui s'était réfugié dans l'appartement où se tenait Maria de Padilla: il s'était emparé de Béatriz, la fille aînée du roi; il la tenait entre ses bras, pensant ainsi échapper à la mort; mais le roi la lui fit arracher, et il le frappa luimême avec la dague qu'il portait à sa ceinture. Quand Sancho Ruiz de Villegas fut étendu mort, le roi retourna au lieu où gisait le maître; et trouvant que celui-ci respirait encore, il tira la dague qu'il portait à sa ceinture, la remit à l'un des pages de sa chambre, et le lui fit achever. Puis quand cela fut fait, le roi fit dresser la table, et prit son repas dans la salle où le cadavre du maître de Saint-Jacques était étendu.

Le roi fit ensuite appeler l'infant don Juan, et lui dit qu'il allait partir pour la Biscaye, afin de faire mettre don Tello à mort, et qu'alors ce serait à lui que reviendrait la seigneurie de la Biscaye, puisque sa femme s'en trouvait légitime héritière. L'infant baisa la main du roi, et le remercia de la grâce qu'il lui promettait. Ils se mirent en route pour la Biscaye; mais don Tello, prévenu de son arrivée, s'embarqua et gagna les côtes de France. Don Juan voyant que don Tello était parti, réclama la seigneurie qui lui avait été promise; le roi répondit que cela était juste. La junte générale des habitants de la seigneurie fut convoquée et se réunit suivant l'usage sous le chêne de Guernica. Don Pedro présenta don Juan à l'assemblée, en rappelant les droits que donnait à cet infant son mariage avec Isabelle de Lara; mais il avait eu soin de voir en secret les membres influents de la junte, et d'après les instructions que le roi leur avait données, ils répondirent qu'ils ne voulaient pas d'autre seigneur que le roi de Castille. L'infant don Juan comprit bientôt qu'il avait été joué, et peut-être ne mit-il pas assez de prudence dans l'expression de son mécontentement. Peu de jours après la junte, le roi, qui se trouvait à Bilbao, envoya dire à

don Juan qu'il vint au palais. L'infant s'y rendit sur-le-champ: il entra dans la chambre du roi; il n'était accompagné que par trois écuyers, qui restèrent à la porte. Pour toute arme l'infant portait un petit poignard. Quel ques-uns de ceux qui se trouvaient avec le roi, et qui connaissaient son projet, se mirent à jouer avec l'infant de manière à lui enlever son poignard. Quand cela fut fait, Martin Lopez de Cordoba, valet de chambre du roi, saisit don Juan à bras-le-corps, et Juan Diente, l'un des arbalétriers, donna à l'infant un coup de masse sur la tête; d'autres arbalétriers arrivèrent, et le frappèrent aussi. Malgré ces coups, l'infant ne tombait pas tout étourdi, il fit quelques pas vers l'endroit où était Juan Fernandez de Hinestrosa, qui, le voyant venir ainsi, tira l'épée, la porta en avant, en lui criant: « Oh là! oh là! » Un des arba létriers, appelé Gonzalo Recio, donna un coup de masse sur la tête de l'infant, qui tomba mort. Alors le roi le fit jeter par une fenêtre de son logement qui donnait sur la place publique, et il dit aux Basques qui s'y étaient rassemblés : : « Tenez, voilà, voilà le seigneur de Biscaye, celui qui voulait vous gouverner. » Le roi fit porter le corps de l'infant à Burgos: on le garda pendant quelque temps dans le château, ensuite on le jeta dans l'Arlanzon, en sorte qu'on ne le revit plus. Don Juan fut assassiné le mardi 12 juin, quinze jours après que le maître de Saint-Jacques eut éprouvé le même sort.

C'est ainsi que don Pedro le Cruel se vengeait, par la mort de don Juan, de la défection de son frère aîné le marquis de Tortose, qui avait été un des premiers à quitter son parti pour passer au service de l'Aragon. Mais cette vengeance ne lui suffisait pas encore: il fit arrêter la reine Leonor sa tante, mère des infants d'Aragon, et Isabelle de Lara, veuve de don Juan, et les fit emprisonner à Castro Xeriz. Cependant la guerre entre l'Aragon et la Castille continuait. Le légat du pape faisait, à la vérité, tous ses ef

forts pour déterminer les deux rois à faire la paix; mais les prétentions de don Pedro de Castille étaient si follement exagérées, qu'il n'était pas possible de les accepter; aussi ce prince, furieux de ne pas obtenir tout ce qu'il demandait, attribua ce refus aux principaux chefs de l'armée aragonaise c'étaient don Enrique de Trastamare, don Tello, et don Fernand, marquis de Tortose. La haine inventive de don Pedro le Cruel chercha par quel crime il pourrait faire.retomber sur eux sa vengeance. Il tenait prisonnière à Castro Xeriz la reine Leonor, sa tante, mère de l'infant don Fernand i la fit mettre à mort; il fit aussi renfermer dans Almodovar del Rio doña Juana de Lara, épouse de don Tello. Il l'avait prise lorsque celui-ci s'était sauvé en France après la mort de don Fadrique. Quelques jours plus tard il la fit ramener à Séville, où elle fut tuée par ses ordres. Enfin Isabelle de Lara, veuve de don Juan, vivait encore. Il l'avait fait enfermer à Castro Xeriz avec doña Leonor; il l'envoya, après la mort de celle-ci, à Xerès de la Frontera. Il fit aussi transférer dans cette dernière ville Blanche de Bourbon, sa femme, qui était depuis déja longtemps dans le château de Siguenza. Ces deux infortunées furent mises dans la même prison, mais Isabelle de Lara souffrit moins longtemps: elle mourut la première, et l'on croit qu'elle fut empoisonnée.

La guerre cependant continuait avec acharnement entre l'Aragon et la Castille, et don Pedro le Cruel eut plus d'un échec à subir; il en fut un surtout dont il éprouva un vif ressentiment. Dans le mois de septembre de l'année 1359, un corps d'armée commandé par don Juan Fernandez de Hinestrosa et par don Fernand de Castro fut battu par don Enrique et par don Tello. Don Fernand de Castro parvint à s'échapper en fuyant à toute bride; mais Hinestrosa fut tué. Le roi de Castille en fut vivement affecté, car Hinestrosa était l'oncle maternel de doña de Padilla. Ne pouvant se ven

[blocks in formation]

ALHAMAR OU LE Rouge. -PAIX ENTRE
L'ARAGON ET LA CASTILLE, MORT DE LA
REINE BLANCHE DE BOURBON. MORT DE
MARIA DE PADILLA.MORT DU ROI ABU-
SAID ET DE TRENTE-SEPT CHEVALIERS MAU-
RES. NOUVELLE GUERRE ENTRE L'ARA-
GON ET LA CASTILLE. MORT DE L'INFANT
FERDINAND D'ARAGON. DON ENRIQUE
APPELLE EN ESPAGNE LES COMPAGNIES
BLANCHES COMMANDÉES PAR BERTRAND DU
GUESCLIN. — DON PEDRO ABANDONNE L'ES-
PAGNE SANS COMBATTRE. IL EST RAMENÉ
PAR LE PRINCE DE GALLES. - BATAILLE
DE NAVARETE. DON PEDRO VEUT MAS-
SACRER LES PRISONNIERS DE GUERRE.
LA MÉSINTELLIGENCE SE MET ENTRE LUI
ET LE PRINCE NOIR. DON PEDRO SI-
GNALE SON RETOUR PAR DE NOUVEAUX
MASSACRES. DON ENRIQUE REVIENT EN
CASTILLE. SIEGE DE TOLÈDE. -- BA-
TAILLE DE MONTIEL. MORT DE DON
PEDRO.

[ocr errors]

La victoire remportée sur Hinistrosa par don Henrique, don Tello, et le comte d'Osuna, qui commandaient l'armée aragonaise, avait considérablement augmenté leur assurance. Ils entrèrent donc dans la Rioja et s'emparèrent de Najara. Dans cette ville, ils firent mettre à mort un grand nombre de juifs par haine pour don Pedro et parce que ce prince favorisait d'une manière toute particulière ceux de ses sujets qui suivaient la loi de Moïse. Ils pénétrèrent jusqu'a Pancorvo et ils reprirent la ville de Tarazone. De son côté, le roi don Pe

dro s'empressa de rassembler son armée. Il s'avança en toute hâte pour aller s'opposer aux progrès des Aragonais, et alla camper à Azofra, village peu éloigné de Najara.

Si l'histoire devait écarter le récit de tout ce qui paraît surnaturel, peutêtre faudrait-il passer ici sous le silence une prédiction qui vint effrayer don Pedro et qui, peut-être, ne fut pas sans influence sur le reste de sa carrière. Un prêtre de la ville de SaintDominique de la Chaussée se présenta au camp et demanda à parler au roi. Seigneur, lui dit-il, j'ai vu en songe « le grand saint Dominique de la « Chaussée qui m'a chargé de venir « vous trouver et vous conseiller de << bien vous tenir sur vos gardes, car a vous devez recevoir la mort de la << main du comte don Enrique votre « frère. »

[ocr errors]

En entendant ces paroles, le roi se troubla et demanda au prêtre si quelqu'un l'avait envoyé pour lui adresser une semblable menace. « C'est, reprit celui-ci, saint Dominique seul qui m'a commandé de venir vous donner cet avis.» Don Pedro ayant appelé du monde, le prêtre répéta en public ce qu'il avait dit en particulier, et comme il persistait à soutenir que saint Dominique seul l'avait engagé à faire cette démarche, le roi ordonna d'élever immédiatement un bûcher devant sa tente, et il y fit brûler vif le messager de saint Dominique.

Un auteur célébre a dit : « Souvent des faits qui, suivant les probabilités, ne devaient pas avoir lieu, arrivent par cela seul qu'ils ont été prédits. » Cette pensée s'applique merveilleusement à la prédiction de saint Dominique. Un combat fut livré entre les Castillans et les Aragonais; ces derniers furent mis en fuite et forcés de se retirer à Najara. Don Enrique s'était réfugié dans cette place, mais elle était mal approvisionnée; il était impossible d'y faire une sérieuse résistance. Tous les partisans de don Pedro voulaient donc qu'elle fût attaquée sans le moindre délai; on y eût pris don Enrique. Dans toute autre circonstance, le roi

de Castille n'eût pas laissé échapper cette occasion d'assouvir sa haine et d'assurer sa tranquillité; mais peutêtre la prédiction qu'il venait d'entendre lui fit-elle craindre un de ces retours de fortune si fréquents à la guerre. Il ne voulut pas presser son ennemi; il le laissa tranquillement sortir de Najara et défendit qu'on le poursuivît. Il se contenta de mettre une bonne garnison dans la ville qu'il avait recouvrée, puis il retourna à Séville, où il continua à faire mettre à mort tous les seigneurs qui lui portaient ombrage. Plusieurs de ceux que sa colère menaçait avaient été chercher un refuge en Portugal. Le roi de ce pays s'engagea à les livrer, et le roi de Castille, en échange, promit de faire arrêter, et d'envoyer en Portugal, Coelho, varo et Pacheco, afin que don Pedro pût venger sur eux la mort de sa maîtresse Inez de Castro. Ce marché de sang s'exécuta. Men Rodriguez Tenorio, Ferrand Gudiel de Tolède, Fortun Sanchez Calderon, et d'autres encore, furent remis au tyran de la Castille, qui les fit mettre à mort. Alvaro et Coelho furent envoyés en Portugal. Quant à Pacheco, lorsqu'on vint pour l'arrêter, il était à la chasse; il fut possible de l'avertir du danger qui le menaçait; il eut le temps de se réfugier en Aragon.

Al

Quelque horreur que puisse inspirer le récit de ces assassinats, il faut en rapporter de plus odieux encore. La colère, la vengeance, avaient paru jusqu'à présent les seuls mobiles des crimes de don Pedro, et, malgré tout ce que ces passions ont d'affreux, au moins elles ne présentent rien de bas et n'avilissent pas la pensée; mais tremper ses mains dans le sang par amour pour l'argent, c'est joindre la bassesse à la perversité; c'est là cependant qu'en était arrivé don Pedro. Cupide autant que cruel, il fit mettre à mort, en 1360, son trésorier Simuel Levi. Ce juif, tout en remplissant les coffres de don Pedro, avait accumulé pour son compte d'immenses richesses; il avait fait aussi la fortune de ses parents. Tout ce qu'il avait

25 Livraison. (ESPAGNE.)

amassé fut confisqué par don Pedro.

A chaque instant l'histoire des Maures vient se mêler à celle des rois de Castille. Il faut interrompre ici le récit des crimes de don Pedro et s'occuper un instant des révolutions qui agitaient le royaume de Grenade. A la mort d'Alphonse le Vengeur, le prince musulman qui régnait dans la Péninsule était, on se le rappelle, Yuzuf-Abu'l-Hegiag. Le 1 sjawal 755 (19 octobre 1354), ce roi était prosterné dans la mosquée principale de Grenade, où il faisait sa prière, lorsqu'un homme furieux se jeta sur lui et le poignarda. Aux cris de détresse poussés par ce prince, la prière cessa; on se précipita sur l'assassin, qui fut aussitôt mis à mort par les témoins de son crime. On reporta le roi à son palais; mais il rendit le dernier soupir lorsqu'on y arriva. On proclama aussitôt pour roi son fils aîné Mohammed (*). Ce prince s'empressa de faire demander au jeune roi de Castille la continuation des trêves qui avaient été conclues en 1350. Don Pedro accueillit volontiers cette demande, et Mohammed l'aida de ses vaisseaux dans la guerre qu'il faisait à l'Aragon. Le roi de Grenade gouverna tranquillement ses États pendant cinq années; mais Ismaïl, son frère consanguin qui ambitionnait le trône, et AbuSaïd qui était aussi son parent, conjurèrent contre lui. Ils rassemblèrent bientôt un assez grand nombre de partisans. Le 28 ramadan 760 (23 août 1359), cent hommes déterminés profitèrent de l'obscurité de la nuit pour escalader la partie la plus élevée du palais de Mohammed. Ils y attendirent en silence que la moitié de la nuit fût écoulée; alors, à un signal donné, ils se précipitèrent dans le palais tandis que d'autres conjurés attaquaient et brisaient les portes, en proclamant pour roi le prince Ismaïl;

(*) Ferreras le nomme dans un endroit Mohammed-Yago et dans un autre Mohammed-Lago-abul-Gualid; il dit, année 1354, qu'il était oncle de Yusuf, et, année 1359, qu'il était son frère. Il fait mourir Yusuf le

25

car ils pensaient que ceux qui étaient entrés les premiers n'avaient pas manqué de mettre Mohammed à mort; mais ceux-ci, plus avides de pillage qu'empressés de verser le sang, s'occupaient à dévaliser le palais. Pendant ce temps Mohammed était, avec une des femmes de son harem, dans une pièce retirée. Il descendit dans les jardins; son fils s'y était déjà réfugié. Ils y trouvèrent heureusement des chevaux; ils prirent la fuite et arrivèrent sains et saufs à Guadix, où les ha bitants reçurent Mohammed comme leur roi et leur seigneur.

Le rebelle Ismaïl fut proclamé roi et s'empressa d'envoyer des ambassa deurs à don Pedro le Cruel. Il lui demanda le maintien des trêves, et offrit de continuer à l'aider de ses vaisseaux dans la guerre qu'il soutenait contre l'Aragon. Don Pedro accepta ces offres. Cependant, Mohammed voyant que le secours de don Pedro lui manquait pour remonter sur le trône, passa en Afrique, où le roi de Fez, Abu-Salem, lui fit le meilleur accueil. Ce prince lui donna des troupes pour venir combattre l'usurpateur; mais elles étaient à peine débarquées en Andalousie, qu'elles reçurent la nouvelle de la mort de leur souverain, et que l'ordre leur fut transmis de retourner en Afrique. Leur départ priva Mohammed de la plus grande partie de son armée; il ne se sentait plus assez fort pour tenter les chances de la guerre, et il se retira à Ronda, qui s'était déclarée pour lui. Néanmoins Ismaïl ne jouit pas longtems du pouvoir qu'il avait usurpé. Abu-Saïd avait été l'un des artisans les plus actifs de la révolution qui avait renversé Mohammed. Il avait fait donner à son jeune parent le titre de roi; mais il avait, en réalité, gardé pour lui-même la plus grande partie de l'autorité. Il 19 novembre. Il y a une erreur d'un mois. Mariana le nomme Mohammed-Lago; Ginès de Hita l'appelle Mahomad Lagus. Bleda lui donne le même nom et il ajoute : ce nom de Lagus signifie en arabe le Vieux. Marmol lui donne encore le surnom de AbilGualid ou Abu'l-Walid et celui de Ibni. Nacer ou ben-Nassr.

en profita pour gagner presque tous les chefs, et, le samedi, 25 sjaban 761 (11 juillet 1360), une révolte éclata dans Grenade. Ismail fut pris et massacré, et l'on proclama roi à sa place Abu-Said, plus connu sous le nom d'Alhamar, c'est-à-dire le Rouge, qui lui fut donné soit à raison de la couleur de sa barbe et de ses cheveux, soit parce qu'il descendait d'Alhamar, le premier roi de Grenade. Abu-Saïd sachant que le roi de Castille était favorable au parti de Mohammed-ben-Yusuf, dut naturellement rechercher l'alliance du roi d'Aragon. Ce fut pour don Pedro je Cruel un sujet de mécontentement et d'alarmes. A peine assez fort pour résister à l'Aragon, il se demanda comment il pourrait faire pour lutter contre les Aragonais sur les frontières de la Castille, et contre les Maures dans le cœur de l'Andalousie. Il résolut d'avoir recours à la ruse qui, tant de fois, lui avait réussi. Il accueillit les ouvertures de paix que lui faisait le nouveau roi de Grenade, et, après avoir ainsi mis ses frontières en súreté du côté des Maures, il partit, au commencement de l'année 1361, pour faire la guerre en Aragon. Il remporta quelques avantages dans cette campagne, qui se termina par un traité de paix. Don Pedro de Castille, qui avait ses arrière pensées, se montra peu exigeant il demanda seulement que don Enrique, don Tello, et tous les réfugiés castillans qui se trouvaient en Aragon, fussent renvoyés de ce pays. Moyennant cette concession, il offrit de rendre à don Pedro le Cérémonieux les places qu'il lui avait enlevées, et promit d'être, à l'avenir, son ami fidèle et son allié sincère. Ces conditions furent acceptées. Don Pedro remit les villes dont il s'était rendu maître; mais ce ne fut pas sans conserver dans son cœur un vif ressentiment de la nécessité où il était de les restituer. Dans ses instincts de bête féroce, il avait besoin de faire tomber le poids de sa colère sur quelqu'un. Que ce fût sur un innocent ou sur un coupable, peu lui importait, pourvu que du sang fût versé. L'infortunée reine Blanche de Bourbon était tou

« PreviousContinue »