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dit le même historien, n'étant que des gavottes et des menuets d'un ballet qu'Eustache de Corroy, un des plus grands musiciens de son siècle, avoit composé pour le divertissement du roi Charles IX.

Ces Noëls avoient déjà beaucoup vieilli au commencement du dernier siècle. L'abbé Pellegrin, réduit à vivre de sa plume, s'avisa d'en composer de nouveaux, croyant, dit-il, ne pouvoir mieux employer qu'à ce pieux usage, le talent que Dieu lui avoit donné pour la poésie et la musique. Il auroit fallu ne point mêler à cet édifiant emploi de son temps, le culte des muses profanes, qui lui valut un interdit de la part du cardinal de Noailles. Son recueil est intitulé: Noëls nouveaux pour l'année sainte, et chansons spirituelles pour tout le cours de l'année, sur des airs d'opéra et de vaudeville très-connus. L'intention de Pellegrin étoit bonne. Il se plaint de la corruption du siècle, qui se rébutoit des sujets de dévotion; c'est pourquoi il avoit tâché, dit-il, de rendre ces chansons les plus divertissantes qu'il lui avoit été possible, et c'est sans doute ce qui l'avoit aussi déterminé à y adapter les airs les plus en vogue. Alors cela n'avoit apparemment rien de fort choquant, puisque Mme. de Maintenon fit faire à Pellegrin de ces chansons pieuses, pour l'usage de Saint-Cyr. Cependant je nie rappelle qu'autrefois les personnes religieuses souffroient impatiemment que les organistes touchassent, pendant l'office, des airs connus pour appartenir à des pièces de théâtre, et j'en ai vus qui out été réprimandés pour l'avoir fait.

Les Hymnes du Bréviaire de Paris, traduites par M. Gerard des Rivières, ne sont point exemptes de ce défaut. Ne pourroit-on pas faire pour tous les can

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tiques ce qu'on a fait pour quelques-uns, auxquels on a accommodé les chants d'usage dans l'Eglise? Ceux-ci sont assez beaux et assez variés pour qu'on n'ait rien à emprunter à une musique dont l'intention est bien différente.

Il me reste à dire un mot de cette nouvelle traduction. On connoît le mérite et la beauté des poésies sacrées de Santenil et de Coffin, par lesquelles ont été remplacées les hymnes des anciens bréviaires, C'étoit sans doute une tâche difficile que d'en faire passer l'élégance et la précision dans une autre langue, et surtout dans la langue françoise, dont la souplesse n'est point la qualité dominante. Presque par tout le traducteur a été obligé d'employer deux vers pour en rendre un seul, et toutes les strophes de quatre vers en latin, en ont huit en françois. Il convient que tous ceux qui ont entrepris le même travail y ont échoué. Pour savoir s'il a été plus heureux, il faudroit comparer le sien à celui des écrivains qui l'out dévancé; on ne peut nier qu'il ne soit resté fort andessous de ses maîtres. Il est du moins louable de s'être fait une occupation édifiante, et d'avoir mis à la portée des personnes religieuses, à qui le latin est étranger, les belles et pieuses pensées qui font le niérite principal de ces hymnes.

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NOUVELLES ECCLÉSIASTIQUES.

ROME. Le sacré collége vient encore de perdre un de ses membres. Le cardinal François-Marie Pignatelli, Napolitain, né le 19 février 1744, cardinal-prêtre de la création de Pie VI, vient de mourir. Il avoit été maître de la chambre de ce Pape, qui l'avoit fait cardinal dans

la promotion du 21 février 1794. Il étoit atteint depuis plusieurs années d'une paralysie, qui ne l'empêcha pas de revenir en Italie l'année dernière. Il avoit voulu être témoin du retour du souverain Pontife dans ses Etats, et s'étoit hâté de quitter Fontainebleau pour voir Rome rendue au chef de l'Eglise. Il a pu même se réjouir de la cessation de l'orage passager de cette année. Ses obsèques ont été célébrées avec la pompe accoutumée. Le 15 août, le cardinal Fesch est arrivé à Rome avec sa sœur. On a été surpris de le voir faire une espèce d'entrée, dans une belle voiture, avec quatre autres de suite. Peut-être un peu plus de modestie eût-il été plus à sa place. Les membres de cette famille devroient sur toute chose faire en sorte qu'on oubliât ce qu'ils ont été.

PARIS. S. M. a écrit aux vicaires-généraux la lettre suivante:

«Messieurs, vivement touché de la nouvelle preuve de miséricorde que Dieu nous a donnée en nous ramenant dans nos Etats, profondément affligé des excès commis contre notre sainte religion durant la révolution, et des maux qu'ils ont attiré sur notre royaume, mon premier devoir et le premier voeu de mon coeur, est de lui témoigner notre reconnoissance de ses bienfaits, en réparant, autant qu'il est en nous, les outrages qu'il a reçus, et de le conjurer de vouloir bien répandre ses bénédictions sur nous et sur nos peuples. Je regrette que les circonstances ne nous aient pas permis de le faire plutôt : en conséquence, mon intention est que vous ordonniez des prières solennelles et expiatoires. Sur ce, je prie Dien, Messieurs les vicaires-généraux, qu'il vous ait en sa sainte garde».

En conséquence, d'après l'ordre de MM. les vicairesgénéraux, le Saint-Sacrement a été exposé le vendredi 1er septembre, et le sera les deux jours suivans. Les prières ordinaires ont été chantées, et les fidèles out été invités à observer un jour de jeûne, ou à y suppléer par quelque œuvre de pénitence,

-Il paroît qu'il y a en ce moment quelques discus sions en Belgique relativement à la nouvelle constitution. Le clergé se plaint que ses intérêts et les droits de l'Eglise n'ont pas été pris en considération dans cet actes Il fait valoir et les anciennes lois constitutionnelles du pays, et un arrêté des commissaires mêmes des puissances alliées, du 7 mars 1814, portant qu'ils maintiendroient inviolablement la puissance spirituelle et la puissance civile dans leurs bornes respectives, ainsi qu'elles sont fixées dans les lois canoniques et les an ciennes lois constitutionnelles du pays. Il rappelle les troubles qui s'élevèrent sous Joseph II, pour s'être écarté de cette politique. Sous le directoire et sous le regime qui le suivit, l'oppression et la violence purent seules étouffer les réclamations. La religion étoit dans le deuil, et ce qui s'est fait alors ne doit plus être imité. Le souverain actuel a promis d'assurer à l'Eglise son élat et ses libertés. Toutefois, le clergé paroît avoir conçu quelques inquiétudes. Cinq évêques, ou administrateurs d'évêchés, ont adressé au roi, le 28 juillet dernier, des représentations sur quelques articles de la nouvelle cons tilution, entr'autres sur celui qui accorde une protection et une faveur égale à tous les cultes dans un pays où il n'y en a par le fait d'autre que le culte catholique. Ils se plaignent aussi d'être écartés des assemblées, de n'être pas compiés même au nombre des notables, et de n'avoir point été admis à inscrire leurs votes sur la constitution. Ils terminent ainsi leur écrit : Nous avons la confiance que V. M. daignera ne voir dans les humbles et respectueuses représentations que nous lui adressons, dans l'expression franche et loyale de nos sentimens, que l'accomplissement d'un de nos plus importans devoirs dans les circonstances actuelles, qu'une nouvelle preuve de notre dévouement à son auguste personne, et que le sincère désir de la voir toujours régner en paix sur ces belles provinces par une administration toute paternelle, et par l'effet d'une union

ferme et constante entre le sacerdoce et l'empire. Cette lettre, du 28 juillet, est signée des évêques de Gand, de Namur et de Tournai, et des vicaires-généraux de Liége et de Malines. M. l'évêque de Tournai a parlé dans le même sens dans une instruction pastorale du 11 août, où il développe seulement un peu plus les motifs qui doivent faire rejeter, selon lui, le projet de loi fondamentale. Du reste, il s'appuie sur les mêmes principes que la lettre du 28 juillet. D'ailleurs l'esprit qui a dicté ces écrits paroît être fort répandu en Belgique. Sur 1603 volans, 280 ont négligé d'émettre leur vu, 527 ont accepté le projet, et 796 l'ont refusé. Parmi ces derniers, 126 ont formellement déclaré que leur vote étoit motivé par les articles relatifs à la religion. Le roi n'a point eu égard au refus manifesté par une partie des Belges, et se fondant sur l'acceptation unanime qui a été faite du projet dans toute l'ancienne Hollande, il a donné, le 24 août, un édit pour sanctionner le projet, et le déclarer loi fondamentale du royaume. II se plaint que ses intentions ont été méconnues, et présente les articles contestés comme conformes au systême qui a prévalu en Europe. il annonce des mesures pour réprimer ceux qui se permettroient d'écrire contre la constitution. Enfin on dit que ce prince a été obligé, par un acte du congrès, d'insérer dans la constitution l'article contre lequel on réclame. Nous ne pouvons que former des voeux pour que les esprits se calment, grâces aux dispositions sages et conciliantes que prendra un prince ami de la paix, et empressé à prévenir tout sujet de troubles.

MODÈNE. Le 24 mai (1), anniversaire du jour heureux où S. S. rentra l'année dernière dans sa capitale, a été

(1) Cet article est déjà ancien pour la date, mais il offre des détails si précieux pour la religion, que nous avons cru devoir les insérer. On y verra que ce n'est pas seulement en France que le retour des souverains légitimes excite tant d'enthousiasme, et on y remarquera la piété des princes et des peuples.

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