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LOUIS, etc.

Proclamation du Ror.

A tous ceux qui ces présentes verront, salut:

Nous avons appris avec douleur que, dans les départemens du midi, plusieurs de nos sujets s'étoient récemment portés aux plus coupables exces; que, sous prétexte de se faire les ministres de la vindicie publique, des François satisfaisant leur haine et leurs vengeances privées avoient versé le sang des François, même depuis que notre autorité étoit universellement rétablie, et reconnue dans toute l'étendue de notre royaume.

Certes, de grands crimes, d'infâmes trahisons ont été commis, et ont plongé la France dans un abîme de maux : des persécutions atroces out été exercées contre ceux de nos fidèles sujets qui, suivant la bannière de notre bien aimé neveu, ont tenté courageusement avec lui de sauver la France; mais la punition de ces crimes doit être nationale, solennelle et régulière les coupables doivent tomber sous le glaive de la loi, et non pas succomber sous le poids des vengeances particulières, Ce seroit offenser la justice, ce seroit perpétuer les discordes, et ouvrir la porte à mille désordres, ce seroit bouleverser l'ordre social que de se faire à la fois juge et exécuteur pour les offenses qu'on a reçues, ou même pour les attentats commis contre notre personne. Nos intentions et nos ordres avoient suffisamment fait connoître que la nation auroit justice des auteurs de ces maux, et que l'indulgence accordée à la foiblesse on à l'erreur ne s'étendroit pas sur les coupables dont le crime public et avéré peut être poursuivi, sans causer d'alarmes à la foule qui a obéi sans doute en gémissant à la force des circonstances.

Nous espérons que cette odieuse entreprise de prévenir l'action des Jois et de notre autorité a déjà cessé; elle seroit un attentat contre nous et contre la France, et quelques vives douleurs que nous en puissions ressentir, rien ne seroit épargné par nous pour punir de tels crimes. Notre digne neveu, dont le nom se trouve désormais lié aux sentimens d'amour et de sentiment qu'ont manifesté nos provinces du midi, qui, par son caractère d'obéissance, de conciliation et de force, les a préservées et les préserve encore des maux de l'invasion, seroit aussi notre mandataire pour les sauver des discordes civiles, et pour réprimer et faire punir ceux qui prétendroient abuser de notre nom et du sien. Mais sans doute le noble lien qui s'est établi entre lui et les habitans du midi, ne sera pas rompu par le coupable égarement de quelques hommes avides de vengeance et de désordre. C'est dans cette confiance et avec cet espoir, que nous avons recommandé par des ordres précis, à nos ministres et à nos magistrats, de faire strictement respecter les lois, et de ne mettre ni indulgence ni foiblesse dans la poursuite de ceux qui les ont violées, et qui tenteroient de les violer encore, bien convaincus que notre voix ne sera pas vainement entendue dans une contrée où nous avons reçu tant de preuves de fidélité et d'affection. Donné à Paris, le premier septembre mil huit cent quinze, et de notre règne le vingt-unième. Signe, LOUIS.

Par le Roi: le garde des sceaux, ministre de la justice,
Signé, PASQUIER,

HISTOIRE de l'ambassade dans le grand duché de Varsovie, en 1812; par M. de Pradt..

BUONAPARTE se mêloit beaucoup de ce qui ne regardoit que les évêques; c'est ce qui fait apparem ment qu'il s'est trouvé des évêques qui se jetoient dans les camps, raisonnoient sur la guerre, et parloient de discipline, d'administration et de fourrages. On empiétoit sur leurs fonctions; ils croyoient pou voir, par une sorte de compensation, empiéter sur celles des autres. Il faut espérer que cet usage passera, et que chacun reviendra peu à peu aux habi

tudes et aux convenances de son état. En attendant l'ouvrage de M. de Pradt devoit être remarqué, et il l'a été. Si on pouvoit soupçonner que l'auteur avoit le projet de faire du bruit, il auroit parfaitement rempli son but. Tout le monde a voulu lire sa brochure, et elle a certainement amusé beaucoup de lecteurs. Les uns y auront appris sur l'ex-empereur beaucoup de particularités piquantes; les autres auront plus d'une fois souri de l'originalité du style, des tournures alambiquées, et des locations bizarres de l'auteur, et surtout de la bonhomie et de la franchise avec lesquelles il fait trève à sa modestie. M. de Pradt débute à cet égard d'un ton qui auroit réjoui ses ennemis, s'il en avoit. Il rapporte un propos, vrai ou faux, de Buonaparte, qui dit dans un moment d'humeur: Un homme de moins, et j'étois le mattre du monde. Cet homme, dit l'historien, c'est moi. Il est vrai qu'aussitôt après, il tâche de corriger ce que Tome V. L'Ami de la R. et du R. No. 113. I

cette gasconnade a d'un peu ridicule. Mais on entrevoit qu'il n'est pas fâché qu'on en croie quelque chose, et il semble réclamer une bonne part de la gloire d'avoir renversé le colosse; sur quoi un plaisant lui a demandé la permission de croire que l'Europe y étoit au moins pour moitié.

Un ecclésiastique, à ce que j'ai ouï dire, fut rencontré par un de ses amis dans les premières années du règne de Buonaparte. On l'engageoit à solliciter quelque place. Moi, dit-il; me connoissez-vous bien ? Je ne désire qu'une chose, otium cum dignitate, un loisir honorable. Tout le monde sera édifié de cet éloignement de toute vue ambitieuse. Quelques années après, ce même ecclésiastique se trouva attaché au char du maître, sous deux ou trois dénominations toutes plus brillantes et plus lucratives les unes que les autres, et se laissa emmener dans des expéditions lointaines. Il avoit un peu oublié la maxime de Tacite, et s'étoit ennuyé de son loisir et de l'honneur qu'il avoit jugé y être attaché, pour courir après le travail et les honneurs. Ce n'est pas à moi à décider s'il a gagné au change. Au fait, on peut, avec un peu de charité, prêter des motifs louables à cette diversité de conduite. Qui ne sait de quoi est capable le zèle? Pourquoi ne pas penser que c'est l'intérêt de la religion qui a porté cet ecclésiastique à accepter une place à la cour? Il y a tant de bien à faire dans un tel pays, il y a tant de gens qui ont besoin d'être prêchés. Qui sait les heureux effets qu'ont pu produire des instructions pathétiques, des exhortations réitérées? Peutêtre leur doit-on des conversions secrètes. Comme évêque, on peut être plus utile encore. On peut édiher par la gravité de ses mœurs, instruire par sa doc

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trine, publier de bons Mandemens, annoncer la parole divine; et quant aux missions dans les pays étrangers, elles avoient peut-être au fond le même but, et là où les profanes ne verroient que des vues ambitieuses, le désir de paroître, la vanité et l'intrigue une pieuse crédulité peut supposer des motifs plus louables.

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Nous n'avons pas précisément ouï dire que M. de Pradt ait prêché à Madrid et à Varsovie; mais il auroit sans doute fini par-là, si ou lui eût donné le temps d'apprendre les langues de ces pays. Cette. histoire même qu'il vient de publier, et sur laquelle la malignité du siècle s'est passablement égayée, pourroit, avec un peu d'indulgence, être présentée sous un jour plus favorable. Qu'est-elle autre chose dans le fond qu'un long sermon sur la vå– nité des grandeurs, sur les abus du pouvoir, sur la folie des conquêtes? L'auteur pouvoit-il nous montrer d'une manière plus frappante combien étoient arrogans avec le reste des hommes, ceux qui rampoient le plus bassement auprès du despote, et avec quelle heureuse imitation ses premiers favoris copioient sa jactance, soignoient leur fortune, et fouloient aux pieds tout ce qui pouvoit s'opposer à leur marche? Quel beau texte de réflexions morales et philosophiques sur le danger de s'attacher au char d'un conquérant farouche, d'un homme enivré d'ambition, irascible, impérieux, vindicatif? La leçon est même ici d'autant plus forte, que l'historien a été aussi attaché à cette cour. La curiosité, ou plutôt le désir de faire tourner ses observations à notre profit, l'avoit porté à approcher aussi de ce volcan, et il avoit consent à se prosterner, comme les autres, aux pieds de

l'idole, pour mieux nous révéler les bizarreries de son culte, et les complaisances de ses adorateurs. Il s'étoit même fait son instrument, dans le dessein de mieux examiner les ressorts qui le faisoient agir, et s'oubliant et se sacrifiant lui-même, il avoit abandonné son troupeau, ses fonctions et ses goûts, le tout afin de nous être utile par son expérience, et de nous éclairer à ses dépens. A ce prix, M. de Pradt s'étoit contenté du titre d'ambassadeur, et d'un traitement de 150,000 fr. Il étoit sans doute difficile de pousser plus loin l'abnégation et le désintéressement.

Il y a plusieurs portraits dans l'ouvrage de M. de Pradt. La plupart des lecteurs y out remarqué surtout celui de Buonaparte, qui y tient en effet une grande place. Ce n'est pas pourtant ce qui m'a le plus frappé, et le portrait de l'auteur, fait par l'auteur même, me paroît pour le moins aussi piquant. Ce portrait, quoique dispersé en un assez grand nombre de pages, peut-être pas ce qui a le moins occupé l'historien, et il ne peut nous savoir mauvais gré d'en rappeler ici les principaux traits.

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D'abord on admirera sans doute avec lui le courage qui l'a porté à écrire cette histoire dans son cabinet, au mois de mars 1814, pendant que Buonaparte se battoit en Champagne. Si l'on eût fait une visite chez lui, et que l'on y eût trouvé le fatal manuscrit, l'auteur étoit perdu. Il a affronté ce danger pour préparer à l'histoire des matériaux dont la perte eút été irréparable. Il ne les destinoit pas alors à voir le jour, et il n'a osé en lire quelques morceaux que depuis la restauration. C'est une chose fort heureuse qu'il n'ait pas brûlé son manuscrit, comme il a brûlé une relation de l'affaire d'Espagne dans un moment

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