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quelque libraire de la capitale, un certain nombre d'exemplaires d'un ouvrage si utile, afin qu'on puisse Je répandre, et satisfaire aux demandes des personnes qui voudroient se le procurer. Il seroit d'autant plus à regretter de n'en point avoir à distribuer, que M. l'abbé Carron nous marque qu'il trouvera son oùvrage bien placé, si on le donne avec choix et gratuitement dans les familles et les établissemens d'instruction. Des vues si désintéressées sont dignes d'un homme célèbre par l'esprit de religion et de charité qui l'anime, et qui lui a fait projeter et exécuter tant de bonnes œuvres pour la gloire de Dieu et le salut du prochain.

On nous a communiqué, de plusieurs endroits à la fois, un Discours sur le retour de Napoléon-le-Grand, empereur des François; discours prononcé le jour de Paque, 26 mars 1815, 1815, par M. le Blanc, curé de Cosne, département de la Nièvre. Tel est l'intitulé de cette pièce assez curieuse. L'orateur ne s'est pas contenté de la débiter en chaire; il l'a fait imprimer, et on en a donné, dit-on, jusqu'à trois éditions de différens formats, afin de répondre aux désirs des amateurs, et de mieux propager les sentimens patriotiques qui brillent dans ce chef-d'œuvre. Puisque M. le curé de Cosne a tant à cœur de nous instruire, nous croyons entrer dans ses vues en annonçant aussi son discours, et en en faisant connoître quelques fragmens pour l'édification du prochain et pour la gloire de l'auteur.

Après une instruction sur la fête du jour, qu'on ne nous a pas donnée, sans doute parce qu'on ne l'a pas jugée d'un aussi grand intérêt, M. le curé de

Cosne, renforçant sa voix, et prenant im ton joyeux et solennel, a dit: Mais il est pour nous tous, mes Frères, un nouveau sujet de joie; je veux parler de notre résurrection politique, de cette restauration bien plus réelle, bien plus digne de notre admiration et de notre reconnoissance, que celle qui étoit vantée si hau-.. tement dans ces derniers temps. Donnez donc un libre cours à votre joie. Le héros, le sage législateur, le bienfaiteur de la France, le grand Napoléon, que l'envie, l'ingratitude et la trahison avoient exilé loin de nous, est de retour pour consommer notre bonheur. Il a entendu nos gémissemens. SoN COEUR S'EST RÉPANDU FN TERRE LORSQU'IL A APPRIs notke ruine. Il est dit en note que cette dernière phrase, qui est imprimée dans l'original telle qu'on la voit ici, est extraite de l'Ecriture sainte; sur quoi il est bon de remarquer en même temps, et l'élégance de la traduction, et la justesse de l'application. Le cœur de Napoléon qui s'est répandu en terre, ne forme pas une image fort agréable; mais comme elle est relevée à propos par ce qui précède, par la peinture de la joie publique, et par ces grands mots de résurrection, de restauration et d'admiration, et autres sesquipedalia verba!

Ce qui mérite surtout une attention particulière dans le discours de M. le curé de Cosne, ce sont les passages qu'il rapporte de l'Ecriture, où il se trouve que Napoléon est en toutes lettres. Ainsi, dès la première page dn discours, on lit cette citation : Le Seigneur s'est souvenu de ses anciennes miséricordes, et des merveilles qu'il avoit opérées en notre faveur par la force et la sagesse de Napoléon. Il a renouvelé avec lui son alliance pour la garder éternellement, et l'a rendu à nos vœux. Il a effacé l'ofPROBRE QUI NOUs courroit

AUX YEUX DES NATIONS, IL A PURIFIÉ NOTRE TERRE DES SOUILLURES QUI LA DÉSHONOROIENT. M. le curé nous assure, en général, que ce passage est extrait de PEcriture. On est faché qu'il n'ait pas pris la peine de citer l'endroit; car nous ne nous rappelons pas avoir vu Napoléon nommé d'une manière aussi positive dans les livres saints. Il ne l'est pas moins dans. le passage suivant: C'est en ce jour que NAPOLÉON

BRISE LES portes de SON EXIL, EMPORTE AVEC LUI SES DÉPOUILLES, ENTRAÎNANT à sa suite une multitude INNOMBRABLE DE captifs qu'il dÉLIVRE. J'ai peine à croire que cela se trouve tout-à-fait ainsi dans l'Ecriture, et il me paroît que M. le Blanc a appliqué sans façon à Napoléon ce que l'Ecriture dit du Fils de Dieu. La comparaison est peuve et hardie; elle est surtout fort juste et fort édifiante, et on ne pouvoit faire un usage plus chrétien et plus heureux des livres saints.

Le docte et pieux enré y découvre Napoléon partout. Il est probable qu'il se sert pour cela de lunettes particulières, ou qu'il a une traduction toute neuve de la Bible, dans laquelle le nom du grand Napoléon est substitué à celui de David, de Machabée, et de plusieurs autres. Voici, par exemple, un nouveau passage non moins admirable que les précédens: Vive à jamais, vive Napoléon, notre empereur! Vive le père de la nation, le restaurateur de la liberté! Rejouissons-nous, ear Napoléon est rentré en possession ・de son empire....... Et plus bas : NON, NOUS NE VOUlons pas d'autre souverain QUE NAPOLÉON. Quoi, tout cela se trouve dans l'Ecriture! Oh! M. le curé de Cosue y voit bien autre chose encore, et son discours finit par une bordée de passages bien guillemettés, et

par conséquent bien évidemment tirés de l'ancien ou du nouveau Testament, dans lesquels est nommé nonsculement Napoléon, mais aussi le prince impérial, son fils bien-aimé; car il n'étoit pas juste d'oublier cet auguste enfant, que nous avons vu proclamer empereur avec tant d'enthousiasme, et pour lequel M. le curé de Cosne auroit peut-être fait quelque discours, si le règne un peu trop court de ce jeune prince le lui eût permis.

Autant ce sage pasteur est épris d'admiration pour Buonaparte et sa famille, autant, par un retour naturel, il devoit montrer peu de penchant pour une autre famille, qui en effet n'est pas comparable à la première. Aussi ne sauroit-il dissimuler sou éloignement pour des princes qui ont osé s'asseoir sur le trône du grand Napoléon. On soupçonne qu'il a voulu les désignér, en parlant des souillures qui déshonoroient notre terre. Mais il a pris de plus la peine de les attaquer nommément, et de détailler les vices de leur administration. Il se récrie vivement contre la chartre, et contre la manière dont elle a été accordée. Nous gémissions sous la plus dure oppression, dit-il. Des proclamations dignes des jours malheureux de 1793 nous envioient la consolation de parler de Napoléon et de ses bienfaits. Oh! pour le coup, cela étoit aussi trop atroce. Empêcher de parler de Napoléon et de ses bienfaits, quelle dureté, quelle tyrannie odieuse! Elle devoit être plus sensible à M. le curé de Cosne qu'à tout autre. Pour nous, nous avouons que le Roi ne nous a jamais gênés à cet égard; mais nous n'en plaignons pas moins M. le Blanc d'être retombé sous une telle tyrannie; car ce digne homme est fort ami de la li-: berté, et fort déclaré pour les droits du peuple. Il

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craint qu'on n'abuse de cette maxime: C'est Dieu qui fait les rois, et il établit doctement, au contraire, que c'est le peuple qui fait les rois, et que ses droits à cet égard sout incontestables. Or, le peuple avoit bien certainement choisi Napoléon, et il est tout aussi certain qu'il a rejeté les Bourbons. La nation étoit libre et florissante sous le premier, tandis que les autres nous remettent sous l'esclavage, ternissent la gloire de notre révolution, rappellent les émigrés, c'est-à-dire, les artisans de tous nos malheurs, et font revivre tous les abus. C'est ce que M. le curé développe avec autant de justesse que d'impartialité; car il distribue le blâme avec autant de mesure que la louange, et ses sentimens patriotiques doivent lui mériter l'estime et la reconnoissance de tous les amis de la révolution. N'est-il pas déplorable qu'il ait été destiné à retomber sous un joug qu'il déteste, et qu'il ait va partir une seconde fois le grand homme, avec qui il avoit prophétisé que Dieu avoit fait Dieu avoit fait une alliance pour la garder éternellement? Ne seroit-il pas juste de le sauver de l'affront d'obéir à un prince imposé par la trahison, et ne conviendroit-il pas de le rejoindre à son héros? Il n'y a peut-être pas de curé à l'île Sainte-Hélène; il n'y en a certainement pas qui connoissent si bien les droits du peuple, et qui sachent appliquer l'Ecriture si fort à propos. Je proposerois donc à M. le Blanc d'aller s'établir en cette île. Il y verroit de plus' près le grand Napoléon, il admireroit sa douceur, il célébreroit ses bienfaits. Il est digne d'être l'orateur et le ministre de l'ex-empereur, et il lui seroit plus agréable de vivre là que de rester à Cosne, où il doit voir et entendre beaucoup de choses qui lui déplaisent. Tout ce qui se passe doit l'abreuver d'amertume,

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