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que

Dans la séance du 13, les pairs ont adopté l'adresse au Roi. Quelques passages de cette adresse ont excité une discussion assez longue. M. Barbé Marbois blâmoit l'endroit où il est parlé de la justice et de la rétribution des peines. Il pensoit la chambre ne devoit pas se prononcer dans une affaire où elle est appelée à juger. On a répondu qu'il ne s'agissoit ici que d'une maxime générale. M. l'évêque de Langres a demandé le maintien de l'adresse. Il y a eu des débats entre MM. de Frondeville, de Nicolaï et Ferrand d'une part, et MM. de Tracy et Lanjuinais de l'autre. Enfin l'adresse a été adoptée, telle qu'on l'a vue plus haut, et il paroît, au surplus, , que dans toute cette discussion on étoit d'accord sur le fond, c'est-à-dire, sur la nécessité de prendre des mesures, et que l'on ne varioit que sur l'expression.

CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

M. Lainé, nommé président, est entré en fonctions, le 13, par un discours grave et imposant. Il a dit :

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<< Messieurs, le sentiment dominant des François, celui qui absorbe vos ames, fait taire en moi l'orgueil même de la reconnoissance. Il m'ôte, du moins, la faculté d'exprimer comme je le voudrois, ce que je dois à vos honorables suffrages.

>>

» Qui pourroit en effet, Messieurs, au milieu des malheurs publics, avoir d'autres pensées, former d'autres vœux, que d'adoucir les calamités qui, depuis près de huit mois, affligent la France et son Roi? Une grande espérance nous est pourtant donnée pour atteindre ce but. Elle vient de l'unanimité des cœurs pour concourir ici d'une volonté ferme et franche au salut de l'Etat.

>> Le serment solennel prêté dans cette enceinte par tout le corps législatif réuni, permet de croire que les débats sur les grandes questions politiques sont enfin terminés, à l'aide de cette chartre qui rallie tant d'opinions et rassure tant d'intérêts.

>>

Aussi, Messieurs, quels que soient les maux dont notre patrie est désolée, soutenons les espérances qu'elle fonde sur nous, en donnant les exemples que la nation attend de ses représentans.

» Montrons qu'un malheur commun réunit les esprits, élève les caractères, et bientôt les François feront voir qu'ils savent aussi remporter sur eux-mêmes des victoires d'autant plus bonorables qu'elles n'outragent pas l'humanité.

» Laissons, Messieurs, laissons à Dieu, qui afflige ce peuple, à juger les rois; mais entourons le nôtre de toute la force dont il a besoin pour éteindre les passions, calmer les discordes, faire respecter la France et protéger la liberté publique ».

La chambre a achevé de nommer ses questeurs. Le lende main, 14, elle a arrêté l'adresse au Roi.

Dans la séance du 16, M. le garde des sceaux, BarbéMarbois, a prononcé le discours suivant:

«Messieurs, le Roi nous a commandé d'apporter à la chambre le projet de loi relatif aux cris séditieux et aux provocations alarmantes, » Les lois anciennes et nouvelles contiennent des dispositions suffisantes pour la répression de ces délits dans des temps de tranquillité et de calme, et lorsque le gouvernement n'est entravé par aucune circonstance extraordinaire dans sa marche.

» Mais si de grands attentats ont été commis, si ces lois ont été méconnues, si la multitude paisible et désarmée a du céder à la vio-' lence et aux armes; si pour sa propre conservation le citoyen soumis aux lois a dû demeurer immobile devant des bandes séditieuses, sans discipline et sans frein, réunies comme dernier soutien d'une faction au désespoir; si le crime a joui pendant quelque temps de ce funeste triomphe, les calamites se prolongent même lorsque les succès ont ete interrompus; alors les révoltés veulent, à force d'audace, regagner leurs avantages perdus.

» Les séditieux s'excitent mutuellement; ils se cherchent, ils font des efforts pour être aperçus en tous lieux, à toute heure. Pour assurer leurs nouvelles victoires, ils parviennent à inspirer l'épouvante.

» Ils s'associent tout ce que les armées ont repoussé avec indignation, et tous les criminels que leur obscurité a pu soustraire à l'action des lois,

» Si la force publique arrête le cours de leurs excès, ils n'y renoncent point encore; ils ont recours aux discours injurieux, aux écrits calomnieux, ils ont leurs signes, leurs mots de ralliement.

>> Plus ils sont foibles par leur nombre, plus ils veulent paroître puissans à force de bruit et de mouvement,

» L'impunité les encourage; plusieurs se montrent à face découverte; et quoique leur indiscrétion même trahisse leur foiblesse, il n'en est pas moins certain que l'intérêt social et l'intérêt public exigent que leurs desseins turbulens, leurs détestables entreprises soient efficacement réprimés.

» Il y a quelques hommes que peut seulement arrêter la crainte des peines et des châtimens.

» C'est contre des coupables, la plupart de cette espèce, que nos lois actuelles sont à plusieurs égards insuffisantes.

» Le Code pénal ne s'exprime pas d'une manière assez précise sur les discours séditieux, et sur les discours qui provoqueroient à des crimes ou défits contre la sûreté intérieure de l'Etat.

» Ce Code n'a pu prévoir les outrages qui pourroient être dirigés contre la chartre constitutionnelle, qui n'existoit pas quand il a eu force de loi..

»Les imputations calomnieuses, les injures, les expressions outra geantes que l'on pourroit proférer contre le monarque ou les princes de sa famille, n'ont point été classées parmi les délits.

» La loi ne s'occupe que des outrages et violences contre les dépositaires de l'autorité et de la force publique, et des injures ou des cas lomnies dirigées contre les particuliers.

» Mais à la nécessité d'une loi positive sur ces matières, se joignoit celle d'une instruction rapide et d'une précision qui donneroient l'exemple d'une punition efficace, infligée peu de temps après le délit.

» Ces délits, devenus assez fréquens, peuvent être poursuivis correctionnellement.

» Or, l'instruction en matière criminelle est, de sa nature, sommaire et prompte, et les juges sont en général très-peu éloignés du lieu de ces délits.

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»Le projet de loi que nous vous apportons, Messieurs, a pour objet diverses sortes d'actes séditieux non prévus par le Code pénal, les cris, discours, écrits provoquant à la révolte, les imputations calomnieuses, injures et expressions outrageantes contre le Roi et sa famille.

»Le projet propose de déterminer les peines qui doivent être applis quées à ces délits.

»Nous pensons qu'il est d'accord avec la raison que les écrits, discours et calomnies ne peuvent être punis qu'autant qu'ils auroient été tenus en public.

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» Les écrits qui reproduisent, et, pour ainsi dire, multiplient les mêmes délits sous une autre forme, les actes qui consistent à arras cher mechamment les signes respectables de l'autorité royale, doivent être également punis. Il en est de même des divers actes et discours, qui tirent leur principe funeste des circonstances actuelles, et qui tendent à ébranler la confiance que l'on doit aux promesses du Roi et. à la chartre constitutionnelle.

>> Nous aurions sans doute considéré le Roi et son auguste maison. comme placés trop haut pour être atteints par les calomnies et l'outrage des individus, si une longue et funeste expérience ne nous avoit appris que c'étoit ainsi que l'on prolongeoit les révolutions, les trahisons; qu'on s'habituoit à détruire le respect, pour miner le trône, etj diminuer la vénération et l'amour qui sont dus au monarque, pour, parvenir à renverser son autorité.

» Les outrages dirigés contre le Roi sont dirigés contre l'Etat. Ils compromettent l'autorité royale comme la sûreté de la nation,

» Un systême, suivi de calomnies et d'injures, prépare insensible, meut les esprits au développement des plus abominables desseins; et

force de répandre qu'un événement ne peut être évité, on parvient à le rendre inévitable....

» Les peines sont correctionnelles, parce qu'on a pensé que leur application immédiate, sans nuire à la justice, séroit encore plus efficace que leur gravité.

» Nous avons cherché à proportionner ces peines à la nature même des délits. Ainsi, on a pensé que celui qui cherchoit à exciter les troubles dans l'Etat ne pouvoit prétendre justement à l'exercice de ses droits politiques; que celui qui troubloit l'ordre public devoit être écarté, au moins pour un temps, de l'exercice des fonctions publiques ; celui qui menaçoit, par cette provocation indirecte, la sûreté générale et particulière, ne pouvoit, sans danger pour la tranquillité des citoyens, obtenir l'autorisation du port d'armes.

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» Nous allons vous donner lecture de ce projet Le Roi l'a médité; les lumières des membres des chambres nous assurent qu'il recevra toute l'autorité nécessaire ».

Le projet suivant a été lu par M. le comte Portalis, conseiller d'Etat.

Louis, etc.

Projet de loi.

Nous avons ordonné et ordonnons que le projet de loi dont la teneur suit sera présenté, en notre nom, à la chambre des députés des départemens par notre garde des sceaux et par le comte Portalis, conseiller en notre conseil d'Etat, que nous chargeons d'en exposer les motifs et soutenir la discussion.

Art. 1er. Sont déclarés séditieux tous cris, tous discours proférés dans des lieux publics ou destinés à des réunions habituelles de citoyens; tous écrits imprimés, et ceux qui, n'ayant pas été imprimés, auront été ou affichés, ou vendus, ou distribués, ou livrés a l'impression, qui exposeroient la menace d'un attentat contre la vie, la personne ou l'autorité du Roi, la vie ou les personnes des membres de la famille royale; qui seroient injurieux ou calomnieux envers le Roi ou les membres de sa famille; qui exciteroient à s'armer contre l'autorité royale, à désobéir à la chartre constitutionnelle et aux lois, à méconnoître l'autorité des magistrats ou agens du gouvernement légale ment institués, à troubler la paix publique par des actes de violence envers les personnes et les propriétés; par lesquels on invoqueroit le nom de l'usurpateur ou d'un individu de sa famille; pár lesquels on provoqueroit directement ou indirectement, soit au renversement du gouvernement, soit au changement de l'ordre de successibilité au trône.

2. Tous discours et écrits mentionnés au premier paragraphe de l'article précédent, soit qu'ils contiennent des provocations indirectes aux crimes et délits, soit qu'ils annoncent que des attentats, crimes et délits de cette nature auroient été commis ou devroient l'être, soit qu'ils manifestent l'intention de les commettre, sont également déclarés séditieux.

3. Sont coupables de discours séditieux toutes personnes qui répandroient ou accréditeroient, soit des alarmes qui tendroient à mettre en doute l'inviolabilité des propriétés qu'on appelle nationales; soit

des bruits qui tendroient au rétablissement prétendu des dîmes et droits féodaux, soit des nouvelles qui tendroient à alarmer les citoyens sur le maintien de l'autorité légitime, et à ébranler leur fidélité.

4. Sont déclarés actes séditieux l'enlèvement ou la destruction du drapeau blanc, des armes de France et autres signes de l'autorité royale, des affiches des lois et réglemens publics, l'érection de drapeaux, le port de cocardes quelconques, et autres signes de ralliement défendus ou non autorisé par les lois.

5. Les auteurs des discours, cris et actes, les auteurs, imprimeurs ou distributeurs des écrits séditieux définis par la présente loi, seront punis d'un emprisonnement de trois mois au moins et cinq ans au plus. L'interdiction mentionnée dans l'article 42 du Code pénal sera prononcée pour cinq ans au moins, et dix ans au plus.

Les condamnés demeureront en outre, après l'expiration de la peine, sous la surveillance de la haute police pendant un temps déterminé, et qui ne pourra excéder cinq années; le tout conformément à l'art. 44. du livre Ier. du Code pénal, sans préjudice des poursuites criminelles et de l'application de peines plus graves prescrites par le Code pénal, dans le cas où les écrits, discours et actes séditieux auroient été suivis de quelque effet.

La récidive sera punie conformément à l'article 58 du Code pénal. 6. Les tribunaux de police correctionnelle connoîtront des délits mentionnés dans la présente loi.

7. Les dispositions du Code d'instruction criminelle et du Code pénal continueront d'être exécutées en tout ce à quoi il n'est pas dérogé par la présente loi.

Donné au château des Tuileries, etc..

LONDRES. Nous pouvons mettre sous les yeux du public les conditions du traité de paix qui vient d'être conclu Paris. Nos lecteurs peuvent compter sur leur authenticité nous les tenons de l'autorité la plus respectable.

Les conditions du traité étoient définitivement arrêtées avant le voyage de l'empereur de Russie à Bruxelles. Les bases du traité ont été signées dès-lors; mais le traité formel n'est pas encore entièrement rédigé. La copie définitive exige une grande exactitude, parce qu'elle contiendra de nombreux et minutieux détails. Cet ouvrage sera terminé demain ou après-demain, et signé par les ministres des puissances respectives. Le gouvernement annoncera officiellement la conclusion de ce trité dans une gazette extraordinaire qui paroîtra dans les premiers jours de la semaine prochaine, et par une lettre au lord maire.

La France cède à perpétuité, Landau, Sarre-Louis, Philippeville, Marienburg, Versoix.

Les fortifications Huningue seront rasées, et aucunes fortifications ne pourronêtre construites qu'à trois lieues de Bâle. La France renonce avoir une garnison à Monaco.

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