Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

AU REDACTEUR.

MONSIEUR, j'arrive d'Angleterre, où j'avois aussi entendu parler de la brochure de l'abbé Vinson. Je dois vous dire qu'elle n'y a pas excité moins de sur prise et de mécontentement qu'ici. Les évêques et les ecclésiastiques qui se trouvent encore en ce pays, sont bien loin de partager les opinions exagérées de l'auteur de l'Adresse, et je n'ai vu partout qu'improbation pour la forme et le fond de ce pitoyable écrit. On l'a trouvé non-seulement déplacé dans un moment de négociation, non-seulement outré dans les expressions, mais irrespectueux envers le chef de l'Eglise, et erroné dans les principes. Si l'abbé Vinson s'appuie sur les Réclamations, il en connoît mal l'esprit; car ceux qui les ont signées ont été des premiers à blâmer son Adresse. Apparemment qu'il ne leur contestera pas le privilége d'entendre leur ouvrage mieux que lui-même.

á

Le clergé, retiré encore en ce moment en Angleterre, s'est accordé à regarder l'abbé Vinson comme f'enfant perdu d'un parti qui ne veut ni soumission ni concorde. Déjà cet abbé avoit fait, il y à quelques années, une levée de boucliers que vous ignorez peut-être en France. En 1808, lui et six autres de ses confrères, car on n'en trouvá pas davantage parmi tant d'ecclésiastiques alors réfugiés dans le Grande-Bretagne, approuvèrent par un acte public la doctrine et les écrits d'un auteur fort connu. Cette démarche, blâmée du reste du clergé, attira aussi l'atTome V. L'Ami de la R. et du R. No. 129. Ce

1

tention des évêques catholiques d'Angleterre. M. Douglas, vicaire apostolique de Londres, qui vivoit alors, défendit, par une lettre du 23 septembre, de renouveler les pouvoirs aux approbateurs d'un ouvrage qu'il avoit condamné. Les autres vicaires apostoliques d'Angleterre et les évêques d'Irlande appuyèrent ce qu'avoit fait leur collègue. Cette réunion d'autorités ne paroît pas avoir fait grande impression sur l'abbé Vinson, et son Adresse est une nouvelle preuve qu'il n'a pas plus de théologie que de sagesse et de modération.

Ce n'étoit point lorsqu'il est question de négociations et d'arrangemens, qu'il convenoit à un simple prêtre de venir se mettre à la traverse en conseillant une marche contraire à toutes les règles. Les évêques non-démisionnaires ont assez manifesté les sentimens qui les dirigent. Il n'est pas dans leur intention de favoriser un schisme qui seroit le pire des maux. Ils s'abstiennent d'actes de juridiction; ils reconnoissent la validité des pouvoirs des pasteurs institués par le Pape, et ils attendent en silence que le concours des deux autorités les ait rétablis dans l'exercice de leurs droits.

Mais tandis qu'ils procedent avec cette sage circonspection qui convient à leur caractère, comment se fait-il qu'un parti turbulent veuille être plus babile ou plus zélé qu'eux? Voilà plusieurs écrits coup sur coup que ce parti lance pour perpétuer on accroître les divisions. Déjà l'hiver dernier on publia. une Protestation des prêtres catholiques de Normandie adressée aux évéques non-démis. Dans cet écrit, signé d'un seul, et auquel les quatre-vingt-dix-neuf centièmes des prêtres catholiques de Normandie sont étrangers, on regarde les évêques comme des préva

est à

ricateurs, parce qu'ils autorisent la communication avec les concordatistes, on leur reproche leur mo!lesse et leur complaisance, on les menace de se séparer d'eux, et on proteste contre les invitations et les ordres qu'ils pourroient donner. Ainsi les auteurs, ou. plutôt l'auteur de cette Protestation, car l'abbé C. peu près seul, méconnoît à la fois l'autorité du saint Siege et celle des évêques, et ce prêtre acéphale élève autel contre antel, et ne respecte plus rien. Depuis, un autre prêtre a publié une Lettre d'un prétre catholique à M. D., évêque de C., dans laquelle on accuse ce prélat d'être un déserteur de la foi, parce que, dans une lettre du 28 octobre 1814, à M. l'évêque de G., il caractérisoit de vrai scandale la conduite de la petite église, et reconnoissoit la légitimité des pouvoirs des nouveaux pasteurs. Voilà notre doctrine, disoit en finissant le prélat, et quiconque nous en suppose une autre, nous calomnie. L'abbé de B. est révolté d'un tel langage. Il juge que si cette doctrine prévaloit, le schisme seroit universel, c'est-à-dire, apparemment qu'il n'y auroit plus alors d'Eglise ; et en effet l'enseignement de ces gens-là tend à détruire la visibilité de l'Eglise, qui ne se trouve sûrement pas dans un parti si foible et si obscur. L'Adresse de l'abbé Vinson est peut-être un nouveau moyen de ce même parti, et on ne sauroit trop répéter que les évêques manifestent leur improbation contre de semblables écrits, contre l'esprit qui les a dictés, et contre les résultats qu'on voudroit en obtenir. Il est clair que les auteurs de ces écrits cherchent à entretenir le feu de la division dans quelques diocèses, à l'allumer dans d'autres, et on ne peut se dissimuler que ces principes, s'ils s'accréditoient,

non-seulement compromettroient dans ce moment læ tranquillité des consciences, mais encore perpétueroient les troubles même après la conclusion de l'arrangement qui se prépare. Ce petit troupeau, qui ne veut déférer aujourd'hui ni à l'autorité du Pape, ni à l'exemple des évêques, ne se rendra pas davantage aux stipulations qui seront convenues entre les deux puissances. Il se plaindra toujours que les principes sont violés, que la constitution de l'Eglise est méconnue. Ils se sont accoutumés à se passer de chef, ils s'en passeront encore. Dieu veuille que ces craintes ne se réalisent pas.

Pour revenir à l'abbé Vinson, on a été quelque peu surpris en Angleterre de le voir si ardent sur les affaires de l'Eglise. Le clergé françois, resté en Angleterre, ne l'a certainement pas chargé de défendre ses intérêts; il n'entretenoit aucune relation avec nos ecclésiastiques, et ne passoit pas pour avoir ni des connoissances si hautes en théologie, ni même, j'ajouterai, un zèle si vif. Je n'en dirai pas davantage. Mais l'abbé Vinson ne hantoit guère ses collègues, et n'auroit pas été chargé de plaider leur cause. Ils ne veulent pas d'un tel avocat.

J'eutends dire que l'abbé Vinson est fort désappointé de l'effet de sa brochure. Il comptoit attérer le Pape', faire admirer son jugement et son zèle, et parvenir à quelque place avantageuse, et il s'est fait bafouer par tous les gens sensés, même d'opinions diverses. Vous lui avez pour votre compte, Monsieur, assez bien dit son fait; si vous jugez néanmoins que ma lettre puisse ajouter quelque chose à vos articles, Vous êtes le maître de la publier.

J'ai l'honneur d'être,

NOUVELLES ECCLÉSIASTIQUES.

PARIS. Le projet de rétablir l'exercice de la religion dans les armées n'est point, comme quelques personnés ont pu le croire, le rêve d'un homme de bien, ou un souhait charitable, mais impossible dans l'exécution. Nous avons, au contraire, de justes sujets de penser que quand l'armée françoise sera recomposée, on y établira sans peine les pratiques essentielles de la religion. L'armée, avant la révolution, ne se faisoit point gloire d'être athée; et si pendant des temps de terreur et de vertige, si sous le régime du suppôt de l'incrédulité, on parvint à égarer l'esprit du soldat, ce n'est pas une raison pour qu'on ne le ramène point à la foi dans des temps plus calmes. Il y a plus; le soldat, même sous Buonaparte, n'étoit pas impie au fond. Presque tous avoient été élevés dans la religion; presque tous vouloient y mourir. Les ecclésiastiques que leur zèle a portés à entrer dans les hôpitaux militaires, ont eu à se louer des dispositions de presque tous les malades qu'ils ont exhortés. Nous en eûmes un exemple frappant à Paris, l'année dernière, lors des combats réitérés qui se livrèrent dans la Champagne, et aux portes presque de la capitale. Les hôpitaux furent alors encombrés de malades et de blessés. Des prêtres charitables se consacrèrent à les visiter; chacun se partagea les différens hôpitaux, et pendant plusieurs mois ils bravoient chaque jour la contagion pour aller offrir les secours de leur ministère aux malheureux qu'elle enlevoit rapidement. Nous connoissons plusieurs de ces ecclésiastiques, et nous les avons enfendu parler avec satisfaction des fruits qu'ils avoient produits parmi ces militaires. Un surtout nous a raconté que sur plusieurs centaines de malades auxquels il s'étoit adressé, un seul avoit refusé ses soins. Les autres s'étoient tous montrés disposés à recourir à son ministère, un grand nombre d'eux-mêmes, et le reste après de courtes

« PreviousContinue »