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ou du moins qu'elle n'aura lieu qu'avec les modifications. convenables.

Dans la séance de la chambre des députés, du 6 octobre, M. le garde des sceaux est venu proposer un projet de loi tendant à la réduction de la chambre des comptes. Il en a développé les motifs, qui sont l'économie et la diminution du territoire. M. le comte d'Andigné a fait un rapport sur le projet relatif aux compagnies départementales, qui doit être discuté le mercredi 8.

La catastrophe de Murat n'est pas seulement un gage de repos pour le royaume de Naples, où il venoit apporter la guerre et la discorde, elle aura encore un effet sensible sur la France. C'est un furieux échec pour les ennemis de la légitimité. C'est un funeste présage pour ce qu'on appeloit la nouvelle dynastie. Voilà donc un membre de cette famille qui retrouve une fin digne d'elle et de lui, et ce brigand périt du supplice des brigands. L'épithète ne paroîtra pas sans doute trop forte pour un tel homme. Murat, complice des iniquités de Buonaparte, ne peut guère être qualifié autrement. Deux traits seuls de sa vie lui méritoient le sort qu'il vient d'éprouver. On sait la part qu'il prit à l'assassinat du duc d'Enghien. Il étoit alors gouverneur de Paris, et ce fut lui qui nomma les membres de la commission par laquelle fut jugé le prince. Ce fut lui encore qui présida à l'exécution, et lorsque le duc en donna le signal par ces mots prononcés avec courage: Allons, mes amis, Murat reprit avec autant d'insolence que de cruauté: Tu n'as point d'amis ici. Il est sans doute permis de voir dans la fusillade du 13 octobre une punition de celle du 21 mars 1804, et l'accomplissement de cette parole divine: Qui se sert de l'épée, périra par l'épée. La Providence ne permet pas toujours que les assassins meurent dans leur lit, et elle livre à la justice humaine les plus coupables d'entr'eux. L'autre trait de la vie de Murat, qui peut faire le pendant du premier, est l'ordre de tirer à mitraille sur le peuple de Madrid, le 2 mai 1808, ordre qui coûta la vie à une foule d'habitans. Voilà par quelles voies il se fraya un chemin au trône. Quand on y monte par de tels moyens, on mérite d'en descendre de même, et la chute d'un tel homme

est un grand exemple que Dieu donne à la terre. Il y a même dans celle de Murat quelques circonstances qui nous autorisent à y voir un châtiment éclatant de la justice divine. Il eût pu jouir encore d'une existence heureuse selon le monde. Un monarque trop généreux lui avoit promis un asile dans ses Etats, et il lui étoit resté, grâce aux soins de sa femme, de beaux débris de son ancienne opulence. Mais entraîné par son ambition, égaré par les couseils de ses partisans, qui regrettoient leurs places et leurs dignités, aveuglé, diroient quelques personnes, par une fatalité, Murat a voulu tenter encore la carrière des aventures, et s'est embarqué dans une entreprise insensée et sans espérance de succès; car pouvoit-il espérer de rester tranquille sur son trône usurpé, quand même il l'auroit recouvré, et n'eût-il pas vu bientôt l'Europe s'unir pour l'en précipiter une seconde fois? C'étoit donc encore du sang qu'il alloit verser pure perte. Mais ce sont là de ces considérations qui touchent peu les membres de cette famille. Au surplus, l'illusion de Murat n'a pas été longue. Méconnu par ses peuples, arrêté au moment de son débarquement, son exécution a presque été aussi prompte que celle du duc d'Enghien; mais elle ne laissera pas tout-à-fait les mêmes souvenirs. L'une étoit une atrocité sans exemple; l'autre est une juste expiation, qui déconcerte les amis du trouble, qui est un gage du repos de l'Europe, et qui, comme dit un poète, absout la Providence.

Jam non ad culmina rerum

Injustos crevisse queror; tolluntur in altum
Ut lapsu graviore ruant......

LIVRE NOUVEAU.

en

Traduction nouvelle des Prophéties d'Isaïe, avec un discours préliminaire et des notes, dédiée au Roi; par Eugène Genoude (1). Nous rendrons compte de cet ouvrage.

(1) Un vol. in-8°. ; prix, 6 fr. et 7 fr. 50 cent. franc de port. A Paris, au bureau du Journal.

Nous avions annoncé pour le mois d'octobre la publication des deux derniers volumes des Mémoires pour servir à l'Histoire ecclésiastique pendant le 18. siècle; mais diverses circonstances, dont il seroit assez inutile d'entretenir le public, ont apporté quelque retard à cette publication. Nous préviendrons par un avis du moment précis où elle aura lieu. En attendant, l'auteur a profité de ce délai pour recueillir de nouveaux renseignemens, principalement sur les derniers temps, et peut-être son travail gagnera-t-il à ce retard, qui d'ailleurs ne sera pas long. L'impression est presque achevée, et la partie biographique entr'autres est aux dernières épreuves. Cette partie est celle qui a le plus occupé l'auteur, et elle offrira des articles neufs et intéressans. Nous en citerons pour exemple l'article Emery, qu'on nous a permis d'insérer ici, pour donner une idée de la manière dont ces sortes de notices sont traitées, et dont nous faisons part d'autant plus volontiers à nos lecteurs, que nous leur avions promis, l'année dernière, quelques détails sur cet ecclésiastique estimable, et que nous n'avons pas encore trouvé l'occasion de tenir notre promesse. En nous acquittant ainsi pour cet objet, nous nous rappelons une autre promesse que nous avons faite de donner un précis historique du concile de 1811. Mais les recherches qu'il nous a fallu faire, et quelques difficultés qu'il est assez aisé de pressentir, nous ont forcé de différer jusqu'ici. Nous n'en espérons pas moins tenir notre parole, et nous en renouvelons volontiers l'engagement.

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Tome V. L'Ami de la R. et du R. No. 131. Ee

Jacques-André Emery, supérieur-général de la congrégation de Saint-Sulpice, naquit à Gex le 26 août 1732. Il étoit le second fils du lieutenant-général criminel au bailliage de cette ville. Il étudia d'abord chez les Jésuites de Mâcon, et entra, vers 1750, à la petite communauté de Saint-Sulpice à Paris. Il y prit les ordres, et s'attacha à la congrégation des prêtres de SaintSulpice. Ordonné prêtre en 1756, ou l'envoya, trois ans après, professer le dogme au séminaire d'Orléans, d'où il passa à celui de Lyon pour y enseigner la morale. Il prit alors des degrés dans l'université de Valence, et fut reçu "docteur en théologie en 1764. Ce fut pendant son séjour à Lyon qu'il publia ses deux premiers ouvrages, l'Esprit de Leibnitz et l'Esprit de sainte Thérèse. L'auteur se proposa de réunir dans le premier tout ce que Leibnitz avoit écrit sur la religion. Affligé de l'esprit de son siècle, il vouloit le ramener å la religion par une grande autorité, ét lui prouver que l'incrédulité n'étoit pas, comme on s'en vantoil, le parAage de toute lête pensante, et qu'on pouvoit ici opposer philosophe à philosophe. Il rapporte en effet une foule de passages qui montrent combien Leibnitz étoit attaché au christianisme, et combien il étoit même instruit dans la théologie proprement dite. L'Esprit de sainte Thérèse est dans un genre différent. C'est un recueil de ce que l'auteur a jugé de plus usuel et de plus pratique dans les écrits de la sainte. Il y en a deux éditions, qui sont épuisées, celle de 1775 et celle de 1779 (1). En 1776, M. Emery fut fait supérieur du séminaire d'Angers et grand vicaire de ce diocèse. Il fut chargé, plus d'une fois, et presque seul, des détails de l'administration, soit à cause des absences de M. de Grasse, évêque d'Angers, soit en raison de sa mort, qui arriva au commencement de 1782. Cette même année, sur la démission de M. le Gallic,

(1) 1 gros vol. in-8°., sous presse. Chez Adrien Le Clere, au bureau du Journal.

il fut nommé supérieur-général de sa congrégation. Il étoit digne de succéder aux Olier et aux Tronson. Esprit d'ordre, coup d'oeil juste, connoissance des affaires, discernement des hommes, mélange heureux de douceur et de fermeté, telles étoient ses principales qualités. Il étoit d'usage que les supérieurs-généraux de SaintSulpice eussent une abbaye. Le Roi le nomma, en 1784, à celle de Bois-Groland, au diocèse de Luçon. Elle étoit d'un revenu peu considérable, mais qui suffisoit à l'ambition d'un homme plein de l'esprit de son état, modeste, désintéressé. En 1789, lors des premiers orages de la révolution, il établit un séminaire de sa congrégation à Baltimore, qui venoit d'être érigé en évêché, el y envoya plusieurs de ses prêtres, qui y travaillèrent. avec zèle à étendre la religion, La révolution vint l'enlever à des occupations qui lui étoient chères. Il vit son séminaire dispersé, et fut enfermé deux fois, la première à Sainte-Pélagie, où il ne resta que six semaines, la seconde à la Conciergerie, où il passa seize mois. Il vit se renouveler souvent cette prison, qui étoit comme le vestibule de l'échafaud, et où arrivoient chaque jour les victimes destinées à une mort prochaine. On dit que Fouquier-Thinville se proposoit bien de. lui faire avoir aussi son tour, mais qu'il le faissoit par calcul, parce que, suivant son expression, ce petit prétre empechoit les autres de crier. M. Emery fut utile dans sa prison à plusieurs condamnés, et il reçut entr'autres l'expression du repentir de Claude Fauchet et d'Adrien Lamourette, qui avoient donné dans plus d'une erreur et pris part au schisme. Rendu à la liberté après la terreur, il devint un des principaux administrateurs du diocèse de Paris, dont M. de Juigné, alors en exil, l'avoit nommé grand vicaire. Ses connoissances, sa sagesse, l'estime dont il jouissoit, le rendirent en quelque sorte le conseil du clergé et des fidèles. Sa correspondance étoit très-étendue, et il n'y pouvoit suffire que par une vie active, par une sage distribution de tous

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