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cause de divorce ne peut résulter d'actes antérieurs au mariage ni de l'exercice d'un droit.

La question est encore fort controversée.

L'un des époux estime le mariage civil insuffisant pour créer l'état de mariage; pour lui, l'homme et la femme sont en état de concubinage, si, après avoir été mariés civilement, ils vivent ensemble sans avoir été mariés religieusement.

Vouloir obliger celui qui nourrit pareille croyance, à vivre maritalement sans s'être marié à l'église, c'est, certes, chercher à lui imposer une situation estimée par lui immorale et déshonorante; c'est lui faire une injure grave qui consiste, non pas dans la promesse de procéder au mariage religieux déloyalement faite avant le mariage civil, mais dans la volonté de lui faire subir, après le mariage civil, une situation qui pour lui est un concubi

nage.

Une telle injure constitue-t-elle toujours une cause déterminée de divorce?

La réponse dépend des circonstances.

L'époux qui, après le mariage civil, refuse de se marier religieusement, agit-il uniquement pour vexer son conjoint? Il y a cause de divorce. Tout fait commis méchamment par un des époux et outrageant gravement l'autre est une cause de divorce (supra, nos 623 et 624).

OS

L'opposition au mariage religieux n'a-t-elle pas pour but de blesser l'autre époux? Est-elle motivée par une différence dans les croyances religieuses? Deux hypothèses peuvent se présenter.

Les opinions de l'époux qui s'oppose au mariage religieux, sont que le mariage religieux est une cérémonie vaine et inutile, mais elles ne lui interdisent pas d'y assister, pourvu qu'on n'exige pas de lui l'affirmation mensongère d'une foi qu'il n'a pas. Si cet époux ne veut pas se rendre à l'église, sa conduite est une injure grave; car il se refuse à un acte qui pour lui est de pure complaisance et qui, à sa connaissance, présente pour son conjoint la grande importance que nous avons vue. Et peu importe qu'avant le mariage civil il ait ou non promis de

se marier religieusement; dans tous les cas, l'injure existe, car elle dérive de la volonté d'imposer, par manque de complaisance, à l'autre époux une situation que celui-ci estime déshonorante; elle ne résulte pas de la violation de la convention faite avant le mariage. Cette dernière n'aura d'importance que pour apprécier la nature des opinions des intéressés; la personne, par exemple, qui a laissé publier les bans à l'église et s'est munie d'un billet de confession, sera facilement considérée comme n'ayant pas de croyances lui interdisant d'assister au mariage religieux en vue duquel elle a accompli ces actes religieux préliminaires.

Reste la dernière hypothèse, qui est celle que seule Laurent envisage, tandis que les adversaires de son opinion se cantonnent de préférence dans la précédente.

Les croyances d'un des époux sont telles qu'elles lui défendent de participer à la cérémonie voulue par son conjoint; d'après ses opinions religieuses, cette participation serait un péché ou un acte d'hypocrisie; sa foi lui. interdit de se rendre à telle église pour se marier, de même que la foi de son conjoint oblige celui-ci à y aller.

Dans ce cas, le seul refus de procéder au mariage religieux n'est jamais en lui-même une cause de divorce; mais celui-ci peut être prononcé contre l'époux qui, sans être justifié par la conduite de son conjoint, ne veut pas mener la vie commune dont l'obligation découle du mariage.

L'opposition au mariage religieux n'est pas en ellemême, dans cette hypothèse, une injure grave, car la conduite de celui qui la fait, est dictée par sa seule conscience. Son refus de commettre un acte qui pour lui est un péché, et sa volonté de placer son conjoint dans une situation jugée immorale par ce dernier, ne sont pas plus une cause de divorce que n'a ce caractère la volonté de son conjoint d'exiger de lui qu'il assiste à un acte religieux, alors que, d'après sa religion, cette assistance est un péché, une chose défendue par la loi divine.

En fait, avant le mariage civil, il y aura presque

toujours eu promesse de mariage religieux; par cela même que le futur époux, averti de la cérémonie religieuse qui se prépare, ne proteste pas, il y consent tacitement; la chose est sans pertinence et aucune distinction ne doit être faite selon que pareil engagement a ou non été pris. Sa violation en effet n'est pas une injure grave il est nul comme toute convention ayant les croyances pour objet, et il serait absurde de dire que la violation d'un contrat déclaré nul par la loi peut donner naissance à un droit Il est possible, quoique le contraire puisse parfaitement se rencontrer, que cet engagement ait été consenti de mauvaise foi; celle-ci, antérieure au mariage, ne pourra être invoquée pour obtenir le divorce (supra, n° 625).

Donc, dans cette hypothèse, le fait du refus de se rendre à la cérémonie religieuse n'est pas une cause déterminée de divorce.

Cette conclusion ne résout pas toutefois la question, comme semble le croire Laurent.

Si le mariage religieux n'a pas eu lieu, l'un des époux ne consentira pas à habiter avec son conjoint; dès lors cette situation se produira : aucun des époux ne voudra de la vie commune; l'un, parce qu'il entend préalablement se marier religieusement, l'autre, parce qu'il ne veut pas se soumettre à ce préliminaire; il y aura par conséquent, de la part de chaque époux, refus de vivre en commun, basé sur les conditions auxquelles l'autre. époux subordonne la vie commune.

Or, celle-ci est de l'essence du mariage; la situation. est donc illégale, et il se peut que les deux époux l'invoquent pour demander le divorce; en faveur duquel des deux doit-il être prononcé?

Chaque époux refuse de cohabiter; ce refus permanent est une injure grave, s'il ne trouve sa justification dans la conduite de l'autre époux (supra, n° 628); le divorce doit par conséquent être prononcé contre l'époux qui se refuse à la vie commune sans y être forcé par les actes de son conjoint, donc contre celui qui, après le mariage, a exigé, avant de prendre la vie commune,

le mariage religieux, alors qu'il n'avait pas averti son conjoint de cette intention; contre celui qui, ayant promis de se marier religieusement, refuse, le mariage civil célébré, de remplir sa promesse.

Vainement objecte-t-on qu'en refusant de se rendre à l'église, il obéit à sa conscience? Ce n'est pas ce refus qui sera la cause du divorce; celle-ci résulte de l'abandon de la vie conjugale..

Mais, dit-on, cet abandon a pour cause la volonté de l'autre époux de ne commencer la vie commune qu'après le mariage religieux; cette exigence est contraire à la liberté de conscience, et par suite on ne peut reprocher sa conduite à l'époux qui, pour ne pas s'y soumettre, refuse de cohabiter.

C'est confondre les faits et les situations.

La cause du divorce, c'est l'abandon permanent et volontaire de la vie conjugale. Or, il ne peut perdre son caractère injurieux résultant de ce qu'il est une inexécution des devoirs du mariage, qu'à raison des circonstances dans lesquelles il est commis; celles-ci sont qu'un époux est amené à abandonner la vie conjugale parce qu'il a violé sa promesse; cette inexécution d'un engagement, si elle peut, en elle-même à raison de ses motifs, être justifiable, ne peut servir d'excuse à cet autre fait, l'abandon de la vie conjugale, ni avoir pour effet de mettre en faute l'époux qui a tenu ses engagements. Admettre le contraire, serait reconnaître à l'époux, auteur d'une promesse qu'il a violée ensuite, le droit de se prévaloir de sa mauvaise foi ou de sa légèreté, et regarder comme étant responsable de cette inexécution l'autre époux, qui n'y est évidemment pour rien. De même, le conjoint qui, après le mariage civil, exige le mariage religieux dont il n'a pas parlé précédemment, n'est pas recevable à invoquer, pour justifier son refus de prendre la vie commune, l'opposition qui lui est faite sans esprit malicieux et par pure scrupule de conscience. Quelles que soient les opinions de l'époux, l'abandon permanent de la vie conjugale est une violation des obligations du mariage qui constitue une injure grave, ne

trouvant pas son excuse dans la conduite de l'autre époux; celui-ci est irréprochable; le seul qui soit en faute est celui qui a dissimulé ses intentions.

Le refus du mariage religieux, dit-on encore, est légitime si la conscience le commande; or l'abandon de la vie conjugale est causé par la volonté de son auteur de ne pas se soumettre à cette cérémonie religieuse; il est donc ordonné également par la conscience, doit par conséquent être regardé comme légitime et ne peut être une cause de divorce. C'est méconnaître le caractère nécessairement injurieux, parce qu'il est contraire à l'essence du mariage, de l'abandon de la vie conjugale. Certes, et nous l'avons exposé plus haut (supra, no 628), cet acte peut, dans certaines circonstances, ne pas être une cause de divorce, mais il faut pour cela qu'il soit justifié par les faits. Or, ici c'est à tort qu'on invoque, pour l'excuser, la liberté de conscience; personne n'a voulu violer la liberté de conscience de l'époux qui refuse de se marier religieusement. C'est lui-même qui volontairement s'est mis dans cette situation, en faisant une promesse qu'il ne tient pas; cet engagement, s'il est contraire à sa conscience, ne le lie pas; mais il n'en résulte pas qu'il ait eu raison de le contracter; en le souscrivant, il a commis une faute, et cette faute ne peut être invoquée par lui pour se justifier; ou, en d'autres termes et comme nous l'avons vu, lorsque l'abandon est la conséquence du fait de l'un des époux, celui-ci ne peut invoquer son propre fait pour s'excuser.

Mais tout cela, ajoute-t-on encore, conduit à faire d'une promesse ou de procédés de dissimulation antérieurs au mariage civil la cause du divorce; celui-ci sera donc motivé, contrairement à la loi, par un fait commis avant le mariage.

Erreur et confusion.

La cause du divorce est l'abandon du domicile conjugal ou plutôt le refus de prendre la vie commune, fait postérieur au mariage. Les actes commis avant celui-ci ne sont pas la cause du divorce et ne sont pas invoqués comme tels; ils sont articulés, au contraire, pour justifier

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