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fronomie exprima ces fentimens, vous le voulez, j'obéis. Le corps d'armée employa quarante minutes à défiler.

Dans ce même moment, le peuple donnoit la chaffe à tous les citoyens en uniforme, qui s'étoient rendus pour voir paffer notre armée citoyenne; on les accablait d'injures, on leur lancoit des pierres, principalement fur la terrafie des Thuilleries. Ce peuple ne voyoit pas que fi l'on eût dégarni la ville de toute la garde nationale, les aristocrates qu'elle renferme dans fon fein, auroient fûrement fait quelque tentative.

La bonne contenance de nos guerriers, malgré la pluie, la fatigue de tout le jour, l'incertitude où ils étoient de trouver des fubfiftances & des logemens, communiquoit à toutes les ames une joie martiale, qui fe foutint tant que l'on entendit les tambours & que l'on vit flotter les étendarts. Elle fut bientôt fuivie d'une trifteffe générale, & l'on ne trouvoit dans toure la ville que l'horreur du filence.

Allez, marchez, braves citoyens, vous portez avce vous le deftin de la France, nos cœurs vous fuivent fecourez notre roi, fauvez nos députés, foutenez la majefté nationale. Quatre cent mille bras font prêts à vous. applaudir ou à vous vanger.

EXPÉDITION DE VERSAILLES.

Les femmes qui étoient parties le matin, s'étoient divifées, les unes avoient paffé par St. Cloud, le autres 'avoient fuivi la route de Seves. Celles-ci fe préfenterent fans armes ni bâtons, à la porte de l'affemblée nationale où elles s'introduifirant en certain nombre; le reste avança jufqu'aux grilles du château où elles rejoignirent celles qui venoient par St. Cloud.

A la nouvelle de leur arrivée, les gardes du corps fe <rendirent devant la grille du château, pour leur en de,fendre l'entrée. Le roi étoit alors à la chaffe.

Ces femmes dirent & à l'affemblée & aux gardes du corps qu'elles venoient demander du pain. Dans l'affemblée on leur répondit qu'on s'occupoit d'un décret qui fa

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VUE DU CHATEAU DE VERSAILLES À L'ÉPOQUE D. 5.87 17

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Le Boi la Reine et Merle Dauphin paroissant au Balcon donnant sur la cour de Marbr

12,000

La Garde Nationale de Paris et de Tersailles au nombre de plus de 20,000 sane y comprendre plus de ames Hommes et Femmes armes de differentes armes, qui adressoient au Roi des plaintes sur le manque de pain dans la capitale, et priant le Roi de venir faire son sejour à Paris.

ciliteroit la circulation intérieure des grains & farines, & qu'une députation alloit demander au roi de le fanctionner & de le faire exécuter. Sur la place d'armes, on leur dit que fi le roi recouvroit toute fon autorité, le peuple ne manqueroit jamais de pain.

Nos Françoifes, qui vouloient du pain, mais non pas au prix de la liberté, ripofterent par quelques injures à ces infinuations perfides. Un garde nationale fomme un des gardes du corps, nommé M. de la Savonnerie, de lui remettre fa cocarde noire & de prendre la cocarde patriotique; le garde du corps tire le fabre, fond fur le garde nationale, qui eft forcé de rompre, pour avoir de tems de tirer fon épée, un coup de fufil part du corps de garde national de Versailles, & caffe l'épaule de M. de la Savonnerie.

Le bruit fe répand que dans quelques heures la garde nationale de Paris arrive pour foutenir les femmes. On bat la générale. Les gardes du corps, les dragons, le régiment de Flandre, les gardes Suiffes, les cent Suiffes, la prévôté accourent de toute part.

Les gardes du corps fe rangent en bataille devant la grille du château, en face de l'avenue de Paris; le régiment de Flandre occupe le terrein qui s'étend depuis la droite des gardes jufqu'aux écuries du roi, & fout face à l'avenne de Sceaux; les dragons font de l'autro côté du régiment de Flandre mais un peu au-deffous les gardes Suiffes & cent Suiffes font au-devant de leur pofte, ou dans la premiere cour du château.

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;

M. le comte d'Eftaing commandoit toutes ces troupes, fans doute en qualité de chef de la milice nationale de Verfailles.

Nous devons dire ici, à la gloire de cette brave mi→ Lice nationale, qu'elle n'a fait aucun mouvement qui annonçât des projets hoftiles contre les parifiennes comme des gens mal-intentionés fe font plu à le répandre dans la capitale le même foir.

Il eft certain au contraire, que la garde de Versailles étoit outrée de l'affront fait à la cocarde patriote, & que l'intelligence qui régnoit entr'elle, & les gardes-du-corps qui étoient en fervice à l'époque de la révolution, n'exif

teit plue depuis l'arrivée de ceux qui étoient en fervice le premier octobre.

Il eft certain que des détachemens de garde - ducorps qui battoient l'eftrade, se préfenterent au corps-degarde national, pour infulter ceux qui y étoient; ils fe tinrent fagement dans leurs retranchemens, un feul s'avança pour prévenir les garde-du-corps qu'ils avoient difpofé du canon, & qu'on alloit les balayer.

D'un autre côté, à peine les foldats du régiment de Flandre furent-ils rangés en bataille, qu'en préfence de toutes les femmes qui fe mêloient fans frayeur à travers tous ces hommes armés, ils mirent leurs baguettes dans les fufils, & les firent fonner pour prouver qu'ils n'étoient pas chargés; ils dirent hautement qu'ils avoient bu le

vin des gardes-du-corps, mais que cela ne les engageoit » à rien, qu'ils étoient à la nation pour la vie, qu'ils » avoient crié vive le roi, comme la nation le crie elle» même tous les jours; que leur intention étoit de le » fervir fidélement, mais non pas contre la nation; qu'ils » s'attendoient à prendre la bonne cocarde, & qu'en

effet, avant leur arrivée, un de leurs officiers en avoit » commandé 1000 chez un marchand de Versailles, pour 800 liv. qu'ils ne favoient pas pourquoi elles ne leur avoient pas été diftribuée (1). »

maltraita

Un garde-du-corps, irrité de ces difcours un foldat, qui lui tira un coup de fufil. La balle lui fracaffa le bras.

La défection du régiment de Flandre & des dragons, qui annonçoient auffi qu'ils n'attendoient que l'armée nationale, pour donner toutes les preuves poffibles de lear dévouement à la nation, déconcerta fans doute les horribles projets des ariftocrates. Leur génie trembla une fcconde fois devant le génie de la France.

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Le roi arrivé de la chaffe, reçoit une députation de l'affemblée nationale & des dames de Paris à la tête de laquelle étoit M. Mounier; il les accueille avec bonté,

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(1) Elles l'ont été le lendemain avant le départ du roi.

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