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devenu très rare; cependant on ne peut nier que les ministres soient juges pour certaines élections (par) exemple celles au Conseil supérieur de l'Instruction publique, D., 16 mars 1880, art. 12). D'autre part, les tribunaux ont des attributions non contentieuses, comme en matière de tutelle (C. c. 458, 466, 467).

24. La fonction législative et la fonction exécutive sont en parlie exercées par les mêmes organes : le pouvoir réglementaire, qui est un mode de la fonction législative (no 334), appartient à des organes de la fonction exécutive; les Chambres, organes de la fonction législative, ont souvent des attributions judíciaires (nos 290 et s.) et administratives (n° 288), c'està dire exécutives.

25. Entre l'Etat et l'individu, il y a des groupes intermédiaires (commune, province ou département), naturels ou artificiels, qui peuvent aussi être comparés à des êtrés collectifs, ayant leurs fonctions et leurs organes. Or, s'il arrive que leurs fonctions soient exercées par des organes spéciaux, il arrive aussi qu'elles soient confiées à des organes de l'Etat, soit en totalité, soit en partie, ainsi au préfet pour 1 Département; d'autre part, l'Etat se sert, pour certaines de ses fonctions, des pouvoirs locaux, conseil général, maire, etc. Il suffit de jeter un coup d'œil sur nos lois départementales et communales pour vérifier cette assertion.

26. Ainsi la distinction qu'une analyse exacte établit entre la fonction législative et la fonction exécutive n'entraîne pas une distinction identique entre les organes qui les exercent; et la distinction entre les fonctions de l'Etat et celles du Département et de la Commune ne conduit pas à une égale séparation entre les organes. Dans la vié sociale comme dans la vie organique, les fonctions et les organes sont, non pas isolés, mais étroitement unis. L'analyse scientifique seule les sépare.

CHAPITRE III

DES DIVERSES FORMES DE L'ÉTAT

27. Les formes que prend l'Etat chez les divers peuples, aux différentes époques de leur histoire, sont extrêmement nombreuses. Elles se ramènent cependant à quelques types généraux; la classification peut être faite à différents points de vue.

I

28. Si on recherche en qui réside l'ensemble des pouvoirs sociaux, sans considérer leur mode d'exercice, on distinguera avec Aristote (Politique, liv. III, chap. v) trois formes d'Etat : la monarchie, qui concentre tous les pouvoirs entre les mains d'un seul homme; l'aristocratie, qui les attribue à une classe peu nombreuse; la démocratie, qui les donne à l'universalité de la nation.

On a proposé une quatrième forme, la théocratie, où l'autorité résiderait dans la divinité : elle n'est qu'une modalité des trois autres, due à l'invasion de la religion dans la politique. Il y a des monarchies théocratiques, où souvent le monarque devient Dieu;

des aristocraties théocratiques administrées par les prêtres; des démocraties théocratiques, où le peuple croit servir Dieu en nommant ses chefs.

On a dit aussi que jamais l'une ou l'autre de ces trois formes n'avait existé à l'état pur; que tout gouvernement humain est mixte, combiné à des degrés divers des trois types fondamentaux. Cette opinion repose sur une confusion entre le siège du pouvoir et le mode de son exercice, ou encore entre les influences

que subit un gouvernement et ce gouvernement même. Il est sinon impossible, du moins rare, qu'un homme suffise à régir un Etat; qu'une aristocratie ou une démocratie ne soit pas contrainte de déléguer ses pouvoirs en totalité ou en partie, en bloc ou par sections, à un ou plusieurs hommes; qu'un monarque soit assez autoritaire pour n'écouter ni les conseils d'une classe supérieure, ni la voix de l'opinion publique; que les peuples n'obéissent pas à un groupe dirigeant ou à un chef. Tout cela est vrai, et les faits abondent pour le démontrer. Mais tout cela n'empêche pas que le pouvoir, quel que soit son mode d'exercice, quelques influences qu'il subisse, réside ou dans un homme, ou dans un groupe d'hommes, ou dans l'universalité des hommes. Et ceci est bien mis en lumière par les concessions ou délégations consenties par les titulaires du pouvoir, lesquelles sont toujours strictement limitées dans leurs termes et révocables. Les autres éléments créent les diverses modalités de chaque type.

29. A. La monarchie. La monarchie ne suppose pas nécessairement un despote, exerçant seul, sans limite, sans contrôle, la totalité des pouvoirs sociaux. Non seulement l'énormité de sa tâche contraint le monarque à déléguer la plupart de ses attributions, mais aussi le monarque peut, sans abdiquer ses droits, réclamer les conseils de la nation gouvernée, ou de ses représentants, ou d'une classe supérieure; il peut encore associer au gouvernement le peuple, ses délégués, une aristocratie. Ainsi la monarchie est ou absolue, ou tempérée par l'influence concédée aux sujets dans l'exercice du pouvoir monarchique. Elle est dite représentative, lorsque des délégués élus par la nation ou par certaines classes partagent le pouvoir avec le monarque; — constitutionnelle, lorsqu'un acte formel fixe les droits respectifs du monarque et de ses collaborateurs aristocratiques ou populaires.

On distingue encore, en suivant l'évolution de l'idée

monarchique, diverses formes revêtues par le pouvoir d'un seul. La monarchie est patriarcale, lorsqu'elle se confond avec l'autorité exercée par le père sur la famille entendue largement et embrassant, outre les parents aux divers degrés, les clients, les esclaves, les affranchis; patrimoniale, lorsqu'elle s'analyse en un droit de propriété plus ou moins vague sur le territoire et même les hommes de l'Etat ; - guerrière, lorsqu'elle se voue surtout aux expéditions militaires; et ainsi de suite. Ces distinctions n'ont guère d'importance juridique.

On distingue la monarchie de droit divin, dans laquelle le monarque tient de Dieu le pouvoir qu'il exerce, et qui, en acceptant des limitations, fait à la société gouvernée des concessions gracieuses et peutêtre illégitimes; la monarchie de droit populaire, au profit de laquelle le peuple a, non pas délégué, mais abdiqué ses pouvoirs, et qui, si elle associe la nation au gouvernement, lui restitue une partie du don qu'elle a reçu.

La monarchie, surtout la monarchie tempérée, représentative ou constitutionnelle, n'empêche pas que l'opinion publique, les principaux ou les délégués de la nation, ne suivent des courants divers et ne se partagent en partis politiques. Le monarque est en dehors et au-dessus des partis; il n'est le serviteur, l'oppresseur d'aucun, car il ne doit ses pouvoirs à aucun. Il lui faut au contraire tenir la balance égale entre les factions, et, au besoin, empêcher la tyrannie de la majorité, l'indocilité de la minorité.

30. B. L'aristocratie. L'aristocratie est, d'après l'étymologie, le pouvoir des meilleurs, d'une minorité par conséquent. Les éléments déterminateurs de l'aristocratie peuvent être la naissance, l'âge, la science, la richesse (immobilière surtout), la profession industrielle ou commerciale, le caractère sacerdotal; parfois deux ou plusieurs qualités concourent pour former la classe supérieure.

L'aristocratie gouverne directement ou par délégation, et combine souvent les deux modes. Le pouvoir législatif est, en général, exercé directement par l'assemblée générale des meilleurs, à moins que ceuxci ne soient trop nombreux pour être réunis en corps délibérant et ne doivent nommer des représentants. Le pouvoir exécutif, par la force des choses, est ou confié à un homme, qui n'est pas un monarque, puisque ses pouvoirs lui sont délégués et ne lui appartiennent pas, ou partagé entre plusieurs délégués, ou divisé entre les membres de l'aristocratie, dont chacun alors a sa part d'influence dans la délibération et dans l'exécution. L'aristocratie peut donc être directe, représentative, ou l'un et l'autre en même temps.

31. La forme aristocratique, parce qu'elle reconnaît le pouvoir de plusieurs hommes, oblige à prévoir le ́ cas où tous ne seraient pas d'accord sur la décision à prendre ou la délégation à instituer. Sans parler des moyens à employer pour obtenir l'unanimité, certains régimes font prévaloir l'opinion de la majorité en fixant diversement le taux de cette majorité, et obligent la minorité à accepter cette opinion; d'autres régimes reconnaissent à une seule dissidence le pouvoir d'empêcher toute décision. Le premier système permet seul un gouvernement régulier; il suppose une forte cohésion sociale; il tolère, à défaut de bonnes mœurs politiques, l'oppression des minorités par les majorités, de la sagesse par le nombre. Le second est la marque d'un régime fédératif encore existant ou à peine effacé; il assure le respect des droits les plus faibles; il condamne le pouvoir central à l'inaction, et suppose que les vies locales suppléent à la stagnation de la vie générale.

32. C. La démocratie. La démocratie serait, au sens propre, le pouvoir du peuple.

Qu'est-ce que le peuple? Question simple en apparence et qui a reçu bien des réponses différentes. S'il

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