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V

Attributions électives.

287. Les Chambres, réunies en Assemblée nationale, élisent le Président de la République (no 315). Avant 1884, le Sénat élisait les sénateurs inamovibles (n° 195). D'après la L. C. 25 fév. 1875, art. 4, al. 4, le Sénat pouvait seul révoquer les conseillers d'Etat nommés par l'Assemblée Nationale; cette disposition est aujourd'hui sans objet, le Conseil d'Etat ayant été entièrement renouvelé.

VI

Attributions administratives.

288. Elles consistent dans l'intervention du Parlement en des matières qui concernent l'administration locale ou générale. Cette intervention est très fréquente eu ne saurait être ramenée à un petit nombre de principes. Par exemple, la L. 3 avril 1884 sur l'organisation municipale exige un acte du Parlement pour : les modifications à la circonscription d'une commune qui changent les limites d'un canton, d'un arrondissement ou d'un département (art. 6); les emprunts des établissements municipaux excédant, par euxmêmes ou avec les emprunts non remboursés, la somme de 500.000 francs (art. 119); les surtaxes d'octroi sur les boissons (art. 137); une contribution extraordinaire excédant le maximum fixé par la loi de finances, si le conseil municipal s'y refuse et que les ressources ordinaires soient insuffisantes pour couvrir les dépenses obligatoires (art. 149); tous les cas où une loi exige que les délibérations du conseil municipal soient approuvées par une loi (art. 69). Ainsi encore, un acte du Parlement peut abréger le délai de 10 ans après lequel l'étranger naturalisé devient éligible aux Chambres (L. 26 juin 1889, art. 3).

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Il est remarquable que, dans un grand nombre de textes, le législateur lui-même qualifie de lois les mesures d'ordre administratif prises par les Chambres, et qu'il autorise ainsi la confusion faite entre la loi et tout acte du Parlement. La confusion a l'inconvénient de donner le prestige et les caractères juridiques de la loi à des actes qui n'y ont pas droit; en tout cas, c'est une impropriété de termes que d'appeler loi toute décision émanée du Parlement. La loi est un précepte juridique d'une portée générale elle reste étrangère aux actes qui ont été cités. Ces actes sont l'exercice du pouvoir exécutif de l'Etat, si l'administration locale est centralisée; l'exercice d'un droit de contrôle de l'Etat sur ses membres; l'exercice de la tutelle administrative à l'égard des départements, communes, etc.

La fonction de tutelle ou de contrôle est répartie entre le Parlement et le Gouvernement; suivant la gravité du cas, la décision ou l'autorisation est donnée par le Chef de l'Etat ou par les Chambres (1). Cela seul prouve bien que le pouvoir législatif n'est pas en jeu.

Il l'est si peu que les lois, depuis 1875, ont librement augmenté ou réduit le nombre des cas où l'intervention des Chambres est nécessaire. En agissant ainsi, le législateur ne croyait pas violer la loi constitutionnelle, qui attribue aux Chambres le pouvoir législatif.

VII

Attributions d'ordre intérieur.

289. Les Chambres vérifient les pouvoirs de leurs membres (n° 232 et s.), acceptent leur démission, prononcent leur déchéance (no 243). Elles élisent leur bureau (no 224), font leur règlement (n° 223), votent leur budget (no 231).

(1) La loi du 5 avril 1884 offre de nombreux exemples de ceci. Le Parlement délègue parfois ses attributions de cet ordre au Gouvernement.

VIII

Attributions judiciaires,

290. La L. 29 juillet 1881, en abrogeant (art. 68) les lois antérieures sur la presse et en supprimant le délit d'offenses aux Chambres, a mis fin au droit que conférait aux Chambres la L. 25 mars 1822, art. 15 et 16, d'appeler à leur barre et de juger ceux qui les auraient offensées ou auraient montré de l'infidélité ou de la mauvaise foi dans le compte rendu des séances. Cette attribution judiciaire n'existe donc plus.

Les lois de 1875 en admettent d'autres, qu'elles répartissent entre les deux Chambres (').

291. I. Altributions de la Chambre des Députés. Elle a seulement le droit de mettre en accusation, en aucun cas celui de juger. « Le Président de la République ne peut être mis en accusation que par la Chambre des Députés... Les ministres peuvent être mis en accusation par la Chambre des Députés pour crimes commis

(1) Les règles qui suivent sont imitées d'assez près de l'impeachment anglais. L'impeachment, accusation contre un ministre, portée par la Chambre des communes et jugée par la Chambre des Lords, est une coutume fort ancienne, qui remonte jusqu'au xive siècle. Elle fut présentée d'abord comme une procédure purement pénale, destinée à frapper les ministres criminels; et, à ce point de vue, les juristes la justifiaient d'un côté par les attributions judiciaires qu'a toujours eues le magnum consilium devenu Chambre des Lords, d'un autre côté par une assimilation assez naturelle entre les Communes élues et le jury d'accusation des comtés. Dans la suite, le caractère politique a prévalu et la Chambre des Lords a exercé un pouvoir illimité pour qualifier les faits et pour appliquer les peines, sans être tenue d'observer les lois pénales. Au reste, l'impeachment n'a plus été pratiqué depuis 1805 : la responsabilité parlementaire des ministres l'a rendu pratiquement inutile.

Le Parlement anglais a quelquefois voté des bills d'attainder, véritables lois de jugement et de condamnation. Il paraît avoir renoncé à cet usage.

L'impeachment se retrouve aux Etats-Unis, où il peut atteindre tous les fonctionnaires, y compris le Président de l'Union.

dans l'exercice de leurs fonctions... » (L C. 16 juil. 1875, art. 12, al. 1 et 2) (1).

Ce texte appelle quelques remarques.

Il ne donne à la Chambre le droit d'accusation qu'à l'égard du Président de la République et des ministres; la Chambre ne pourrait donc mettre en accusation une autre personne.

Le droit de la Chambre est exclusif quant au Chef de l'Etat, qui ne peut être mis en accusation par une autre autorité, quelle qu'elle soit; il ne l'est pas quant aux ministres, qui restent soumis au droit commun et

(') Le droit d'accusation appartient à la Chambre Basse d'après : les Charles (art. 55 et 56; art. 47), quant aux ministres (trahison et concussion sculement, dans la Charte de 1814); l'Acte Additionnel (art. 40 et 41), quant aux ministres et aux commandants militaires, pour avoir compromis la sûreté ou l'honneur de la nation; la C. An III (art. 112 et s., 158), quant aux membres des Chambres et du Directoire exécutif, sauf la ratification de la Chambre Haute; au Corps législatif (sur la dénonciation du Tribunat) d'après la C. An vi (art. 73), quant aux ministres (faits énumérés), et d'après le Scs. An xi (art. 110-112), quant à plusieurs catégories de personnes; à la Chambre unique, d'après la L. 10-15 mai 1791, quant à toute personne sauf le roi; la C. 1793 (art. 55), quant aux membres du Conseil Exécutif et aux fonctionnaires publics; la C. 1848 (art. 91), quant à toute personne y compris le Président de la République. La C. 1852 (art. 54) réserve au Chef de l'Etat le droit de saisir la Haule Cour, dont une section statue sur la mise en accusation (Scs. 10 juill. 1852).

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A l'étranger, le droit d'accusation est accordé à la Chambre Basse; quant aux ministres en Belgique, Espagne, Hongrie, Italie; Président de la République à Cuba, en Portugal; ministres et divers hauts fonctionnaires en Bade; ces deux catégories, plus les représentants et la Cour suprême en Norvège; ces quatre catégories plus le Président de la République et les gouverneurs des Etats au Mexique; les Président et Vice-Président de la République, ministres et juges en Rép. Argentine; toute personne attentant à la Constitution aux Etats-Unis. Il appartient à la Chambre unique en Grèce, Luxembourg, quant aux ministres; au roi el à la Chambre Basse en Danemark (ministres); au roi et aux deux Chambres en Roumanie ministres); aux deux Chambres seules en Prusse, Saxe (ministres). En Bade, Roumanie, la majorité des deux tiers est exigée. En Bavière, les deux Chambres doivent se mettre d'accord pour demander au roi la mise en jugement des ministres.

peuvent être poursuivis conformément au C. I. Cr. Le droit de la Chambre se restreint au crime de haute trahison commis par le Président de la Répu blique; il s'étend, quant aux ministres, aux crimes commis dans l'exercice de leurs fonctions. Les délits commis par un ministre dans le cercle ou en dehors de ses fonctions, les infractions ordinaires et de droit commun ne peuvent faire l'objet d'une mise en accusation par la Chambre.

Lorsque le Président de la République convoque le Sénat pour juger un attentat contre la sûreté de l'Etat, le décret peut être rendu jusqu'à l'arrêt de renvoi devant la Cour d'assises, rendu par la Chambre des mises en accusation de la Cour d'appel; aucun délai n'est fixé par la loi constitutionnelle pour l'accusation portée par la Chambre; cependant la délibération unilatérale d'une Chambre, n'ayant pas force de loi, ne pourrait déposséder une juridiction régulièrement saisie en vertu du Code d'instruction criminelle, et après l'arrêt de renvoi, la Cour d'assises serait seule compétente.

292. II. Attribution du Sénat. Le Sénat peut être constitué en Haute-Cour de justice.

Cette Haute-Cour est compétente :

1o Pour juger le Président de la République, inculpé de haute trahison, sur l'accusation de la Chambre des Députés ;

2o Pour juger les ministres pour crimes commis dans l'exercice de leurs fonctions, sur l'accusation de la même Chambre;

3° Pour juger toute personne qui lui est déférée par le Président de la République pour attentat à la sûreté de l'Etat. « Le Sénat peut être constitué en Cour de justice par un décret du Président de la République, rendu en Conseil des ministres, pour juger toute personne prévenue d'allental commis contre la sûreté de l'Etat ». (L. 16 juillet 1875, art. 12, al. 3). Le droit.

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