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populaire, et réservent-elles l'assentiment du peuple (nos 54 et 58) pour les changements constitutionnels. Plusieurs autres constitutions, celle de l'An viu, les sénatus-consultes du 16 thermidor An x et du 28 floréal An xu, la C. 14 janvier 1852, le sénatus-consulte du 7 nov. 1852, le sénatus-consulte du 20 avril 1870, furent encore déférés au plébiscite, mais dans des conditions assez différentes. La C. An vi fut, comme les deux précédentes, soumise en entier au vole, et il en fut de même de l'Acte Additionnel et du sénatusconsulte de 1870; pour la C. 1852, l'intervention du suffrage universel consista à adopter cinq principes, sur lesquels la constitution devrait être bâtie; dans les autres cas, la question soumise au peuple était simple et unique, ainsi le Consulat à vie en l'An x. Le sénatus-consulte du 21 mai 1870, art. 44, est seul, avec les C. 1793, art. 116, et An ш, art. 26 et 346, à exiger le vote des citoyens sur les changements constitutionnels. La C. de 1852 l'exige seulement pour toucher aux principes consacrés par le plébiscite de 1851 (art. 32).

La France a donc fait une ample et fréquente expérience du vote populaire en matière constitutionnelle. On constate que d'énormes majorités ont toujours ratifié des actes fort différents : le plébiscite n'est ni éclairé, ni constant.

En matière législative, la C. 1793 organisait seule un contrôle des assemblées primaires sur les actes du Corps Législatif (art. 59-60) : elle n'a jamais été appliquée.

Il reste à signaler la formule, commune aux matières constitutionnelles et aux matières législatives, de la C. 1832, art. 5, et du Scs. 1870, art. 13, en vertu de laquelle le chef de l'Etat avait toujours le droit de faire appel au peuple; ce qui signifiait sans doute qu'il pouvait vaincre par un plébiscite la résistance des corps constitués.

En Suisse, le referendum, qui a des origines ancien

nes, s'est précisé et fortifié sous l'influence de la Révolution française, et est devenu une partie essentielle des institutions soit fédérales, soit cantonales. Les cantons lui donnent une portée plus ou moins vaste, l'appliquant soit à la constitution seule, soit aux lois ordinaires aussi. En outre, les uns reconnaissent seulement aux citoyens le droit d'exiger la consultation générale des citoyens. D'autres admettent le referendum facultatif: les actes sont solennellement communiqués au peuple et un certain nombre de citoyens peuvent exiger la consultation générale. D'autres y soumettent obligatoirement tous les actes. Enfin quelques constitutions cantonales admettent l'initiative populaire et permettent aux citoyens de soumettre un projet de loi soit à l'assemblée législative, soit au peuple. Selon la constitution fédérale, le referendum. est obligatoire en matière constitutionnelle, facultatif en matière législative, et l'initiative populaire est reconnue en matière constitutionnelle.

Le peuple suisse, malgré sa sagesse et les heureuses conditions politiques qui lui sont faites, n'a pas entièrement à se louer du referendum. Il a détruit des lois bien conçues, il a cédé à des passions, enfin les abstentions sont souvent nombreuses.

Aux Etats-Unis, le referendum constitutionnel est la règle pour les Etats particuliers (mais non pour F'Union). Le peuple vote : 1o pour décider s'il y a lieu de nommer une Convention pour la révision totale de la constitution, et pour approuver le texte rédigé par la Convention; 2° pour approuver les révisions partielles élaborées par les assemblées législatives. En matière législative, le referendum, de plus en plus employé, s'applique soit à une loi déjà faite, soit au principe d'une loi à faire.

En Danemark et dans la Fédération Australienne, les modifications à la Constitution sont obligatoirement soumises à la ratification populaire.

38. La démocratie, faisant résider le pouvoir dans

un nombre d'hommes plus ou moins considérable, est forcée de prévoir le cas, très fréquent sans doute, où les hommes ne sont pas unanimes soit sur la décision à prendre, soit sur les représentants à choisir. La loi du nombre, le triomphe de la majorité, la soumission de la minorité, s'imposent fatalement, car il n'y a pas de supérieur commun qui puisse indiquer et faire prévaloir la solution préférable. Au moins faut-il que toutes les précautions soient prises pour qu'une majorité se forme réelle, sincère, éclairée et sage. Comment ne pas remarquer que la théorie vulgaire de la démocratie omet ces précautions en égalisant politiquement les suffrages d'hommes naturellement inégaux? Il est plus exact et plus sûr de proportionner le rôle politique à l'importance et à la valeur des éléments sociaux.

39. Que la démocratie soit égalitaire ou hiérarchisée, qu'elle fonctionne directement ou par représentants, les pouvoirs populaires ne sont jamais exercés que par des catégories plus ou moins larges, déterminées par l'exclusión des membres réputés incapables ou indignes. Il suit de là, mais la conséquence est contestée, que les individus appelés par les lois à un rôle politique exercent une fonction et non pas un droit (no 158). De cette idée, on conclura notamment que ces fonctions ne sauraient être décernées avec trop de soin et de précaution, et qu'elles doivent être exercées dans l'intérêt commun du peuple entier, non pour l'avantage particulier de leurs détenteurs.

II

40. On sait que le pouvoir monarchique, aristocratique ou démocratique peut être exercé soit directement, soit par délégués ou représentants. Cette deuxième classification des formes d'Etat est donc suffisamment connue; on évitera pourtant de confondre les délégués et les représentants.

Dans les régimes monarchiques ou aristocratiques, les délégations ont pour motif l'impossibilité matérielle de faire régler par un seul homme ou par un petit nombre d'hommes les innombrables affaires que suscite le gouvernement d'un pays.

Dans la forme démocratique, le régime représentatif est dû d'abord à des causes de même nature, quoique différentes, à la difficulté de réunir des assemblées trop nombreuses, à l'impossibilité d'enlever fréquemment les citoyens à leurs travaux; il est dû encore à d'autres motifs, à l'incapacité du citoyen pour régler les questions politiques, aux dangers spéciaux que recèle la foule. Les représentants sont une élite que le peuple, supposé apte à bien choisir, désigne pour appliquer aux affaires publiques une intelligence et des connaissances supérieures.

Le délégué peut donc être assez exactement comparé à un mandataire; le représentant ne peut l'être. Le délégué a des pouvoirs strictement limités et rend compte de leur usage au mandant; le représentant a une large mission, dans l'accomplissement de laquelle il doit s'inspirer des besoins réels plutôt que des volontés du peuple. La nation exerce sur ses actes un contrôle actif; mais ce n'est pas en lui imposant un programme précis et en vérifiant l'exécution de chaque article, c'est en appréciant l'effet de ses actes sur la vie sociale. Si l'on tient à l'idée inexacte de mandat, on dira que le délégué a pour mandat d'accomplir els actes déterminés, et que le représentant est chargé de gérer au mieux les intérêts communs. Il est plus exact de dire que le délégué accomplit un mandat, le représentant exerce une fonction. Cette distinction, entre autres conséquences, refuse au peuple le droit de révoquer ses représentants, et laisse à ceux-ci une large initiative.

III

41. En considérant l'organisation seule du pouvoir exécutif et, dans celle-ci, le mode seul qui pourvoit à la magistrature suprême de l'Etat, on distingue la forme royale et la forme républicaine.

La forme royale est caractérisée par le principe de l'hérédité, qui assure aux membres d'une famille, selon des règles variées, la transmission de la fonction exécutive la plus élevée; la forme républicaine pratique les modes autres que l'hérédité, habituellement l'élection sous des combinaisons diverses (1).

On ne confondra pas monarchie et royauté. La monarchie revêt en général la forme royale; mais on comprendrait que le pouvoir social résidât sur un homme, en l'absence d'une transmission héréditaire, ainsi en vertu d'une désignation divine plus ou moins authentique, en vertu du sort diversement consulté. D'un autre côté, la royauté peut coexister avec la forme aristocratique ou démocratique; la famille royale n'est alors qu'un élément social de premier ordre, ou bien le roi compte parmi les représentants du peuple. La monarchie reconnaît en un seul homme la plénitude du pouvoir social; la royauté peut ne conférer au roi que l'exercice limité de pouvoirs qui appartiennent aux meilleurs ou au peuple.

On ne confondra pas davantage démocratie et république. L'aristocratie a souvent revêtu la forme républicaine et organisé des délégations temporaires ou viagères de tel ou tel pouvoir. La royauté peut être démocratique : le peuple, en se réservant l'exercice du

(1) L'histoire offre quelques exemples de royauté élective, c'està-dire d'un pouvoir électif et viager'; il n'y a pas lieu d'en faire une forme distincte. Un pouvoir viager peut différer dans une certaine mesure d'un pouvoir temporaire; mais les différences sont faibles et permettent de ranger la royauté élective dans les formes républicaines.

PRÉCIS ÉLÉM. DE DR. CONSTIT.

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