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pouvoir législatif et l'autorité judiciaire, peut déléguer à titre héréditaire le pouvoir exécutif proprement dit.

La distinction en royauté et république ne vise que le procédé qui pourvoit à la magistrature suprême de l'Etat elle omet les attributs de cette magistrature et l'organisation entière du pouvoir législatif. De ces deux chefs peuvent naître une foule de combinaisons variées, en général conciliables avec la royauté comme avec la république. La forme républicaine peut être une dictature temporaire; la royauté, un titre vain. L'hérédité est la seule caractéristique sûre, exclue par l'une, admise par l'autre.

IV

42. Supposons enfin les divers pouvoirs confiés à des organes différents. Selon les rapports que ces organes auront entre eux, selon qu'ils seront cantonnés dans leurs domaines respectifs ou associés avec influence réciproque, le gouvernement sera dit indépendant ou parlementaire. On comprendra mieux plus tard cette distinction (nos 392 et s.).

Elle est indépendante de la forme royale ou républicaine du pouvoir exécutif, de la source monarchique, aristocratique ou démocratique du pouvoir. Elle n'a place que dans un régime de représentation ou de délégation; elle ne se comprend pas dans un régime où les pouvoirs sont exercés directement.

LIVRE I

Les Constitutions de la France (1).

CHAPITRE IV

LA CONSTITUTION DE 1791

43. La question qui se posait devant les Etats Généraux réunis à Versailles, le 5 mai 1789, était avant tout une question constitutionnelle.

L'ancienne France n'avait qu'une constitution coutumière. Les jurisconsultes et les politiques des XVIIe et xvIIe siècles s'accordent à reconnaître l'existence des lois fondamentales du royaume, mais leur analyse est l'affirmation claire et complète de l'absolutisme royal. Depuis 1614, les Etats Généraux ne sont plus convoqués; d'ailleurs, leurs droits et attributions n'ont jamais été certains, et leur dernière réunion, où l'égoïsme des classes a supplanté toute autre préoccupation, a révélé leur insuffisance. Les Parlements prétendent à un rôle politique qui ne justifie pas le principe de leur institution. La Noblesse, domestiquée dans la cour royale, a cessé d'être une aristocratie; le Clergé n'a que des intérêts particuliers; le Tiers Etat, qui maintenant embrasse la nation presque entière,

(1) Pour le texte des constitutions et les détails de leur élaboration, Duguit el Monnier, Les constitutions et les principales lois politiques de la France depuis 1789, 2e édit., 1908.

dont l'importance sociale n'a cessé de grandir, qui devrait être tout ou presque tout, n'est rien. L'incertitude qui règne sur les rapports des classes sociales et des pouvoirs publics ouvre à l'absolutisme une large carrière.

La discordance entre les institutions et l'état social, l'absence d'une constitution précise étaient vivement senties à la fin du XVIIIe siècle. L'étude des coutumes anglaises, l'établissement de la constitution américaine avaient donné un corps aux aspirations de la France, éveillées par d'innombrables écrits politiques. Les difficultés financières furent l'occasion des Etats Généraux de 1789; leur but réel, unanimement reconnu, était l'élaboration d'une constitution.

44. Les cahiers des Etats Généraux contenaient un vou tendant à la rédaction d'une constitution explicite, nouvelle selon les uns, restaurée en son état primitif selon les autres, et même des indications précises sur les points principaux.

Ils étaient unanimes sur les points suivants : le gouvernement de la France est une monarchie, héréditaire de mâle en mâle, par ordre de primogéniture; le roi est inviolable et sacré; il exerce le pouvoir exécutif; la loi est faite par la nation ou ses représentants et complétée par la sanction royale; — les impôts et les emprunts doivent être votés par la représentation nationale; l'impôt n'est voté que pour une durée limitée, d'une session à une autre ; le droit de propriété et la liberté individuelle sont garantis; les agents administratifs sont responsables de leurs

actes.

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Il y avait désaccord sur la permanence ou la périodicité de l'assemblée, sa division en ordres séparés, sur les droits du roi à son égard, etc.

45. Les députés porteurs de ces cahiers avaient la ferme intention de donner à la France une constitution. Ils l'affirmèrent le 17 juin 1789, en se déclarant « Assemblée nationale », chargée « d'interpréter et de

présenter la volonté générale de la nation », de travailler à « l'œuvre commune de la restauration nationale, de la régénération de la France... » Plus solennel et plus précis est le serment du Jeu de Paume (20 juin 1789): « L'Assemblée nationale, considérant qu'appelée à fixer la Constitution du royaume, opérer la régénération de l'ordre public et maintenir les vrais principes de la monarchie, rien ne peut empêcher qu'elle ne continue ses délibérations dans quelque lieu qu'elle soit forcée de s'établir, et qu'enfin partout où ses membres sont réunis, là est l'Assemblée nationale: Arrête que tous les membres de cette Assemblée prêteront, à l'instant, serment solennel de ne jamais se séparer et de se rassembler partout où les circonstances l'exigeront, jusqu'à ce que la Constitution du royaume soit établie et affermie sur des fondements solides, et que ledit serment élant prêté, tous les membres, et chacun en particulier, confirmeront par leur signature cette résolution inébranlable ».

45. En face de cette Assemblée résolue, Louis XVI ne sut pas prendre une attitude nette, et demeura hésitant entre ses intentions droites et libérales et les influences réactionnaires qui l'entouraient. En convoquant les Etats Généraux, il avait décidé que le Tiers Etat aurait autant de députés que la Noblesse et le clergé réunis; mais il avait voulu, contre toute logique, que les trois ordres votassent séparément, et cette double concession avait irrité les uns sans conlenter les autres. Il continua comme il avait commencé, résistant et cédant tour à tour et inopportunément. Vainement sollicité de prendre la direction du mouveinent en présentant un projet de constitution, il nia d'abord que les députés eussent mission de constituer la France el se borna à indiquer un programme de réformes vote de l'impôt par les représentants de la nation; garantie de la dette publique; obligation pour lous de contribuer aux charges de l'Etat; inviolabilité. de la propriété, y compris les droits féodaux; liberté individuelle, liberté de la presse; institutions provin

ciales; réformes dans la justice, dans les lois civiles et criminelles (Déclaration du 23 juin 1789)...

Ce plan pratique et non théorique ne pouvait suffire aux députés qui rêvaient une grande œuvre doctrinale. Quelques-uns résistaient comme le roi, alléguant le caractère impératif de leurs mandats, qui ne donnaient pas le droit de faire une constitution, et demandant à retourner devant leurs électeurs. Mais, dès le 27 juin 1789, le roi cédait, donnait au Clergé et à la Noblesse l'autorisation de se joindre au Tiers Etat qui avait déjà reçu l'adhésion de la majorité du Clergé et de plusieurs nobles, déliait les députés scrupuleux de leurs mandats impératifs, dont l'Assemblée, le 8 juillet, décida de ne tenir aucun compte.

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47. Dans l'Assemblée nationale, désormais Constituante, il y avait, outre les derniers partisans de l'Ancien Régime, deux groupes dont les idées politiques étaient fort nettes. L'un, formé à l'école de Rousseau, répudiait tout exemple et toute autorité et demandait à la seule raison un plan constitutionnel. L'autre, allaché aux principes de Montesquieu, songeait à acclimater en France les institutions anglaises. Entre les deux, oscillait la majeure partie de l'Assemblée ; fermement décidée à faire des réformes, et même ayant dressé la liste des libertés nécessaires, elle manquait de programme précis relativement à l'organisation des pouvoirs publics.

48. Le 6 juillet, les trente bureaux de l'Assemblée furent chargés de nommer et nommèrent les trente membres d'un comité qui fixerait l'ordre dans lequel la Constitution serait formée; le 9, le comité proposa de rédiger un préambule sur les droits de l'homme et une constitution sur le gouvernement, et de distinguer désormais les lois constitutionnelles et les lois d'administration. Le 14 juillet, un comité de huit membres fut chargé de préparer la Constitution; le 27, il présenta une déclaration des droits de l'homme et les principes du gouvernement français.

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