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La nuit du 4 août, qui vit les privilégiés renoncer à leurs avantages, donna au travail constituant une ampleur nouvelle. Après avoir voté (26 août) la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, l'Assemblée commença une série de lois ayant pour but l'abolition de l'Ancien Régime, la formule du droit nouveau, l'application des principes de 1789. Cet immense travail législatif retarda la confection des lois constitutionnelles, qui furent votées par fragments, à des intervalles assez éloignés.

Entre temps, le comité de constitution avait été renouvelé (15 sept. 1789). Sept membres lui furent adjoints (23 sept. 1790), pour séparer les lois constitutionnelles et en former un ensemble. La constitution fut lue le 5 août 1791, la discussion commencée le 8 août, le vote achevé le 3 septembre; la sanction royale fut donnée le 13 septembre, et la Constitution fut jurée le 14.

49. La C. 1794 comprend une déclaration des droits de l'homme et du citoyen, un préambule et sept titres, plus quelques dispositions.

La Déclaration, copiée sur celle du 26 août 1789, proclame les hommes « libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune » (art. 1). Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression » (art. 2). « Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation » (art. 3). « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui » dans les bornes fixées par la loi (art. 4). <«< La loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société » (art. 5). Elle « est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont le droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation... » Tous les citoyens sont égaux à ses yeux, et admissibles à tous les emplois publics,

<«< selon leur capacité, et sans autre distinction que celles de leurs vertus et de leurs talents >> (art. 6). « Nul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la loi et dans les formes qu'elle a prescrites» (art. 7). Nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi antérieure au délit (art. 8). Tout homme est présumé innocent, et s'il est indispensable de l'arrêter, toute rigueur inutile doit être réprimée par la loi (art. 9). La liberté des opinions, même religieuses, et la libre communication des pensées et des opinions sont proclamées (art. 10-11). La force publique, garantie des droits, est instituée pour l'avantage de tous (art. 12). Les contributions doivent être réparties également entre tous les citoyens, selon leurs facultés (art. 13); et tous les citoyens ont le droit d'en constater la nécessité, de les consentir, d'en suivre l'emploi, d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée (art. 14). « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration » (art. 15). « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a pas de constitution » (art. 16). « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » (art. 17).

Le préambule « abolit irrévocablement les institutions qui blessaient la liberté et l'égalité des droits » (noblesse, distinctions héréditaires, régime féodal, justice patrimoniale, ordres de chevalerie, vénalité et hérédité des offices publics, jurandes et corporations, vœux religieux).

TITRE Ier. Dispositions fondamentales garanties par la Constitution.- La Constitution garantit en général les droits déclarés ci-dessus et en impose le respect au pouvoir législatif; en outre les aliénations faites ou à faire selon les lois, et le droit pour tous les

citoyens de nommer les ministres du culte. Elle promet un établissement général de secours publics, une instruction publique, des fêtes nationales, un Code des lois civiles commun à tout le royaume.

TITRE II. De la division du royaume et de l'état des ciloyens. <«< Le royaume est un et indivisible; son territoire est distribué en quatre-vingt-trois départements, chaque département en districts, chaque district en cantons »>. Suivent les règles relatives à l'acquisition et à la perte de la qualité de Français, au mariage contrat civil, au pouvoir municipal.

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TITRE III. Des pouvoirs publics. La souveraineté <«< une, indivisible, inaliénable et imprescriptible », appartient à la nation, qui ne peut l'exercer que par délégation. Le pouvoir législatif est délégué à une assemblée élue, le pouvoir exécutif au roi, le pouvoir judiciaire à des juges élus.

Chapitre Ier: De l'Assemblée nationale législative. Il n'y a qu'une Chambre. Elle est permanente (c'est-àdire se réunit chaque année) et se renouvelle en entier de plein droit tous les deux ans. Le roi ne peut la dissoudre. Elle comprend 745 membres; 247 représentent le territoire, à raison de 3 par département, sauf Paris qui n'a de ce chef qu'un député; 249 représentent la population et 249 la contribution directe, selon l'importance du département aux deux points de vue. Ainsi trois éléments concourent à la représentation nationale: le territoire, la population, l'impôt. direct.

L'Assemblée nationale législative est élue au suffrage à deux degrés. Les assemblées primaires se réunissent au chef-lieu de canton, de plein droit, sauf convocation antérieure, le deuxième dimanche de mars, tous les deux ans. En sont membres, les citoyens actifs, c'est-à-dire les Français, âgés de 25 ans, domiciliés dans le canton, payant une contribution directe égale à la valeur de trois journées de travail, inscrits au rôle des gardes nationales, ayant prêté le serment

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civique. Les domestiques, les accusés, les faillis, les insolvables en sont exclus. Ces assemblées nomment les électeurs, à raison d'un électeur pour cent citoyens actifs. L'électeur doit être citoyen actif et occuper un bien d'une certaine valeur, variable selon les localités et selon le titre (propriété, usufruit, location) d'occupation. — L'assemblée électorale se réunit au chef-lieu du département, de plein droit (sauf convocation antérieure), le dernier dimanche de mars. Tous les citoyens actifs du département peuvent être élus députés, sauf des incompatibilités. Le député sortant est rééligible une fois, puis il doit laisser passer une législature.

Le député représente la nation, et non le département qui le nomme; il n'a pas de mandal impératif. Des suppléants, en nombre égal au tiers du nombre des représentants, sont nommés en même temps.

Les députés se réunissent de plein droit le premier lundi de mai, sous la présidence provisoire du doyen d'âge. Ils vérifient leurs pouvoirs et élisent · leur bureau.

Les représentants prêtent le serment de vivre libres ou mourir et jurent fidélité à la Constitution. Ils sont inviolables, sauf le cas de flagrant délit, à moins que l'Assemblée n'autorise la poursuite ou l'arrestation.

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Chapitre II. De la royauté, de la régence et des ministres: La royauté est indivisible, héréditaire de mâle en måle, par ordre de primogéniture. Le roi des Français c'est son seul titre - est inviolable et sacré; il est soumis à la loi; il prête serment à la nation, à la loi, à la Constitution. Il est réputé abdiquer lorsqu'il refuse ou rétracte le serment, lorsqu'il dirige une force armée contre la nation, lorsqu'il refuse de rentrer en France sur l'invitation du Corps législatif. Ses biens particuliers font partie du domaine de la nation; sa liste civile est fixée au début du règne par le Corps législatif.

Les ministres sont nommés et révoqués par le roi.

Les députés, les membres du tribunal de cassation, les personnes portées sur la liste du haut jury ne peuvent être ministres, deux ans encore après avoir perdu leur qualité. — La signature d'un ministre est nécessaire pour qu'un ordre royal soit exécutoire. Les ministres sont responsables et peuvent être accusés par le Corps législatif pour les actes qui attentent à la sûreté nationale, à la Constitution, à la propriété, à la liberté individuelle et pour les dissipations de deniers. Leur responsabilité n'est pas dégagée par l'ordre même écrit du roi. Ils doivent, à l'ouverture de chaque session, rendre compte des dépenses au Corps législatif.

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Chapitre III: De l'exercice du pouvoir législatif. L'Assemblée a l'initiative et le vote des lois. Le texte énumère les objets qui ne peuvent être réglés que par une loi. En outre, l'Assemblée déclare la guerre sur la proposition du roi, réclame la paix, ratifie les traités de paix, d'alliance et de commerce.

Le roi peut refuser la sanction aux lois votées par l'Assemblée, mais pour un temps seulement (veto suspensif): la loi votée par trois législatures successives, c'est-à-dire par trois assemblées différentes et après deux renouvellements généraux, ne peut être repoussée. Certains actes sont valables sans la sanction royale.

Le roi, averti par l'Assemblée de sa constitution, peut ouvrir et clore la session en personne. Il peut aussi, en cas de besoin, convoquer le Corps législatif prorogé. Il correspond avec fui par des messages contresignés par un ministre; il peut être reçu par l'Assemblée, alors celle-ci cesse d'être un corps délibérant.

Les ministres ont entrée au Corps législatif; ils peuvent être entendus en toute matière, mais n'ont droit à la parole que pour les affaires de leur département, à moins d'une autorisation de l'Assemblée nationale.

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