Page images
PDF
EPUB

En fait, sa portée est moindre. Les textes qu'elle abroge étaient demeurés sans application, et n'étaient rappelés à l'activité que dans des circonstances vraiment exceptionnelles. Les autorisations administratives étaient rarement refusées. En somme, les associations jouissaient d'une liberté pratique que la L. 1901 a reconnue plutôt que créée. Cependant, il serait injuste de méconnaître le progrès réel qu'elle donne. La condition des associations cesse d'être précaire, abandonnée au bon vouloir de l'Administration, et le Gouvernement est dépouillé d'armes, rouillées peut-être, mais non pas hors d'usage. Si rare, si exceptionnel qu'en fût l'emploi, il se produisait encore quelquefois. Il ne peut plus se produire, c'est un gain sérieux.

554. Si libre que soit l'association, elle ne peut, sous peine de nullité, être « fondée sur une cause ou en vue d'un objet illicite, contraire aux lois, aux bonnes mœurs », ni avoir « pour but de porter atteinte à l'intégrité du territoire national et à la forme républicaine du Gouvernement » (art. 3). Et de même qu'elle est librement formée, les membres sont toujours, et au besoin malgré les statuts, libres de la quitter, après avoir payé les cotisations échues et celle de l'année courante (art. 4).

555. En outre, la L. 1901 proclame la liberté, mais non l'égalité des associations entre elles. Elle distingue :

les associations non déclarées. A celles-là, l'art 2 refuse la capacité civile. Pour elles, tout le bénéfice de la loi se réduit à la suppression de l'autorisation administrative et des peines. A tous les autres points de vue, elles sont dans la condition que le régime ancien faisait aux associations qui n'avaient pas été déclarées d'utilité publique.

Cette condition, qui peut être définie le néant juridique, était au fond moins mauvaise qu'en apparence. -L'association ne pouvait pas être propriétaire, mais

ses chefs étaient les propriétaires apparents et géraient le patrimoine commun. Ils devenaient de même créanciers et débiteurs à la place et pour le compte de l'association (1). De même, ils plaidaient pour elle comme maîtres apparents de son patrimoine, et les difficultés que pouvaient susciter les règles de la procédure ne se produisaient pas souvent, car personne ou à peu près n'avait intérêt à les soulever.

Il en est de même aujourd'hui des associations non déclarées.

556. les associations déclarées. Dans le système de la L. 1901, une association ne peut acquérir la personnalité civile, devenir une personne juridique, que si elle a été rendue publique par les soins de ses fondateurs (art. 5) (2).

Cette publicité, selon la L. 1901, résulte d'une déclaration faite à la préfecture ou à la sous-préfecture du siège social. Le D. 16 août 1901, art. 1, y ajoute : l'insertion d'un extrait au Journal officiel et au Recueil des actes administratifs de la Préfecture; et l'art. 2 autorise toute personne à prendre communication et à obtenir un extrait de la déclaration et de toutes les pièces qui s'y réfèrent.

La déclaration doit contenir le titre et l'objet de l'association, le siège de ses établissements, les noms, professions et domiciles de ses directeurs ou administrateurs. Elle est accompagnée de deux exemplaires des statuts (L. 1er juillet 1901, art 5).

Tout changement apporté aux points précisés par la déclaration (3) doit être déclaré de même dans le mois.

(1) Sur ce point, la L. 1901 aggrave le droit antérieur : l'art. 17 déclare nul tout acte fait par personne interposée pour permettre à une association d'éluder les dispositions de la L. 1901 et notamment l'art. 2 qui refuse la capacité juridique aux associatious non déclarées.

(2) Le D. 16 août 1901, art. 1, dit : « Ceux qui, à un titre quelconque, sont chargés de l'administration ou de la direction de l'association ».

(3) Le D. 16 août 1901, art. 3, ajoute le changement d'adresse dans la localité, les acquisitions et aliénations d'immeubles.

.

Il ne devient opposable aux tiers qu'à partir de la déclaration.

L'association déclarée est une personne juridique. La L. 1901, art. 6, lui reconnaît quelques droits dont elle peut user sans autorisation spéciale :

le droit d'ester en justice;

le droit d'acquérir à titre onéreux;

le droit de recevoir des subventions de l'Etat, des départements et des communes.

le droit de posséder et administrer: 1° les colisations de ses membres ou les sommes qui rachètent la cotisation, pourvu qu'elles ne dépassent pas 500 francs; 2o le local destiné à l'administration de l'association et à la réunion de ses membres; 3° les immeubles strictement nécessaires au but qu'elle se propose.

Cette personnalité est bien pauvre, bien insuffisante. C'est en vain que la liberté a été donnée aux associations; elles n'en sauront que faire. En tout cas, l'avantage qu'une association trouve à être déclarée est si faible, que la L. 1901 n'a pas amélioré pratiquement, effectivement la situation antérieure.

557. les associations reconnues d'utilité publique. Cette reconnaissance a lieu par un décret rendu en la forme des règlements d'administration publique (L. 1er juillet 1901, art. 10). Elle serait retirée, le cas échéant, par un décret analogue. La concession et le retrait sont laissés par la loi à l'appréciation du Chef de l'Etat, appréciation d'opportunité, qui ne peut faire l'objet d'un recours contentieux.

Les associations reconnues d'utilité publique jouissent d'une capacité relativement étendue. Elles << peuvent faire tous les actes de la vie civile qui ne sont pas interdits par leurs statuts >> (art. 11). A cette formule large, la L. 1er juillet 1901 elle-même apporte d'importantes restrictions.

<< Elles ne peuvent posséder ou acquérir d'autres immeubles que ceux nécessaires au but qu'elles se proposent » (art. 11). Et la loi ne distingue pas entre

les acquisitions à titre gratuit et les acquisitions à titre onéreux. Cette disposition est dictée par la crainte, traditionnelle chez le législateur français, de la mainmorte immobilière; crainte un peu étrange de notre temps, où la richesse mobilière est bien plus considérable que la richesse immobilière; - peut-être aussi par le désir d'augmenter la foule déjà nombreuse de ceux qui placent leurs fonds en rentes sur l'Etat français; ceci n'est pas sans danger, une association qui jetterait sur le marché financier une quantité considérable de rentes pourrait susciter un trouble plus grave que la mainmorte immobilière.

<< Toutes les valeurs mobilières d'une association doivent être placées en titres nominatifs » (art. 11); précaution qui garantit l'association contre les détournements de ses agents.

Les associations reconnues d'utilité publique « peuvent recevoir des dons et des legs dans les conditions prévues par l'art. 910 C. civ. et l'art. 5 de la loi du 4 février 1901 » (art. 11). Il résulte de ces derniers textes qu'une libéralité adressée à une association a besoin d'être validée par une autorisation administrative, qui est donnée par un arrêté préfectoral en général, par un décret en Conseil d'Etat quand la libéralité consiste en immeubles ayant une valeur supérieure à 3.000 francs. Cette formalité a pour but principal d'assurer l'observation du principe de spécialité, d'empêcher que les associations acquièrent << d'autres immeubles que ceux nécessaires au but qu'elles se proposent ». Si cette condition n'est pas observée, la libéralité n'est pas nulle: « Les immeubles compris dans un acte de donation ou dans une disposition testamentaire qui ne seraient pas nécessaires au fonctionnement de l'association sont aliénés dans les délais et la forme prescrits par le décret ou l'arrêté qui autorise l'acceptation de la libéralité; le prix en est versé à la caisse de l'association »> (L. 1er juill. 1901 art. 11).

Enfin « elles ne peuvent accepter une donation mobilière ou immobilière avec réserve d'usufruit au profit du donateur » (même texte). Cette réserve, qui empêche le donateur de souffrir de la donation, rendrait les donations trop fréquentes au gré de la loi.

558. L'association cesse d'exister, d'une part, pour les causes qui lui mettent fin selon le droit privé, d'autre part par la dissolution qui est réglée par la L. 1er juillet 1901.

La dissolution est prononcée :

tantôt par l'autorité judiciaire. Il en est ainsi : 1° quand l'association tombe sous le coup de l'art. 3. L'art. 7 dit qu'en ce cas «< la dissolution de l'association sera prononcée par le tribunal civil, soit à la requête de tout intéressé, soit à la diligence du ministère public »; -2° quand les dispositions de l'art. 5 ont été violées. L'art. 7, § 2, dispose de même que pour le cas précédent. Si, malgré le jugement de dissolution, l'association se maintient ou se reconstitue, les fondateurs, directeurs ou administrateurs encourent des peines (16 à 5.000 francs d'amende, six jours à un an de prison) (art. 8). Les mêmes peines sont encourues par «< toutes les personnes qui auront favorisé la réunion des membres de l'association dissoute, en consentant l'usage d'un local dont elles disposent » (même texte).

tantôt par un décret en conseil des ministres. Cette mesure menace les associations composées en majeure partie d'étrangers, celles ayant des administrateurs étrangers ou leur siège à l'étranger et dont les agissements seraient de nature soit à fausser les conditions normales du marché des valeurs ou des marchandises, soit à menacer la sûreté intérieure ou extérieure de l'Etat dans les conditions prévues par les articles 75 à 101 du Code pénal » (art. 12). Les peines précitées s'appliquent dans le cas où l'association ainsi dissoute se maintiendrait ou se reconstituerait. Le décret de dissolution est sujet, selon le droit commun,

« PreviousContinue »