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pensions dues aux congréganistes et revendication des ayants droit, le reliquat « servira à augmenter les subventions de l'Etat pour construction ou agrandissement de maisons d'écoles et à accorder des subsides pour locations ». Si la congrégation est autorisée à plusieurs titres, les biens affectés aux services scolaires sont affectés aux autres services statutaires (art. 5).

CHAPITRE XXXVIII

DE LA LIBERTÉ DU TRAVAIL, DU COMMERCE
ET DE L'INDUSTRIE

569. Elle n'est pas proclamée par la Déclaration de 1789, sans doute parce qu'elle découle naturellement de la liberté individuelle. Si l'homme est libre dans son corps, il est libre de l'employer à tel travail, à telle occupation qui lui convient. Cependant, les C. 1793 (Décl., art. 17) et 1848 (art. 13) ont une affirmation formelle à ce sujet.

Au reste, les idées se sont profondément modifiées au sujet de cette liberté, du moins pour les relations qui s'établissent soit entre les travailleurs manuels, soit entre ceux-ci et ceux qui les emploient. Au contraire, la question des rapports entre les professions et l'Administration n'a pas sensiblement changé de principe.

570. Sur le premier point et en ce qui concerne l'organisation intérieure du travail, le droit issu immédiatement de la Révolution est fondé sur un individualisme absolu; le droit contemporain admet une intervention importante et positive de la loi et de l'Administration, et tend à considérer les employeurs et les employés comme deux groupes compacts et opposés, entre lesquels (et non entre leurs membres) les relations juridiques doivent s'établir.

L'Assemblée de 1789 conçoit la liberté du travail tout simplement comme la destruction des jurandes et maîtrises. Parmi les décisions votées pendant la nuit du 4 août figure celle de réformer les jurandes. La L. 2-17 mars 1791 supprime les jurandes et les

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maîtrises; elle déclare : <«< Il sera libre à toute personne de faire tel négoce ou d'exercer telle profession, art ou métier qu'elle trouvera bon » (art. 7).

Elle réserve seulement l'établissement d'un impôt et de règlements de police. Allant plus loin, trop loin, la L. 14-17 juin 1791 interdit « de rétablir de fait, sous quelque prétexte et quelque forme que ce soit..., toutes les espèces de corporations des citoyens du même état ou profession », comme contraires à « une des bases fondamentales de la constitution française » (art. 1). Elle continue en prohibant les coalitions et les grèves, comme « attentatoires à la liberté et à la déclaration des droits » (art. 4).

571. Ces principes, appuyés sur les principes relatifs aux associations, durèrent longtemps. Ils inspirent le Code civil, qui traite le louage de services ou contrat de travail comme toute convention entre deux particuliers libres, égaux et maîtres de leurs droits; - le Code pénal, dont les art. 414 à 416 punissent les coalitions et les grèves.

Ils restreignaient, il est vrai, la liberté des patrons comme celle des ouvriers; mais outre que le Gouvernement tolérait les associations patronales et non les associations ouvrières, cette législation appliquait des idées fausses. On a vu (no 544) ce qu'il faut penser de l'association. Pour le moment, on remarquera que si le patron et l'ouvrier sont juridiquement égaux, ils ne le sont pas pratiquement le patron dispose d'une force économique, le capital, qui manque au travailleur; la véritable égalité, la liberté de l'ouvrier ne sont assurées que si le contrepoids de l'association s'oppose à cette force économique. Pour la même raison, la coalition et la grève, tant qu'elles n'usent pas de violences, sont pour les travaillenrs des ressources indispensables. Elles doivent aussi être mises à la disposition des patrons.

Ces vérités, dès longtemps enseignées, triomphèrent un moment en 1848. Les émeutes ouvrières com

promirent ce succès éphémère et le régime ancien reprit. On a vu (no 547) cependant que de nombreuses associations s'étaient formées les unes avec l'autorisation, les autres sous la tolérance des pouvoirs publics.

572. La législation se décida enfin. La L. 25 mai 1864 reconnut implicitement le droit de coalition et de grève. Dans les lois qui ont suivi et qui, pour la plupart, datent de la Troisième République, deux groupes se séparent les unes donnent aux initiatives individuelles une liberté et des ressources nouvelles; les autres règlent impérativement certaines conditions du travail.

573. Dans le premier groupe, la loi la plus importante est celle du 21 mars 1884 relativement aux syndicats professionnels, analysée à propos de la liberté d'association (no 549). A la rigueur, on peut y joindre les textes qui encouragent la formation des associations professionnelles.

La liberté du syndicat, de la coalition et de la grève ne doit pas dégénérer dans l'obligation sanctionnée par la violence. Si les ouvriers ont le droit de se syndiquer et de faire grève, chacun d'eux garde la liberté de ne pas se syndiquer et de travailler malgré la grève des autres. Et comme, par malheur, la grève n'est pas toujours pacifique, comme les grévistes usent parfois de violences pour empêcher les nongrévistes de travailler, la loi et le Gouvernement ont le devoir d'assurer la liberté de tous. Les art. 414 et 415 C. P. frappent de peines spéciales les violences et voies de fait qui portent atteinte au libre exercice de l'industrie ou du travail. Le Gouvernement, lorsqu'une grève éclate, prend des mesures militaires propres à garantir l'ordre et la sécurité, tant des patrons que des ouvriers qui veulent travailler. Parfois quand la grève menace un service public (transport des correspondances par mer) ou un besoin de première nécessité (pain), le Gouvernement supplée les grévistes

par des marins ou des soldats. Au mois d'octobre 1910, il a même eu recours à la mobilisation militaire pour combattre une grève des chemins de fer.

Par contre, les D. 17 sept. 1900 et 2 janv. 1901, en organisant des conseils électifs du travail, réservaient l'électorat aux membres des syndicats formés selon la L. 21 mars 1884. Cette règle est difficile à justifier : en droit, on ne peut affirmer que seuls les ouvriers syndiqués constituent le monde du travail; une pareille affirmation serait contraire à la liberté de se syndiquer ou de ne pas se syndiquer; en fait, les ouvriers syndiqués sont trop peu nombreux au regard des nonsyndiqués pour que cette dernière catégorie soit écartée. La L. 17 juill. 1908, art. 5, a admis à cet électorat tous les ouvriers.

574. Le second groupe comprend un très grand nombre de lois modernes qui ont réglé de façon obligatoire plusieurs points. Les plus importants sont :

la limitation des heures de travail (D. 9 sept. 1848, L. 16 fév. 1883, 30 mars 1900). La journée de l'ouvrier dans les manufactures et les usines ne peut excéder douze heures de travail effectif; pour les établissements qui emploient dans les mêmes locaux des hommes et aussi des femmes ou des enfants, elle ne peut dépasser dix heures. Les inspecteurs du travail constatent les infractions, qui sont punies d'autant d'amendes qu'il y a d'ouvriers indûment occupés. Ces textes ne concernent ni les ouvriers employés dans des ateliers, ni les travailleurs agricoles, ni les employés de commerce et de magasin. Elles sont soumises à quelques exceptions, dont les unes visent les travaux énumérés par le D. 17 mai 1851, et les autres, des industries déterminées ou les cas de force majeure. En outre, certaines industries sont réglées particulièrement (L. 29 juin 1905 sur le travail dans les mines, durée de la journée : huit heures) (art. 1);

le repos hebdomadaire. La L. 13 juill. 1906 « interdit d'occuper plus de six jours par semaine un

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