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CHAPITRE VI

LA CONSTITUTION DE L'AN. HIL

56. La C. 1793, qui ne fixait pas de date pour sa mise en activité, ne fut jamais appliquée. Dès la chute des Girondins, le pouvoir effectif était aux mains des Comités de salut public et de sûreté générale, de la Commune de Paris, des clubs. Les troubles intérieurs et les dangers extérieurs concouraient à rendre impossible le fonctionnement des institutions régulières. La L. 19 vendémiaire An I déclara le gouvernement « révolutionnaire jusqu'à la paix » (art. 1er), plaça le conseil exécutif (composé des six ministres, D. 15 août 1792), les généraux, tous les corps constitués sous la surveillance du Comité de salut public, qui devait, tous les huit jours, rendre compte à la Convention (art. 2).

Le gouvernement révolutionnaire fut organisé par la L. 14 frimaire An II, qui plaça dans la Convention « le centre unique de l'impulsion du gouvernement » (sect. 11, art. 1er). Les corps constitués et les fonctionnaires furent mis sous l'inspection des Comités de salut public et de sûreté générale, qui devaient rendre compte à la Convention tous les mois (art. 2). Le Comité de salut public était en outre chargé « des opérations majeures en diplomatie» (sect. u, art. 1er). Les représentants en mission aux armées étaient sous sa dépendance, devaient correspondre avec lui tous les dix jours (art. 2) ne pouvaient suspendre les généraux sans lui en référer. D'autres représentants devaient aller épurer les autorités locales, également subordonnées aux Comités (sect. iv, art. 2).

La L. 12 germinal An 11 supprima le conseil exécutif

et les ministères, et institua douze commissions composées en général de deux membres et d'un adjoint. La Convention les nommait sur la présentation du Comité de salut public, auquel, d'ailleurs, elles étaient subordonnées. La L. 7 fructidor An 11 porta leur nombre à 16. Le célèbre tribunal révolutionnaire fut créé par la L. 22 prairial An II.

Le gouvernement révolutionnaire, tyrannique et fort, succomba le 9 thermidor An 1 avec Robespierre, après avoir décimé la Convention. Les représailles ne furent guère moins cruelles, jusqu'au jour où les partis terrifiés songèrent à se contenir réciproquement par une constitution.

57. La C. 5 fructidor An ш remplaça celle de 1793 sans que celle-ci eût été expressément abrogée, tant elle semblait impossible. La commission, nommée le 1 germinal An III pour préparer les lois organiques de la C. 1793, reconnut que celle-ci était inapplicable et proposa un nouveau projet. Le rapport de Boissy d'Anglas fut déposé le 5 messidor An ; la discussion commença le 16 messidor, et fut terminée le 30 thermidor. La Convention abandonna avec empressement les principes dont elle venait de faire l'expérience, adopta les doctrines notablement différentes, et prit des précautions contre le retour du gouvernement révolutionnaire et la tyrannie d'une Assemblée.

58. La C. An III comprend une déclaration des droits en 22 articles, une déclaration des devoirs en 9 articles, un préambule en 2 articles, 14 titres comptant 375 articles.

La Déclaration des droits proclame (art. 1) : la liberté, qui « consiste à pouvoir faire ce qui ne nuit pas aux droits d'autrui » (art. 2) - l'égalité, qui «< consiste en ce que la loi est la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » (art. 3) la sûreté, qui « résulte du concours de tous pour assurer les droits de chacun » (art. 4) - la propriété, « droit de jouir et de disposer de ses biens, de ses revenus,

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du fruit de son travail et de son industrie » (art. 5). On retrouve la définition de la loi, expression de la volonté générale (art. 6), les prescriptions édictées en faveur de la liberté individuelle (art. 7 à 14), les règles connues sur l'engagement des services (art. 15), les contributions (art. 16), la définition de la souveraineté (art. 17, 18, 19), le droit des citoyens de concourir à la formation de la loi et aux élections (art. 20), la séparation des pouvoirs et la responsabilité des fonctionnaires publics (art. 22). « Les fonctions publiques ne peuvent devenir la propriété de ceux qui les exercent >> (art. 21).

La Déclaration des devoirs est plus vague. « La déclaration des droits contient les obligations des législateurs... » (art. 1). « Tous les devoirs de l'homme et du citoyen dérivent de ces deux principes, gravés par la nature dans tous les cœurs : Ne faites pas à autrui ce que vous ne voudriez pas qu'on vous fit Faites constamment aux autres le bien que vous vou driez en recevoir » (art. 2). Plus précisément, chacun doit respecter les lois et leurs organes (art. 3, 5, 6, 7), donner << ses services à la patrie et au maintien de la liberté, de l'égalité et de la propriété, toutes les fois que la loi l'appelle à les défendre » (art. 8 et 9). « Nul n'est bon citoyen s'il n'est bon fils, bon père, bon frère, bon ami, bon époux »> (art. 4).

Le préambule (art. 1er, 2) proclame que la République française est une et indivisible et que l'universalité des citoyens français est le souverain.

TITRE ler Division du territoire (art. 3-7). Le territoire est divisé en départements subdivisés en cantons et en communes. La Constitution s'applique aux colonies, divisées aussi en départements.

TITRE II Etat politique des citoyens (art. 8-16) Le droit de vote et l'accès des fonctions publiques sont réservés aux citoyens. Les conditions se rapprochent de celles de 1791, mais l'âge est abaissé à 21 ans; il faut savoir lire, écrire, exercer une profession méca

Il y

TITRE III: Assemblées primaires (art. 17-32). a dans chaque canton une ou plusieurs assemblées primaires, comptant entre 450 et 900 citoyens ayant un an de résidence dans le canton; elles se réunissent de plein droit le 1er germinal de chaque année pour élire les électeurs et divers fonctionnaires; elles sont convoquées pour la révision de la Constitution.

Le vote est secret. La corruption est punie de la perte temporaire, puis définitive des droits de citoyen. Nul ne peut paraître armé à l'assemblée, voler deux. fois ou par procuration.

TITRE IV Assemblées électorales (art. 33-43). Chaque assemblée primaire nomme annuellement de un à quatre électeurs, rééligibles après deux ans. Les conditions requises sont, outre la qualité de citoyen, l'âge de 25 ans, la possession comme propriét ire, 1 usufruitier, ou locataire d'un bien d'une valeur déterminée. L'assemblée électorale de chaque département se réunit pour dix jours au plus le 20 germinal de chaque année. Elle élit les membres du Corps législatif, du tribunal de cassation, des tribunaux civils et criminels, les hauts jurés, les administrateurs du département. Elle ne peut, sans commettre un attentat à la sûreté générale, se réunir spontanément, correspondre avec d'autres assemblées, recevoir des pétitions, émettre des vœux. Ses opérations ne sont vérifiées que par le Corps législatif; mais le commissaire départemental du Directoire peut se faire communiquer les procès-verbaux et dénoncer les infractions à la Constitution.

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TITRE V Pouvoir législatif (art. 44-131). Dispositions générales (art. 44-72). Le Corps législatif se compose de deux assemblées, renouvelées par tiers tous les ans. Il est permanent, mais peut s'ajourner; il se réunit de plein droit le 1er prairial de chaque année. Il n'a aucune part au pouvoir exécutif et au pouvoir judiciaire; il ne peut déléguer ses attributions, ni créer des comités permanents. Ses membres ne peuvent

accepter des fonctions publiques, ni garder leurs sièges plus de six années consécutives, après lesquelles un intervalle de deux ans est nécessaire. Ils représentent la nation entière. Leur indemnité est fixée à la valeur de trois mille myriagrammes de froment.

La population est l'unique base de la représentation, fixée tous les dix ans par le Corps législatif. Il n'y a pas lieu à élections partielles, à moins que l'un des Conseils ne perde plus d'un tiers de ses membres.

Les deux Conseils siègent séparés, mais dans le même lieu, et publiquement. Ils nomment leur bureau chaque mois et ont la police sur leurs membres et dans leur résidence. Ils n'assistent à aucune cérémonie publique. Ils ont une garde.

Conseil des Cinq-Cents (art. 73-81). Ses membres doivent avoir l'âge de 30 ans et résider en France depuis dix ans au jour de leur élection. Il a seul l'initiative des lois.

Conseil des Anciens (art. 82-109). Il compte 250 membres. Les conditions requises sont : l'âge de 40 ans, la qualité de marié ou veuf, la résidence eu France depuis quinze ans. Il approuve ou rejette les résolutions votées par l'autre Conseil, sans pouvoir les amender. La résolution approuvée devient une loi; la résolution rejetée ne peut être représentée avant un an. Les Anciens ont seuls le droit de changer la résidence du Corps législatif; leur décret est exécutoire sous peine d'attentat à la sûreté de l'Etat.

Garantie des membres du Corps législatif (art. 110123). Ils sont irresponsables et inviolables, sauf le cas de flagrant délit ou l'autorisation du Corps législatif. Celui-ci peut les renvoyer devant la Haute-Cour pour des faits déterminés; ils sont alors suspendus. L'inviolabilité commence au jour de l'élection et cesse trente jours après la fin des fonctions.

Relations des deux Conseils entre eux (art. 124-127). Ils s'avertissent l'un l'autre de leur constitution et correspondent par quatre messagers élus. L'un des

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