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oublier qu'il a confisqué toutes les libertés et déprimé les caractères? L'ingrate versatilité, qui s'étala dès la première défaite jusqu'à la catastrophe finale, en était le fruit naturel; elle en fut aussi l'exemplaire châtiment.

67. Le Sénat du Premier Empire rendit un grand nombre de Scs. J'en relève seulement deux. Celui du 19. août 1807 supprime tacitement le Tribunat en donnant la discussion des lois à trois commissions de 7 membres nommées par le Corps législatif; la commission compétente débat le projet devant le Corps législatif, contradictoirement avec les orateurs du Conseil d'Etat. Le même acte exige l'age de 40 ans pour les membres du Corps législatif (art. 10). Celui du 15 nov. 1813 donne à l'Empereur la nomination du président du Corps législatif (art. 1er):

CHAPITRE VIII

LA CHARTE DE 1814 ET L'ACTE ADDITIONNEL (1)

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68. Le Scs. An x, art. 54, donnait au Sénat le droit de pourvoir aux cas non prévus; ce texte suggéra à Talleyrand une ressource, après la capitulation de Paris (30 mars 1814). 64 sénateurs (sur 142) répondirent à sa convocation et nommèrent un Gouvernement provisoire des membres, chargé de rédiger une Constitution dont les principes étaient indiqués (1er avril 1814). Les mêmes sénateurs votèrent, le 3 avril, la déchéance de Napoléon Ier et de sa dynastie, sous le prétexte de nombreuses violations de la Constitution, que le Sénat avait approuvées ou tolérées.

Ce vote fut ratifié le 4 avril par 77 voix sur 303 membres français du Corps législatif.

L'Empereur abdiqua le 4 avril, sous la condition que sa dynastie et les institutions actuelles seraient maintenues, puis le 11 avril, sans conditions.

Mais déjà le Gouvernement provisoire avait proposé un projet de constitution et le Sénat l'avait voté (3 et 6 avril). Le Corps législatif donna son adhésion le 7 avril.

69. Les principes indiqués dans l'acte du 1er avril 1814 étaient la conservation du Sénat et du Corps législatif, sauf les réformes exigées par la liberté des élections et des opinions; - le maintien des droits et avantages des militaires; la consécration de la dette publique et des ventes de biens nationaux; la liberté des cultes, de conscience et de la presse; l'amnistie pour toutes les opinions politiques.

(1) V. Duvergier de Hauranne, Histoire du Gouvernement parlementaire en France, 10 vol. in-8° (1857-1871).

La Constitution du 6 avril 1814 se compose de 29 articles sans classification et même sans ordre.

Elle rétablit, au profit de Louis XVIII et des Bourbons, la monarchie héréditaire de mâle en mâle par ordre de primogéniture (art. 1er). Le roi, inviolable (art. 21), a le pouvoir exécutif (art. 4), la sanction des lois, le droit d'inviter les Chambres à s'occuper d'un objet (art. 5), le droit de grâce, la nomination directe du ministère public et des premiers présidents, la nomination des magistrals sur la présentation du tribunal (art. 19). I jure fidélité à la Constitution (art. 29).

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Le Sénat compte de 150 à 200 membres, nommés par le roi au titre héréditaire (art. 6); les princes y siègent à leur majorité (art. 7); les sénateurs de l'empire y entrent de droit (art. 6). Le Sénat siège publiquement ou secrètement, à son gré (art. 8).

Le Corps législatif est élu tous les cinq ans par les collèges électoraux (art 9). Il se réunit de plein droit le 1er octobre de chaque année. Il peut être convoqué extraordinairement par le roi; il peut être dissous, mais doit être remplacé dans les trois mois (art 10). I discute et vote les lois. 11 siège publiquement, à moins d'un vote contraire (art. 11).

Les deux Chambres ont l'initiative des lois; les lois de finances doivent commencer au Corps législatif (art. 5).

Leurs membres sont inviolables, à moins d'autorisation de la Chambre; ils ne peuvent être jugés que par le Sénat (art. 13).

Les ministres peuvent être pris dans leur sein. (art. 14); ils contresignent les actes royaux et en sont responsables (art. 21).

70. Cette Constitution égoïste, œuvre d'un Sénat déconsidéré, était inacceptable. Louis XVIII, que l'exil avait convaincu de réformes nécessaires, sans le guérir de toutes ses illusions, l'écarta, après quelques hésitations, par la célèbre Déclaration datée de Saint-Ouen

(2 mai 1814), dans laquelle il se dit rappelé par l'amour de son peuple.

Il promettait un gouvernement représentatif, deux Chambres votant l'impôt, la responsabilité des ministres devant les Chambres, dont l'une aurait le droit d'accusation et l'autre jugerait; il garantissait la liberté individuelle, la liberté des opinions, des votes, de la presse, des cultes, le droit de propriété, la dette publique, les pensions, grades et honneurs de l'armée, l'ancienne et la nouvelle noblesse, la Légion d'honneur, l'admissibilité de tous les citoyens aux emplois et aux grades, l'inamovibilité et l'indépendance du pouvoir judiciaire.

Le 18 mai, il désigna neuf sénateurs, neuf députés, trois commissaires royaux et le chancelier pour appliquer ces idées. La Charte, rédigée par les commissaires, approuvée par la commission et par le roi, fut octroyée dans la séance d'ouverture de la session législative, le 4 juin 1814.

71. La Charte débute par un préambule qui en déduit les motifs. « Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre », constate les obligations que lui impose son retour, le désir de tous vers la paix et vers une charte constitutionnelle. Il considère que ses prédécesseurs n'ont pas hésité à modifier, suivant les temps, l'exercice de l'autorité entière qui réside dans la personne du roi, et que le temps présent réclame une charte où, dans l'intérêt même des peuples, l'autorité monarchique soit restaurée et les institutions retrempées dans le passé. « A ces causes, nous avons volontairement et par le libre exercice de notre autorité royale, accordé et accordons, fait concession, et octroi à nos sujets, tant pour nous que pour nos successeurs, et à toujours, de la Charte constitutionnelle qui suit »>.

Elle compte 76 articles rangés sous 8 rubriques. Droit public des Français (art. 1-12). La Charte reconnaît l'égalité devant la loi, au point de vue des

impôts et des emplois publics; la liberté individuelle; la liberté des cultes; cependant la religion. catholique est la religion de l'Etat, et ses miniștres sont seuls salariés; la liberté de publier et faire imprimer les opinions; -l'inviolabilité des propriétés, y compris les propriétés nationales. Elle promet l'oubli aux opinions et votes émis avant la Restauration. Elle abolit la conscription militaire.

Formes du gouvernement du roi (art. 13-23). — Le roi, inviolable est sacré, est couvert par les ministres responsables. Il a le pouvoir exécutif, commande les armées, déclare la guerre, fait les traités, nomme à tous les emplois. Il propose, sanctionne et promulgue les lois; il fait les règlements pour l'exécution des lois et la sûreté de l'Etat. Sa liste civile est fixée au début de chaque règne.

Il propose la loi à l'une ou à l'autre Chambre, à son choix; la loi de l'impôt doit être portée d'abord à la ✦ Chambre des députés. Les deux Chambres, d'un còmmun accord, peuvent supplier le roi de proposer une loi sur tel objet et en indiquent le contenu désirable. <«< Toute lọi doit être discutée et votée librement par la majorité de chacune des deux Chambres ».

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De la Chambre des pairs (art. 24-34). « Portion essentielle de la puissance législative », elle commence et finit sa session en même temps que la Chambre des députés. Le Roi nomme les pairs en nombre illimité, au titre viager ou héréditaire; aucune condition n'est exigée pour la pairie, sauf l'âge. Les pairs siègent à l'âge de 25 ans et votent à 30 ans ; les princes du sang sont pairs de droit et votent à 25 ans, mais il ne siègent que sur l'ordre du Roi.

La Chambre des pairs est présidée par le chancelier, à son défaut, par un pair désigné par le Roi. Elle juge les crimes de haute trahison et les attentats à la sûreté de l'Etat. Ses délibérations sont secrètes. Elle seule peut autoriser l'arrestation d'un pair et le juger.

De la Chambre des députés des départements (art. 35

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