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constitutionnel des voix et des plumes. C'est le moment où Benjamin Constant publie son Cours de politique constitutionnelle, 1818 à 1820; Chateaubriand, de nombreux écrits politiques et surtout la Monarchie selon la Charte, 1816, et Guizot, son Gouvernement représentatif, 1816. L'application et l'interprétation de la Charte donnent lieu à d'importants débats parlementaires avec des orateurs comme Royer-Collard, Laîné, de Serre, Decazes, de Villèle, Martignac, Camille Jordan, Manuel, de Bonald, Foy, Benjamin Constant, de Broglie et tant d'autres. Une présse ardente et instruite, où Thiers et Mignet tiennent les premiers rangs, travaille de son côté à fonder ou à combattre le régime représentatif et parlementaire.

Avec la Révolution de 1830, l'âge héroïque est fini. Les institutions sont mieux réglées, moins fiévreusement étudiées. Les livres de doctrine paraissent, ainsi celui de Berriat-Saint-Prix (Commentaire sur la Charte constitutionnelle, 1836), surtout celui de Tocqueville (De la démocratie en Amérique, 1835-1840). Le droit constitutionnel est enseigné par Rossi à la Faculté de droit de Paris depuis 1834. La tribune est occupée par Casimir-Perier, Berryer, Thiers, Guizot, Lamartine, Ledru-Rollin, Dupin, Marrast, Dufaure, elc.

Après la crise de 1848 et la phase dictatoriale du Second Empire, les idées libérales reprennent à la fois de la faveur, de la force et de l'éclat. Elles s'expriment surtout en deux ouvrages considérables, La France nouvelle de Prévost-Paradol (1868) et les Vues sur le gouvernement de la France du duc de Broglie (1870). La parole est représentée par Rouher, Thiers, Emile Ollivier, Jules Favre, Jules Simon, Gambetta, etc.

Sous la troisième République, les travaux relatifs au droit constitutionnel sont devenus si nombreux qu'il est difficile de les mentionner. L'entrée du droit constitutionnel dans le programme de la licence en droit a consacré l'importance qu'avaient donnée à ces études, avant 1870, les débats à la Constituante de

1848 et la lutte pour la liberté publique sous le Second Empire, et depuis 1870, les travaux relatifs aux lois. constitutionnelles de 1875 et à leur revision en 1879 et en 1884. La presse contemporaine, qui accorde aux débats parlementaires une place considérable, permet de suivre jour par jour le fonctionnement des institutions politiques, le développement de la coutume constitutionnelle.

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6. On donne le nom d'Etat à toute société humaine complète (c'est-à-dire ayant une population, un territoire, un gouvernement) et distincte. Dans d'autres sens, voisins de celui-ci, le même mot sert à désigner la personnification juridique de cette société, et aussi les institutions qui organisent celte société et cette personne juridique.

7. L'origine de l'Etat est discutée. Les uns la trouvent dans le contrat social. Les hommes auraient d'abord vécu dans un état de nature, qui les laissait indépendants et isolés. Leur convention unanime. aurait plus tard formé la société, qui leur donne les avantages de la vie commune et qui restreint leur indépendance, sauf à la leur restituer sous la forme de droits politiques. A cette doctrine, on a justement objecté que ni l'état de nature ni le contrat social n'ont jamais été constatés, et qu'ils sont contraires à ce qu'on sait de plus positif sur la nature humaine et sur l'histoire de l'humanité.

Le groupement des hommes en Etats est un fait commun à tous les temps et à toutes les contrées; c'est la manifestation universelle d'un attribut de la nature humaine, la sociabilité. Il n'est l'effet ni des combinaisons du hasard, ni des caprices arbitraires des hommes; c'est un phénomène naturel, dû à l'action

de causes naturelles. Pour que l'Etat existe, il ne suffit pas que plusieurs hommes vivent ensemble, habitent le même territoire, reçoivent les mêmes lois d'un même pouvoir; il faut entre eux une suffisante communauté de race, de langue, de religion, de civilisation, de mœurs publiques et privées, d'organisation sociale, politique, économique, domestique; il faut encore que le temps ait donné aux liens ainsi formés la consécration de la durée.

8. On discute aussi si l'Etat est un but ou un moyen : un bul, en sorte que l'intérêt collectif doive toujours l'emporter sur l'intérêt individuel, et que les droits des particuliers soient subordonnés aux nécessités de l'Etat; -un moyen, en sorte qu'il existe uniquement pour rendre aux hommes des services que l'association seule peut fournir, et que les intérêts de l'Etat doivent toujours céder devant ceux des individus.

Si on considère que l'Etat a une durée beaucoup plus longue que la vie de l'individu, et qu'en lui les individus apparaissent et disparaissent, sans qu'il semble en général être affecté par ce mouvement continuel, on aura peine à admettre que l'Etat n'existe pas par lui-même et pour lui-même. Comment expliquer autrement que chaque génération d'hommes puisse imposer aux générations futures les lois qu'elle promulgue, les dettes qu'elle contracte, les traités qu'elle conclut? On prétend à tort que cette conception conduit à la tyrannie, à l'oppression de l'individu; car, abstraction faite de toute idée de justice, l'Etat ne peut exiger des individus que ce qui est indispensable pour la conservation de la société, et ses droits ont dans leur principe même, qui est l'existence indépendante de l'Etat, leur limite. Cette doctrine en revanche professe que l'individu ne peut faire servir l'Etat à la satisfaction de ses besoins égoïstes et momentanés, et qu'un bon gouvernement ne doit perdre de vue ni le passé, ni l'avenir, ni la tradition, ni les générations futures.

II

La souveraineté.

9. On a vu (no 6) que le Droit assimile l'Etat à une personne. Cette personne est nettement distincte et des individus qui la composent et des personnes similaires, les autres Etats. En un mot, elle est un individu; en son individualité consiste la souveraineté.

La souveraineté de l'Etat est externe ou interne, selon qu'on étudie ses rapports avec les autres Etats ou avec ses propres membres. La souveraineté externe est l'affirmation de l'existence propre et autonome de l'Etat au regard des autres Etats; la souveraineté interne est l'affirmation de l'existence de l'Etat au regard des autres collectivités qu'il contient et des particuliers.

La souveraineté externe et ses conséquences sont étudiées par le Droit international public.

La souveraineté interne signifie que l'être collectif de l'Etat, avec les intérêts nationaux et permanents, existe en dehors et au-dessus des individus éphémères qui le composent. Les particuliers lui doivent obéissance, sinon la société se dissoudrait dans le désordre et l'anarchie; et s'ils manquent à leur devoir, la force peut les contraindre.

Ainsi les pouvoirs de commander et de contraindre découlent de la souveraineté; mais ils ne se confondent pas avec elle, et sont seulement deux manifestations juridiques de l'existence de l'Etat.

10. Cette notion de la souveraineté conduit directement à la théorie de la souveraineté nationale. C'est la nation en effet qui forme l'Etat, et la souveraineté réside naturellement dans la nation tout entière. Je dis: la nation entière, et non pas seulement les citoyens investis des droits politiques, de l'électorat. De même que tous les individus, sans distinction d'âge, de sexe

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